vendredi 16 août 2013

Que penser du rebond de la croissance ?


C’est la bonne nouvelle estivale à laquelle personne de n’attendait : la croissance européenne a rebondi au 2ème trimestre et a atteint 0,5% pour la France. Même s’il faut prendre avec des pincettes ces chiffres, cela confirme le scénario que j’avais esquissé de reprise illusoire pour 2014.



Lire entre les lignes

Comme du temps de Christine Lagarde, le gouvernement s’est félicité de ces résultats, en en faisant (bien maladroitement et peu crédiblement) le résultat de sa politique. Naturellement, ce discours est extrêmement hâtif. Tout d’abord, il ne s’agit que d’un bon chiffre trimestriel, qui devra être révisé, et qui ne fait que confirmer un objectif de croissance de 0,1% pour 2013... Certes cela est plus que la moyenne de l’UE mais ce chiffre est d’autant moins glorieux qu’il correspond à une baisse du PIB par habitant dans un pays où la population continue à croître de manière importante.

En outre, le détail des chiffres est moins flatteur. Primo, l’investissement recule de 0,5%, ce qui augure mal pour l’avenir. Ensuite, 40% de la croissance vient d’une hausse de stock, ce que Pierre Moscovici s’est bien gardé de pointer alors que si leur contribution avait été négative, il n’aurait pas manqué de le faire. Enfin, si 0,3 point de croissance vient de la croissance de la consommation de 0,4%, il faut préciser que la moitié de cette croissance s’explique par l’énergie dont la consommation a progressé de 2,4%. En clair, à stock étal et sans un printemps maussade, la croissance aurait été de 0,15%...

Avis de reprise illusoire confirmé

Il y a quelques mois, j’avais pronostiqué une légère reprise pour 2014, autour d’1% de croissance, du fait du rebond naturel de l’économie (ce qu’illustre l’augmentation des ventes de voitures de 2% au 2nd trimestre 2013), du léger desserrement des politiques de rigueur, d’un contexte international qui s’améliore et d’une reprise de l’endettement. Beaucoup n’avaient pas bien compris mon message. Il est bien évident que je ne pense pas que ce léger regain de croissance valide de quelque manière que ce soit les politiques qui sont suivies. Bien au contraire, comme je l’écrivais, cette faible croissance sera illusoire, privilégiant riches et multinationales et ignorant une majorité de la population.

Néanmoins, il ne sert à rien de ne pas admettre ce léger regain car être trop pessimiste ou refuser la réalité peut décrédibiliser. En revanche, nous devons décortiquer les chiffres pour démontrer que cette reprise est illusoire et insuffisante, pointer le chômage de masse, la baisse du pouvoir d’achat pour une majorité des citoyens… Il nous faut souligner que cette reprise ne profite qu’aux plus riches (la hausse de 25% des grandes fortunes) ou des multinationales (dont les profits battent des records). Ce discours, équilibré et ne niant pas la réalité, est le plus à même de convaincre nos compatriotes.

Même si elle est très limitée, de nombreux facteurs expliquent le léger regain de croissance au 2nd trimestre et devraient permettre à l’économie française de retrouver une croissance d’environ 1% en 2014, si tout se passe bien. Cependant, cette légère reprise sera illusoire comme le sentent bien les citoyens.

22 commentaires:

  1. "La baisse du pouvoir d'achat" = langue de bois. "Appauvrissement", non?
    Jard

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  2. La France a perdu 27.800 emplois marchands au deuxième trimestre :

    http://www.lesechos.fr/economie-politique/france/actu/0202949313583-la-france-a-perdu-27-800-emplois-marchands-au-deuxieme-trimestre-595250.php

    Extraits :

    « L’emploi dans les secteurs marchands non agricoles a baissé de 0,2 % au deuxième trimestre selon l’Insee et la Dares. L’intérim semble se porter moins mal, mais sur cette période la France a détruit trois fois plus d’emplois qu’au premier trimestre. La sortie de récession au deuxième trimestre de 2013 n’a pas encore d’effets sur l’emploi. Bien au contraire. Selon les chiffres publiés ce matin par l’Insee et la Dares en effet, l’économie française a continué de perdre des emplois au deuxième trimestre. Et en a même perdu trois fois plus qu’au cours des trois premiers mois de l’année. Au deuxième trimestre en effet, la France a perdu 27.800 postes dans les secteurs marchands non agricoles (soit un repli de 0,2 %.) Cette baisse est nettement plus importante que celle observée au cours des trois mois précédents  : de janvier à mars, l’économie française avait en effet perdu 8.300 postes. Sur un an, la France a perdu près de 118.200 emplois (-0,7 %). »

