dimanche 17 décembre 2023

Le triste sens de la hausse du CAC40

Vendredi, le CAC40 a battu son record de clôture, dans un contraste saisissant avec une situation économique détériorée, entre envolée de la pauvreté et quasi-récession. Les grands médias, de France 2 à Europe 1 pointent la baisse de l’inflation comme la raison de record. Une explication un peu courte qui passe sous silence une grande partie des raisons de cette flambée de la valeur des actions

 


Le destin commun toujours plus déconnecté de celui des actionnaires

 

Bien sûr, le rationnel avancé par les médias est juste. Le recul attendu de l’inflation cet automne a permis de mettre fin au cycle de hausse brutale des taux d’intérêt des banques centrales. En 18 mois, la Fed a monté onze fois son taux directeur, pour atteindre le point le plus haut depuis 22 ans, avec une fourchette de 5,25 à 5,5%, quand la BCE est passée de 0 à 4%. Mais avec une inflation tombée rapidement à 2,4% en novembre en Europe, et une économie proche de la récession, les marchés peuvent désormais anticiper un recul des taux directeurs en 2024, qui se traduit déjà par une baisse des taux longs, le bon du trésor états-unien étant déjà descendu à 4,2% alors qu’il approchait les 5%, quand l’OAT français à dix ans est passé de 3,5% à 2,7% cette semaine. Cela créé un contexte favorable aux actions.

 

En effet, cette chute du rendement des obligations renforce comparativement l’attractivité des actions. Il est déjà malheureux que les « décrypteurs » du journal de France 2, ou que l’influenceur Uber d’Europe 1, qui tient la chronique économique matinale n’aient même pas été capables d’expliquer ce mécanisme de base, qui permet d’aller plus loin que la surface des choses. Au moins, le Figaro a réalisé une analyse bien plus complète, pointant également le maintien des marges des entreprises et les bons résultats financiers dégagés au troisième trimestre. Mais ce point crucial est malheureusement expédié un peu rapidement alors qu’il est sans doute l’élément central de la performance des marchés actions cette année, et que cet atterrissage économique, différent des précédents, est riche de sens.

 

En effet, historiquement, les fortes remontées des taux d’intérêt, généralement justifiées par une hausse de l’inflation, provoquaient un recul des profits des entreprises en même temps que le recul de la croissance. Le destin commun et le destin des actionnaires étaient plus clairement liés, malgré la hausse effarante des inégalités. Nous atteignons maintenant un nouveau stade dans le développement des inégalités, avec une déconnexion encore plus forte du destin commun de celui des plus riches, actionnaires. Si le retournement conjoncturel a affecté une grande partie de la population, jusqu’à une forte hausse de la pauvreté, elle a quasi complètement épargné l’oligarchie capitaliste globalisée, avec des multinationales qui semblent très largement échapper aux conséquences du retournement économique.

 

Bien sûr, la croissance plus faible du PIB ne manquera pas d’affecter certaines entreprises, mais il est assez sidérant de constater à quel point tant de multinationales traversent 2023 assez confortablement, avec des profits qui continuent encore et toujours à monter, alors qu’ils étaient déjà à des plus hauts historiques. Cela est d’autant plus révoltant que les conséquences du retournement économique sont brutales pour les plus précaires, comme le pointent le Secours Populaire et les Restos du Cœur. Ce contraste saisissant entre les actionnaires, pour qui le champagne coule toujours plus, et le destin commun n’en est que plus révoltant. C’est le signe dun profond dysfonctionnement de notre système économique, toujours plus injuste tant il tourne pour une petite minorité, au détriment d’une très grande majorité.

 

Les records du CAC40, nourris par des profits records posent problème quand une part grandissante de la population peine à joindre les deux bouts face à une inflation largement nourrie par les multinationales qui usent et abusent des hausses de prix, parfois avec le soutien de l’État, comme sur l’électricité. La question qui se pose aujourd’hui, c’est jusqu’à quand ce grand découplage pourra durer.

3 commentaires:

  1. LAURENT HERBLAY
    La Bourse, et son index CAC40 monte si le public achète les actions, et le public achète les actions s'il dispose de trésorerie excédentaire.
    Ce gouvernement a réagi au COVID avec une politique (le "quoi qu'il en coute") de distribution d'argent sans compter, la monnaie balancée par les hélicoptères comme on dit en économie, suivant les sacrosaints commandements du keynésianisme qui depuis 50 ans détruit les économies française et européennes.

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  2. Bien sûr, la disponibilité d'épargne est un élément de l'équation, et la hausse des inégalités est un puissant levier d'augmentation de l'épargne, puisque les plus riches épargnent beaucoup plus que la moyenne. De même, les déficits peuvent contribuer aussi à la hausse des cours, mais ici, le lien est moins systématique car la hausse des déficits peut pousser les taux à la hausse, ce qui pénalise la bourse par la montée de la rémunération des obligations.

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  3. Excellent! Le niveau de mes actions sont a un niveau record! Il faut surtout continuer dans cette direction.

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