vendredi 25 avril 2014

Les colères stériles de la gauche du PS


La présentation du plan d’économie par Manuel Valls a de nouveau réveillé la gauche du PS, logiquement choquée par la direction politique prise. Mais parce que cette direction n’est pas nouvelle et remonte au moins à 1983, on peut se demander à quoi sert l’aile gauche du PS ?


Une rébellion bienvenue ?

A priori la contestation de la ligne du gouvernement par une partie de sa majorité est plutôt une mauvaise nouvelle. Et par contestation, je ne parle pas des ajustements dérisoires autour des 50 milliards d’économie que proposent quelques députés, qui valident le cadre de réflexion profondément antisocial de la majorité, ceux-ci proposent de changer la décoration du Titanic alors qu’il se dirige vers l’iceberg. Les vrais rebelles, ce sont ceux qui remettent en cause le montant même des économies à réaliser et qui proposent de ne pas respecter les engagements européens de la France. Au bémol près qu’ils s’étaient vite calmés après un premier coup de sang suite à la nomination de Manuel Valls.

Marie-Noelle Lienmann a qualifié la politique du gouvernement de « scandale » ! Mardi, Manuel Valls a reçu quelques députés récalcitrants avec Bruno Le Roux. Mais son discours n’est pas très offensif puisqu’il suit la logique du président, à savoir quête de compétitivité et baisse de la dépense publique. Les annonces de Michel Sapin ont confirmé la direction prise : quelques ajustements semblent pouvoir les amadouer. Au final, on en vient à se demander si ces incessantes querelles entre le gouvernement et l’aile gauche de sa majorité ne sont pas chorégraphiées pour servir l’un et l’autre ? En effet, l’aile gauche gagne une importance et un positionnement. Et le gouvernement y gagne une image plus centriste en montrant qu’il est plus « raisonnable » que l’aile gauche du PS. Et en cédant sur quelques points, il pourrait bien au final garder la même direction tout en espérant montrer une certaine humanité.

Un rêve qui en restera un

Bien sûr, les colères de Gérard Filoche ou Marie-Noëlle Lienmann sont respectables, mais quand on prend un peu de recul sur les politiques menées par leur parti au pouvoir, on se demande finalement pourquoi ils y restent puisque leur aile n’a jamais semblé avoir la moindre prise sur la ligne globale depuis maintenant plus de 30 ans. D’ailleurs, Jean-Pierre Chevènement et Jean-Luc Mélenchon ont finalement sans doute été plus cohérents en quittant le parti. Car il y a un moment, à quoi bon défendre des idées si souvent maltraitées par le parti auquel ils appartiennent ? Le PS a plus fait pour la libéralisation anarchique de notre économie que la droite, Jospin, plus privatisé que Balladur et Juppé réunis et le Monde publie un décryptage qui classe l’austérité version Valls plus à droite que l’austérité version Fillon !

C’est bien beau d’espérer changer le PS pour le rendre enfin social, mais les dernières années démontrent sans doute qu’il s’agit d’un rêve qui restera totalement vain tant, au contraire, ses dirigeants semblent sans cesse s’éloigner davantage de certains idéaux. Le discours de François Hollande en matière économique se rapproche chaque jour davantage des libéraux les plus dogmatiques, au point de s’attirer les remontrances vives de Paul Krugman. Et que dire du discours de Manuel Valls ? Bref, il semble totalement illusoire de leur part de vouloir redresser la trajectoire du PS, opposée à la leur.

Au mieux, l’aile gauche du PS n’est qu’un outil de communication pour la majorité et elle n’a aucun poids sur une ligne économique de plus en plus clairement libérale au sens le plus dogmatique du terme. Aujourd’hui, elle n’est qu’une caution sociale dérisoire et anecdotique sans la moindre prise sur les décisions prises.

11 commentaires:

  1. Ça y est, ils sont déjà rentrés dans les rangs : le caudillo libéral-répressif Manuel Valls les a menacés de sanctions.

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  2. Laurent, tu sais bien qu'ils agissent comme rabatteur. Ils font semblant de s'insurger pour continuer à donner une image de gauche au PS. C'est pareil pour les gaullistes à l'UMP d'ailleurs. Comme l'idéologie néolibérale n'était pas accepté directement le PS et l'UMP on construit des oppositions factices et purement verbales. Je mets d'ailleurs Montebourg dans le tas. Et puis soyons franc, dans la culture individualiste française la majorité préfère la gamelle à la défense de ses convictions. Le monde peut s'écrouler tant qu'ils peuvent continuer de diner en ville.

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    1. D'accord avec ça qui rend le discours cohérent avec les actes. Parce qu'au bout de 30 ans, même le dernier des crétins aurait compris ce qu'est le PS.

      D'un autre côté, quand on voit les positions en politique étrangère de la France depuis quelques années... : http://www.les-crises.fr/double-discours-neil-clar/

      Extrait : "En outre, les politiciens et les experts « médiatiques » occidentaux nous ont dit, de l’air le plus sérieux, que le référendum en Crimée était invalide parce qu’il avait été conduit dans des conditions d’« occupation militaire ». Mais je viens de regarder un reportage sur les élections en Afghanistan, qui se déroulent dans des conditions d’occupation militaire. Des personnalités occidentales, telles que le secrétaire général de l’OTAN Anders Fogh Rasmussen, ont fait l’éloge de la tenue de ces élections, les qualifiant de « moment historique pour l’Afghanistan » et d’immense succès de la « démocratie ». Pourquoi le vote en Crimée est-il écarté du compte, alors que les élections en Afghanistan sont exaltées ? Je suis dérouté. Quelqu’un pourrait-il m’expliquer ?"

