samedi 22 mars 2014

Elections locales, enjeu national... et bien plus encore (billet invité)


Billet invité de l’Oeil de Brutus


C’est une ritournelle traditionnellement initiée par le(s) parti(s) au pouvoir à la veille de chaque élection locale : celle-ci n’est pas le lieu pour sanctionner la politique du gouvernement. Mais là n’est justement pas le propos.

On ne peut aujourd’hui que constater, hors quelques questions sociétales de seconde zone qui servent à amuser la galerie[i],  la convergence idéologique qui réunit la dyarchie PS-UMP au pouvoir depuis plus de trois décennies dans notre pays. A tel point que l’on peut se demander si la France n’est pas gouvernée par un parti unique à l’intérieur duquel deux clans s’écharpent les reliques d’un pouvoir qu’ils se sont eux-mêmes fait un devoir de transférer à d’autres (notre Dieu le « Marché » et ses anges de la finance, la Commission européenne, entre autres), peut-être bien afin de s’exonérer de leurs responsabilités et mettre aux oubliettes toute notion de volonté politique, d’intérêt général et par là-même de démocratie.

Or, justement non ! Ils sont responsables, ne serait-ce que de par leurs abandons et de leur lâcheté[ii]. C’est là justement que se joue l’enjeu national de ces élections municipales. L’emprise du PS et de l’UMP (et de leurs affidés : EELV, MODEM, UDI et à une degré moindre Front de Gauche) n’existe en premier lieu que par le biais d’une multitude de petits potentats locaux qui leur permettent de distribuer prébendes et petits plaçous, se créant ainsi tout un réseau de clientèle vassalisée. Nicolas Sarkozy n’aurait jamais été président s’il n’avait commencé par s’ériger sa baronnie des Hauts-de-Seine. Et il en est de même pour François Hollande et sa Corrèze. De ce fait, nombre d’hommes et de femmes de bonne volonté, de partis alternatifs à l’idéologie dominante, ne peuvent émerger faute de relais locaux. Il est l’heure aujourd’hui de changer cette donne.

Alors, certes, on trouvera parmi nos élus locaux étiquetés au PS, à l’UMP ou autres cliques soumises au néolibéralisme mondialisé, nombre de responsables sérieux, honnêtes et investis pour le bien-être de la collectivité dont ils ont la charge. Nombre d’entre eux d’ailleurs sentent bien le malaise que créent la position et les choix politiques réalisés par les organes nationaux de leurs partis. Il suffit pour cela de voir comment, avec une certaine hypocrisie, ils inscrivent en petits caractères les plus discrets possibles leur étiquette politique de référence au fin fond de leurs tracts électoraux. Mais ces élus doivent aujourd’hui être mis devant leurs responsabilités : on ne peut pas d’un côté défendre l’intérêt général, la démocratie et la république et de l’autre conserver sa carte d’adhérent dans des organisations politiciennes qui se font fort de les bafouer. Lorsqu’après le simulacre du Traité de Lisbonne, la dyarchie au pouvoir méprisait une fois de plus les vœux du peuple français en ratifiant le TSCG[iii], j’avais personnellement fait le serment de plus jamais leur accorder ma confiance, et espère bien ne pas avoir été le seul. Il est maintenant l’heure de passer aux actes.

Cet acte ne sera pas l’abstention, dont on peut entendre ci et là des appels à s’y abandonner, en particulier pour les Européennes, afin de sanctionner l’ensemble des politiques conduites par l’oligarchie en place depuis plus de 30 ans (notamment Jacques Nikonoff et Emmanuel Todd). C’est à mon sens faire là fausse route : les oligarques se satisferont toujours d’une farce électorale qui leur offre le saint sacrement, même s’ils ne sont oints que par quelques pourcents du corps électoral. Pour preuve : les élections européennes de 2009 ont déjà vu une abstention record de 60% (à laquelle il conviendrait d’ajouter les millions de Français qui ne prennent plus la peine de s’inscrire sur les listes électorales). L’oligarchie politique, et son compère médiatique, a sur le coup feint l’émotion. Mais quelles leçons en ont été tirées ? Aucune. Croirait-on vraiment qu’il en serait autrement avec une abstention à 70, 80 ou même 90%[iv] ?

Ne nous leurrons pas pour autant : le Front national ne représente en rien une solution, bien au contraire. Sur la forme, il n’est que l’épouvantail populiste qui permet à la dyarchie d’appeler au vote utile les citoyens qui craignent l’arrivée au pouvoir d’un parti d’extrême-droite. C’est donc par là-même, par ce bénéfice qu’est pour eux le FN,  que le PS et l’UMP entendent contrer l’émergence de toute alternative républicaine crédible à leur logiciel libéral-libertaire. Sur le fond, les citoyens qui se laissent happer par le leurre du vote utile n’ont d’ailleurs pas tort : n’oublions pas qu’il y a moins de 10 ans le parti de la famille Le Pen était ultralibéral et totalement inféodé au néolibéralisme ambiant. Son changement de posture du moment n’est qu’opportunisme politicien. Plus encore, comme nous le rappellent régulièrement les faits divers de quelques seconds couteaux du FN, ce parti conserve encore à sa base toute la matrice xénophobe et haineuse de ses débuts. Voter FN c’est donc renforcer la fable du vote utile et du front républicain (qui n’a d’ailleurs de républicain que le nom) tout en se faisant duper par l’imposture de sa quête de respectabilité.

