samedi 2 mars 2013

Pascal Lamy, Attila de la mondialisation


Le Général de Gaulle aurait dit il y a cinquante ans qu’il n’aimait pas les socialistes parce qu’ils n’étaient pas socialistes. En effet, si on exclut la parenthèse de l’Union de la Gauche, on peut se demander si le PS n’a pas toujours oublié l’électorat populaire, d’où le discours de certains de ses dirigeants.

Quand les socialistes virent antisociaux

Comme je le soulignais en 2011, la France a la particularité d’exporter des technocrates socialistes et apatrides dans les grandes institutions internationales, qui deviennent alors les défenseurs les plus zélés d’un néolibéralisme sans complexe et sans nuance : Jacques Delors à la Commission (libéralisation des mouvements de capitaux et de la monnaie unique), Jean-Claude Trichet (le banquier central boucher monétaire de la France, puis de l’Europe) ou DSK au FMI.

Dans ce panthéon de technocrates antisociaux, Pascal Lamy occupe une place particulière. Après avoir été directeur de cabinet de Jacques Delors, puis commissaire européen au commerce, il est devenu patron de l’Organisation Mondiale du Commerce, où il fait preuve d’un dogmatisme néolibéral encore plus brutal que celui de The Economist. Il s’était déjà fait remarquer pour avoir dit que le SMIC était trop élevé en France, tout en voulant augmenter son salaire de 30% en pleine crise.

Dans une interview sur RMC, il a dit que le « GPS des Français est un peu détraqué » sur la mondialisation puis que « les Chinois sont payés 5 fois moins que les Français, mais les Chinois sont 5 fois moins productifs que les Français et comme ce qui compte, c’est la productivité horaire, il ne faut pas en déduire que les Chinois font du dumping social ». Il s’agit d’un mensonge patenté : un rapport du CAIRN démontre que le Coût Salarial Unitaire (qui prend en compte la productivité) en Chine est trois fois inférieur à celui de l’Allemagne (et six fois en Inde). Et encore, ce n’est qu’une moyenne.

Le ver est dans le fruit socialiste

En fait, Pascal Lamy est le représentant ultime de ces technocrates « socialistes », dont l’internationalisme pousse à une soumission sans limite aux dogmes néolibéraux, au mépris de la réalité. Car si les industries de main d’œuvre sont parties en Asie du Sud-Est, il est bien évident que c’est parce que les écarts de productivité étaient bien plus faibles que les écarts de salaires. Certains estiment que dans l’industrie, la productivité de la Chine est au moins 60% de celle de l’Europe…

Du coup, quand on nie cette réalité, il devient possible de dire, comme Pascal Lamy, que : « la solution de la croissance, c’est la compétitivité ». Le problème est que, dans un monde sans frontière, avec des salaires qui sont 5 à 20 fois plus bas que chez nous, cette logique est mortifère. Jusqu’à quel niveau faudrait-il baisser le SMIC pour être compétitif ? The Economist et Goldman Sachs proposent déjà de commencer par une diminution de 30%, mais ce ne serait qu’un début…

Le plus navrant est que le gouvernement socialiste suit cette logique, comme le montre cette vidéo de Jean-Marc Ayrault, qui fait de la compétitivité le moyen de développer l’emploi. Il vante le crédit d’impôt qui va faire baisser le coût du travail de 4 à 6%. Mais que pèse 1 ou 2 euros sur un coût horaire de 35 horaires quand nos industriels peuvent le trouver à 7 euros en Pologne ou moins en Roumanie ? Il est effarant que l’équipe au pouvoir ne saisisse pas cette impasse.

Pascal Lamy a également été reçu par la Commission des Affaires Etrangères de l’Assemblée Nationale et Nicolas Dupont-Aignan en a tiré un papier qui rappelle cruellement à quel point ces technocrates apatrides finissent par totalement oublier le drame des chômeurs dans leur propre pays.

19 commentaires:

  1. Bonjour Laurent , Tout à fait d'accord avec cette analyse de socialistes qui ont trahi leur propre pays depuis plusieurs générations. J'ai écouté cet interview de ce triste sire .Quelle arrogance! Je pense que c'est le temps et la mort seuls qui feront disparaître cette engeance néfaste !

