vendredi 5 avril 2013

François Hollande, le bricoleur de la République



Entre le président de la République et les Français, la rupture semble consommée. Affaire Cahuzac, déplacement de deux jours en province, intervention télévisée : moins d’un an après l’élection présidentielle un ressort semble profondément cassé. Une issue pas vraiment surprenante.

Du décalage entre le discours et les actes

Les Français n’ont sans doute jamais eu une très haute opinion de François Hollande. Il a été élu parce qu’il affrontait un Nicolas Sarkozy très impopulaire, dont la manière d’être et le décalage colossal entre les discours et les actes avaient profondément démonétisé l’action. Seule une campagne très droitière, qui avait hystérisé le débat, lui avait permis de conjurer des sondages désastreux en provoquant une remobilisation de l’électorat de droite, mais sans lui permettre d’espérer gagner.

Lors de son intervention télévisée, le président, comme depuis son élection, a parlé de croissance. Mais les Français ont bien conscience qu’il s’agit d’un vœu pieu, et qu’en réalité, le gouvernement a donné la priorité à la baisse des déficits (l’un n’allant pas avec l’autre, contrairement à ce que quelques analphabètes osent encore affirmer). Il avait promis de ratifier le TSCG que si un plan de croissance européen était lancé. Les chiffres pour 2012 et 2013 démontre bien qu’il ne s’agissait que d’un « pistolet à eau contre un rhinocéros qui charge » pour reprendre l’expression de Paul Krugman.

Et le coup de grâce est arrivé mardi avec les aveux de Jérôme Cahuzac, l’ancien ministre du budget, qui pratiquait la désertion fiscale en Suisse et à Singapour. Quel symbole désastreux pour la première année du mandat de François Hollande ! Faites ce que je dis, pas ce que je fais… Le discours sur la croissance de jeudi dernier sonne tout aussi faux. Car l’immense majorité des mesures du gouvernement la freineront au lieu de la pousser. Il y a fort à parier qu’en fin d’année, il nous refera le coup de la crise plus dure que prévu alors qu’il est le seul responsable de la croissance en 2013.

Des dirigeants et des gestionnaires

Mais en réalité, c’est surtout parce qu’il n’y a pas de véritable politique économique. Ce n’est pas que le gouvernement ne fasse pas des choix, mais il agit comme un gestionnaire ou un comptable au lieu d’agir comme un dirigeant politique. Je n’ai rien contre les comptables, une profession utile. Mais le comptable, s’il peut proposer des décisions, raisonne en général dans le cadre qu’on lui donne, mettant en place des ajustements ça et là que ses dirigeants ont tranchés.

Et c’est un peu cela que fait ce gouvernement (comme le précédent, d’ailleurs). Il ne dirige pas, il gère dans un cadre étroit qu’il refuse de remettre en question (libre-circulation des capitaux, libre-échange, banques centrales indépendantes, pas de monétisation, normes européennes diverses et variées). Ce faisant, économiquement, François Hollande n’est pas un président mais bien plus un administrateur de notre pays qui se fixe des marges de manœuvre extrêmement limitées.

Notre régime de protection sociale est en déficit ? Le gouvernement augmente les taxes et baisse quelques prestations (baisse des allocations familiales, désindexation des retraites). Pas une seconde il n’imaginerait une réforme en profondeur de son mode de financement (ce qui permettrait pourtant de rester dans le cadre actuel) et encore moins de remettre en cause cette anarchie commerciale qui pousse au moins-disant social. Bref, le changement, ce n’est pas pour maintenant.

Ce faisant, François Hollande et son gouvernement ne sont pas les dirigeants de la France, ils n’en sont que des petits comptables, qui essaient péniblement de restaurer l’équilibre des comptes, comme si l’équipage du Titanic refaisait la décoration du pont alors que le bateau coulait…

19 commentaires:

  1. A ce train c'est plus comptable mais syndic de liquidation.

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  2. L'affaire Cahuzac peut faire exploser la Vème République.

    La vidéo dure 6 minutes 35 : il faut bien écouter tout ce que dit Fabrice Arfi, journaliste d'investigation à Mediapart :

    http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=N90sLEiOkfA

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  3. Nos comptables de gouvernants sont tellement sûrs de leur politique de croissance qu'ils en sont à vendre les bijoux de famille pour atteindre leur objectif de réduction des déficits :
    http://lexpansion.lexpress.fr/economie/le-gouvernement-pret-a-vendre-les-bijoux-de-famille-pour-reduire-le-deficit_379004.html#xtor=AL-189

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    1. Mais non... ils savent très bien qu'en augmentant les impôts en même temps qu'en baissant les dépenses (et encore, elles ne baissent pas beaucoup en France) ils tuent la croissance. Ils n'ont simplement pas le courage de faire les réformes de l'Etat douloureuses mais nécessaire ni la modernisation (liberalisation) du travail et de la fiscalité.

      ils sont tétanisés. Seulement c'est un mauvais calcul, quitte a être impopulaire autant que ça soit en faisant les réformes douloureuses, malheureusement ils n'ont pas le courage.