    « Dans le détail, l’emploi dans l’industrie et dans la construction est en baisse au deuxième trimestre 2013 (respectivement -0,4 % et -0,5 %). L’emploi du tertiaire dans son ensemble diminue légèrement. Hors intérim, l’emploi marchand diminue de nouveau ce trimestre (-24 200 postes, soit -0,2 %) à un rythme proche de celui du trimestre précédent (-21 600 postes). »

    Donc l'emploi dans le secteur marchand non agricole, notamment l'industrie, a continué à être détruit au deuxième trimestre 2013, malgré la croissance à 0,5%. Voir cet article du 23 Mai 2013 : « Destruction d'emplois : l'industrie toujours bon premier »:

    http://www.liberation.fr/economie/2013/05/23/destruction-d-emplois-l-industrie-toujours-bon-premier_905081

    Tant que cette tendance qui date depuis un long moment maintenant n'est pas inversée, il n'y a pas grand chose à espérer.

    Saul





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  3. Pourtant la balance des paiements de la ZE est excédentaire, il y a un problème :

    http://www.ecb.int/press/pr/stats/bop/2013/html/bp130816.en.html

    olaf

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    1. S’agissant du commerce total des Etats membres, l’Allemagne (+81 milliards d’euros en janvier-mai 2013) a affiché le plus fort excédent, suivie des Pays-Bas (+24,3 milliards), de l’Irlande (+15,3 milliards) et de l’Italie (+8,7 milliards). La France (-32,9 milliards) a accusé le plus fort déficit, suivie du Royaume-Uni (-26,1 milliards) et de la Grèce (-8 milliards).

      http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/0202952542881-zone-euro-les-exportations-en-hausse-de-3-en-juin-595767.php

      Il y a un problème pour la France.

      Saul

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  4. A priori, le ralentissement de la croissance par rapport à celle des pays partenaires produit un excédent commercial. Dans le cas de l'Europe, l'augmentation des soldes commerciaux est générale, mais très insuffisante pour inverser le déficit structurel des pays du Sud. Quant à la balance financière, il semble que l'Europe reste une zone attractive pour les capitaux flottants.

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  5. Concernant la politique énergétique allemande, une étude qui va à l'inverse de ce qui est couramment dit :

    The reason is simple: Germany’s renewable growth has more than offset nuclear shutdowns while efficiency has flattened or decreased electricity demand. It’s not even possible for German power plants to emit more CO2 because of their national emissions cap under EU law.

    http://blog.rmi.org/separating_fact_from_fiction_in_accounts_of_germanys_renewables_revolution

    olaf

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  6. 1% de croissance ? Vous êtes optimiste. Le consensus des économistes tourne plutôt vers 0.6 % pour 2014.

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  7. Emploi et renouvelables :

    As Germany has shown, investing in renewables can grow economies and create jobs while cutting greenhouse gas emissions even in a climate as “sunny” as Seattle. We just have to get the facts right, and insist that our reporters and media tell us the truth, the whole truth, and nothing but the truth.

    http://blog.rmi.org/blog_2013_07_31_debunking_renewables_disinformation_campaign

    olaf

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  8. Saul

    Le problème de la France est connu, c'est un mauvais positionnement sur les marchés, un immobilier aux prix trop élevés, un management des entreprises souvent défaillant impactant la capacité d'innovation et la qualité des produits...

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    1. Comment corriger ces problèmes avec la rapidité souhaitable ? Malgré ses problèmes de compétitivité la balance commerciale de la France n'a pas toujours été déficitaire, comme elle l'est depuis une dizaine d'années. Dans les années 90, elle était encore excédentaire. Elle est devenue déficitaire avec la forte progression du taux de change de l'euro dans les années 2000. La France et d'autres pays ont commis l'erreur de croire qu'ils pouvaient avoir le même taux de change monétaire que l'Allemagne.

      Saul

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  9. Que penser ? Rien.

    Qu'on soit à -1, 0 ou +0.5 on reste dans le trou du chômage et du déclin structurel.

    Rien n'a été fait, il faut une baisse massive de la fiscalité des entreprises et des individus, des simplification réglementaires, de la réciprocité internationale, de l'ouverture à la concurrence des services de l'Etat et une gestion économe.