En tout état de cause, il ne manquera pas dans l’immense majorité des communes française de listes non apparentées à la dyarchie au pouvoir (voire non apparentée tout court) ni à leur « idiot utile » qu’est le Front national.
Terre de paradoxes et d’idéaux, haute stature de l’histoire à sa fière devise « liberté, égalité, fraternité », cette « Grande Nation » qui n’est jamais si forte que lorsqu’elle sait qu’elle a raison seule contre tous, la France a bien souvent été précurseur des grands mouvements historiques. Il n’est pas de grands mouvements qui ne naissent d’une myriade de bonnes volontés locales.
Alors, aux urnes, citoyens !  



[i] Et encore, sur les questions du moment, l’UMP est loin d’être aussi différent du PS qu’il le prétend. Lire Quand l'UMP débattait sereinement sur la légalisation de la GPA, Le Monde, 01/02/2014.
[ii] Ah, cette retraite en rase campagne devant notre ennemi juré de la finance de M. Hollande ou encore ce fameux « les paradis fiscaux c’est fini » de son prédécesseur, adversaire politique et néanmoins compère idéologique Nicolas Sarkozy qui aujourd’hui se fait dorer son compte en banque en donnant moult conférences payées par les plus hauts lieux de la finance domiciliés dans … les paradis fiscaux (article à paraître sur le sujet).
[iii] Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance.
[iv] Le blog Lebondosage effectue une excellente analyse de l’impasse de l’arme (ou plutôt la non-arme) de l’abstention pour faire pièce au « front antinational ».  A contrario, son analyse du recours au FN mériterait d’être affinée. C’est l’objet du paragraphe suivant du présent article. 

4 commentaires:

  1. changer cette donne c'est changer de constitution ou au moins modifier sérieusement la V en y introduisant le RIC et l'obligation de tirage au sort de 50% des conseillers municipaux dans des listes de volontaireslocaux.

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  2. "Karg se 20 mars 2014 17:22

    "Mais enfin , Monsieur, les gens qui nous gouvernent sont intelligents et compétents puisqu’ils ont été dans les meilleures écoles" Pour écrire ça il faut justement ne jamais avoir mis les pieds dans ces "grandes écoles" et avoir mesuré par soit même le niveau de connerie qui y règnent. "

    Comme les énarques sont choisis sur des critères académiques en droit, économie, etc un éventuel niveau de connerie des énarques est sans doute simplement représentatif de la connerie moyenne de la population, dont vous faites par ailleurs partie.

    Et à cela il n'y a pas de remède simple : rien ne sert de changer la constitution, le mode de répartition des sièges, ou l'équilibre des pouvoirs, puisque ce sont toujours des c**s qui accèderont au pouvoir.
    Il faut donc travailler à l'être moins, dans la mesure du possible...c'est ainsi que l'humanité progressera.

    J'attire d'ailleurs votre attention sur le fait que le ministre de l'agriculture qui vous fait actuellement des misères n'est pas énarque, pas plus que son prédécesseur. Est-ce que vos affaires se sont mieux portées pour autant...?

    Marie-Monique Robin, Séralini, les journalistes y compris ceux du nouvel obs ou leurs auditeurs n'ont pas été recrutés en sortie des grandes écoles, et qu'en est-il advenu ?

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  3. Il y a deux raison pour lesquelles il est parfaitement normal de faire intervenir les problèmes nationaux dans les élections locales.
    La première, c'est, comme vous le dites, l'existence des partis politiques : on ne peut pas ne pas tenir compte du fait qu'une personne se déclare solidaire de telle ou telle option politique pour décider si cette personne est un bon choix comme dirigeant. L'appartenance à un parti avec des options politiques nationales définies est un élément d'appréciation du candidat tout de même plus sain que la couleur de sa peau, non ?
    Mais il y a aussi une autre raison : c'est qu'il y a quand même un truc qui s'appelle le Sénat ! Et les délégués des conseils municipaux sont loin de constituer une part négligeable du collège électoral pour les sénatoriales. Au niveau national, les municipales sont aussi le premier niveau d'élections de la moitié des parlementaires. Et par conséquent également des membres du congrès en cas de révision de la constitution. C'est bien aussi à une élection nationale que l'on a affaire.

    Dire que ces élections devraient porter sur des enjeux locaux, c'est donc un pur mensonge.

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