lundi 26 mars 2018

Du sens de la baisse des marchés après les annonces protectionnistes de Trump

Les marchés n’avaient déjà guère apprécié les annonces protectionnistes de Trump sur l’acier. Pourtant, en quelques jours, les exemptions se sont multipliées (après le Mexique et le Canada, les pays européens), en limitant la portée. Mais la dernière salve du président des Etats-Unis contre la Chine a provoqué une nouvelle déprime boursière. Que penser de cette réaction ?


Mais quels intérêts sont réellement menacés ?

Pour les analystes à courte vue, tout est simple : les méchantes mesures protectionnistes du méchant Trump menaceraient l’économie et la croissance de la planète en déclenchant une guerre commerciale. D’un côté, il y aurait les gentils libre-échangistes et les méchants protectionnistes et la réaction des bourses mesurerait le danger de ces mesures pour l’intérêt général planétaire. Passons sur le caractère manichéen et totalement superficiel de cette lecture. Le monde n’est pas en noir et blanc sur le libre-échange, nous sommes dans des nuances de gris, même si les pays européens se rapprochent d’un extrême, quand les pays asiatiques ont choisi une position plus équilibrée.


Mais le plus effarant n’est-il pas le fait de prendre la réaction des bourses comme la mesure du danger que représenteraient les mesures protectionnistes de Trump ? En quoi les bourses ont-elles démontré être des boussoles de l’intérêt général ces dernières décennies, ces bourses « exubérantes et irrationnelles », en pleine bulle, la troisième des vingt dernières années ? Ces bourses ne sont la boussole que des intérêts très limités et ultra-minoritaires des actionnaires des grandes entreprises. Pire, leur succès n’est pas absolument pas partagé, et il se paye depuis plus de trente ans, d’inégalités croissantes, d’une instabilité violente et d’une dégradation de l’état général de la planète.

Bref, le fait que les bourses baissent quand Trump annonce des mesures protectionnistes indique sans doute que le protectionnisme fait perdre les actionnaires des grandes entreprises. Et comme leurs gains sont souvent les pertes de tous les autres, on peut en déduire que leurs pertes sont les gains de tous les autres. D’ailleurs, le dernier coup de tabac des marchés n’avait-il pas été provoqué par une hausse un peu plus rapide que prévue des salaires aux Etats-Unis ? Bref, les réactions des marchés financiers indiquent sans doute, de manière inversée, le sens de l’intérêt général, et ici, ils indiquent que le protectionnisme, c’est l’intérêt général, contre ceux des actionnaires des grands groupes.

L’importance de leur réaction en dit long sur l’importance du sujet, tant le soufflé protectionniste sur l’acier est retombé avec l’exclusion des pays européens. D’ailleurs, les annonces de Donald Trump sur la Chine sont finalement modérées : seuls 60 milliards de marchandises sont visées, pour un déficit d’au moins 375 milliards. Beaucoup de bruit pour une cible de seulement 16% du déficit bilatéral : il ne s’agit pas d’une guerre comme le disent des média à courte vue, mais d’un petit ajustement. Pour une fois, le président des Etats-Unis pêche sans doute par excès de mesure, révélant de facto à nouveau un biais plus favorable aux intérêts du monde des affaires qu’à ceux de son peuple.


Les marchés financiers sont décidément incorrigibles. Outre le fait de célébrer dans le champagne toute annonce de destructions d’emplois, voilà qu’après s’être inquiétés d’une hausse des salaires de 2,9%, signifiant seulement que toute la croissance ne revient plus aux 1%, de modestes annonces protectionnistes leur font bien peur. Ce faisant, ils indiquent ce qu’il faut faire pour l’intérêt général.

2 commentaires:

  1. "On prétend que les économiques sont très majoritairement favorables au libre-échange.

    Il s’agit d’une caricature.

    En effet, si la plupart des économistes considèrent que le commerce est une meilleure situation que l’autosuffisance, ils ne sont pas forcément favorables, en toute époque, pour tous pays et sur tous les marchés, à plus d’ouverture commerciale. Si les économistes se rangent plus souvent du coté des partisans de l’ouverture que du côté des mercantilistes non coopératifs, c’est d’abord par prudence, et en particulier par crainte des retombées de la guerre commerciale.

    S’ils sont sceptiques quant au protectionnisme, ce n’est pas par rejet des considérations d’équité, mais plutôt par méfiance vis-à-vis de politiques commerciales qu’ils préfèreraient voire remplacées par des aides sociales ou des mesures d’accompagnement destinées aux salariés victimes des importations.

    Cohérents avec l’idée que l’échange est plus profitable que l’autarcie, les économistes pensent qu’il est souhaitable, et possible, d’indemniser les « perdants » avec les gains des « gagnants »."

    https://ecointerview.wordpress.com/2018/03/19/non-les-economistes-ne-sont-pas-des-libre-echangistes-beats/

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  2. "Les intérêts des marchés financiers sont à l'opposé de l'intérêt général, à savoir l'équilibre économique des Nations. Ils sont donc un bon baromètre politique sauf qu'il faut retourner l'interprétation qu'en font les médias assujettis": TOUT A FAIT D'ACCORD.

    Quand les bourses plongent suite à une annonce, on peut penser que celle-ci est bonne pour le peuple.

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