vendredi 7 février 2014

La Grande-Bretagne sous stéroïdes financiers


L’accélération de la croissance outre-Manche a fait de Londres le modèle qu’il faudrait suivre. Passons sur les leçons de l’histoire qui avaient déjà fait de ce pays un modèle avant qu’il ne s’effondre (comme d’autres), la simple lecture de The Economist montre que cela est totalement exagéré.



Une croissance totalement déséquilibrée

Le plus amusant est qu’il y a quelques jours, The Economist avait manipulé les chiffres pour montrer le plus grand dynamisme de la Grande-Bretagne par rapport à la France. Il faut dire que le pays affiche fièrement 1,9% de croissance sur l’année 2013, alors que la zone euro est en récession. Cependant, depuis un an, le même journal n’a cessé de nous alerter sur ses déséquilibres économiques : bulle immobilière, bulle de crédit, manque d’investissements, salaires en baisse, reprise par une consommation à crédit. Bref, même les britanniques reconnaissent que leur économie est déséquilibrée.


 En effet, il y a un grand paradoxe dans la reprise britannique. Elle repose sur la consommation des ménages alors même qu’ils perdent du pouvoir d’achat de manière continue depuis 2008 ! En effet, le moteur du crédit tourne de manière inquiétante : la croissance de la masse monétaire est revenue à 9% par an, le rythme d’avant la crise de 2008, qui a mené des banques à la faillite. Et cette masse de crédits finance notamment une nouvelle bulle immobilière, les prix étant repartis à la hausse, et faisant du pays un des pays les plus chers au monde. En effet, cette masse de crédit ne sert pas à financer des investissements, qui sont en recul de 20% par rapport à 2006, malgré la réussite de l’automobile.

Des modèles à la mode en économie

Il est tout de même effarant de voir à quel point quelques statistiques trimestrielles parviennent à faire tourner la tête de chroniqueurs aussi rapidement, sans une véritable analyse de ce qui se passe. Cela est d’autant plus stupéfiant que dans les années 2000, la Grande-Bretagne, l’Irlande et l’Espagne étaient sans cesse présentées comme des modèles pour notre pays, trop conservateur, pas assez libéral. On sait ce qu’il en est advenu. Les trois pays ont connu une grave crise bancaire imposant une intervention coûteuse de l’Etat. Alors qu’ils étaient peu endettés, ils le sont plus que nous aujourd’hui.


Pire, il ne faut quand même pas oublier que quand le déficit budgétaire de la France est de 4,1% du PIB en 2013, il atteint encore la bagatelle de 6,7% du PIB en Grande-Bretagne. Certes, la croissance va permettre une baisse plus rapide des déficits, mais cela est à nouveau rendu possible par une bulle de crédits dont on connaît l’issue. Bref, l’économie britannique est à nouveau sous stéroïdes financiers : c’est la principale raison de sa bonne performance économique récente. A moins de penser qu’il soit sain de voir le montant des crédits de monter de 10% par an, cette performance est donc artificielle.



En clair, Londres s’achète à grand frais un présent plus souriant. Mais ce faisant, tôt ou tard, comme en 2008, le pays sera rattrapé par ses excès. Et comme sa situation financière sera très différente de ce qu’elle était en 2008, cela imposera une profonde remise en question.

8 commentaires:

  1. Oui mais à partir de le crise de 2007 – 2008 le Royaume-Uni qui a commencé par subir une chute spectaculaire de son PIB (En seulement 18 mois entre 2008 et 2009 le PIB britannique a chuté de 7,2%, plus que cela avait été dans les années 1930) a fait une politique quasiment obligatoire qui lui a évité de se retrouver dans une situation grecque ou espagnole (aujourd’hui 7,1% de taux de chômage au Royaume-Uni contre des chiffres à 26 ou à 27% pour la Grèce et l’Espagne).

    http://lexpansion.lexpress.fr/economie/royaume-uni-le-taux-de-chomage-tombe-a-7-1_425003.html

    Malgré de gros déficits persistants (budgétaire, commercial) le ratio dettes publiques sur PIB du Royaume-Uni est maintenant inférieure à celui de la zone euro ou de la France. Dernière statistique d’Eurostat pour le troisième trimestre 2013 : Royaume-Uni 89,1%, France et Zone euro 92,7%,

    http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_PUBLIC/2-22012014-AP/FR/2-22012014-AP-FR.PDF

    La banque d’Angleterre a stoppé son quantative easing immobilier pour se consacrer au soutien des petites entreprises britannique. Actualité du 28 novembre 2013 : « Bank of England cuts mortgage support to avoid housing bubble”

    http://uk.reuters.com/article/2013/11/28/uk-britain-bank-regulation-idUKBRE9AR0B420131128

