samedi 26 janvier 2013

Tapie-Adidas : une affaire d’Etat qui n’en finit pas


Connaîtra-t-on un jour la vérité dans les affaires Tapie ? Difficile de le savoir. Cela fait 20 ans que le Crédit Lyonnais a racheté Adidas à l’homme d’affaires. Après une procédure judiciaire pleine de rebondissements et un arbitrage décidé par Christine Lagarde, de nouvelles perquisitions relancent l’affaire.

Soupçons sur la procédure d’arbitrage

En 2008, après une procédure judiciaire débutée en 1995, une cour arbitrale de la République conclut largement en faveur de l’homme d’affaire et lui permet d’encaisser plus de 400 millions d’euros, dont 40 au titre de dommages et intérêts. Très rapidement, le jugement et la procédure sont contestés. En effet, la procédure choisie favorisait clairement Bernard Tapie puisqu’elle permettait de mettre fin rapidement aux poursuites tout en ne permettant pas d’appel.

Néanmoins, beaucoup de soupçons pèsent sur cet arrangement. En effet, Bernard Tapie a soutenu Nicolas Sarkozy en 2007, en ayant des mots très durs contre Ségolène Royal. Le Monde évoque plusieurs entrevues entre les deux hommes dès le début 2007. Du coup, certains se demandent s’il n’y a pas eu un arrangement entre eux. En août 2011, une instruction a été ouverte par la Cour de Justice de la République pour « complicité de détournement de biens publics » et « complicité de faux » à l’égard de Christine Lagarde, qui avait accepté l’arbitrage privé et refusé tout recours.

Le procureur général accuse l’ancienne ministre d’avoir « constamment exercé ses pouvoirs ministériels pour aboutir à la solution favorable à Bernard Tapie ». En revanche, une note blanche, qui avait été remise à François Bayrou, accuse directement Jean-Louis Borloo (ancien avocat de l’homme d’affaire) et Nicolas Sarkozy qui auraient imposé la décision. C’est dans ce cadre là que se sont faites les perquisitions aux domiciles de Bernard Tapie et de l’ex directeur de cabinet de la ministre.

Une triple affaire d’Etat ?

Si tel était le cas, il s’agirait d’une affaire d’Etat absolument incroyable puisqu’elle aurait coûté 400 millions d’euros aux contribuables au bénéfice d’un soutien de l’ancien président de la République. Mais beaucoup de soupçons n’ont pas été complètement levés. Déjà, il est extraordinairement suspect qu’une banque publique finance le rachat d’Adidas par Bernard Tapie en 1990, moins de deux ans avant que celui-ci ne devienne ministre du gouvernement Bérégovoy.

Un tel conflit d’intérêt aurait immédiatement provoqué la démission dans de nombreux pays. Et que dire du rachat d’Adidas par le Crédit Lyonnais à celui qui était alors ministre, moins d’un mois avant la défaite de la gauche aux législatives ? Bien sûr, cela n’était pas légal puisque Bernard Tapie avait missionné sa banque pour vendre l’entreprise, mais le timing du rachat est d’autant plus suspect que François Mitterrand n’a pas été le président le plus encombré par les principes moraux…

Enfin, il me semble totalement ubuesque que Bernard Tapie ait obtenu la moindre compensation suite à la procédure lancée en juillet 1995. En effet, si le Crédit Lyonnais a racheté Adidas 315 millions en février 1993, le redressement de l’entreprise par Robert Louis Dreyfuss lui permet de la vendre 700 millions en décembre 1994. L’homme d’affaire a cherché à récupérer une partie du bénéfice réalisé par la banque, comme si une personne qui vendait un bien 100 demandait à récupérer les bénéfices réalisés par son acheteur d’alors qui l’aurait vendu 200 près de deux ans après !

L’histoire de l’achat puis de la vente d’Adidas par Bernard Tapie est peut-être une des affaires d’Etat les plus graves qu’ait connu la France. Près de 20 ans après le rachat de l’entreprise par le Crédit Lyonnais, il serait temps que la vérité se fasse. Espérons que cette procédure le permette. On peut rêver.

7 commentaires:

  1. Bah, Tapie est le roi de l'embrouille et je fiche mon billet qu'il va retomber sur ses pattes.

    Sinon, ratiboisage d'un tiers des salaires français selon Goldman :

    http://www.huffingtonpost.fr/2013/01/20/goldman-sachs-france-huw-pill-france-interview-2013_n_2517175.html

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    1. @ Olaf.

      Personnellement, je salue cette analyse pleine de justesse et de bon sens de M. Huw Pill de Goldman Sachs : un secteur public bien trop important qui a pour effet d'empêcher la France de produire assez de biens exportables et une réduction d'un tiers de sa moyenne salariale. Je me demande ce qu'attend Hollande pour mettre ces idées en pratique, mais, après tout, rien ne dit qu'il n'a pas fait le même diagnostic et qu'il n'a pas les mêmes projets.

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  2. "Une affaire qui n'en finit pas" et qui n'est pas près d'être résolue.

    Si les dirigeants politiques, à commencer par Sarkozy, avaient voulu que cette affaire soit traitée dans le respect du droit, ils n'auraient pas créé, de manière arbitraire et de toutes pièces en en choisissant les membres, un "tribunal" arbitral "indépendant" aux ordres du pouvoir politique.

    Il n'est pas besoin d'être grand clerc pour savoir ce qui s'est passé et nous le savons tous. Une affaire qui, dès son origine sous Mitterrand, relève plus des pratiques d'une république bananière que de celles d'une démocratie.

    Et dire que nous nous permettons de donner avec arrogance et morgue des leçons aux autres pays !