      (texte pas spécifique à la France mais comme on fait exactement pareil que les USA-GB depuis quelques années...)

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  3. L'aile gauche joue le rôle du flic gentil qui fait semblant de vouloir retenir les coups du flic méchant, et ce dernier fait semblant de taper moins fort que si le flic gentil n'avait rien dit.

    A la limite on peut même trouver le flic gentil encore plus répugnant.

    Ivan

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  4. Le problème n’est pas qu’ils défendent une ligne minoritaire au sein de leur parti, c’est tout à leur honneur s’ils sont convaincus que c’est la meilleure option. Le problème est qu’ils le font au sein d’un parti qui n’est pas du tout démocratique, et que c’est donc peine perdue. L’exemple le plus flagrant est le récent vote texte pour la « convention Europe » : http://www.sinemensuel.com/filoche-seme-son-blog/convention-europe-du-ps-6-et-16-juin-harlem-touche-pas-a-mon-vote/ Procédé complètement anti-démocratique dénoncé par la gauche du PS… sans aucune conséquence.

    Si le Parti de Gauche / Front de Gauche pouvait prendre le dessus sur le PS, on se retrouverait avec une gauche antilibérale, écologique, favorable au protectionnisme solidaire, à des services publics forts, pas contre une sortie de l’euro, pour une sortie de l’OTAN, etc. Ce qui donnerait quand même du coup des débats d’un autre niveau que ceux aujourd’hui…

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  5. @ Rodolphe

    L’appartenance à un parti impose un minimum de discipline

    @ Yann

    Figure-toi que je viens seulement de le réaliser. Très juste sur les gaullistes d’opérettes de l’UMP qui ont un peu de culot à signer la tribune qu’ils ont signé s’ils soutiennent Nicolas Sarkozy qui a continué dans la droite ligne des pires fédéralistes dogmatiques qui oublient démocratie et social…

    @ Bip

    Merci pour cet intéressant rappel

    @ Ivan

    Tellement bien vu : c’est vraiment cela, un jeu du flic méchant et du flic gentil. Excellent résumé

    @ Leulier

    Pendant un temps, on peut rester dans un parti pour peser sur sa ligne. Au bout d’un certain temps, on finit par être complice d’une organisation qui fait l’inverse de ce que l’on croit…

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  6. Si vous prenez le temps de jeter un regard sur le passé des socialos (fin du XIXème et XXème), vous verrez qu'il vaut mieux qu'on ne revienne pas sur leurs exploits, eux qui ont été souvent brutaux avec les pauvres et les ouvriers. N'oubliez pas que le PS est un parti de notables conservateurs, qui se sont même à l'occasion montré réactionnaires ! Il est peut-être temps de voir le monde tel qu'il est plutôt de croire aux contes de fée. On ne peut pas faire ce reproche à nos classes dirigeantes.

    Demos

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    1. Ils sont, à l'évidence, dans une phase bien réactionnaire, quoique camouflée derrière le mariage homo et emballé dans un peu de papier toilette rose.

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  7. Je crois que le problème est que les députés de l’aile gauche du PS auraient risqué de ne pas être élus s’ils avaient osé faire scission avec le PS et cela aurait ruiné les chances du PS de battre l’UMP. Autrement dit je pense qu’il ne faut pas leur jeter la Pierre car eux comme nous doivent gagner leur Pain.
    Je crois en la sincérité de Marie-Noëlle Lienemann, qui a du charisme, des convictions et depuis des années affirme des choses qui vont dans le même sens. Je donnerais beaucoup pour qu’elle soit à la place de Valls. J’ai regardé la motion « Convention Europe : pour un coup d’arrêt immédiat des politiques d’austérité » (voir lien ci-dessous) de son groupe « maintenant la gauche » qu’elle a élaboré notamment avec Jérôme Guedj et je trouve que ce qu’elle propose ressemble beaucoup plus aux idées de DLR qu’à celles d’Hollande.
    Il me paraît évident qu’il existe beaucoup de points communs entre l’aile gauche du PS, le MRC, DLR et un certain nombre de gaullistes de l’UMP. Tous ces groupes devront, je crois, se regrouper un jour pour créer un parti si on souhaite que la puisse se libérer de Bruxelles.
    S’il pouvait avoir des réunions avec des membres de l’aile gauche du PS, de DLR, du MRC voir de l’UMP pour qu’ils se rencontrent comme en décembre2007 contre la ratification du traité de Lisbonne (voir lien : http://www.gaullisme.fr/presse021207.htm) avec Messieurs Chevènement, Dupont Aignan et Mme Lienemann, ce serait une avancée.
    http://www.mnlienemann.fr/2013/04/convention-europe-du-ps-pour-un-coup-d%E2%80%99arret-immediat-des-politiques-d%E2%80%99austerite-une-reorientation-rapide-et-majeure-de-la-construction-europeenne/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=convention-europe-du-ps-pour-un-coup-d%25e2%2580%2599arret-immediat-des-politiques-d%25e2%2580%2599austerite-une-reorientation-rapide-et-majeure-de-la-construction-europeenne&utm_source=twitterfeed&utm_medium=twitter

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    1. Le problème, ce n'est pas tant leur éventuelle scission du PS. Le problème, ce sont les veaux et les crétins qui votent pour le candidat "investi" par le PS, même si c'est une chèvre avec une rose accrochée au collier.

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  8. @ Démos

    C'est exactement la thèse de Michéa.

    @ Anonyme

    Très juste. Bonne idée.

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