lundi 17 mai 2021

Macron toujours plus loin dans le déni du fiasco sanitaire européen

« Pourquoi nous avons été plus lents que d’autres ? Parce qu’on a été ouverts ». Samedi, au sommet européen, Macron a ajouté un nouvel argument à sa défense de la stratégie vaccinale européenne : le retard de notre continent viendrait de notre générosité, l’Europe étant le premier exportateur de vaccins contre le coronavirus. Mais outre un gros arrangement avec la vérité, un tel discours revient aussi à pointer une faiblesse majeure de ce projet européen qui repose sur le laisser passer.

 


Un argument qui se retourne contre l’UE

 

Lors du sommet européen de Porto, le président a soutenu : « Pourquoi nous avons été plus lents que d’autres ? Parce qu’on a été tout de suite ouverts. C’est ça la réalité. Sur les 400 millions de vaccins produits par l’Europe depuis le début de la crise, nous en avons exportés 200 millions », pointant le fait que les Etats-Unis ont gardé toute leur production. L’argument peut sembler logique, mais il souffre de deux faiblesses majeures. La première, c’est que la lenteur de l’approvisionnement des pays de l’UE en vaccins n’est pas tellement liée aux exportations, mais bien plus aux retards considérables de l’UE dans le passage des commandes, parfois plus de 4 mois après Londres ou Washington. Si Bruxelles avait passé les commandes en même temps que ces deux pays, les laboratoires auraient pu s’organiser pour produire plus dans le même temps, à destination des pays de l’Union Européenne.

 

En effet, en novembre 2020, le patron français de Moderna avait été contraint d’alerter publiquement l’opinion des retards dans le passage des commandes de la commission, alors que la Grande-Bretagne et les Etats-Unis s’y étaient pris largement plus tôt. La production de dizaines de millions de doses de vaccins ne s’improvise pas et impose une anticipation ignorée par la commission. C’est cela la raison du retard de l’UE, et pas une générosité imaginaire. Car, ce qu’oublie de préciser Macron, c’est que les 200 millions de doses produites dans l’UE et exportées vers d’autres pays ont aussi été commandées par ces pays bien avant que Bruxelles ne se décide à signer un contrat avec les laboratoires. Ce n’est pas parce que les doses étaient produites dans l’UE que l’UE aurait pu récupérer en janvier des doses commandées dès le printemps par Londres et qu’elle n’avait demandées qu’en novembre.

 


En outre, Macron appuie là où cela fait mal. Pas sûr que les citoyens des pays de l’UE, et les Français, apprécient particulièrement le fait que nos pays soient des zones de transit sans frontières, alors que ceux qui n’ont pas exporté, eux, ont assuré une vaccination bien plus rapide de leur population. Ce faisant, il souligne que la liberté de circulation dans l’UE ne s’applique pas qu’entre pays européens, mais largement avec le monde. L’UE et les traités qu’elle a signés font de nos pays des terrains vagues de la globalisation, où les entreprises s’implantent à leur guise, tout en localisant leurs comptes également à leur guise, avec le moins de liens possibles avec les territoires d’implantation. C’est toute la logique de cette europe du laisser-passer qui pose problème dans cette crise : non seulement beaucoup de productions ont été délocalisées et manquent, mais ce qui est produit et exporté manque aussi…

 

Plus globalement, tout le constat européen de Macron est hors sol. En quoi la France aurait « initié un vaste mouvement de solidarité contre la covid 19 ». Se féciliter de l’inspiration que l’Europe aurait donné aux Etats-Unis pour être plus solidaires est piquant alors que fiscalement, Biden fait l’inverse de ce que Macron a fait, et que toutes les réformes dites structurelles de l’UE consiste à déconstruire la solidarité. De même, vanter la prime donnée à la vie par l’Europe est délicat quand 10 des 20 pays les plus touchés par la pandémie sont dans l’UE et 16 dans le continent… Enfin, dire que « dans cette crise, c’est un modèle européen qui s’est affirmé » est effarant : le continent sort essoré de la crise, avec la plus forte mortalité et la récession la plus dure. En outre, contrairement aux dires d’Ursula von der Layen, le plan de relance, outre le fait d’être tardif, est chétif et il n’aura aucun aspect social puisque toutes les contre-parties que demandera la commission seront justement de déconstruire notre modèle social.

 

Ce sommet de l’UE est un sommet dans la déconnexion des dirigeants européens avec la réalité. La défense de la stratégie vaccinale, dont le retard ne serait que le produit de la générosité européenne est ubuesque alors que les peuples européens ont subi des restrictions colossales à leur liberté et une crise économique violente, sans pour autant sembler limiter tant que cela le nombre de morts. L’UE a complètement failli. Refuser de l’admettre et faire des promesses intenables n’aboutira qu’à approfondir le fossé entre l’UE et les peuples. Le Brexit va faire des petits…

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