dimanche 15 octobre 2023

Pourquoi tant d’enseignes de distribution sont proches de la faillite

Papier publié dans Front Populaire N°13

 

Camaïeu, Gap, Galeries Lafayette, La Grande Récré, André, Burton, Go Sport, Kookaï, Pimkie… : la liste des enseignes en difficulté, en redressement judiciaire, ou même en liquidation, est spectaculaire, avec son cortège de plans de licenciement. Mais quelles sont les raisons de cette hécatombe ? Loin d’être seulement le fait de l’essor des ventes en ligne, elle s’explique aussi beaucoup par la mauvaise conception du plan de soutien à l’économie de la crise sanitaire

 


Financer la trésorerie des petits, et épargner les gros

 

Bien sûr, pour les chaines de prêt-à-porter, il y a des raisons structurelles, avec la montée de la concurrence des grandes chaines internationales, comme Zara ou H&M, et le développement des ventes en ligne. Il est aussi clair que l’envolée de l’inflation, qui est encore plus élevée pour les ménages modestes, a freiné les achats d’habillement. Comme le pointe l’Institut Français de la Mode, « les achats de mode ont souvent servi de variable d’ajustement pour faire face aux fortes hausses de prix observées dans l’alimentaire ou dans le secteur de l’énergie ».

 

Mais le fait que ces difficultés frappent aussi violemment des acteurs de taille moyenne, qui ne dominent pas leur secteur, en dit long sur les ressorts de cette crise. En effet, lors de la crise sanitaire, le gouvernement a imposé des confinements calamiteux pour les commerces. Bien sûr, les frais de personnel ont été couverts par le chômage partiel. Mais, pour tout le reste, le gouvernement n’a choisi que de soulager, temporairement, la trésorerie des entreprises. Elles ont pu étaler et reporter, le paiement de leurs taxes et impôts, ainsi que de leurs cotisations sociales (appelées « charges » sur le site du ministère…). Enfin, sur les plus de 200 milliards mobilisés, 135 ont été des Prêts Garantie par l’État (PGE), des prêts de relativement courte durée (1 à 5 ans).

 

Ce choix de privilégier des aides de trésorerie a créé une forme de « dette Covid », qui a permis de repousser le paiement des déficits de 2020 et 2021, qui se sont accumulés. Et à un moment, quand les entreprises, et notamment les commerçants, doivent assumer ces créances (fiscales, sociales et PGE) du passé, ils n’y arrivent pas, d’où l’hécatombe actuel. Les problèmes ont seulement été repoussés…  Le contexte actuel (inflation, baisse de la consommation) s’ajoute aux déséquilibres passés, ce qui rend la situation intenable (pas de croissance, marge en berne), d’autant plus que les taux d’intérêt ont beaucoup monté, ce qui rend le coût du financement de la trésorerie bien plus important que les 1 à 1,5% des PGE à échéance 2022 ou 2023.

 

Toute la conception de ce plan de soutien à l’économie de la crise sanitaire pose de graves problèmes de justice et d’équilibre. Finalement, les banques ont été très protégées, avec la garantie apportée par l’État aux prêts, une forme de pousse au crime : pourquoi ne pas empocher les intérêts en prêtant à des entreprises, comme celles du groupe Ohayon, même en sachant que le remboursement était aléatoire, puisque l’État couvre ?  Les bailleurs et propriétaires d’immobilier commercial ont aussi été bien trop favorisés par les dispositifs. La trésorerie fournie par l’État a souvent permis aux locataires de payer rubis sur ongle, et Bercy n’a imposé aucune contribution à l’effort national, se contentant de donner des exonérations fiscales pour ceux qui faisaient un geste volontaire pour leurs locataires

 

Pourtant, à partir du moment où l’État imposait une fermeture administrative aux commerces, et donc des pertes aux commerçants, il aurait été plus que légitime de demander une prise en charge partielle et significative de l’effort aux bailleurs. Une décote de 50% des loyers sur la période de fermeture paraissait un minimum. Pourquoi les commerçants devraient, seuls, assumer les conséquences des confinements, et pas les bailleurs ?

