dimanche 22 juin 2014

Pour rejeter l'Europe néolibérale, les souverainistes de tous les partis devront s'unir (billet invité)


Billet invité de Cochin

Près d'un mois après les élections européennes, il est possible de dresser un premier bilan de leur incidence sur la vie politique française. Comme beaucoup l'ont noté, le vote des Français montre une défiance croissante de ceux-ci à l'égard à la fois des deux grands partis traditionnels, qui obtiennent à eux deux à peine un tiers des suffrages exprimés, et des deux formations les plus favorables à l'Union européenne (les Verts et les centristes), qui ne recueillent que 20 % des voix. D'aucuns ont donc pu voir dans ces élections une victoire des eurosceptiques de tous bords (Front de gauche, Debout la République et Front national), laissant espérer à terme une rupture avec les politiques mortifères menées depuis au moins trente ans par les élites politiques de notre pays.

L'impasse Front national

Un tel constat doit cependant – hélas – être fortement nuancé, et ce pour plusieurs raisons. La première d'entre elles tient au fait que l'électorat eurosceptique s'est porté principalement sur le Front national, c'est-à-dire sur un parti qui, par son passé mais aussi par les régulières prises de position pour le moins ignobles de certains de ses principaux dirigeants, reste en dehors du cadre républicain.
Si l'on peut comprendre que nombre d'électeurs désirant une véritable rupture avec les politiques menées alternativement par l'UMP et par le PS aient accordé leurs suffrages au mouvement qui leur semblait le mieux incarner l'opposition aux anciens partis, un tel choix est cependant regrettable, étant donné qu'il ne permet en rien d'espérer un meilleur avenir. Du fait de son positionnement politique, le Front national, s'il a de grandes chances de se retrouver au second tour de la prochaine élection présidentielle, n'a en effet quasiment aucune chance de l'emporter à la fin, en raison du fait qu'il ne dispose d'aucun allié potentiel au sein des autres grands mouvements politiques et qu'il suscite même largement leur hostilité.

Paradoxalement, parmi les formations eurosceptiques, c'est donc celle qui a le plus de chance de passer le premier tour qui est aussi celle qui a le moins de chance de remporter le second, à cause de l'isolement dans lequel le laissent les autres partis souhaitant rompre avec l'Union européenne – selon nous à raison, mais là n'est pas la question. À l'inverse, Front de gauche, Mouvement républicain et citoyen et Debout la République – qui sont tous trois des partis dont la présence au second tour reste aujourd'hui plus qu'improbable – auraient sans doute toutes les chances de l'emporter dans un face à face avec le PS ou l'UMP, grâce à un efficace report des voix souverainistes (l'auteur de ces lignes, adhérent de Debout la République, n'hésiterait pas un seul instant à voter pour Jean-Luc Mélenchon ou pour Jean-Pierre Chevènement si l'un d'entre eux se retrouvait un jour opposé à un membre de l'UMP ou du PS).

Récapitulons donc : le FN a de fortes chances de passer le premier tour de la prochaine élection présidentielle mais n'a presque aucune chance de l'emporter au second et l'on peut donc dire qu'il stérilise une bonne partie des voix souverainistes, en engageant plusieurs millions d'électeurs dans une voie sans issue (à ce titre, ceux qui accusent ce parti d'être un allié objectif du PS et de l'UMP n'ont pas tort). Les autres partis de rupture semblent quant à eux incapables de passer le premier tour alors même qu'ils pourraient l'emporter au second.

Des souverainistes républicains affaiblis par leurs divisions

La situation n'est donc guère encourageante ; et elle l'est encore moins si l'on considère les débats qui agitent aujourd'hui aussi bien le Front de Gauche que le Mouvement républicain et citoyen et Debout la République.