    “The central bank said the Funding for Lending Scheme (FLS) would cease to offer banks incentives for mortgage lending and instead be refocused on helping small firms to borrow”

    Avec une croissance qui reprend de la vigueur le gouvernement britannique espère, que le ratio dette/PIB devrait lui commencer à reculer à partir de 2016/2017 :

    http://www.lunion.presse.fr/economie/grande-bretagne-les-previsions-de-croissance-revue-a-la-hausse-ia0b0n262430

    Cela dit je ne pense pas que cet objectif pourra être atteint car la crise de la zone est appelée à s’accentuer.

    Saul

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  2. Etrange de faire cette analyse et de soutenir Nigel Farage qui est un des plus grands défenseurs de ce modele turbo-libéral utltra-financiarisé (lui-meme se definit comme "libertarian"). On ne peut pas tout passer sous pretexte d'un accord sur l'UE (et encore, car Farage et NDA ne sont pas contre l'UE pour les memes raisons). Ce n'est pas dans l'interet de la France qu'un poupuliste libertarien aux discours parfois xenophobes arrive au pouvoir dans un pays voisin. L'effondrement de la société britannique que provoquerait Farage et l'UKIP aurait surement de lourdes conséquences économiques et géopolitiques pour notre pays.

    En tout cas, j'ai l'impression que beaucoup de Britanniques s'appretent à tomber de haut. Moi qui vit pres de Londres, on sent un climat un peu sur-réaliste dans lequel tout le monde se croit tirer d'affaires et pouvoir donner des lecons à ce qu'ils considerent comme des benets continentaux étatistes. Alors meme que la crise de 2008 est d'origine financiere, et qu'ils ont du creuser leur deficit public deux fois plus que préconisé par le traité de Maastricht, ils concluent que leur retour à la croissance plus rapide que la zone Euro est une preuve éclatante de la supériorité de leur modele liberal-financier. Plus dure sera la chute.

    Un élément positif dont on ferait néanmoins bien de s'inspirer est leur forte cohésion nationale (Ecosse exceptée) et leur patriotisme serein et utile (UKIP excepté). Le jubilée de la reine, les jeux olympiques et la naissance de l'enfant princier ont permis de ressouder la communauté nationlae et de dépasser les fractures entrevues lors des émeutes de 2011. Pour ce qui est de la consommation, de nombreux produits en grande surface arborent un large drapeau britannique sur leur emballage pour indiquer qu'ils sont de fabrication locale (fruits et legumes notamment). Il est alors à la portée de tout le monde de faire un petit geste colbertiste.

    Autre point intéressant, c'est la réelle mutation de la Gauche britannique, qui a completement tourné la page au Blairisme / Brownisme pour retrouver un travaillisme plus authentique. Ed Miliband se situe sans aucun doute possible à la Gauche de Hollande et Mosocvici, et peut-etre meme de Mélenchon (meme si leurs styles sont completement incomparables). De plus, il a su s'inspirer intelligemment de la tendance "Blue Labour" de Maurice Glasman, qui a pour objectif de marier le socialisme avec des valeurs sociétales plus conservatrices qu'à l'accoutumé. Je pense que J.C. Michea y trouverait notamment son compte. Je soutiendrais donc infiniment plus Ed Miliband que Nigel Farage pour les prochaines elections generales, et je trouve que DLR sur ce point fait preuve, au mieux, d'une confondante superficialité, au pire, d'un calcul politicien tres inconséquent.

    Talisker.




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  3. Vendredi 7 février 2014 :

    Allemagne : le dossier OMT transmis à la Cour européenne.

    Le programme des "opérations monétaires sur titres" (OMT) annoncé le 12 septembre 2012 par le président de la BCE, Mario Draghi, au coeur de la crise de la dette souveraine, passe pour avoir stabilisé l'euro, alors même qu'il n'a jamais été mis en oeuvre à ce jour.

    Toute décision de justice susceptible d'en restreindre l'usage - ces opérations étant de nature "illimitée" - risquerait de déstabiliser durablement les investisseurs.

    La Cour européenne de justice est connue pour ses verdicts ayant des penchants fédéralistes, fondés sur une interprétation élargie des pouvoirs des institutions européennes.