 

Et c’est d’autant plus vrai pour ces enseignes de taille moyenne, qui ne sont pas des leaders de leur secteur. Leur pouvoir de négociation face aux bailleurs est bien plus limité que les grandes enseignes internationales, qui pouvaient négocier des ristournes pendant leur fermeture, du fait d’un rapport de force plus favorable. De la sorte, c’est la loi du plus fort qui s’est imposée. Et comme trop souvent, le gouvernement a mené une politique qui favorise les plus forts et les plus riches. Nous en payons aujourd’hui le prix avec ces innombrables faillites, redressements judiciaires et licenciements, dont une bonne partie aurait probablement pu être évités si Bruno Le Maire avait fait en sorte que chacun contribue justement aux efforts de la crise sanitaire.

 

S’est ajoutée la remontée des taux, excessive, de la BCE, qui renchérit fortement les coûts de financement des entreprises. C’est sans doute cela qui a été le facteur déclencheur de la chute de l’empire de Michel Ohayon, dont les enseignes s’effondrent les unes après les autres, comme un château de cartes, Camaïeu, Go’ Sport, Galeries Lafayette, et La Grande Récré. Pourtant, il s’agit d’enseignes reconnues. Mais passer d’une période de financement abondant à coût quasi nul, au remboursement d’une partie des créances, avec un coût de l’argent bien plus élevé fait forcément des victimes auprès de ceux qui avaient des besoins de trésorerie importants.

 

Ce qui est frappant ici, c’est qu’à la cavalerie traditionnelle de la finance, se sont ajoutés des dispositifs d’aide publique mal conçus, qui ont démultiplié la casse en repoussant les problèmes à demain au lieu de les traiter sur le moment. C’est parce que les foncières ont été épargnées pendant la crise sanitaire et que l’État n’a fait que soulager temporairement la trésorerie des commerçants qu’il a condamné à la chute les plus fragiles.

4 commentaires:

  1. De plus quelques unes de ces enseignes avaient fait l'objet de LBO * dans la décennie précédente qui ont les ont affaibli fortement (priorité allant au remboursement du LBO).

    * LBO : délire financier légal où la proie paye son achat - procédé ayant permis le château de carte à 60 milliards de dettes de Patrick Drahi.

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  3. Malheureusement nous n'avons encore rien vu.

    Les politiques irresponsables des taux d'intérêt proches de zéro ont permis la création d'une quantité colossale de dettes que les acteurs économiques (état en premier) avaient l'habitudes de ne rembourser qu'en contractant de nouvelles dettes.
    Quoique malsain, tout cela a marché et aurait pu marcher encore si les politiciens de nombreux pays dont le nôtre n'avaient pas commis l'erreur fatale de réagir à la grippe Covid par une injection de liquidité jamais connue dans l'histoire dans ces proportions ( le "quoi qu'il en coûte" )
    L' inflation qui en a résulté a mené les bailleurs de fonds à relever drastiquement les taux d'intérêt, et maintenant on ne peut plus rembourser des dettes en contractant de nouvelles dettes au taux d'intérêt très fortement augmenté.
    Le choix est donc entre le dépôt de bilan et la cession d'actifs pour rembourser les dettes pour de bon. Mais qui achètera du moment que tous les acteurs sont dans la même situation ?

    La situation est beaucoup plus mauvaise que le pouvoir ne veut l'admettre, car la dépréciation des actifs et des emprunts d'état détenus par les banques peuvent conduire à d'importantes faillites bancaires comme celles déjà observées aux USA (qui sont loin d'être terminées).
    Et un nouveau "quoi qu'il en coûte" ne ferait que prolonger et aggraver l'inflation donc la hausse des taux.

    Le "free lunch" du keynésianisme et de sa dette à outrance se paie toujours, et avec les intérêts!

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  4. Manifestement L.Herblay n‘a absolument rien compris au modele de croissance schumpeterien. Il voudrait que toutes les entreprises soient eternelles, peu importe si elles sont performantes ou pas, peu importe si elles sont innovantes ou pas.

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