lundi 27 septembre 2021

Les Allemands disent-ils véritablement merci à Merkel ?

Bien sûr, après 16 ans au pouvoir, Angela Merkel restera une figure de la vie politique allemande et même européenne. Mais alors que la plupart des média français dressent les louanges de la chancelière qui va partir à la retraite, en ne retenant souvent que ces choix qu’ils jugent positifs, les résultats électoraux ou plus généralement l’état du pays, poussent à fortement nuancer. Son parti n’est-il pas passé de près de 42% des voix en 2013, à 33% en 2017 et seulement 24% cette année ?

 


Une politique au service de l’oligarchie allemande

 

Bien sûr, bien des commentateurs évoquent une extraordinaire performance économique allemande, entre un excédent commercial colossal, un des budgets les plus équilibrés de l’UE et une des dettes les plus faibles. Mais une telle vision de l’Allemagne est extraordinairement partielle et partiale. Partiale car cela revient souvent à fermer les yeux sur bien des aspects de la réussite allemande. D’abord, il y a cette monnaie unique européenne qui offre à l’Allemagne une monnaie dévaluée en permanence par rapport à la valeur de la monnaie qu’elle aurait seule, comme même le FMI le souligne. Ensuite, elle camoufle son protectionnisme local dans le libre-échange excessif de l’UE, ce qui lui ouvre les marchés extérieurs, notamment asiatiques. Enfin, elle a été le premier pays à utiliser une grande régression sociale pour gagner en compétitivité, avec les lois Harz, lui donnant un temps d’avance, jamais repris depuis.

 

Car, comme le pointait Olivier Berruyer dans son livre « Les faits sont têtus » il y a 10 ans, complété par « Le couple franco-allemand n’existe pas » de Coralie Delaume, dont un livre posthume vient de sortir, le sort des Allemands n’a pas été très bon depuis vingt ans. Avec les mini jobs, et un salaire minimum ridicule, une partie de la population s’est appauvrie, au point que le taux de pauvreté y est plus élevé qu’en France, une situation ubuesque pour un pays qui exporte autant. Le pseudo modèle allemand est extrêmement oligarchiste et aboutit à construire un pays qui tourne essentiellement pour ses entreprises et les plus riches. Le choix d’accueillir des migrants l’était tout autant, en assurant une main d’œuvre à bas coût. Outre un niveau de pauvreté effarant dans un pays avec si peu de chômage, l’Allemagne se distingue également par des infrastructures dans un piteux état du fait de l’austérité permanente.

 

D’ailleurs, si l’Allemagne était un modèle, les Allemands voteraient en masse pour leurs dirigeants. Il faut rappeler ici qu’en 2017, le parti d’Angela Merkel et le SPD, au pouvoir dans une grande coalition depuis 2013, avait tous les deux signé leur plus mauvaise performance depuis les élections d’après-guerre, avec un recul de 8,6 points pour la CDU-CSU, et de 5,2 points pour le SPD, avec une envolée des libéraux du FDP et de l’AfD, qui dépassaient chacun les 10% des voix, alors qu’ils étaient sous les 5% quatre ans auparavant, leur permettant d’avoir des élus. Les résultats des deux dernières élections démontrent une vraie insatisfaction à l’égard des politiques menées par Angela Merkel, sans pour autant permettre un renouvellement, du fait du mode de scrutin, et du paysage politique global allemand.

 

Et les résultats de dimanche confirment la fracture entre les Allemands et la grande coalition au pouvoir depuis 2013. Le total des voix SPD + CDU-CSU n’a jamais été aussi bas, les deux partis ayant à peine réuni les voix d’un électeur sur deux ! La moitié des électeurs ont exprimé leur préférence pour l’opposition dimanche ! Le jugement des Allemands à l’égard du parti de Merkel est encore plus cruel : il a perdu plus de 40% de ses électeurs en 8 ans, passant de plus de 40% des voix à un tiers en 2017, avant de tomber à moins de 25% en 2021. Le recul de 9 points cette année est d’autant plus marquant qu’il se fait après un recul similaire 4 ans avant, à un plus bas historique. Il est malheureux que les média français soulignent insuffisamment cette évolution qui jette un regard cru sur le jugement des Allemands.

 

Même si elle semble garder une certaine aura, nourrie par sa gestion de la crise sanitaire, ce que disent les Allemands dans les urnes n’est pas vraiment un merci à Angela Merkel. C’est plutôt un jugement négatif à l’égard de ses politiques et une envie de passer à autre chose, même si l’alternative n’est ni claire, ni clairement représentée par un autre parti politique, le SPD faisant partie de la majorité. En conclusion, le jugement démocratique est clairement négatif, point trop peu souligné.

