samedi 15 novembre 2014

Le rebond dérisoire de la croissance


Hier, l’INSEE a annoncé que la croissance a rebondi de 0,3% au troisième trimestre, sécurisant le nouvel objectif de croissance de 0,4% sur l’ensemble de l’année du gouvernement. Mais derrière les grands titres autour d’un résultat médiocre, la réalité est encore plus inquiétante.



Stocks au vert, investissements et commerce au rouge

Certes, à 0,3%, la croissance de ce trimestre dépasse le cap du 1% en rythme annuel. Mais bien des détails amènent à relativiser ce chiffre. D’abord, le chiffre du précédent trimestre a été révisé à la baisse, puisqu’au lieu d’être stable, le PIB a reculé de 0,1% au second trimestre, ce qui signifie que la croissance n’a été que de 0,2% en 6 mois… Ensuite, le détail des statistiques est encore plus inquiétant. En effet, la croissance totale de 0,3 points est la somme d’une contribution positive de 0,3 point de la consommation et de 0,3 point des stocks et d’une contribution négative de 0,2 point du commerce et de 0,1 point des investissements !

En clair, à stocks constant, nous n’aurions pas eu de croissance ! Et comme l’histoire le montre, quand les stocks montent un trimestre, ils ont tendance à baisser le trimestre suivant, surtout au  3ème et au 4ème trimestre. Et cela ne doit pas faire oublier une nouvelle contribution négative du commerce extérieur avec une augmentation des importations supérieure à celle des exportations (+1,1% contre +0,5%), signe d’autant plus inquiétant que c’est le troisième trimestre consécutif de dégradation… Toujours aussi inquiétant, la nouvelle baisse des investissements, qui reculent de 0,6%, pour le 4ème trimestre consécutif, ce qui augure mal de l’avenir.

Un échec malheureusement prévisible

A l’heure où le président parie son mandat sur la quête de compétitivité, il est frappant de constater que le commerce et les investissements continuent à peser négativement sur la croissance, démontrant la folie de son pari. L’économie française ne tient que grâce à une consommation qui se maintient, et varie en fonction des évolutions des stocks… La quête de compétitivité est suicidaire dans un pays comme le nôtre, où  le salaire minimum est 10 fois plus élevé qu’à trois mille kilomètres. Il faut changer de logique, lutter contre la concurrence déloyale des importations des pays à bas salaires, quitte à créer un protectionnisme solidaire, en reversant une partie des droits de douane écluses de notre modèle social aux pays visés.

Heureusement, la France (comme l’Italie), n’est pas rentrée dans une logique aussi suicidaire que celle de la Grèce. Malheureusement, l’application au ralenti de la même logique semble avoir le même effet que sur  la grenouille que l’on ébouillante petit à petit. Alors que les solutions drastiques semblent permettre une prise de conscience, l’application plus lente, qui plus est, par une majorité qui se dit de gauche, ne semble pas rencontrer de grandes résistances, au point que le PS ose mettre en place des mesures que Nicolas Sarkozy n’avait pas osé appliquer et que le Medef finance aujourd’hui un programme court sur le service public…

La situation est doublement mauvaise. D’un point de vue économique, elle ne nous permet pas de faire baisser le chômage ou repartir le pouvoir d’achat à la hausse. Mais paradoxalement, elle n’est peut-être pas assez mauvaise pour permettre une prise de conscience politique.

15 commentaires:

  1. On peut ajouter que le cycle de croissance mondial est déjà bien avancé et qu'on approche vraisemblablement d'un ralentissement mondial (que les stocks de dettes non résorbés pourraient transformer à nouveau en dépression). La France qui a raté la reprise ne ratera hélas pas le retournement... Par ailleurs la croissance allemande ralentit déjà (0.1%) au 3e trimestre...

    Là où je vous suis moins c'est quand vous écrivez que la situation "n’est peut-être pas assez mauvaise pour permettre une prise de conscience politique." C'est rarement au cœur des crises économiques que se manifestent les crises politiques. Au cœur de la dépression, les peuples sont généralement tétanisés : les événements discréditent l'ordre politique en place, mais les réactions tiennent plus du sauve-qui-peut individuel et catégoriel que de la recherche d'une alternative construite. C'est dans la durée que les nouvelles conditions et la faillite du paradigme précédent produisent de nouvelles représentations et crédibilisent les alternatives politiques - voire à ce propos le timing du changement en Amérique Latine, ou même après 1929.

    Le problème ne vient donc pas de ce que la France n'a pas encore assez souffert : les exemples grecs ou italiens prouvent que cela ne marche pas ainsi. Le problème vient plutôt que des dispositions populaires "pré-révolutionnaires" pourraient bien rester stérile faute de prise en charge par une force politique adaptée, ou échouer dans des aventures politiques mal orientées.

    RépondreSupprimer
  2. La question que je me pose est : est ce que la chute de l’Euro de 1,38 à 1,25 Dollar en 6 mois, même si elle est très insuffisante pour le pays, peut avoir, à moyen terme, un effet bénéfique sur les exportations et la croissance ?