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    2. En quoi démanteler l'Etat et les services publics amènent une quelconque croissance ? Pour reprendre l'analogie de LP c'est comme si dans un bateau qui coule on réagissait en nettoyant le pont...

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    3. Pire : ce serait creuser de nouveaux trous. Le problème immédiat est de faire circuler l'argent, certainement pas de l'économiser. A plus long terme, il y a évidemment beaucoup de dépenses inutiles et de surcharge administrative - mais plus encore de besoins insatisfaits : police, justice, infrastructures.

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    4. A parti d'un certains seuil (nous en sommes à 57% de dépenses publiques par rapport au PIB) le poids de l'Etat étouffe totalement l'économie privée, la croissance, le pouvoir d'achat, les investissements, les emplois. C'est simple a comprendre.

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    5. C'est si "simple à comprendre" que c'est une ânerie, parce que ces 57% de dépenses font aussi fonctionner le privé. Si l’État aujourd'hui réduit ces dépenses, c'est la pays tout entier qui s'appauvrit par la déflation. Et ces 57% sont la contrepartie de prestation sociales et de services publics tout aussi utiles que ceux du privé. Que, toutefois, la croissance redémarre, et le privé accroîtra mécaniquement sa part quelques points de pourcentages du PIB.

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  4. Les actifs financiers des Administrations publiques étaient, fin 2011, de 921,7 milliards d'euros.

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  5. Le PS ne pouvait pas ignorer la mentalité de Cahuzac comme l'explique ce texte ou on en apprends de bonnes sur Cahuzac et ces "sociaux démocrates" comme ils se nomment.

    http://www.marianne.net/Ce-que-tout-le-monde-pouvait-au-moins-savoir-Cahuzac-n-etait-pas-de-gauche-_a227904.html

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  6. NDA est cité ici sur le sujet, la mollesse de Hollande devient coupable :

    Face au vide de l’exécutif, le parlement a pris sa place. Il y a eu l’an dernier le rapport du sénateur Eric Bocquet. Cette année, pas mois de trois commissions travaillent sur le sujet à l’Assemblée : Yann Galut, le tandem Alain Bocquet – Nicolas Dupont-Aignan et Pierre-Alain Muet sur l’optimisation fiscale des entreprises. Auditionné par les trois commissions, je n’ai pu que me réjouir du degré d’investissement et d’implication de tous les élus rencontrés, décidés à agir.

    http://alternatives-economiques.fr/blogs/chavagneux/2013/04/04/les-3-lecons-economiques-de-l%E2%80%99affaire-cahuzac/

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  7. Si "François Hollande et son gouvernement ne sont pas les dirigeants de la France, ils n’en sont que des petits comptables " c'est que le dévoiement de la Constitution de la Veme ( notamment l’élection pour 5 ans du Président de la République associé a l'Assemblé Nationale ) le permet , alors NDA pourrait proposer un retour au texte de 1958 ou une constituante

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  8. François Hollande,
    ce capitaine de pédalo!
    Hollandréou!
    Ce Président (de conseil général)!
    Cet héritier (après Chirac) d'Henri Queuille!
    Quand il y avait un PC le PS aurait eu droit à l'aimable qualificatif de "sociaux-traitres", les plus orthodoxes gestionnaires du capitalisme financier apatride et de son cheval de Troie qu'est l'UE sous tutelle allemande.

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  9. @ Olaf & BA

    C’est juste, je ne pensais pas que cela irait aussi vite.

    Alternatives économiques qui décerne un satisfecit à NDA, c’est beau !

    @ Anonyme

    Merci pour le lien. En effet, que Montebourg annonce des privatisations est un bon symbole de la faillite complète de ce gouvernement (et de Montebourg).

    @ JeanP

    Je partage les points de TeoNeo & J Halpern. Les économies doivent être faites en période de croissance, pas aujourd’hui. Et sur le 57%, on compare des choux et des carottes (le périmètre du service public n’est pas le même partout : il est plus grand en France), même s’il me semble qu’il faudrait sans doute faire des économies.