En ce qui concerne le Front de Gauche, celui-ci reste aujourd'hui incapable de porter un discours unique et cohérent de rupture avec l'Union européenne, ce qui explique sans doute d'ailleurs en grande partie le score relativement faible de ses listes lors des dernières élections. Les nombreuses tribunes publiées depuis sur le site internet de Marianne par des membres des différentes tendances qui le composent illustrent bien tristement cet état de fait, au point que l'on en vient à se demander si le Parti de Gauche ne ferait pas mieux de se séparer de ceux de ses alliés qui sont les plus farouchement arc-boutés dans la défense d'une Union européenne dont ils refusent de comprendre que le néolibéralisme n'est pas quelque chose d'accidentel mais bel et bien de consubstantiel (les analyses de Frédéric Lordon dans son dernier livre sont à cet égard particulièrement éclairantes).

En ce qui concerne le Mouvement républicain et citoyen et Debout la République, on peut regretter que ces deux mouvements, qui portent tous deux depuis plusieurs années des projets réfléchis et cohérents de rupture avec l'Union européenne et le néolibéralisme dominant, n'aient pas été capables de s'accorder pour présenter aux Français des listes communes pour les élections européennes, dont tout laisse à penser qu'elles auraient été en mesure de remporter plusieurs sièges au Parlement européen.

S'unir pour ne plus subir

Face aux partis installés du système et à un FN qui a réussi à se faire passer pour la seule alternative au PS et à l'UMP, les souverainistes républicains n'ont pourtant sans doute pas d'autre alternative que de s'unir pour exister.

Entendons-nous bien : il ne s'agit en aucun cas ici d'affirmer que Front de Gauche, Mouvement républicain et citoyen et Debout la République devraient s'allier lors des prochains scrutins. Des différences de fond existent entre ces partis et il est normal, dans le cadre de notre démocratie, que celles-ci subsistent. Seulement, au delà de ces différences, il faut également faire le constat de nombreux points d'accord, qui sont en réalité bien plus nombreux que ne le pensent beaucoup et qui, surtout, portent sur des questions fondamentales. Du fait de l'existence de ces convergences de vue, des rapprochements de circonstance doivent se faire entre les sympathisants et adhérents de chacune de ces formations (de tels projets ne pourront sans doute pas à l'heure actuelle, pour des raisons diverses, partir des appareils politiques et doivent donc émaner de la base).

Au mois d'avril dernier, au cours de la campagne européenne, l'auteur de ces lignes avait participé à une initiative de ce genre. En publiant sur le site internet de Marianne une tribune cosignée par des adhérents et sympathisants des trois principaux mouvements eurosceptiques républicains, nous avons montré la proximité qui existe de fait entre les électeurs de ces formations.

Les discussions autour du Grand marché transatlantique offriront dans les mois à venir une occasion de poursuivre ces rapprochements inter-partisans. Si nous voulons exister dans le débat publique et ne pas laisser les médias présenter le Front national comme la seule force d'opposition à un libre-échange fou, nous n'avons en effet pas d'autres choix que de nous unir pour peser davantage. Si Front de Gauche, Mouvement républicain et citoyen et Debout la République s'engagent séparément dans cette bataille, ils risquent d'échouer à fédérer l'opinion antilibérale pour la constituer en un vaste mouvement de masse capable de provoquer l'échec du projet. Pour cette raison, seules des discussions ainsi que des manifestations communes de tous les souverainistes républicains pourront permettre de montrer l'enracinement des idées qu'ils défendent dans le pays.

13 commentaires:

  1. l'auteur oublie de porter un avis critique sur le positionnement de son propre parti qui a décidé de s'éloigner ce ces formations possiblement partenaires pour se positionner plus ouvertement entre l'UMP et le FN en lieu et place de l'ancien parti de Ph. de Villiers.
    Les appels incessants à Guaino et Wauquiez et l'absence dans la presse de mains clairement tendues vers des partenaires situés à gauche de l'échiquier politique soulignent ce changement stratégique qui semble aussi vouloir s'accompagner d'un changement de nom comme l'indiquent les médias. DLR a-t-il choisi de s'éloigner de la lutte contre le néolibéralisme pour mieux plaire au système et dégager des alliances avec l'UMP ? pour mieux se rapprocher du programme néolibéral de son allié Nigel Farage ? les prises de position des prochains mois permettront de clarifier les positions de ce parti mais le chemin actuellement emprunté suggère que cette alliance patriotique s'éloigne de jours en jours un peu plus.

