lundi 4 février 2013

Faillite, déficit : l’incroyable cacophonie du gouvernement


Quelle bourde ! Décidemment, beaucoup de membres du gouvernement manquent de professionnalisme. Comment Michel Sapin, qui n’est pas un perdreau de l’année en politique (il était ministre il y a vingt ans) a-t-il pu parler « d’Etat totalement en faillite » au sujet de la France ?

Le mythe de la faillite

C’est en septembre 2007 que François Fillon a osé prononcer ce terme, pour la première fois pour un membre du gouvernement. A l’époque, le déficit budgétaire était inférieur à 3% du PIB, la dette publique autour de 65%... Les années qui ont suivies ont totalement ridiculisé ce propos : si la France était proche de la faillite en 2007, une faillite en bonne et due forme aurait du se produire ensuite. Pire, il n’était pas compliqué de constater la contradiction d’un chef de gouvernement qui dénonçait le déséquilibre des comptes public, tout en les déséquilibrant plus encore…

Michel Sapin a brièvement repris le terme à son compte après avoir été interrogé sur le sujet en disant « mais c’est un Etat totalement en faillite. C’est la raison pour laquelle il a fallu mettre en place des programmes de réduction des déficits, c’est fondamental pour le financement de notre économie, et la création d’emplois » (sic !!!). Mais il a été contraint de revenir sur ses propos en faisant expliquer par son entourage qu’il s’agissait d’ironie à l’égard de François Fillon

Du coup, certains médias se sont enflammés. Le Figaro a organisé un sondage où 80% des votants affirment que la France est en faillite tout en publiant des papiers sur les « cinq indicateurs qui inquiètent » et les « précédentes faillites d’Etats dans le monde ». Le contraste entre le ton dramatisant des papiers et la situation des marchés discrédite lourdement l’opération puisque jamais la France n’a emprunté à des taux aussi bas sur les marchés depuis des décennies.

Une analyse économique désastreuse

Si l’augmentation du niveau de la dette est naturellement source de préoccupations, il faut le remettre en perspective. Déjà, on aimerait bien que les pourfendeurs de l’Etat et de la dépense publique soient aussi prompts à crier au loup quand il s’agit du secteur privé. En effet, l’ensemble du système financier s’est considérablement endetté pour gagner plus d’argent (BNP Paribas triplant son bilan de 2002 à 2007) sans que les libéraux ne s’en émeuvent outre mesure.

Ensuite, par-delà le simple constat que la confiance des marchés dans la France n’est en aucun cas contestée, il faut remettre en perspective notre niveau d’endettement. Tout d’abord, d’autres pays sont bien plus endettés que nous : le Japon, au-delà de 200% de son PIB ou, en Europe, l’Italie ou la Belgique, pour ne pas évoquer les pays actuellement « aidés » par l’Europe. Et notre niveau d’endettement est comparable à celui de l’Allemagne, des Etats-Unis ou de la Grande-Bretagne.

En outre, il ne faut pas oublier l’exemple britannique, qui a déjà eu une dette publique supérieure à 200% du PIB. Enfin, il faut relativiser en fonction des recettes publiques : le niveau de la dette équivaut à deux ans de rentrées fiscales, niveau historiquement plus faible. Mais le plus incroyable reste la déclaration du ministre pour qui la réduction des déficits est fondamentale pour la création d’emplois, à un moment où même le FMI soutient l’opposé, comme le rappelle Philippe Murer.

Bref, Michel Sapin a fait preuve d’un amateurisme confondant. En outre, un Etat ne fait pas faillite, il fait défaut, comme l’a montré l’Argentine. Enfin, un tel discours est très malhabile alors que le gouvernement semble envisager de repousser l’objectif de déficit à 3% du PIB

22 commentaires:

  1. Bonjour,

    Serait-ce pour nous préparer intellectuellement et nous forcer à adopter un fédéralisme européen salvateur en 2014?

    On a pratiquement jamais entendu parler d'UE ces derniers temps. Ce serait le contexte idéal pour nous jeter un peu plus dans ses griffes via un nouveau traité.

    J'ai plus l'impression que c'est la faillite intellectuelle de nos dirigeants qui est en cause aujourd'hui. Faillite du système, mais pas tant que ça des petites gens.