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    1. "Pendez les tous !" s'exclamait un député européen britannique. S'en débarrasser par la démocratie prendrait trop de temps ! Pascal Lamy est une abomination.

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  2. Bonjour, il me semble qu'il y a une petite erreur ou une formulation ambigue au debut de cet article: je ne crois pas que J.C. Trichet est socialiste, il etait directeur de cabinet de Balladur (et avant conseiller de Giscard). Donc il est plutot a droite, ou centre-droit liberal.

    Bien d'accord pour le reste. Lamy est caricatural, et ce qui fait peur c'est que le journal "Le Monde" le presente comme premier-ministrable.
    Cela ne me semble pas credible, mais je soupconne que cela signifie plutot que ce journal serait tres heureux de le voir au gouvernement. Il est sur la "bonne" ligne de pensee...

    D'ailleurs cette tradition continue, et C. Lagarde est bien dans ce profil il me semble. D'ailleurs, avoir echoue a redresser l'economie francaise lorsqu'elle etait a Bercy ne l'empeche pas de donner des lecons a la planete (tout comme Lamy, Trichet,...).

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  3. On devrait délocaliser en Chine Pascal Lamy, le payer au même niveau qu'un haut fonctionnaire chinois, il comprendrait peut-être! Et encore cela n'est pas sûr. Ou bien le mettre en concurrence libre et non faussée avec un même haut fonctionnaire chinois je suis sûr que l'OMC ferait de considérables économies de fonctionnement si elle s'appliquait les mêmes dogmes libéraux qu'elle préconise!

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  4. Il est évident que l'appartenance à un parti politique n'a aucun sens pour ces gens-là. Ce n'est pour eux qu'un marchepied pour accéder au pouvoir. Leur absence de convictions a été démontrée ces dernières années par ceux qui passaient allègrement d'un bord à l'autre, y compris les amis d'Hollande comme Jouyet - l'homme pour qui "Florange est un canard boîteux - qui dirige aujourd'hui la CDC après avoir dirigé l'AMF et avoir été secrétaire d'Etat de sarkozy. Ce genre d'individu, imbu de sa personne et donneur de leçons, ne risque de passer par Pôle Emploi, ni par un emploi public mal rémunéré. Tous ces hauts fonctionnaires,"fierté de la Nation" ont droit aux meilleurs postes dans le public et le privé grâce au pantouflage devenu si fréquent. Ils sont nombreux et liés les uns aux autres. Lamy, Jouyet, Strauss Kahn, Hollande et bien d'autres à droite et à guache. Mêmes parcours, mêmes milieux, des "valeurs", un cadre de référence et une vision du monde identiques.

    Pour ce qui concerne les âneries et autres fariboles répandues par ce Lamy, ses amis et complices, nous savons ce que nous pouvons en penser et à quoi mènent inévitablement la concurrence soi-disant libre et non faussée et la compétition entre les économies des pays où le salaire horaire va de 1.5 euro à près de 40 euros : la ruine de nos économies au profit des multinationales et des plus riches, qui gagnent de l'argent ici et ailleurs grâce à une économie dérégulée qui leur permet d'investir dans les pays émergents.

    Ce constat fait, il faut combattre ces gens en construisant un discours politique et économique convaincant et concret capable de proposer des solutions, mais également d'apporter les preuves incontestables de leur duplicité et de leur intérêt à agir pour eux et ceux qui les emploient.

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  5. Je crois qu'il y a en effet une petite erreur à propos de Jean-Claude Trichet :

    Si on se fie à wikipédia il aurait été inspecteur général des finances, puis dés 1978 conseiller technique à l'Elysée sous Giscard, ensuite en 1986 directeur du cabinet de Balladur au ministère des finances, à partir de 1987 et jusqu'en 1993 directeur du Trésor, et enfin en 1993 gouverneur de la Banque de France.
    En 2003 il est relaxé par la cour d'appel de Paris dans l'affaire du crédit lyonnais.
    En 2003 il devient le 2e président de la BCE et ce jusqu'en 2011 où Mario Draghi lui succède.
    En 2008, la cour d'appel de Versailles autorise la poursuite de la procédure civile contre lui.
    Donc il a un long parcours technocratique au coeur du pouvoir mais n'est pas un produit du PS.


