samedi 2 octobre 2021

Pour une remise à plat du système économique actuel

Entretien publié sur le FigaroVox hier, première retombée pour mon livre

 

FIGAROVOX/ENTRETIEN - Dans un ouvrage critiquant les excès économiques des dernières décennies, l'essayiste Laurent Herblay invite les souverainistes à fonder une nouvelle critique du système néolibéral. Plutôt que d'utiliser le terme «néolibéralisme», Laurent Herblay parle d'«oligarchisme» et de «déconstruction de la démocratie»

 


FIGAROVOX : Dans votre livre « Le néolibéralisme est un oligarchisme », vous questionnez le lexique économique. Pourquoi ? Et quels sont pour vous les termes à redéfinir ?

 

Quand on utilise un mot, il influence le débat. L’expression “paradis fiscal”, par exemple, est composée du mot “paradis” qui est une notion positive. De surcroît, l’inverse de paradis est le mot “enfer”. Cela signifie, de facto, que ce qui n’est pas un paradis fiscal serait un enfer fiscal. Le camp du bien serait donc plutôt du côté des paradis que des pays à l’imposition classique qui constituent pourtant plus de 95% de la population mondiale. Je crois que cette déformation des termes nuit au combat contre les excès des dits paradis fiscaux.

 

Avec le mot “néolibéralisme”, on rencontre le même problème. Cette expression s’est imposée après la grande crise de 2008-2009 comme le nom de l’idéologie dominante. Ce terme concentre malheureusement des présupposés. Le néolibéralisme serait nouveau (notion plutôt positive) et serait relatif au libéralisme, lequel suscite toujours l’adhésion car il reste associé aux libertés, qu'elles soient individuelles, juridiques ou démocratiques. Or le système que l’on dénonce n’a rien de nouveau, et n’est pas si libéral. De plus, ce terme renvoie ceux qui critiquent le néolibéralisme à des illibéraux un peu archaïques. Cela déforme le débat et empêche une discussion bien structurée.

 

En somme, tous ceux qui dénoncent la marche économique des dernières décennies n’ont pas réussi à structurer le débat de manière neutre pour leurs idées et ils continuent à utiliser des mots qui discréditent leurs opinions.

 

Je propose donc des termes alternatifs. Le “paradis fiscal” est un parasite. Dans la nature, les parasites sont souvent des petits organismes qui survivent en d’accrochant à de plus gros organismes et en leur pompant du sang. Les parasites fiscaux opèrent de la même manière : ce sont des pays qui mettent des taux d’imposition extrêmement faibles et, du fait de la libre circulation des capitaux, arrivent à pomper la matière fiscale des grands pays.

 

La façon dont l’Irlande bénéficie des méthodes fiscales des GAFAM est un exemple parfait de parasitisme fiscal. Une partie de ces entreprises arrive à facturer en Irlande plus de 90% de leur chiffre d'affaires réalisé en France. En d’autres mots, un pays se nourrit de la valeur créée dans un autre pays.

 

Le point de départ du néolibéralisme en France a lieu, selon vous, en 1983 quand le gouvernement défend la parité du franc. En quoi cette mesure est-elle décisive ?

 

La mesure est décisive car, à ce moment-là, le gouvernement opte pour une décision qui va à l’encontre de l’intérêt général.

 

La dévaluation des monnaies, c’est vieux comme l’histoire. Durant les dernières décennies, l’Euro a baissé à plusieurs reprises et, en général, cela génère de la croissance car on achète un peu moins à l’étranger, et on vend davantage. Un pays sort donc souvent gagnant d’une dévaluation.

 

En 1983, les socialistes ont voulu absolument défendre la parité franc-mark alors même que les pays de la CEE avaient bien vécu avec des ajustements monétaires réguliers. Ils adoptent soudainement le point de vue des plus riches qui voyaient dans la dévaluation par rapport au mark une forme de perte de pouvoir d’achat de produits ou de placements allemand. Ce point de vue est extravagant et n’a rien à voir avec l’ADN politique socialiste.

