dimanche 3 mars 2013

Les droits à polluer : la fausse bonne idée pour réduire les émlssions de CO2


C’était sensé être la pierre philosophale pour réduire les émissions de CO2 de la manière la plus efficace possible : émettre un montant de droits à polluer et de laisser faire les mécanismes de marché. Malheureusement, le shéma concocté par les eurocrates est un gros échec.

L’échec du marché ?

Pour être totalement honnête, l’échec des droits à polluer n’est pas uniquement un échec (prévisible) des mécanismes du marché. En effet, l’Etat n’est pas allé jusqu’au bout de la logique libérale puisque des quotas ont été attribués de manière discrétionnaire, une forme de subventions qui distord les mécanismes même du marché. Donc certains libéraux pourraient soutenir qu’une mise aux enchères non préférentielle de droits à polluer serait le meilleur moyen de réduire les émissions de CO2.



En effet, le mécanisme est élégant : le prix du carbone pousse les industriels à réduire leurs émissions et le marché se charge de répartir l’effort là où il est le plus rentable. Malheureusement, comme l’illustre ce graphique de The Economist, l’évolution erratique du prix du carbone en Europe pose d’innombrables problèmes. En effet, à l’origine, il faut bien fixer un montant de droits à émettre. Si on en émet trop, le prix est alors trop faible et il y aura trop d’émissions. Si on n’émet pas suffisamment de droits à polluer, le prix du carbone sera très élevé et pénalisera l’activité économique.

Ensuite, les variations du niveau de l’activité économique font varier le prix. La légère reprise de 2010 et début 2011 avait propulsé le prix du carbone à 20 euros la tonne. Mais la glissade dans la récession l’a fait tomber brièvement sous les 5 euros. Le problème est que la rentabilité des investissements n’est pas du tout la même selon que le coût du carbone varie de 1 à 4. Et, même dans des conditions parfaites de marché, son caractère exubérant et irrationnel produira forcément de fortes variations de cours qui rendront alors aléatoire tout investissement dans le domaine.

L’alternative : la taxe carbone

En fait, pour que les acteurs économiques investissent durablement dans la réduction de leur consommation d’hydrocarbures et d’émissions de CO2, il convient de leur donner des certitudes. Il faut que le prix du carbone soit connu à l’avance, comme même The Economist l’avait reconnu. C’est pourquoi la bible des élites globalisées et néolibérales avait concédé que finalement, une taxe carbone est sans doute plus efficace qu’un marché des droits à polluer pour réduire nos émissions.

L’Etat peut fixer à l’avance le niveau de la taxe, y compris sur une très longue période, en la montant progressivement, pour pousser à une adaptation progressive des acteurs économiques. Mais cela n’aura de sens que si tous les acteurs paient le même prix. A ce titre, il est totalement aberrant que seuls les ménages paient aujourd’hui une taxe carbone sur leur carburant, alors que le transport aérien et maritime en sont exemptés. Il convient que le prix du carbone soit le même pour tous.

Cela pointe le problème posé par la globalisation. Si nous faisons peser cette taxe sur la production, alors, elle fera fuir les industriels qui partiront sous des latitudes moins hostiles fiscalement. C’est pourquoi il est essentiel de mettre en place une taxe carbone aux frontières pour ne pas favoriser les importations et seulement déplacer le problème. En outre, cette solution a l’avantage d’être plus souple et facile à mettre en place qu’un accord international, comme le montre l’échec de Kyoto. C’est exactement ce que vient de proposer Paul Krugman, comme le rapporte The Economist.

La réduction de notre consommation d’hydrocarbures est essentielle car il s’agit de ressources non renouvelables. Mais pour le faire, le marché des droits à polluer est une fausse bonne idée. Il faut une taxe carbone, nationale, universelle, qui progressera dans le temps et qui touchera aussi les importations.

15 commentaires:

  1. Ce n'est pas tant le manque de combustibles qui me parait le problème, car il y en de nouvelles sources, schiste, méthane... Mais plutôt leur impact possible sur le climat qui s'il était avéré serait catastrophique que les libéraux dénient absolument.

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    1. Encore un fois, le gaz de schiste n'est pas une énergie de demain ; c'est juste une arnaque d'aujourd'hui. La production est beaucoup trop faible comparée aux techniques à mettre en œuvre : il faut forer constamment pour produire peu. Donc, il y a de fortes chances que ce soit une bulle spéculative. L'énergie de demain, c'est le charbon... mais l'Europe n'en a pas !!

      http://www.orbite.info/traductions/dmitry_orlov/le_gaz_de_schiste_vu_de_la_russie.html

      http://www.dedefensa.org/article-gaz_de_schiste_la_bulle_nul_n_chappera_ii_16_01_2013.html

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  2. Nous savons aujourd'hui qu'il est nécessaire de prendre en charge simultanément les questions écologiques et économiques.