    Pour le reste franchement tout ça est écœurant...
    Tout ces gens sont dans leur bulle et ne comprennent rien et/ou se fichent totalement de la vie des "petites gens" qui font vivre et vivent l'économie (en fin, assez souvent ils doivent se contenter de survivre...)

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    1. Individualisme, cupidité, rapacité et cynisme font bon ménage chez ces gens qui savent très bien ce qu'ils font. Serait-ce le contraire que cela ne changerait d'ailleurs rien à l'affaire.
      « La lutte des classes existe et c’est la mienne, celle des riches, qui la mène et qui est en train de la gagner » a déclaré il y a quelque temps le milliardaire américain Warren Buffett. C'est rigoureusement exact.
      Alors allons-nous attendre qu'il soit trop tard !Définitivement.

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  6. Bonjour,

    Je suis peut-etre naif, mais je prefere croire que Delors est un cas a part dans cette liste et qu'il pensait sincerement oeuvrer pour le bien de tous en construisant l'Europe.
    C'etait probablement aussi le cas de Mitterand, Khol, Prodi, et d'autres politiques, qui ne s'interessaient pas specialement a l'economie et qui ont laisse faire le liberalisme par ce que c'etait "moderne" et ce que tous leurs conseillers favorisaient.
    Par ex., je ne suis pas sur que Delors aurait comme Lamy reclame une hausse de 30% de son salaire tout en voulant baisser le smic.

    Je dis ca bien que je suis pour la sortie de l'euro et pas loin d'etre aussi pour la fin de l'UE.
    Mais il me semble que certains ont pu y croire sincerement (malgre mes idees actuelles, j'ai vote oui a Maastricht, mais non en 2005...).

    Par contre, aujourd'hui au vu de l'experience des 20 dernieres annees il me semble que les gens comme Lamy, Jouyet, Lagarde, Trichet, Barroso, etc..., qui sont encore aux commandes, sont avant tout des cyniques qui savent parfaitement que le liberalisme et la mondialisation vont de pair avec l'UE et sert leurs interets egoistes au detriment de la "plebe"...

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  7. @ Exvil

    Je crois que le résultat des élections en Italie démontre que les électeurs en ont ras-le-bol et que le changement approche

    @ Anonyme

    Bien vu. Trichet n’a pas été socialiste. Et Christine Lagarde est une calamité en économie.

    @ Cording

    C’est NDA qui avait proposé de délocaliser Pascal Lamy. Je crois que le faire vivre un mois en France en région parisienne avec 800 euros lui ferait du bien mais je ne suis pas sûr que cela lui permettrait de comprendre.

    @ Démos

    Merci pour ces rappels. C’est vrai que Jouyet est un bon exemple également.

    @ RomainC

    Merci pour les rappels. Je vais faire une modification.

    @ Anonyme

    La sincérité est-elle une circonstance atténuante ? Pas sûr car je crois que tous ces gens sont sincères. Delors a libéralisé les mouvements de capitaux, appuyé le démantèlement des barrières commerciales et il a voulu construire un euro dont il ne pouvait pas ne pas savoir qu’il était profondément dysfonctionnel. Son passif est très lourd.

    Je crains que les Lamy, Lagarde, Trichet et Barroso pensent sincèrement qu’on ne peut pas faire autrement aujourd’hui. Après, certains expriment cela avec une morgue répugnante : Lamy, Trichet ou Lagarde (avec la remarque du vélo quand le prix de l’essence monte).

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    1. Tu es encore trop bon: il en apprendrait beaucoup sur une réalité sociale, peut-être, en vivant seulement avec le RSA d'un peu plus de 400 euros.

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    2. Les Lamy, Lagarde, Trichet, Barroso et Cie ont autant de respect pour les citoyens européens que la plupart des laborantins en ont pour leurs souris.