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  2. A Laurent Pinsolle : Encore merci de me permettre de publier sur ton blog.

    A Anonyme (8h40) : Le papier appelle à un positionnement qui n'est aujourd'hui pas celui de DLR : il le critique donc implicitement. Je compte de toute façon revenir sur cette question dans un futur billet.

    Cochin

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  3. Cela fait une éternité que certains attendent ce type d'alliance et c'est en partie pour cela que je suis au FN. Ne vaudrait-il pas mieux comprendre pourquoi ces alliances sont si difficiles afin d'avoir un peu plus de chances de les réaliser?
    jard

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  4. J'apprécie énormément ce billet. Moi qui suis au PG et qui pense que le rassemblement est indispensable dans l'esprit du CNR. Avec Des gens comme vous, Laurent et ce "Cochin", on pourrait travailler ensemble... (enfin cette vision qui est la mienne n'en gage que moi, la plupart des membres du PG n'ont pas cette ouverture d'esprit, hélas !)

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  5. Vous faites preuve d'une regrettable illusion si vous pensez que Mélenchon puisse accéder au second tout en 2017. Ses échecs répétés depuis 2012 montrent qu'il n' a pas l'opposition au système aussi forte que MLP, DLR et le MRC puisqu'il ne veut pas sortir de l'euro avec l'illusion de le transformer de l'intérieur. Jacques Sapir a essayé en vain de le convaincre, Mélenchon et le Front de gauche ont les tabous propres à la gauche radicale comme l'a démontré Aurélien Bernier et Frédéric Lordon celui de l'Etat, de la Nation, et de la souveraineté nationale comme cadre incontournable de la démocratie.
    De plus le MRC n'a plus de candidat crédible en effet la spécialité de JP Chevénement est de se coucher et de servir de porte-serviette à la geuche néolibérale et eurocratique.

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  6. Le seul a vraiement vouloir nous sortir de ce boubier de l'UE est l'UPR Asselineau.

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    1. En se ridiculisant avec 0,5 % aux élections ?
      S'il-vous-plaît, on parle entre gens sérieux là...

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  7. Ce n'est pas qu'un problème d'alliance entre partis, mais déjà d'offre politique. Vous parlez d'un parti sectariste, d'un parti moribond et d'un parti populiste qui ne sont tous les trois que des satellites du PS ou de l'UMP, comme on l'a vu aux élections locales ; or beaucoup de souverainistes républicains ne soutiennent ni la gauche ni la droite et ne se retrouvent donc dans aucun de ces trois partis. Il faut donc commencer pour ouvrir une nouvelle structure non partisane pour offrir un point d'agrégation à ces électeurs libres ; quelque chose comme ceci :
    http://cnr-rue.fr/

    Mais merci tout de même pour cette analyse. Puisque vous êtes chez DLR, pourquoi n'exigez-vous pas de votre direction qu'elle lance des initiatives dans ce sens pour commencer ?

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  8. A Jard (10h28) : Le problème, c'est que vous sous-estimez à mon avis le rejet du FN qui persiste au sein d'une bonne partie de l'électorat français. Ne serait-ce que pour cette raison, une alliance des partis souverainistes ne pourrait jamais inclure le FN.

    A VCLRduPG44 : Du fait du milieu dans lequel j'évolue (études au quartier latin), une grande partie de mes amis sont au Parti de Gauche. D'après ce que je vois, j'aurais tendance à être moins pessimiste que vous sur la question d'un rassemblement (qui, comme je l'ai écrit dans le papier, ne pourrait sans doute se faire, du moins au début, que dans le cadre de clubs de réflexion communs ou de manifestations et non dans le cadre d'élections).
    Autant les sympathisants des autres composantes du Front de Gauche paraissent dans l'ensemble (on pourrait nuancer) hostiles à DLR, autant je remarque chez ceux du PdG une certaine sympathie pour un parti qui, comme eux, a compris que, pour pouvoir mener une politique, qu'elle soit de gauche ou de droite, il faut encore en avoir les moyens, c'est-à-dire récupérer les pans de notre souveraineté qui ont été abandonnés à Bruxelles. Par ses écrits, Lordon, plus encore que Bernier, qui est arrivé plus tard, a à cet égard joué un rôle fondamental dans la « renationalisation » de bon nombre de personnes de gauche. Je pense consacrer un billet à cette question dans quelques temps.