    Or, si cela ne va pas fort pour l'écologie avec de fortes incertitudes sur l'impact du rejet des gaz dans l'atmosphèreque, comme le souligne olaf, la situation est extrêmement préoccupante sur le plan économique avec une explosion probable du chômage dans notre pays le risque réel d'effondrement de notre économie.

    Il ne s'agit pas de jouer à se faire peur, mais il est temps que chacun, à commencer par les politiques, prenne conscience de ce qui est en train de se passer. Lisez le dernier article de jacques Sapir qui explique très clairement les choses sur son site : russeurope.hypotheses.org/

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  3. Du nouveau pour nos amis socialistes, qui assurent un soutien indéfectible à l'Union européenne, quitte à mélanger les cartes, les genres et les appartenances, ce qui n'est pas nouveau chez eux.

    Un exemple avec les élections chypriotes, qui viennent de se dérouler sur fond de crise économique. Nicos Anastasiades (DYSI), l’impétrant de droite candidat de l'UE, vient d'être élu Président de la République avec 57,5% des suffrages exprimés contre 42,52% pour Stavros Malas, le candidat de gauche, le Président sortant étant Demetris Christophias, un communiste eurosceptique.

    Quel pourrait être, d'après vous, le commentaire d'un ministre socialiste ? Vous avez trouvé. Comparez maintenant votre proposition avec la déclaration de Monsieur Moscovici, Ministre de Monsieur Hollandréou. Celui-ci a dit : « Je salue les résultats de l’élection chypriote pour les négociations sur le programme d’assistance financière, dans l’intérêt de la zone euro ». En effet, Chypre a besoin de 17.5 Mds € suite à l'effondrement de la Grèce et la zone euro a besoin de bons élèves qui se soumettent à ses diktats. C'est ce qu'on appelle en entreprise du gagnant-gagnant.

    L'Etat chypriote va donc emprunter 17.5 milliards € à la BCE et là, on ne rigole plus du tout. L’Europe veut bien aider ce beau pays, mais il va falloir qu'il fasse des efforts, qu'il restructure en appliquant la potion magique (TM):privatisation
    des grands groupes publics, baisse des salaires, hausse des impôts. Et on en revient à Moscovici. Heureusement Nicos
    Anastasiades est un homme responsable - comme les socialistes français - et il a présenté un programme d'allégeance à la Troïka.

    Vous voyez que cela se passe bien entre gens de bonne volonté. Dans l'économie européenne comme les comédies américaines, l'histoire se termine toujours bien.

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  4. Ovide

    Les gaz, quelques soient leurs capacités, ne sont qu'une partie du problème et de la solution. Mon propos est de signaler le problème climatique qui est loin d'être déterminé.

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    1. Je suis d'accord avec vous même si je ne crois pas vraiment nécessaire de débattre sur le changement climatique parce que nous ne pouvons pas y faire grand-chose (s'il n'est pas là, tant mieux, s'il est là, tant pis) et que c'est un problème abstrait (sauf pour les Inuits par exemple) et assez peu mobilisateur (surtout chez les gros pollueurs que nous sommes)...

      La fin du pétrole peu cher est beaucoup plus mobilisatrice. Ses conséquences vont être bien plus violente économiquement et socialement. La crise actuelle est avant tout une crise pétrolière. C'est une crise structurelle qui n'a pas de solution : il n'y a pas de produit de remplacement au pétrole.

      Décarboner l'économie est donc avant tout un impératif social. Plus nos économies transiteront rapidement et en douceur vers des énergies non fossiles, plus elles seront performantes (contrairement à ce qu'on pourrait croire) notamment en terme d'emplois et surtout beaucoup plus pérennes : l'asphyxie pétrolière mènera à des conflits sociaux sévères.

      Au final, le résultat est le même : moins les économies seront carbonées, moins elles pollueront, moins il y aura de réchauffement climatique (d'origine anthropique)...

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  5. Une nouvelle preuve, s'il en était besoin, que les libéraux-socialistes ne changeront pas de logiciel.

    Extraits d'une dépêche de l'AFP de ce jour sur Hollandréou qui "voudrait rassurer les Français" : plusieurs initiatives sont en préparation à 'Elysée. Ainsi, Hollandréou devrait, selon son entourage, inaugurer un nouveau rythme et un nouveau style dans ses visites de terrain ... avec l'objectif de quadriller la France dans les mois qui viennent. Autre projet: une grande intervention médiatique avant la fin mars.

    Les palabres vont continuer. Hollandréou va continuer à faire de la pédagogie appliquée aux hurluberlus que nous sommes, la même que celles des gaveurs d'oies du Gers.

    Sera-t-il aussi convaincant que Monsieur Lamy !

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  6. Laurent,
    Voici un bon exemple de ce que les libéraux-socialistes, comme la droite sarkozyste avant eux, n'ont pas fait en France, alors que "les Suisses - eux, que nombre d'éditocrates critiquent allègrement - ont voté pour un contrôle des rémunérations de patrons parmi les plus stricts au monde. L'initiave Minder interdit les primes d'entrée et les indemnités de départ, ces "parachutes dorés" qui ont fait polémique ces derniers mois en Suisse. A ceux qui s'inquiètent d'une fuite des riches de Suisse, le député socialiste helvète, Roger Nordman, répond : "cela fera peut-être fuir quelques managers rapaces qui sont obsédés uniquement par leur rémunération personnelle".
    Comme quoi il est possible de faire quelque chose ...