    De ce fait, la décision de la Cour constitutionnelle allemande de s'en remettre à la justice européenne peut être vue comme une défaite pour la Bundesbank, dont le président Jens Weidmann, tenant d'une stricte orthodoxie monétaire, avait mis en cause la légalité du programme OMT.

    http://fr.reuters.com/article/frEuroRpt/idFRL5N0LC1D620140207?pageNumber=2&virtualBrandChannel=0

    La Cour de justice de l'Union Européenne est composée de 28 juges et de neuf avocats généraux. Sur ces 37 membres, l'écrasante majorité est constituée de partisans de l'Europe fédérale.

    PAR CONSEQUENT, la décision de la Cour de justice de l'Union Européenne est prévisible : elle annoncera que le programme OMT est tout à fait conforme au mandat de la BCE, et que le programme OMT est parfaitement légal.

    Ce sera une défaite de la Banque Centrale Allemande.

    Pour la plupart d'entre eux, les membres de la Cour de justice sont des fédéralistes : ils ne vont quand même pas faire exploser l'Union Européenne ! Sinon, ils se retrouveraient au chômage !

    1- V. Skouris
    2- K. Lenaerts
    3- A. Tizzano
    4- R. Silva de Lapuerta
    5- M. Ilešič
    6- L. Bay Larsen
    7- T. von Danwitz
    8- P. Cruz Villalón
    9- E. Juhász
    10- A. Borg Barthet
    11- M. Safjan
    12- C.G. Fernlund
    13- J. L. da Cruz Vilaça
    14- A. Rosas
    15- J. Kokott
    16- G. Arestis
    17- J. Malenovský
    18- E. Levits
    19- A. Ó Caoimh
    20- E. Sharpston
    21- P. Mengozzi
    22- Y. Bot
    23- J.-C. Bonichot
    24- A. Arabadjiev
    25- C. Toader
    26- D. Šváby
    27- M. Berger
    28- N. Jääskinen
    29- A. Prechal
    30- E. Jarašiūnas
    31- M. Wathelet
    32- C. Vajda
    33- N. Wahl
    34- S. Rodin
    35- F. Biltgen
    36- K. Jürimäe
    37- M. Szpunar

    http://curia.europa.eu/jcms/jcms/Jo2_7027/

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  4. "Il est tout de même effarant de voir à quel point quelques statistiques trimestrielles parviennent à faire tourner la tête de chroniqueurs aussi rapidement, sans une véritable analyse de ce qui se passe".

    Les journalistes et pseudo-experts n'ont aucun intérêt à analyser les faits avec justesse, perspicacité pour deux bonnes raisons au moins :
    - premièrement, ces gens-là cherchent uniquement à faire sensation (faits divers, inhabituels, étonnants), à susciter un intérêt immédiat dans une démarche digne du marketing
    - deuxièmement, ils n'assumeront aucune responsabilité comme l'histoire récente nous l'a démontré

    Laurent, pour ce qui concerne la politique française et plus précisément DLR, évoqué plus haut par Talisker dans des termes qui lui appartiennent, il me semble important de dire ici que le parti, qui veut peser sur l'avenir du pays, doit d'abord être visible et ensuite s'appuyer sur un programme clair pour espérer convaincre les électeurs.

    Demos

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  5. @ Saul

    Merci pour ces précisions. La Grande-Bretagne a évité une situation à l’espagnole du fait d’une politique monétaire très expansive et d’avoir menée une politique budgétaire moins restrictive que celle de la Grèce, de l’Espagne, du Portugal et de l’Irlande.

    Sur la dette, je pensais qu’ils étaient passés devant nous. Il faut noter qu’en 2007, ils étaient à 40% du PIB, contre 65% pour nous environ…

    Bien d’accord, l’Allemagne ne veut pas prendre l’initiative de la fin de l’euro. Transmis à tous ceux qui disent que l’Espagne va mieux.

    @ Talilsker

    Farage, comme nous, souhaite que chaque pays puisse mener la politique qu’il souhaite et non se voir imposer par l’Europe une politique qu’il ne souhaite pas. Cela me semble le plus important à l’échelle européenne, même si nous ne sommes pas sur la même ligne économique. De qui d’autre pourrions-nous être proches en Grande-Bretagne ? Je pense que vous caricaturez ses positions. D’accord, en partie, sur la cohésion britannique, mais l’Ecosse est tout de même un sacré problème…

    Sur le parti travailliste, cela me semble un peu tôt pour juger. Et sur l’Europe, nous ne sommes pas du tout d’accord, ce qui me semble plus important. Comment accepter que des décisions puissent être prises au niveau européen, en contradiction avec ce que nous souhaitons ? A quoi bon parler d’une politique progressiste si c’est pour rester dans un cadre néolibéral et anti-progressiste ? Voilà pourquoi je pense qu’il est plus logique d’être associé à Farage pour des élections européennes.