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  10. Saul

    Cette histoire de taux de change ne me convainc pas et la dévaluation jusqu’où ? Un pays qui dévalue en permanence est un pays en déroute qui ne résout rien de ses problèmes, ne fait que reculer pour ne jamais sauter. Encore une fois, l'immobilier a plombé l'économie française ainsi que de trop faibles investissements et performances en RD et en robots. La bulle immo francaise souffre de trop peu de constructions, celle espagnole de trop de constructions. Une dévaluation entraine des coûts accrus sur la couverture par les entreprises concernant les risques de change et fait fuir les capitaux, il faut en tenir compte :

    La dévaluation est souvent présentée comme LA méthode la plus simple et efficace pour relancer l'économie d'un pays. Il faut cependant prendre en compte l'effet-prix sur les importations, qui peut être très fort principalement pour les pays ayant peu de ressources naturelles (énergétiques + matières premières). En France, la facture énergétique est en augmentation constante depuis 4 ans et a atteint 69 milliards d'euros en 2012 (source: "Résultat du commerce extérieur en 2012 - Bercy"). De quoi faire réfléchir un peu toutes les personnes criant haut et fort que "l'euro est trop fort" et qu'il suffirait de dévaluer pour régler le problème...

    http://www.captaineconomics.fr/theorie-economique/item/350-condition-marshall-lerner-theoreme-elasticite-critique

    olaf

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    1. Pour qu'il y ait dévaluation d'une monnaie, il faut d'abord qu'il y ait un taux de change fixe de celle-ci par rapport à une monnaie de référence ou un panier de monnaie. Si le taux de change est flottant, ce sont les marchés financiers qui dévaluent ou réévaluent en permanence une monnaie par rapport à une autre. C'est le cas de l'euro, du dollar, du yen, etc. qui ne sont jamais dévalués ou réévalués les uns par rapport aux autres car ils sont dans un mécanismes de de change flottant. Le système monétaire européen était un régime de changes fixes autorisant une légère dépréciation des monnaies, limitée à 2,5 %. Cette limite a été fixée à 15 %, en juillet 1993, lorsque les autorités monétaires ont reconnu que la spéculation gagnait systématiquement, les banques centrales n'ayant pas assez de réserves de change pour empêcher que la dépréciation devienne dévaluation. Après on a fait la bêtise de créer l'euro.

      http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9valuation

      Si demain un pays sort de l'euro de manière non concertée avec ses partenaires, il va, je crois, avoir à se poser la question s'il va dévaluer ou réévaluer sa monnaie (il faut pour cela qu'il détermine un taux de change fixe par rapport une monnaie de référence ou ou un panier de monnaies)ou alors mettre sa monnaie dans un mécanisme de change flottant.

      Saul

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  11. Saul

    Concernant la juxtaposition euro-perte d'exportations de la France, corrélation n'est pas causalité sachant que de nombreux facteurs sont intervenus entretemps, l'oublier mène à des analyses tronquées.

    olaf

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    1. @ Olaf

      La dévaluation donne à court terme l'oxygène dont nous avons besoin pour relancer l'économie et l'investissement des entreprises. Elle permet de protéger notre marché intérieur sans recourir à des mesures protectionnistes explicites. Quant au coût de l'énergie importée, ce serait un dommage immédiat mais bienvenu à moyen terme du point de vue de la transition énergétique.
      Mais évidemment la dévaluation n'est pas une panacée, personne ne prétend qu'elle constitue à elle-seule une politique économique alternative.

      Pour ranimer l'investissement et l'innovation, il faut aussi des conditions financières et fiscales favorables, une politique macroéconomique garantissant la stabilité des débouchés, et une planification des commandes et des incitations publiques.

      L'ensemble de ces mesures ne s'opposent pas, elles se complètent.

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  12. @Laurent Pinsolle,
    le gouvernement nous enfume: donner une croissance entre -0,1 et +0,5%, c'est de la bouillie pour chat! Ce qui compte, c'est la diminution du chômage: même à 0,5% de croissance, le chômage n'est pas près de diminuer durablement en France avec le type d'économie que nous avons. Pour espérer une baisse durable, les économistes s'accordent sur le chiffre d'au moins 3% de croissance, autant dire une chimère.
    Il serait temps pour le gouvernement d'avouer que nous avons probablement vivre une couche de la société qui restera sur le carreau de manière durable si on reste dans l'UE...


