lundi 21 avril 2025

Bayrou sur la production : bon constat et angles morts

La semaine dernière, le Premier ministre a affirmé que « nous ne produisons pas assez ». Un constat que l’on aimerait entendre davantage, tant il est au cœur du problème économique de notre pays, dont le déficit commercial n’a cessé d’augmenter depuis 20 ans, malgré les améliorations illusoires de 2023 et 2024. Mais François Bayrou ne tire pas les conséquences de l’échec des politiques de l’offre…

 


Réalisme sur les conséquences, myopie sur les causes

 

Pour une fois, le Premier ministre a raison : notre pays ne produit pas assez. L’ampleur du déficit commercial, qui n’a cessé de progresser jusqu’à atteindre un record en 2022, et dont le recul des deux dernières années est avant tout conjoncturel, en est le témoin. Notre pays, qui était en excédent, avant l’euro, a maintenant un déficit commercial considérable, signe que « nous ne produisons pas assez ». Et il a bien raison de souligner que « si notre production par habitant était dans la même gamme que celle de nos voisins européens, nous n’aurions pas de déficit budgétaire ». Ce faisant, il pointe une vérité trop peu rappelée dans les débats sur les déficits publics : si notre commerce était équilibré, le budget de la Sécurité Sociale serait en excédent et le budget se porterait bien mieux. Quand on y ajoute la désertion fiscale massive, on comprend que la source de nos déséquilibres financiers n’est pas notre modèle social.

 

Et c’est là que François Bayrou fait complètement fausse route quand il dit, sans même sembler se rendre compte de la contradiction, que « l’excès de dépenses publiques ne fait pas le bonheur ». Cette affirmation est doublement fausse : d’abord, le poids de nos dépenses publiques n’est pas si élevé si l’on compare à périmètre équivalent (nous avons gardé un service public plus étendu que les autres pays). On peut ajouter que les services publics ont déjà beaucoup reculé, que le système de santé manque cruellement d’argent, que les retraités ont déjà perdu 10% de pouvoir d’achat, et les chômeurs ont subi de nombreuses coupes de leurs droits… Mais surtout, un poids prétendu excessif se mesure par rapport à la production nationale. Si la production est trop faible, alors, le problème peut venir du dénominateur, trop petit, et pas du numérateur… Le problème de fond, c’est d’abord un manque de ressources.

 

Mais ce que montre aussi ce constat d’une production trop faible, c’est la faillite totale, et extraordinairement coûteuse des politiques de l’offre depuis la commission Attali. Si le Premier ministre n’a pas tort de dire que « la politique de retour de la production et de réindustrialisation (…) doit devenir une obsession pour notre nation », on peut lui rappeler que cela a déjà été dit par Sarkozy, Hollande et Macron, qui ont massivement déconstruit le droit du travail, et offert plus de 100 milliards de baisse de charges et taxes par an au patronat pour cet objectif depuis plus de 15 ans. Ces politiques ont été des échecs complets. Dans l’UE, ouverte à tous les vents mauvais de la globalisation, et orchestrant une course sans fin au moins disant social dans un espace comprenant parasites fiscaux et concurrence sociale déloyale, notre pays est forcément perdant sans protection de notre marché, de nos producteurs et nos emplois…

 

Pour en sortir, il faut mettre en place un protectionnisme ciblé. Pas besoin d’être brutal et erratique comme Donald Trump pour être efficace. Il est également essentiel de protéger nos marchés publics : il est aberrant d’équiper des polices municipales de Tesla… Il faut arrêter de laisser partir des entreprises rachetées par des entreprises étasuniennes ou chinoises, qui finissent toujours par délocaliser leur production et la valeur ajoutée... Et enfin, il faut mettre fin à la désertion fiscale des multinationales et des plus riches, qui privent notre pays de dizaines de milliards de ressources qui permettraient de financer comme il le faut la santé, l’éducation et notre sécurité. Bref, l’inverse des politiques menées depuis si longtemps et que François Bayrou propose de poursuivre. C’est toute la nocivité de ce bloc central que de prendre un constat juste pour justifier la poursuite de politiques qui échouent pourtant depuis longtemps…

 

Oui, la France ne produit pas assez. Et nous manquons donc de travail à offrir aux Français. Mais l’austérité et la poursuite de la déconstruction de nos droits sociaux n’apporteront aucun progrès, au contraire, comme nous le voyons très clairement depuis la commission Attali. C’est un renversement complet des politiques économiques menées depuis qui doit être conduit. Cela ne sera pas fait par le bloc central.

8 commentaires:

  1. Excellente idée: il faut protéger ceux qui sont nuls et peu performants pour leur permettre de continuer tranquillement de la même manière!

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  2. Si la France n’est pas contente de la concurrence fiscale, elle n’a qu’à améliorer sa compétitivité fiscale quitte à réduire très fortement son secteur public!

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  3. Offrir 100 milliards de baisses de taxes aux entreprises était une énorme connerie! La bonne solution aurait été de baisser directement les salaires autant mais pour cela il aurait fallu avoir des hommes et des femmes politiques visionnaires et courageux!

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  4. Laurent Herblay23 avril 2025 à 09:46

    @ Anonymes

    En effet, il faut en grande partie protéger notre pays de la concurrence déloyale de pays moins-disant socialement, salarialement et environnementalement pour éviter une course vers le bas.
    Les parasites fiscaux mènent une concurrence délétère car leur comportement n’est pas reproductible. Si tout le monde s’alignait sur leur fiscalité, ils perdraient le surplus effarant de recettes qu’ils ont aujourd’hui, et subiraient un appauvrissement considérable. Parallèlement, les autres pays perdraient beaucoup de recettes, et devraient organiser un recul massif du service public. Dans tous les cas, cela provoquerait une énorme dépression économique.
    Baisser les salaires ? Quelle folie ! J’imagine que vous êtes volontaire pour tester l’idée ?

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    1. La concurrence dans les domaines des salaires, des impôts et du social n’est pas déloyale: c’est ça la concurrence!

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    2. Le gouvernement était obligé de baisser le coût du travail car la situation n’était plus tenable. Au lieu d’être honnête avec les citoyens en disant qu’ils ne pourraient pas garder leur niveau de salaire, il a choisi la solution de facilité en baissant les taxes et les charges! Très mauvais choix à long terme!

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  5. "il a choisi la solution de facilité en baissant les taxes et les charges! "
    Je ne vois pas où le gouvernement aurait baissé les taxes! La première réforme de la double et malheureuse présidence Macron a été celle d'augmenter la CSG de 20% ! (le seul impôt payé par tous)

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  6. HERBLAY
    "Dans tous les cas, cela provoquerait une énorme dépression économique."
    Et pourquoi ?
    les gouvernements certes auraient moins d'argent, à dépenser dans leur guerre à la Russie, dans leur comités Théodules et dans les ZFE,
    Par contre les contribuables économiseraient beaucoup d'argent, qu'ils pourraient dépenser dans la consommation, et pour certains dans l'investissement.
    Donc plutôt énorme croissance économique.

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