    @ BA

    Merci pour l’information. En effet, aucun risque d’un jugement négatif…

    @ Démos

    Après, je pense aussi qu’il y a une pression forte sur les journalistes qui ne leur permet pas toujours de faire leur travail comme ils le souhaitent.

    Je pense que pour être visible, il faut un programme clair.

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  6. @ Laurent :

    Rien que le parti conservateur britannique m'aurait paru un choix plus coherent, et plus generalement les partis du groupe parlementaire ECR (eurosceptique serieux, anti-Euro, anti-Schengen) plutot que ceux du groupe EFD (populistes extremistes, du moins selon ma perception personnelle). L'ideal selon ma propre sensibilité aurait été évidemment de soutenir les partis du groupe GUE/NGL, auquel Chevenement et les députés MRC ont toujours appartenu, mais je comprends que ca puisse etre difficile vus le mot "Gauche" dans le nom du groupe et les pesanteurs historiques en action chez DLR.

    Par ailleurs, dites que l'Europe est "néo-libérale" à un travailliste britannique et il vous rigolera bien fort au nez. Comme dit dans un autre commentaire, pour beaucoup d'Anglo-Saxons l'UE est le fruit d'un complot communiste ! De plus, je ne vois pas de point de desaccord majeur puisque Miliband ne propose nullement de faire entrer son pays dans l'Euro ni dans Schengen, et il partage la meme vision de l'Etat que DLR.

    Sur l'UKIP, je crois plutot que le fait d'etre un etranger vivant en Angleterre me fait percevoir concretement ce que signifie un UKIP à 30 % en terme de climat politique, ainsi que quelles sont reellement les idees de la base militante de ce parti. Je peux vous dire que c'est tres comparable au FN du debut des annees 2000, l'anti-semitisme en moins. Ne vous laissez pas influencer par le joli sourire de Laure Ferrari ^^

    Mais, plus generalement, je crois que nous ne serons jamais vraiment d'accord vous et moi, car pour vous sortir de l'UE semble l'objectif ultime, la bataille philosophique majeure, et mener une politique nationale plus sociale seulement un avantage parmi d'autres de cette sortie. Or, pour moi, c'est la politique plus sociale qui est l'enjeu ideologique majeur, et la sortie de l'UE seulement un moyen necessaire, qu'un effort d'honneteté intelectuelle m'oblige à reconnaitre desagreablement. En cela, je me rapproche davantage de la sensibilité d'un Olivier Berruyer sur ce sujet.

    Cela ne m'empeche cependant pas de faire votre blog un bon compagnon de ma pause café matinale :)

    Talisker.

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  7. @ Talisker

    Il est clair que vous connaissez mieux que moi la politique britannique, ma principale fenêtre sur ce qui s'y passe étant The Economist, que je lis toutes les semaines depuis 15 ans.

    La GUE ne me semble pas aussi clair sur l'Europe que UKIP (car pour le coup, UKIP va plus loin que nous). Je n'ai aucun problème, à titre personnel avec la gauche. Je me suis construis idéologiquement en 1991-1992, autour des débats de Maastricht et de l'autre politique, des débats qui traversaient les clivages politiques traditionnels.

    D'accord sur l'UE, c'est du néolibéralisme macro mais de l'excès normatif uniformisateur et technocratique d'un point de vue micro.

    Sur UKIP, je pense qu'il s'agit d'une droite populiste, et non d'extrême-droite. Il n'y a pas toutes les racines nauséabondes dans les pires milieux d'extrême droite (nazillons, OAS, révisionnistes), que l'on trouve au FN. Il y a bien sûr un discours dur vis-à-vis de l'immigration, mais il faut aussi le mettre en perspective avec la politique migratoire des 10 dernières années (où 500 à 600 mille personnes rentraient chaque année dans le pays pour 200 à 300 mille personnes de solde net par an, nettement plus qu'en France). Il ne me semble pas qu'ils tombent du côté de l'extrême-droite, qualificatif accordé un peu trop souvent à mon goût, ce qui le banalise.

    Sur l'UE, pas d'accord du tout. Pour moi (contrairement aux UPRs, il faut construire l'Europe, mais une Europe radicalement différente de l'UE)

    Et merci de le faire et de discuter. C'est en parlant avec des personnes qui n'ont pas la même opinion que l'on avance. C'est pour cela aussi que j'ai lancé l'aventure du blog collectif, pour pousser la réflexion, y compris avec des personnes avec lesquelles je ne suis pas totalement d'accord

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