    Une idée d'affiche: "nos dirigeants font faillite, remplacez-les!"

    Cordialement,
    GB

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  2. en résumé une vrai bande de con

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  3. @Laurent Pinsolle,
    vous faites bien d'insister sur l'amateurisme et l'incurie de ce gouvernement! On se demande bien ce qu'ils ont pu faire et apprendre pendant les dix années qu'ils étaient dans l'opposition! Décidément, le sens de l'Etat est totalement absent chez les socialistes, car ils sont atteints du même mal que les gauchistes: la haine des institutions, qui est révélatrice en fait de leur ultra-individualisme (ultra-liberalisme) profond (cf mariage pour tous).

    L'autre rappel utile est le scandale BNPParibas: comment est-il possible que le gouvernement n'ait toujours pas procédé à son démantèlement? La moindre crise de liquidité pourrait mettre la banque en faillite (et oui, les entreprises, contrairement aux états, font peuvent faire faillite, même les plus grandes...), même après intervention de la BCE. BNPParibas a des engagements à la hauteur d'une année de PIB français! Comment l'Etat (et donc le contribuable) peut-il est dans ces conditions prêteur en dernier recours?


    CVT

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  4. Exemple japonais vis 200 % dette-au-PIB, non ?

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  5. Finalement, ils s'occupent comme y peuvent.

    S Mazetier devait tellement s'ennuyer dans son bureau à faire des cocottes en papier qu'elle a fini par avoir une fulgurance de génie : ne plus dire école maternelle mais première école, c'est Byzance...

    Eh bien, je propose mieux, ne plus dire homme ou femme, mais humain porteur de microgamètes ou de macrogamètes.

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  6. @olaf,
    S.Mazetier est aussi conseillère municipale à Paris, donc la ville par excellence du politically correct! Après avoir donné des gages aux lobbies LGBTQI (et oui, faut suivre ;-)...), il faut maintenant en donner aux féministes "de genre", celles qui passent leur temps à remplacer le mot "sexe" par "genre", et qui ont envahi les cabinets ministériels (cf N.Vallaud-Belkacem et les soeurs De Haas...), ainsi qu'une grande partie des mouvements de gauche!
    Ce gouvernement et ce parlement, qui sont à l'image de François Hollande, ne savent pas ce que signifie l'intérêt général! Notre pays est gouverné comme le PS en plus grand, à savoir que son dirigeant doit donner des gages à de multiples courants...
    Je savais que Sarkozy n'avait pas le sens de l'Etat, mais dans le cas de Hollande, je trouve que c'est bien pire: il fragmente le pays encore plus durement que son prédécesseur, et le pire, c'est qu'il n'assume jamais: rappelez-vous le discours scandaleux sur la liberté de conscience devant les maires de France à propos de l'application du mariage gay!

    CVT

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  7. Personnellement, je pense que nos gouvernants sont des "imbéciles heureux".
    Pourquoi ?
    "Imbéciles" parce qu'ils ne comprennent rien à rien et que ces imbéciles-là, qui adorent cultiver les paradoxes, ont autant de chances de réussir à redresser le pays que les programmes de réduction des déficits en ont de créer des emplois
    "Heureux" parce que ces gens vivent dans le confort matériel, sans souci du lendemain, protégés, bien à l'abri des intempéries et des coups de vent

    Je propose que notre Etat qui recherche désespérément des fonds perçoive une taxe sur les propos stupides et contre-productifs de nos élites politiques et qu'elles imposent les plus bêtes au forfait pour qu'ils puissent payer leur dette. Leurs déclarations présenteront au moins un intérêt. Pour le budget de la France.

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  8. CVT

    C'est vrai que j'ai quelques lacunes concernant l'actualité française, davantage encore depuis que je ne vis plus en France. J'ai quand même l'impression que les politiciens allemands maltraitent nettement moins le postérieur des mouches. Les mouches françaises devraient protester.

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  9. Il faudrait rebaptiser le PS en Parti Sociétal.

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  10. Vous oublié que les etats dont vous parlé avec une dette de 200% sont endetté dans leur propre monnaie, non comme la France en monnaie etrangere qu'il faut emprunter.....