13 commentaires:

  1. L'aura de Merkel au pays provient d'un leadership correspondant parfaitement à la sensibilité germanique. On pourrait décrire ça comme un hollandisme exécuté avec plus de talent qu'Hollande avec cette recherche systématique de la position médiane, de synthèse. Son ordolibéralisme plus tempéré que celui de son rival Schaûble correspond parfaitement à la sensibilité et aux intérêts des retraités qui forment la base électorale de la CDU.

    La surprise Scholz s'explique par un numéro d'équilibriste proche de celui de la chancelière. Il a profité des bourdes des adversaires écolos et CDU qui le devançaient. Son mimétisme merkélien a plu là où en France il aurait été un réservoir de blagues: imitation du losange qui est à Merkel ce que le V est à Chirac et surtout le slogan "Olaf chancelière" accompagné de vagues proposition sur l'égalité des sexes. Son image de "socialiste sérieux" à la DSK a permis à certains retraités qui voulaient du changement sans rupture de voter pour lui. D'un autre côté il a pris quelques marqueurs de Gauche (hausse du SMIC, ISF) pour avoir des voix à l'Est. Mais ces derniers risquent d'être abandonnés dans les négociations avec le FDP. Si la CDU drague les Verts sur le réchauffement climatique il n'est même pas sûr qu'il soit chancelier.

    Mais à côté de ça les jeunes ont largement préféré les Verts à Scholz, pas rassurant pour un candidat de gauche. Et surtout ça relativise ce succès un peu miraculeux au vu de la mort de la social-démocratie en Europe. Les scores pas génials mais solides du FDP et de l'AFD témoignent d'une frustration face au centrisme de Merkel : désir de rigueur budgétaire plus dure et goût amer laissé par le choix migratoire de la chancelière. Choix migratoire débattable car, pays vieillissant ou pas, on oublie toujours les nombreux ressortissants turcs ou de l'Est vivant en Allemagne sans la nationalité. Ce qui relativise notre supposé "avantage démographique par rapport à Berlin".

    Mon avis sur le bilan Merkel. On peut défendre la prospérité économique engendrée par l'Agenda 2010 ou déplorer ses effets sur une société qui était assez égalitaire mais un fait demeure: il a été mis en place par le SPD qui a payé ça cash aux élections. Son bilan divise encore les socialistes mais ils ont su cette fois faire taire les divisions pour gagner. De même le rapprochement avec les Russes est le fait de Schroder. L'utilisation du bloc de l'Est pour réorganiser l'industrie est d'abord le fait du patronat allemand, de même que l'adaptation de cette industrie à la demande des pays émergents. Et c'est le même patronat qui a pensé qu'on pouvait laisser l'Europe en croissance molle car Pékin et Moscou achèteraient toujours du made in Germany. Grosse erreur de jugement en cours de révision.

    La volonté de la Chancelière de s'aligner sur l'intransigeance du peuple allemand vis à vis de la gabegie grecque ne saurait excuser la vente du Pirée aux Chinois. Et encore moins l'intervention inutile du FMI en Grèce: son opinion publique considérait le FMI plus fiable que les instances européennes. Mais même Christine Lagarde considérait que ce n'était pas le job du FMI. Ses décisions les plus fortes sont les plus débattables: la sortie du nucléaire suite à l'effet de Fukushima sur l'opinion allemande, l'arrivée des migrants pour faire plaisir aux patrons allemands.

    Son vécu dans l'ex-RDA l'aura prédisposée à incarner une Allemagne plus tournée vers l'Est que vers l'Ouest de l'Europe. Outre d'être le seul ténor de son parti à ne pas parler français, elle ne connaissait ni notre pays ni notre mentalité (elle pensait au début qu'Hollande était d'extrême-gauche, si si). Même si ça ne changera pas grand chose on récupèrera avec Scholz ou Laschet un chancelier plus connaisseur de la France.