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  3. Bonjour,

    J'ai un commentaire hors sujet, mais lie a une thematique plus vaste.

    J'ecoutais a la radio une emission sur l'Amerique Latine, qui mentionnait le manque d'interet et de vision depuis 15 ans des dirigeants francais (et europeens) pour cette region. La politique a meme ete remplacee par une pipolisation (Bettencourt, Cassez) qui a nuit aux relations bilaterales.
    Et soudain je me suis dit que nous avions pourtant des DOM-TOM la-bas (Guyane, Antilles) et des liens historiques/affectifs (c'est quand meme une region de culture liee a l'occident)...

    Donc, pour reprendre un argument regulierement developpe sur ce blog par un M. Patrice Lamy, il me semble que vous (pas forcement vous-meme par manque de temps, mais des collaborateurs) pourriez developper l'idee d'un investissement plus fort vers cette region (ou/et d'autres, par ex. la francophonie). L'idee serait de montrer que
    - etre souverainiste ou euro-critique ne signifie pas etre renferme sur la "France moisie" (ironie) et ferme sur le monde, comme les medias le repetent en boucle.
    - il y a des cartes a jouer en dehors de l'Europe, et que l'on ne doit pas se reduire a un face-a-face etouffant avec l'Allemagne.

    L'interet serait de montrer une vision positive et offensive sur le monde, ce qui est plus enthousiasmant/motivant qu'une seule defense reactive contre l'euro etc..
    Et cela pourrait meme faire passer (dans les debats) certains euro-beats/integristes pour les ringards petits joueurs !

    Il me semble que c'est une thematique importante,
    - pour sauver l'economie il faut aussi investir dans les zones hors d'Europe, qui sont plus dynamiques. Donc c'est en soi un probleme incontournable.
    - cela peut etre un atout communicationnel: porter une vision positive, avec des projets concrets, ou la France peut avoir un + par rapport a l'Europe (par les DOM-TOM, la langue), ou elle peut/doit agir en bilateral sans attendre le reste de l'Europe.
    Cela permettrait de revaloriser la France et de relativiser l'Europe, voire de ringardiser certains euro-beats ;-)
    - peut-etre que l'on pourrait meme dire que la monopolisation du debat de politique etrangere par la question europeenne (en dehors d'expeditions guerrieres ponctuelles, Lybie, Mali) nous etouffe et nous empeche par manque de temps d'elaborer des projets de plus grande envergure -> l'Europe n'est pas un plus mais un frein par certains aspects...
    - d'un point de vue de gauche, (ou meme gaulliste ?), cela permet d'evoquer des experiences regionales differentes, qui concilient le patriotisme local, et qui montrent au moins qu'il n'y a pas qu'une seule voie possible. Cela nous sort du "consensus de Francfort"...
    (Je ne dis pas que tout y soit parfait et que l'on doive recopier, mais qu'il faut donner un peu d'air frais au debat...)
    Sur ce point, j'ai bien note que vous faisiez regulierement reference aux experiences argentines/bresiliennes..., ce qui est tres bien (bravo).


    Il me semble que c'est une thematique assez peu developpee ici
    (sauf sur le point des experiences politiques locales, mais pas trop sur ce que la France pourrait faire a l'international), mais qu'il y aurait bcp de choses a faire, d'arguments a construire... (en dehors de mes generalites assez superficielles, evidemment c'est du boulot...)
    Je n'y ai pas reflechi plus que ca, mais cela ne me semble pas totalement fumeux ;-)
    (Evidemment, il est normal d'investir en priorite sur les pays voisins, donc europeens en particulier, mais cela n'a pas a etre exclusif...)

    (Par ailleurs, je me demande si a nouveau la GB et l'All. n'ont pas une vision/projection internationale bien superieure a la mediocrite de nos gouvernants...)

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  4. re-bonjour,
    suite a mon message precedent,
    si vous discutez regulierement (?) avec des gens/economistes competents comme J. Sapir il serait interessant de savoir s'ils pensent que la France a des cartes <> a jouer a l'international au-dela de l'Europe, ou bien si cela est hors de ses capacites...

    (bien sur c'est votre blog et on n'est pas cense vous faire de telles demandes, mais c'est pour le cas ou vous auriez de tels contacts frequents ou des idees deja argumentees sur ces sujets.)
    vous etes aussi libre de ne pas aborder ce genre de sujets ;-)
    j'espere que mes commentaires ne sont pas trop deplaces ou hors de propos..

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  5. @ Anonyme

    C’est vrai que si je traite parfois d’expérience d’autres pays, je ne parle pas de nos DOM-TOM, par méconnaissance et manque de temps (j’évite d’écrire sur les sujets que je maitrise mal). Pourtant, outre l’aspect communication que vous soulignez il y a beaucoup de sujets très intéressants, notamment le fait que nous ayons le 2ème territoire maritime au monde, les richesses qui y sont présentes… J’aimerai bien le faire. Cela sera difficile dans les 2 prochains mois car je m’attèle parallèlement à la rédaction d’un livre, donc je vais rester sur les sujets que je maitrise, mais pour après…

    @ Démos

    Bien d’accord sur l’affaire Tapie, nettement moins sur GS, même s’il y a des économies à faire.

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  6. Cet article est d'une qualité pitoyable. La présentation de l'affaire montre une méconnaissance profonde du sujet à commencer par l'ignorance grave de TOUTES les procédures judiciaires qui ont précédé l'arbitrage. Le fond de l'affaire qu'il ne faut JAMAIS oublier, c'est que Tapie, quoi qu'on puisse en penser par ailleurs a été victime d'un VOL de la part de son banquier. Quand l'article affirme que Tapie récupère une plus value réalisée par son acquéreur c'est FAUX !

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