    CVT

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  13. les 0,5 pour cent : pipo !!!
    si on réfléchit : augmentation de la dette ?
    augmentation du chomage ?
    meilleure balance commerciale ?

    à quoi à servi l'augmentation de la dette ? suspect !
    Est ce vraiment de la bonne administration ? car je ne veux pas parler de gestion ???

    HONNETEMENT , je ne le pense pas ? de nouveaux emplois vont à nouveau alourdir les dépenses publiques et davantage planter notre compétitivité ????

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  14. Il n'y a rien a en penser c'est si tristement ridicule que le gouvernement lui même prend cela avec des pincettes 2014 arrive a grand pas et les bourdes suffisent !

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  15. et pendant qu'on mégotte sur des chiffres minables de -0.1 à +0.5, c'est la fiesta dans certaines économies libres... comme en Argentine où la croissance fait un bond spectaculaire : 5,1% sur un an au premier semestre contre 1,9% en 2012.

    http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/0202953542333-l-economie-argentine-accelere-595870.php

    Age

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  16. En complément de mon dernier message: "Change fixe, change flottant : les deux types de régime de change" :

    http://www.lafinancepourtous.com/Decryptages/Mots-de-la-finance/Change-fixe-change-flottant-les-deux-types-de-regime-de-change

    Patrick ARTUS : « Voit-on une correction du mal profond de la France et de l’Italie?

    http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=72435

    Résumé : Ces deux pays sont dans situation de maladie hollandaise qui s’auto-entretient. Le mal profond de la France et de l’Italie est le décalage entre le niveau élevé du coût du travail et le niveau de gamme faible de la production, en particulier dans l’industrie. La France et l’Italie sont donc frappés par la maladie hollandaise ; c’est à dire une situation où la rentabilité de la production et du capital dans l’industrie est faible . Il y a donc dissuasion à investir dans l’industrie, désindustrialisation...

    Saul




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  17. Ces 0,5 % PIB sont un non événement, surtout si on garde à l’esprit l'augmentation de la population.
    Alors pourquoi fait il couler autant "d'encre" ? Parce que nous sommes entichés à cet indicateur culte d'un paradigme économique qui a fait pourtant son temps. Il dit peu de choses sur des choses aussi essentielles que la qualité de notre air, de notre eau, et de notre vie, de la satisfaction que nous tirons de notre existence. Si les bouchons automobiles augmentent dans les villes, notre PIB augmentent lui aussi ! Est ce vraiment un mieux ?

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  18. @ Jard

    Pas faux !!!

    @ Saul

    Merci. Il n’y a rien à espérer actuellement. Le léger moins pire pourrait réduire de sentiment d’urgence à changer en plus. Bien d’accord sur la balance commerciale. On pourrait lister plusieurs facteurs :
    - l’euro qui nous a imposé une monnaie chère, qui a accentué les délocalisations (Airbus…) et ne permet plus de réajuster notre monnaie vs Allemagne + crise
    - l’accélération de la mondialisation (Chine, moins présente avant 2000)
    - augmentation du prix des hydrocarbures

    Merci pour la note d’Artus

    @ Olaf

    Cela montre bien qu’avoir un excédent de la balance des paiements n’est pas un critère suffisant. Mais surtout, il faut raisonner hors Allemagne…

    Je vais essayer de regarder tous ces documents.

    Pas du tout d’accord sur les dévaluations. La CEE fonctionnait très bien quand il y avait des dévaluations. Les pays qui les pratiquaient n’étaient pas en déroute et allaient beaucoup mieux ainsi. L’immense majorité des dévaluations apportent du bien aux pays qui la pratiquent

    @ J Halpern

    Merci pour les réponses avec lesquelles je suis bien d’accord.

    @ Anonyme

    Le consensus se trompe souvent

    @ JP

    D’accord, mais il faut être capable d’admettre que nous sommes techniquement sortis de la récession.

    @ CVT

    En partie d’accord. D’accord sur le fait que cela ne permettra pas de réduire le chômage. Mais il faut admettre aussi que nous passons d’un recul à une légère progression (certes illusoire)

    @ Age

    Merci pour l’info. Mais il y a des soucis statistiques dans ce pays

    @ Patrice

    Très juste, mais il y a en général un lien entre PIB et emploi qui incite à prendre en compte cet indicateur

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