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  11. Il faudrait le répéter plus souvent, M. Pinsolle, alors, car on ne cesse de parler de faillite non seulement pour la France mais aussi pour d'autres États, notamment en Europe, et on l'entend y compris dans la bouche des prétendus experts de plateaux télévisés...

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  12. Nos gouvernants d'ici et d'ailleurs parlent sans cesse de faillite. Je suppose qu'ils se référent au budget de l'Etat.

    Mais comment appelle-t-on la faillite morale d'une société ?

    Le premier qui trouvera la bonne réponse aura le droit de participer à un débat sur le mariage pour tous animé par Mgr XXIII, avec Frigide Barjot, Christine Boutin et un invité surprise et le second sera invité à une conférence intitulée : "sexe ou genre ? une question essentielle pour l'avenir de notre civilisation". Tous à vos claviers !

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  13. @Monsieur Pinsolle,

    Vous évoquez dans votre article. le niveau d'endettement d'autres états plus élevé que le nôtre.
    Il faut, me semble t il, regarder la composition de la dette de ces divers états. Au niveau français, sauf erreur de ma part, notre dette est en majorité détenue par des étrangers. Ce qui me paraît plus dangereux que les états où c'est l'inverse même si le taux d'endettement desdits états est supérieur au nôtre
    Par ailleurs, il faut regarder l'évolution de cette dette.
    Notre endettement a tendance à augmenter significativement d'année en année . C'est une tendance inquiétante pour nos finances publiques puisque celà amène, à taux d'intérêt constant, un surcroit d'intérêts à rembourser à nos créanciers réduisant d'autant nos marges de manoeuvre budgétaires.

    Ce sont deux paramètres ( composition et évolution) dont il faut tenir compte , me semble t il, pour établir une comparaison entre les niveaux d'endettement des divers états.

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  14. Question : à combien s'élève le remboursement annuel de la dette et de ses intérêts ? combien cela fait en pourcentage par rapport au budget global de l'Etat ? comment a évolué ce pourcentage au cours du temps ?

    Peut-on raisonner de manière identique entre l'Etat français et un ménage à savoir : je suis en faillite quand le montant de mes remboursements d'emprunt (capital + intérêts) dépasse un certain pourcentage de mes revenus bruts ?

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  15. A lire d'urgence et à mettre entre toutes les mains : mythes euro de Jacques Sapir sur son site RussEurope. Brillant et édifiant, n'est-ce pas Laurent ?

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  16. Je crois qu'il est important de préciser que l'Argentine avait fixé le cours du pesos argentin au cours du dollar américain, une monnaie sur laquelle l'Argentine n'avait aucun contrôle et qu'elle devait garder en réserve sous peine de défaut. Au même moment, l'administration Clinton poursuivait agressivement un surplus budgétaire et a affamé beaucoup de pays de réserves en dollar.

    Cela a entrainé l'Argentine dans une spirale déflationniste et le défaut sur leur dette (bons du trésor émis en dollar US et non pas en pesos). L'Argentine a ensuite retrouvé sa souveraineté monétaire (décrochage du pesos ARS au dollar USD et defaut sur la dette en USD), poursuivi une politique budgétaire expansionniste et a retrouvé une croissance phénoménale. La faillite ou le défaut ne sont pas possible pour un État qui est souverain dans sa propre monnaie.

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  17. Voici les belles prévisions annocées par le Monsieur Sapin au moment du vote sur le traité Européen en 1992:
    "L’Europe est la réponse d’avenir à la question du chômage. En s’appuyant sur un marché de 340 millions de consommateurs, le plus grand du monde - sur une monnaie unique, la plus forte du monde, sur un système de sécurité sociale, le plus protecteur du monde, les entreprises pourront se développer et créer des emplois". (Michel Sapin, 2 août 1992, Le Journal du Dimanche)
    - "Pour la France, l’Union Economique et Monétaire, c’est la voie royale pour lutter contre le chômage" (Michel Sapin, 11 septembre 1992, France Inter)

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    1. Extraits de "mythes et préjugés entourant la création et l'existence de la monnaie unique" de Jacques Sapir, accessible sur son site RussEurope, sur la croissance (performances comparées sur le site sous forme de graphiques) :