    A Anonyme (19h54) : Je pense (j'espère) que vous sous-estimez le rejet par J.-L. Mélenchon de l'Union européenne. Par le passé (campagne du référendum de 2005), il a montré qu'il était capable de prendre ses distances vis-à-vis de ses amis sur cette question pour s'opposer clairement à l'actuelle forme de la construction européenne. Sur la question de l'euro, le Parti de Gauche (à distinguer des autres composantes du Front de Gauche) est en pleine mutation et finira par adopter une position claire. Certaines interventions de J.-L. Mélenchon le montrent ainsi que la position de J. Généreux, l'économiste du parti. Pour avoir entendu celui-ci à l'ENS, où il était invité par la section PG, il apparaît que l'idée selon laquelle on pourrait changer les choses de l'intérieur est de moins en moins ancrée dans les esprits.
    Quant au MRC, si l'on peut regretter les réticences qu'il montre souvent à s'opposer frontalement au PS, il n'en reste pas moins, du fait de son président d'honneur, qui a été l'un des premiers à ouvrir la voie que nous suivons aujourd'hui, mais aussi de la qualité de bon nombre de ses cadres et militants, un parti incontournable si nous désirons véritablement fédérer une opposition souverainiste.

    A Anonyme (21h06) et Gérard Maujean : Il y a déjà trois (quatre, si l'on compte le FN) partis s'opposant à l'Union européenne. Au lieu d'essayer d'en créer un nouveau, qui ne ferait que fragmenter encore davantage un souverainisme qui souffre déjà trop de ses divisions, Asselineau et les siens ne feraient-ils pas mieux de rejoindre une de ces formations, où ils seraient à n'en pas douter très bien accueillis ? Ni le PG, ni le MRC, ni DLR ne sont parfaits, et j'en ai bien conscience, mais ils ont le mérite d'exister et d'être connus de nos concitoyens : c'est désormais sur eux qu'ils faut s'appuyer, tout en essayant d'en amender les côtés qui nous semblent les moins bons.

    Cochin

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    1. Dommage : cet argument (mieux vaut rejoindre le parti le plus connu même s'il n'est pas parfait), on peut vous le retourner pour vous reprocher de ne pas adhérer au FN, qui est d'ailleurs le seul parti à faire l'effort de rassemblement avec le Rassemblement Bleu Marine qui regroupe des militants hors FN.

      Me concernant, si je m'oppose à un parti très populiste (FN), ce n'est certainement pas pour rejoindre un parti modérément populiste (DLR). J'attends toujours la renaissance d'un véritable Pôle républicain.

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  9. @ Gérard

    Sur le populisme je serai moins sévère que vous car après réflexion c'est un concept que j'oppose à celui d'élitisme et du coup je préfère encore le populisme, mais d'accord sur le FN et DLR.

    Sur Asselineau je serai également moins sévère, comme il n'a pas semé je ne lui reprocherai pas de ne pas avoir récolté.

    Cela fait quand même beaucoup d'orphelins, et la question que vous posez reste entière : sur quelles forces compter pour aider à sortir la France du piège, et si le compte n'y est pas que pouvons nous faire individuellement ?

    Ivan

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    1. Que pouvons-nous faire individuellement ? Simple : en 2015, se présenter aux élections départementales sous l'étiquette "rassemblement souverainiste". Il suffirait d'une centaine de volontaires dans la France entière pour lancer le mouvement en espérant qu'il fasse boule de neige.

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    2. Et au moins on ne nous taxera pas d’électoralisme, vu que les conseils généraux sont censés disparaître après ce scrutin.

      Ivan

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