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  8. Laurent,

    Pour revoir le documentaire d'Harald Schumann sur les banques il faut aller sur le site d'Arte :

    http://videos.arte.tv/fr/videos

    puis taper dans recherche :"Harald Schumann".

    Aussi clair qu'instructif.

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  9. Laurent, si tu ne l'as pas encore lu, tu seras sans doute assez enthousiaste à la lecture de l'entretien accordé par Michéa à propos de son dernier livre à Marianne (numéro de ce jour). Sa lecture sera certainement également rafraîchissante pour les amis de la Gauche Populaire, je pense. Il démonte le clivage droite-gauche et les formules chocs sont légion. Dommage qu'il s'exprime par des phrases de 600 mots et 30 virgules chacune car du coup ses idées ne sont pas si simples à faire passer alors que ça percute !!

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    1. Oui, cela fait du bien de lire quelqu'un qui
      exprime autre chose que la pensée unique. Une bonne manière de mettre les idées et les discours en perspective.

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  10. J'ai eu l'occasion en 2001 (si mes souvenirs sont exacts), en participant à un colloque sur la mondialisation organisé par J.-M. Bockel, de découvrir le sieur Lamy. Cet individu faisait preuve d'une pédence et d'une prétention incroyable. Et il n'a pas changé. En effet, les faits et l'histoire lui donnent torts mais il prétend toujours avoir raison. A cet égard,il se garde bien de dire que ce sont généralement les pays protectionnistes qui réussissent le mieux en matière économico-commerciale. Monsieur Lamy est un aveugle; un aveugle de la pensée unique !...

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  11. Je pense à Jean-Claude Trichet, qui déclarait en octobre 2012 sur BFM Business : « Il faut que la dépense publique baisse beaucoup beaucoup beaucoup. Plus nous le ferons vite, mieux nous nous porterons ». Au-delà de l'absurdité de la préconisation (« self-defeating austerity » comme dit Jonathan Portes : http://www.voxeu.org/article/self-defeating-austerity), l'analyse du style est intéressante : « beaucoup, beaucoup, beaucoup ». Ce n'est pas de la rhétorique visant à convaincre l'autre, c'est de l'incantation religieuse ou de l'auto-hypnose.

    YPB

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  12. Lagarde c'est de la finance et de la banque. Et je ne crois pas que l'on puisse parler de macroéconomie correctement en utilisant ce point de vue.

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  13. Lamy Docteur Folamour de la mondialisation fait la leçon à Montebourg qui a certes besoin de leçons, mais pas de celle-là.

    « Il ne faut pas réduire les problèmes de la France à la concurrence des Chinois …/… Ils sont payés cinq fois moins que les Français, mais ils sont cinq fois moins productifs ».
    Mais alors Docteur, pourquoi bien des entreprises françaises délocalisent-elles en Chine notamment et surtout pourquoi les laisse-t-on faire ?

    « Les Français considèrent qu’ils sont une espèce d’îlot de bonheur provisoire dans un monde de catastrophes…/… On ne peut pas en déduire que si la France a des problèmes c’est le monde qu’il faut changer. ».
    Vous avez raison Docteur, quand nous chopons une maladie à l’étranger ou à cause des étrangers, ce n’est pas l’étranger qu’il faut soigner mais nous.

    « Le Ministre du redressement productif a un problème de GPS ».
    Peut-être Docteur, mais le GPS n’a d’intérêt que pour ceux qui ont comme vous perdu le sens de l’orientation, il n’est de plus utile, sinon indispensable qu’à ceux qui savent où ils veulent aller. Or vous le savez, mais Dédale ou Minotaure ne connaissant que votre main gauche c’est dans le mur de votre labyrinthe que vous allez !

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  14. « Le Général de Gaulle aurait dit il y a cinquante ans qu’il n’aimait pas les socialistes parce qu’ils n’étaient pas socialistes. »

    Une anecdote pour aller dans le même sens. Une de mes grand-mères me disait, dans les années 70, en patois picard, que dans le Pas de Calais on disait que les socialistes étaient des partageux .. mais pour eux tout seux (partageurs pour eux seulement). C’est hélas vrai.

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