    @ A-J

    Merci pour le rappelle

    @ TeoNeo

    Bien d’accord

    @ Patrice

    Plutôt un retour à 1958 pour moi…

    @ Cording

    Bien d’accord

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  10. Cath Anonyme 1

    Le plus inquiétant, je viens de le trouver sur le site du Point, mais des amis me disent qu'on peut lire ce type d'arguments ailleurs également.
    C'est l'idée, discrètement noyée au milieu d'un article, qu'il faudrait faire appel à des "techniciens" pour remplacer le 1er ministre et son gouvernement....
    Voilà le petit paragraphe que j'y ai lu, et qui m'a fait bondir :

    "Restent donc deux options. La première consiste à mettre sur pied un gouvernement technique, d'ouverture, qui ferait la part belle aux centristes et à des personnalités "qualifiées" comme Pascal Lamy, Louis Gallois ou Jean-Claude Trichet. Mais de quels soutiens ce gouvernement new-look pourrait-il se prévaloir ? Le MoDem ne compte que deux députés à l'Assemblée nationale, et après l'intervention télévisée de François Hollande, Jean-Louis Borloo a radicalisé ses critiques contre le chef de l'État. Quant aux députés de base du PS, ils regarderont avec méfiance cet attelage technocratique. Au final ne demeure que le "bon vieux remaniement politique". Celui qui consiste à faire entrer des poids lourds (Martine Aubry, Bertrand Delanoë, Gérard Collomb, voire François Rebsamen ou Ségolène Royal) autour d'une équipe resserrée de 15 à 18 ministres entièrement tournée vers 3 objectifs socio-économiques (le chômage, le désendettement de la France et la reprise de la croissance)".

    Belle analyse, n'est ce pas ???

    L'idée de faire appel au directeur de l'OMC, à l'ancien chef de la BCE, ou au rapporteur du choc de compétitivité qui va peu ou prou mettre les salariés français au niveau du Bengladesh par l'intermédiaire de l'accord signé avec Parizot, les trois étant affiliés soit au Bilderberg soit à Goldman Sachs, à la finance internationale et/ou aux entreprises du CAC40, est plus qu'inquiétant.

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  11. Cath anonyme 2

    On se demande jusqu'à quel point le chaos ne serait pas organisé pour permettre d'imposer un "sauveur" et de renouveler ainsi le coup d'état de Mario Monti à la tête de l'Italie, par le placement d'un de ses coreligionnaires à la tête de la France, afin de terminer de la dissoudre et la mettre enfin au niveau de la Grèce, soit à portée totale et définitive des appétits et de l'avidité sans fin de tous ceux qui ont déjà ruiné l'Europe du Sud.
    Franchement, voir fleurir de tels articles me fait vraiment très très peur pour notre avenir, après tout, je les crois même capables de tenter également de recaser Monti chez nous, lui qui à l'heure qu'il est cherche un nouveau poste rémunérateur à sa mesure...(couler la France, après l'Italie, ça ferait monter sa côte auprès des voraces instances internationales)

    Par ailleurs, concernant Cahuzac, je ne saurais trop lui recommander de numéroter ses abattis et de faire super attention, car à la façon dont il a été lynché d'une manière dégueulasse par les siens comme par tous les autres, et au regard du balisage de Claude Bartelone à l'idée de son retour à l'assemblée, et, compte tenu du nombre de députés et ténors politiques impliqués dans cette affaire, (mais non encore dénoncés par les journalistes soit disant incorruptibles), on finit par se dire que décidément, il devient très encombrant.

    Son camp pourrait envisager qu'il serait peut être mieux pour tout le monde qu'il ne puisse plus jamais l'ouvrir (et ça tombe bien, on nous le décrit déprimé, dévasté, etc, etc, il me semble qu'on lui a également retiré sa protection rapprochée, belle célérité ma foi, dans ces sphères où les prébendes ne se détricotent pas facilement, et encore moins rapidement habituellement) ...

    Bref, e ne suis pas complotiste, mais toute cette affaire ne sent vraiment pas bon, au delà de ce qu'on veut bien concéder au compte goutte au bon populo, sous la toujours efficace mise en avant de l'opération main propre et de la chasse aux brebis galeuses ...

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    1. vous croyez que 15gramme de plomb lancé a 850m / s pourrait le croiser a l'insu de son plein gré comme Bérégovoy ?

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    2. Cath anonyme

      Exactement.
      La république irréprochable aurait tout à gagner à sa brutale et triste disparition.
      On pourrait également faire porter le chapeau au peuple, qu'on accuserait alors de l'avoir "jeté aux chiens"...

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    3. Cath anonyme

      Vous êtes parent de notre futur premier ministre, Pascal ??

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