    EB.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ça ne peut pas faire de mal. De là à avoir un impact significatif, il faudra que ça s'inscrive dans la durée. Ce que n'ont pas fait les dernières baisses de l'euro : https://www.ecb.europa.eu/stats/exchange/eurofxref/html/eurofxref-graph-usd.en.html


      Un autre facteur qui pourrait aussi ne pas nuire, c'est la baisse du prix du baril.


      Ça permettra peut-être à Hollande de venir faire le malin si par miracle le taux de chômage se stabilise pendant 2 trimestres. Il nous expliquera que c'est dû à sa fantastique politique économique...

      Supprimer
  3. @EB.

    Si l'on se fit à l'historique commercial français c'est lorsque l'euro est passé au-delà de 1.1 euro pour un dollar que la balance commerciale française est devenue déficitaire aux alentour de 2003-2004. Le taux actuel est bien évidemment une bonne chose, mais c'est encore trop haut. Et pour que cela ait des effets significatifs il faudrait qu'il baisse encore et qu'il perdure quelques années. Ensuite cette baisse n'est intéressante que pour notre commerce extérieur à la zone euro. Or notre premier déficit commercial bilatéral est avec l'Allemagne qui partage la même monnaie que nous. Cela limite donc l'intérêt de la chose.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. @Yann

      Merci. Je dirais qu’effectivement la balance commerciale a chuté d’abord à cause de l’augmentation du taux de change de l’Euro par rapport au dollar mais aussi à cause des réformes Hartz, menées en Allemagne, à partir de fin 2002.

      EB.

      Supprimer
  4. L'expert yann a encore frappé...

    "Plus grave est le fait que certains considèrent que le taux de change élevé est sans impact sur le commerce intra zone euro. Encore un raisonnement erroné tenu par des responsables de haut niveau."

    http://www.lacrisedesannees2010.com/article-affirmations-erronees-sur-le-taux-de-change-pascal-lamy-nicole-bricq-etc-123551924.html

    RépondreSupprimer
  5. @anonyme

    Il faut apprendre à lire je cite Jean Claude Werrebrouck :

    "A contrario, il est possible d’affirmer- toutes choses égales par ailleurs, en particulier sans faire intervenir les politiques de dévaluations internes - que toute hausse de l’euro affecte négativement l’ensemble du commerce intra-zone. Chaque Pays voyant ses exportations affectées dans la zone par la présence de marchandises substituables importées depuis l’extérieur de la zone."

    Il semble pour certains qu'il soit plus aisé de faire des citations d'analyses mal comprises que de faire soit même des démonstrations tout en restant dans l’anonymat et l'insulte.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il faut comprendre aussi, suffit pas de lire. En l’occurrence et à l'évidence, le yann ne comprend pas ce qu'il cite. Que faire ?

      Supprimer
    2. Le yann a des lacunes de vocabulaire, il ne sait pas ce que veut dire substituable, ça marche dans les 2 sens, à la hausse et à la baisse...

      Supprimer
    3. Je ne vois pas en quoi c'est contradictoire avec le premier message de Yann.
      Quand l'euro baisse la France y gagne, mais l'Allemagne y gagne encore plus et pourrait même aggraver son excédent sur la France si son industrie profite des importations de fournitures ou matières premières de l’extérieur de la zone euro.

      Supprimer
    4. Boulette autant pour moi, c'est le contraire...
      De toutes façons les variables sont trop nombreuses et rendent le problème trop compliqué à analyser. Il serait plus simple de regarder les balances commerciales des dernières années et de voir comment elles évoluent selon le cours de l'euro.

      Supprimer
  6. "cette baisse n'est intéressante que pour notre commerce extérieur à la zone euro."

    C'est tout simplement faux et prouve qu'il ne comprend pas ce qu'il lit #illettrisme

    RépondreSupprimer
  7. C'est intéressant comme le fait L.H (selon son nouveau pseudonyme) de préciser de quel moteur vient l’évolution de la croissance. Et les ministres ne le font pas.
    C'est pas étonnant quand on voit que la maigre croissance ne vient même pas des moteurs que le gouvernement veut stimuler, ceux liés à la politique de l'offre.

    RépondreSupprimer
  8. "Il serait plus simple de regarder les balances commerciales des dernières années et de voir comment elles évoluent selon le cours de l'euro."

    Ca évolue aussi selon l'élasticité prix des produits ou services, différente selon chaque pays.

    RépondreSupprimer
  9. @ J Halpern

    Je ne dis pas exactement que nous n’avons pas assez souffert car je ne souhaite pas de souffrance. En outre, il y a d’autres raisons pour l’apathie actuelle, qui dépend d’une histoire générale qui se construit depuis des décennies, mais aussi, comme vous le soulignez d’un problème de l’offre alternative.

    @ EB

    Elle devrait avoir un effet positif, même si le mouvement actuel sera sans doute insuffisant pour être ressenti. Mais si cela continue, l’effet pourrait être plus notable.

    @ Yann

    Bien vu.

    @ TeoNeo

    Merci

    RépondreSupprimer