      "L’euro, c’est la croissance… Ce mythe peut s’appuyer sur des éléments de théorie économique. On considère en effet que plus grand est le marché, plus grandes sont les perspectives de croissance. Dans ce contexte,le passage à la monnaie unique était censé faire disparaître les coûts de transaction, liés au change. D’où les déclarations de 1998 et 1999 annonçant que l’entrée en vigueur de l’euro s’accompagnerait d’un surcroît de croissance. Or, c’est le contraire que l’on a constaté. On constate qu’à l’exception du Japon, qui a connu une longue période de stagnation, tous les pays ont fait mieux que la zone euro. Les pays « émergents » n’ont pas été inclus dans ce graphique car leur croissance est véritablement explosive sur la période. Une comparaison aurait été cruelle. Au sein des pays de l’OCDE, l’écart de croissance cumulé sur 1998-2011(en pourcentage) est de 28 points pour l’Australie, 20 points pour la Suède, 18 pour le Canada, 10 pour les Etats-Unis.
      L’euro n’a pas engendré de croissance et a même constitué un frein à cette dernière, faisant reculer l’Europe sur la scène économique mondiale.

      Depuis la mise en place de l’euro l’Europe est devenue « l’homme malade » de l’économie mondiale, et ce phénomène ira s’accélérant avec les mesures prises pour tenter de faire durer à tout prix l’existence de la Zone euro.

      Regardez les graphiques sur la période. Il n'y a rien à ajouter à cet article, si ce n'est "merci" à Delors et consorts.



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  18. Du Sapir et du Gave qui illustre le PIB sous l'Euro, parité oblige :

    http://russeurope.hypotheses.org/816

    http://institutdeslibertes.org/quand-les-technocrates-tuent-la-croissance-en-europe/

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  19. @ GB

    Aucun risque de véritable fédéralisme : l’Allemagne ne paiera pas. En outre, on parle aussi de recul de l’intégration européenne (cf Cameron). Autre idée : pour vraiment changer, changeons de dirigeants !

    @ CVT

    C’est assez effarant car le niveau du gouvernement avait déjà bien baissé sous Sarkozy. Je ne pensais pas qu’ils tomberaient aussi bas aussi vite. Bien d’accord sur la BNP.

    @ CJWilly

    C’est bien la Grande-Bretagne, après la Seconde Guerre Mondiale.

    @ Olaf

    Bien vu. Je l’ai tweeté. C’est bien, vous avez des lectures variées.

    @ Démos

    C’est un bon résumé. Je vais faire un papier sur sa série.

    @ Anonyme

    C’est juste, mais comme ce sont essentiellement des dettes de droit français, nous pouvons aussi les redénominer en monnaie nationale au retour du franc. Certes, 65% de notre dette est détenue hors de France, mais non seulement une partie est détenue par des Français via des fonds étrangers et surtout plus de 80% est de droit français. En revanche, c’est juste sur l’évolution. Mais 5% de PIB de monétisation annuelle pendant 5 ans permettrait de casser cette spirale infernale.

    @ Vincent

    Les intérêts représentent 45 à 50 Mds. Etant donnée que la maturité moyenne doit être de 6 à 7 ans, nous devons refinancer environ 300 Mds tous les ans. Mais l’augmentation du niveau de l’endettement ralentit depuis 2011 avec la baisse du déficit (cette année, théoriquement, notre dette n’augmentera que d’une soixantaine de milliards d’euros). Les sommes sont importantes, mais pas délirantes par rapport aux recettes globales de l’Etat (environ 900 Mds) et nous avons toujours l’arme de la monétisation à disposition.

    @ Allena

    Bien d’accord. Je l’ai expliqué plusieurs fois depuis 2010.

    @ Anonyme

    Merci pour ce rappel.

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  20. En 1981 les socialistes prétendaient qu'il n'y avait plus rien dans les caisses et F Mitterand avait créé une commission sur "l'héritage". Après le rendu de son rapport on en a tellement peu entendu parlé ensuite qu'aujourd'hui sur le net on ne trouve rien à son sujet.
    Giscard avait d'ailleurs dit:"la preuve qu'il y avait un héritage c'est qu'on est en train de le dilapider"
    En fait à l'époque la dette de l'état était de 20% du PIB.
    C'est dire que le thème de la faillite est une vieille lune.

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