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  7. Le problème est pris a l'envers si nous croyons que les émissions de CO2 sont un danger grave pour la planète il faut les arrêter le plus rapidement possible et surement pas avec des taxes ; chez nous c'est simple chez les autres il faut faire savoir que c'est une agression et si ce n'est pas un danger les taxes sont inutiles ; c'est typique de la non résolution de problèmes par l’économie qui est très souvent un nuage de fumée

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    1. J'ajoute qu'il n'y a qu'un moyen de réduire la consommation en général c'est la réduction de la population le reste est pipeau plus ou moins bien présenté

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    2. on ne peut pas être plus lucide !
      ... sauf les aveugles qui gouvernent nos destinées !

      mais curieusement ce n'est pas une réflexion que l'on entend souvent de la part des hommes politiques , des économistes , des sociologues en tous genres ... sauf peut être des véritables écologistes ... ceux qui sont " pieds nus sur le Terre Sacrée "

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  8. @ Olaf,

    Si le manque de combustibles est un problème. Même si les ressources dites non conventionnelles et le renchérissement du prix, qui permet de maximiser l’exploitation des réserves existantes, repoussent l’échéance, ce sont des ressources non renouvelables et au rythme de progression de la consommation, nous allons tôt ou tard rencontrer un gros problème d’adéquation entre l’offre et la demande (qui se résoudra avec une hausse des prix). Il faut donc anticiper le plus rapidement possible.

    @ Ovide

    Il semblerait quand même que la hausse du prix rend économiquement exploitables une part nettement plus grande des réserves et permet de nouvelles découvertes, mais d’ici quelques décennies, le problème se posera et pour que la transition se passe bien, il faut l’anticiper dès maintenant. En cela, je suis bien d’accord avec vous.

    @ Démos

    Même si nous ne sommes pas sûrs à 100% sur le CO2, le pourcentage semble très élevé et les conséquences potentielles de ce risque sont trop importantes pour les négliger. Il faut donc agir maintenant, et cela ne cassera pas forcément la croissance, même si je suis d’accord pour dire que l’emploi est la priorité N°1.

    Merci pour la citation de Moscovici. Elle rentre dans le panthéon des déclarations des dirigeants « socialistes ».

    On dirait que Hollande fait du Sarkozy. Intéressante l’initiative suisse. Il faut que je fasse un papier (et pendant ce temps, le Monde critique l’initiative européenne sur les bonus)

    @ Patrice

    On ne peut pas tout arrêter comme cela. Les taxes sont un bon moyen si elles sont assez fortes. A 100 euros la tonne au bout de quelques années, les comportements des agents économiques seraient radicalement modifiés. Je crois que l’homme est suffisamment ingénieux pour trouver une solution à cette crise sans baisse de la population.

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    1. Certes, il y a de "nouvelles" réserves, soit des anciennes économiquement exploitables désormais qui vont prolonger l'échéance... Mais à quels coûts écologiques ? Mais à quels coûts économiques ?

      En 1880, il fallait un baril de pétrole pour en produire 100. Aujourd'hui, en Alberta, il faut 2 barils de pétrole (et 4 barils d'eau) pour en produire 3 ! Plus les émissions et la déforestation, etc.
      Quand Total extrait du pétrole conventionnel au large de la Guyane, c'est 2000 mètres sous terre, sous 3000 mètres d'eau...

      Effectivement, nous sommes d'accord, la transition énergétique doit devenir la pierre angulaire de toute politique. Il faut taxer progressivement l'énergie, détaxer le travail (et ne pas avoir trop peur du nucléaire en attendant mieux...)

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    2. Le CO2 c'est comme le rayonnement ionisant cela ne s’arrête pas aux frontières une taxe de ce type devrait s'appliquer au monde entier et c'est totalement illusoire il n'y a qu'un moyen c'est la coercition ; mais "soleil vert " c’était ingénieux la bonne question est comment vivons nous ? sinon nous pouvons certainement multiplier encore la population par 10 ou par 100 pourquoi pas ?

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    3. Certes, mais si on attends les autres pour agir parce que le problème est général à la planète, c'est une bonne raison pour ne rien faire...

      Les taxes locales sur le pétrole, ce sont autant de bâtons dans les roues du chariot de la pollution. Si elles n'arrêtent pas sa progression, elles l'a freinent.

      Mais, encore une fois, le véritable intérêt des taxes n'est pas la lutte contre le réchauffement climatique, mais une façon de contraindre localement, à l'échelle d'un pays, à la transition énergétique, économiquement compétitive, imposée par la raréfaction du pétrole.

      Comment vivons-nous... sans pétrole ? C'est à cette question qu'ils nous faut répondre et les taxes nous y aideront.

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