    JZ

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  2. @LH:
    Vu que je ne sais pas si vous lisez les réponses à vos anciens billets, deux remarques:
    -Une thèse sondagière est de dire que Mélenchon occuperait déjà en partie l'espace "Gauche souverainiste" d'une candidature Montebourg. J'ai envie de dire: la critique de l'UE de JLM est plus superficielle... mais JLM est plus charismatique que Montebourg. Je pense aussi que le souvenir du comportement de passager clandestin de Montebourg ministre ne l'aide pas y compris auprès de ceux qui haïssent le plus Hollande.
    -Si je devais jouer les déclinistes je dirais que la France est passée d'une affaire de vente sulfureuse de frégates à Taïwan à une époque où elle ne peut même plus rêver vendre des frégates à Taïwan. Plus sérieusement, l'épisode australien signe l'absence de culture géopolitique des élites françaises. Un Poutine n'aurait jamais cru, contrairement à Sarkozy et ses successeurs, que faire des courbettes devant Washington permettrait d'atteindre un statut d'allié privilégié égal à Albion. Personne n'aime le peu de goût du Russe pour les libertés. Il n'est en revanche pas illégitime d'envier son sens géopolitique.
    -Zemmour est un canular. Sa prétention à restaurer la virilité et sa posture de sauveur se heurtent à la question importante à droite de l'incarnation charismatique. La comparaison entre la couve de son bouquin et celle de celui de Trump relève d'un effet de parodie. Au mieux il peut être un idiot utile du macronisme en tirant sur l'ambulance bleu marine.
    -La décision du gouvernement sur les visas sent bon l'électoralisme qui ne dupera personne, de même que sa sortie sur une défense européenne à laquelle tout le monde en Europe sera sourd.
    -Et si le RU était au souverainisme ce que la Grèce a été à la merkélisation de la zone Euro? Son laboratoire en somme. Les difficultés donneront de l'eau au moulin européiste mais un stratège habile pourrait en tirer des leçons. Au contraire d'un Johnson qui a soutenu le Brexit pour accéder à Downing Street sans préparer de plan de sortie sans encombres. On tient là le revers de la médaille du pragmatisme briton qui leur a permis de décoloniser... en laissant très souvent un pataquès derrière.

    JZ

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  3. @ JZ

    Merci pour cette synthèse intéressante et complémentaire. D’accord sur Montebourg : ministre de Hollande, cela ne crédibilise pas l’alternative… Sur Zemmour, ne n’ai pas d’opinion sur son avenir : il y a des arguments pour dire qu’il disparaîtra comme d’autres comètes avant lui. Il a beaucoup de limites. Mais je crois aussi qu’il y aura des surprises et il est la première de taille

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    1. @LH:

      Zemmour occupe sans doute l'espace d'un candidat de Droite aux valeurs conservatrices assumées et ça flatte les frustrés de la chute de Fillon, ceux qui trouvent leur intérêt pécunier chez Macron mais n'adhèrent pas à son modernisme sociétal. Je me demande quand même si ses scores sondagiers ne sont pas d'abord un "message" des électeurs LR à leur parti sur le thème "ne prenez pas un candidat trop au centre". La possibilité qu'il s'effondre quand commencera la vraie campagne n'est pas exclue. Aura-t-il l'argent pour mener campagne? Cherche-t-il plus qu'à être celui qui refonderait le corpus idéologique de la droite? Il me fait penser à ceux qui à l'extrême gauche faisaient campagne sans espoir de gagner juste pour peser sur les choix du PS. Je parle de canular parce que pour moi ce qu'il fait est un peu comme si Guaino s'était pris pour Sarkozy. Ou Bannon s'était pris pour Trump. Et un conseiller qui se prend pour le Boss ça ne pardonne pas à Droite.

      JZ

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  4. Sondage Harris-Interactive sorti hier :

    Macron : 23%
    Le Pen : 16%
    Bertrand : 14%
    Zemmour : 13%
    Mélenchon : 13 %

    Les autres candidats sont assez loin derrière : Hidalgo 7%, Jadot 6%...

    Désormais, le duel Macron/Le Pen n'est plus si sûr, on se retrouve comme en 2017 avec 4 candidats possibles, le seuil pour accéder au second tour étant descendu aux alentours des 15%.

    http://harris-interactive.fr/wp-content/uploads/sites/6/2021/09/Rapport-Harris-Vague-15-Intentions-de-vote-Presidentielle-2022-Challenges.pdf

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    1. @Moi:

      Je suis dubitatif concernant Zemmour. Je l'imagine bien s'effondrer façon Ségolène quand commencera la vraie campagne. Pour le moment je le vois surtout comme un avertissement sondagier aux candidats de Droite classique sur le thème "Ne proposez pas une ligne trop Macron-compatible". Pour peu que Bertrand ou Pécresse durcissent le ton sur le régalien, il pourrait baisser. Surtout,

      JZ

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  5. "avec les lois Harz"

    Sauf que c'est sous Schröder, pas Merkel qui a instauré le SMIC allemand. Vous racontez beaucoup d'âneries confusionnistes.

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  6. @ JZ

    Tout me semble possible. Le chemin est long et la bulle peut exploser. Mais LR me semble pris en sandwich entre Macron et Zemmour et les électeurs savent que les différences entre LREM et Pécresse ou Bertrand sont essentiellement jouées. Leurs candidats sont dramatiques, donc cela peut créer un espace pour Zemmour, d’autant plus qu’il a choisi une ligne économique très LR

    @ Moi

    Je pense que le score de Macron pourrait être plus bas…

    @ Anonyme 9h48

    Je n’ai pas dit que c’était sous Merkel, puisque juste avant je parle de l’euro… Le premier paragraphe est général et remonte avant Merkel, qui s’est, en revanche, inscrite dans la continuité

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