 

Cette décision est d’autant plus aberrante lorsque l’on regarde le secteur automobile. La majeure partie de la production de nos producteurs était encore en France, et ils parvenaient même, dans une certaine mesure, à concurrencer le haut de gamme allemand. La dévaluation du franc aurait lourdement handicapé les ventes de BMW et Mercedes en France et aurait aurait soutenu les exportations des constructeurs français. Ils ont préféré le franc cher.

 

Pour vous, un élément essentiel du néolibéralisme contemporain est le fonctionnement des entreprises du numérique, qui, pour certaines, vendent à perte et n’engrangent pas de profit. Quels intérêts ont-elles à faire cela ?

 

Ces entreprises veulent acquérir une position dominante. Elles ont toutes comme modèle l’exemple de Microsoft qui possède l’OS (système d’exploitation, ndlr) par défaut sur les PC et qui a créé le tableur et le traitement de texte dominants sur le marché. Aujourd’hui les entreprises de la génération de Microsoft font toutes des profits faramineux.

 

Pour les entreprises plus récentes comme Uber, l’objectif est le même. Les investisseurs acceptent donc de financer des pertes parfois colossales pour éradiquer toute concurrence. En projetant la valeur que peut avoir cet oligopole à long terme, ils sont prêts à la financer à fond perdu pendant des années, car une fois la concurrence écrasée, ces firmes peuvent devenir immensément profitables et leur valeur peut devenir énorme.

 

Ces comportements ne sont absolument pas libéraux car ils sont contraires à la concurrence. Ils aboutissent à des structures oligopolistiques voire monopolistiques propres au dit néolibéralisme. Par ailleurs, pour conquérir le marché, Uber fait principalement peser les faibles prix sur les chauffeurs, provoquant un appauvrissement général de la profession. In fine, le passage des taxis à Uber n’aura pas fait baisser les prix et aura précarisé toute une profession.

 

Le changement de système économique serait, selon vous, bloqué par le fait qu’une grande partie des 1% les plus riches ne savent pas qu’ils y appartiennent. En quoi ces deux phénomènes sont-ils liés ?

 

Durant les dernières décennies, il y a eu une explosion des très hauts revenus. Si on remonte 40 ans en arrière, les grands patrons touchaient vingt ou trente fois le salaire minimum. Aujourd’hui, le banquier européen le mieux payé a touché 64 millions d’euros en 2019, soit le salaire à vie de 80 smicards.

 

Le problème est que ceux qui gagnent 10 ou 15 fois le SMIC voient ces sommes titanesques et s’imaginent donc être proches de la moyenne. Par conséquent, ils projettent la vie du Français moyen à partir de leur vie à eux. Or, le salaire médian en France est aux alentours de 1800 euros. Cela crée un décalage de perception renforcé par des effets de moyenne. Par exemple, aux USA, sur 40 ans, les salaires ont augmenté en moyenne de 17%. Toutefois, cette moyenne est trompeuse car les 90% du bas ont subi une baisse de leur revenu de 13%, perte compensée par les revenus des 1% qui ont triplé. Ces chiffres nourrissent une incompréhension de la situation politique et sociale et n’encouragent pas une remise en question du système économique.

 

Pendant la crise sanitaire, Macron s’est engagé dans un soutien audacieux de l’économie, les dépenses ont largement augmenté et aujourd’hui un grand nombre de pays de la zone euro ne respectent plus les critères de Maastricht. Est-ce que votre critique du néolibéralisme reste toutefois d’actualité ?

 

Il y a quelques petites leçons qui sont tirées. Avant même la crise sanitaire, l’expérience Trump et l’expérience du Brexit ont légèrement tempéré le néolibéralisme dans ces pays. Boris Johnson a une politique beaucoup plus équilibrée. Il a augmenté le SMIC, et propose des mesures beaucoup plus à gauche que ce qu’a fait un socialiste comme François Hollande. Il a gagné grâce aux classes populaires, il agit donc pour ses électeurs.

 

Par ailleurs, la réponse à la crise économique de 2020 est bien plus audacieuse que celle de 2008. Aux Etats-Unis, Obama avait complètement oublié les classes populaires. Il les avait abandonnés et beaucoup ont perdu leurs maisons. Trump, en accord avec les démocrates, a accepté de donner de l’argent liquide directement à la population, ce qui a eu un vrai effet redistributif de protection du pouvoir d’achat des classes populaires.

 

Néanmoins, pour moi, ce sont des dispositifs partiels assez limités qui se font en temps de crise mais qui ne changent pas une grande direction. De plus, l’Union Européenne est en retard sur les pays anglo-saxons. Nous, en France, nous voulons limiter les droits des chômeurs…

 

Votre livre commence avec deux citations, l’une de Séguin et l’une de Chevènement. Qui pourrait être leur héritier pour la présidentielle de 2022 ?

 

Entre eux-deux il y avait une feuille à papier de cigarette du point de vue intellectuel et du point de vue des solutions à apporter à notre pays. On aurait bien besoin qu’ils aient un héritier.

 

On pourrait penser à Arnaud Montebourg qui se place dans le sillage de Chevènement. Je pense que comme il ne remet pas vraiment en cause le cadre de l’UE, tout ce qu’il propose serait assez marginal. De même pour Fabien Roussel qui développe des thèmes intéressants. Le Parti Communiste semble s’éloigner de l’indigénisme, il est capable de voir certaines réalités et notamment le rôle de l’immigration sur les bas salaires. Mais je n’ai pas entendu dans la bouche de Roussel une véritable remise en question de l’UE.

 

A gauche, un Georges Kuzmanovic est dans la droite lignée de ce que proposaient Séguin et Chevènement. Florian Philippot peut également s’inscrire dans cette tradition. Entre ces deux là, on a les deux candidats les plus proches de leur pensée à date.

10 commentaires:

  1. Séguin et Chevènement n'ont jamais défendu le Frexit.

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  2. Bien sûr, mais ils étaient opposés à la monnaie unique et ont alerté sur les dangers du marché unique. Aujourd'hui, défendre le Frexit me semble dans la droite lignée de leur pensée, même si le second ne le défend pas aujourd'hui.

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    1. Séguin a fait campagne contre le traité de Maastricht, mais après la victoire du oui, il n'a pas défendu la sortie de l'euro, tout comme Chevènement aujourd'hui.

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    2. Et comme Montebourg également.

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  3. @ Moi

    Il est normal de respecter le vote populaire et de ne pas remettre tout de suite en question le choix démocratique (même si on pouvait argumenter qu'ils ne respectaient pas le traité passé en 1992). Je n'ai défendu la sortie de l'euro qu'à partir de début 2010 au regard de ce qui se passait en Grèce. Séguin est parti trop tôt. JPC pense qu'il ne faut pas sauter de l'avion en difficulté (débat que j'ai eu en 2011, invité aux universités d'été du MRC). Mais beaucoup des choses qu'il a pu défendre dans le passé poussent dans ce sens.

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  4. Je dis juste que la position de Montebourg n'est pas différentes de celle de Chevènement. Quant à Séguin, nul ne sait quelle serait sa position aujourd'hui.

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  5. Les positions de Montebourg ont un intérêt relatif pour moi... En effet, nul ne sait ce qu'aurait été la position de Séguin aujourd'hui.

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    1. Vous êtes plus sévère avec Montebourg qu'avec Chevènement alors qu'ils ont des positions très proches.

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  6. Oui, mais Chevènement est l'homme de 1992, de 2002, de 2005 et il s'est placé plusieurs fois en rupture avec une gauche antisociale et antirépublicaine

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  7. Ciao a tutti. Conoscevo il signore Virgolino Claudio creditore in particolare in un forum che è davvero onesto e veloce, non posso che ringraziarvi per il vostro lavoro serio, ma file elaborato in meno di una settimana e ho ottenuto un credito di 45.000 euro. Testimonierò anch'io per aiutare i bisognosi. Il suo indirizzo e-mail: virgolinoclaudio7@gmail.com

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