mardi 9 décembre 2014

Ces notes qui entravent la loi de la jungle


S’il semble encore résider de vagues différents idéologiques sur les questions économiques au PS (encore que le projet de loi Macron prolonge celui qu’avait présenté Montebourg…), une chose semble unir tous les courants du PS : la suppression des notes qui unit les deux locataires de la rue de Grenelle.



Quand c’est flou, il y a un loup

Déjà, il y a près de six mois, l’éphémère ministre de l’éducation Benoît Hamon avait défendu cette folle idée, aujourd’hui reprise par celle qui lui a succédé. Comme le souligne si bien Jean Paul Brighelli sur son blog du Point, cette idée n’a pas de sens. D’abord, le jugement par couleur revient simplement à noter sur 4 au lieu de 20, ne supprimant pas complètement l’évaluation, mais ne faisant que la rendre plus approximative car bien moins précise. En outre, cela compliquera la tâche des parents, qui n’auront pas leur repère en plus d’avoir un jugement très lapidaire. Ce faisant, au lieu de réduire la pression que pouvaient représenter les notes, le nouveau système pourrait bien les accentuer.

En effet, alors que la frontière entre le 9 et le 10 était fine, celle entre le vert et le rouge sera sans doute bien plus tranchante. Pire, comme le souligne bien Brighelli : « un enseignant note un devoir, un exercice, une performance. Il note l’instantané. Il ne note pas l’élève. On a une note, on n’est pas une note », alors que la grandissante évaluation des compétences des enfants est un jugement plus personnel, finalement peut-être plus dur. Bien sûr, il reste toujours la solution de noter de plus en plus large pour acheter la paix des élèves et des parents, comme on le fait avec le baccalauréat, où il est plus facile d’avoir mention très bien qu’une mention bien il y a 20 ans. L’école des fans semble se profiler…

La jungle institutionnalisée

Le projet éducatif qui avance doucement rue de Grenelle est une monstruosité. La suppression des notes n’a sans doute que des inconvénients. D’abord, elle supprime des repères institutionnalisés depuis très longtemps. C’est comme si on nous imposait de changer de langue. Ensuite, l’argument de la moindre dureté est nuançable par le fait qu’il y aura toujours des élèves qui auront la plus mauvaise note et que le fossé à franchir pourrait sembler plus grand, à moins de mettre la même note à tout le monde. La moindre précision de ce nouveau système sera préjudiciable pour les élèves qui auront du mal à mesurer le fruit de leur travail. Les lettres ne sont pas un gage de succès ailleurs.

Ce faisant, entre la volonté de réduire la pression des notes, mais aussi en laissant de plus en plus faire aux élèves ce qu’ils veulent en classe, au point d’avoir une discipline particulièrement faible, les pédagogos nous construisent une espèce de garderie qui ressemble à une jungle, où les élèves doivent pouvoir faire ce qu’ils veulent, sans la moindre contrainte de discipline, d’évaluation notée, d’examen (après tout, le baccalauréat coûte cher) et où ils ne doivent que réaliser leur individualité. Finalement, cela n’est pas incohérent avec la société qui est construite, qui ressemble de plus en plus à une jungle, inégale, violente et de plus en plus souvent secouée par de graves crises destructrices.

Le pire est que les pédagogos croient sans doute sincèrement construire une école meilleure pour les enfants. Par quel mystère une société produit un délabrement si régulier d’une des plus belles réussites de notre pays, notre éducation nationale, malgré tant de preuves de cette erreur ?

7 commentaires:

  1. Je suis partagé sur ce sujet.

    Je comprends très bien les arguments des défenseurs des notes, qui me paraissent pertinents.

    Mais d'un autre coté, qui peut prétendre que le système actuel fonctionne correctement ?
    Les élèves ne travaillent plus que "pour la note", leur première question lorsqu'on leur donne un devoir est de savoir si "cela sera noté" (si ça ne l'est pas, cela ne semble pas valoir le coup que l'on s'y intéresse), et beaucoup de parents agissent comme des clients consommateurs qui exigent du professeur "des bonnes notes" pour leur enfant, quoi qu'il fasse. Le goût d'apprendre, comprendre, progresser semble complètement disparaître au profit d'une logique purement comptable, l'élève cherchant à tout prix à "augmenter sa moyenne".
    Il me semble y avoir là une perversion du système, sur laquelle il faut bien réfléchir.

    Comment conserver une évaluation objective, "sévère mais juste", tout en sortant de la dictature du chiffre sur vingt ? Telle est la question.

    Talisker.

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    1. L'élève qui travaille pour avoir une bonne note, apprend quelque chose. Et si un jour il se met à y prendre du plaisir, il aura des bases. Il ne partira pas de nulle part. Contrairement à un élève qui n'aurait pas travaillé...

      Travailler simplement pour avoir des bonnes notes n'est peut-être pas très noble. Mais si le résultat est là..


      Par exemple, si un élève fait des maths. Il est possible qu'il prenne du plaisir à résoudre un problème. Hors parfois, pour le résoudre il est nécessaire de savoir développer un calcul. Mais prendre du plaisir à développer un calcul, ça doit être plutôt rare.
      Pourtant c'est nécessaire.


      "Comment conserver une évaluation objective, "sévère mais juste", tout en sortant de la dictature du chiffre sur vingt ? Telle est la question."

      Ceci me parait complètement tordu. Si c'est remplacer la notation sur 20 par une notation sur les 20 premières lettres de l'alphabet ou sur 20 couleurs différentes, c'est du délire...

      Et en plus, en passant, les notes sur 20 font comprendre à tous les élèves ce qu'est la moyenne d'une série statistique.
      Peut-être qu'avec les couleurs, ça leur apprendra la peinture...

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    2. J'ajoute pour répondre à : "Mais d'un autre coté, qui peut prétendre que le système actuel fonctionne correctement ?"

      Je pense pas grand monde. Mais ceux qui le prétendent sont plutôt du côté de ceux qui veulent supprimer les notes. Ça me parait bizarre.

      Et aussi que dire que le système fonctionne mal est une chose. Savoir pourquoi et faire en sorte que ça aille mieux, une autre.

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  2. Ce qu'il y a de bien avec les notes, c'est que ça permet d'avoir un critère objectif pour différencier deux élèves. Et sélectionner le meilleur.

    Si on les supprime, ça risque de favoriser encore plus les enfants de ceux qui ont les bons réseaux...
    Pas sûr que ce soit une bonne chose. Je crois que c'est déjà bien suffisamment le cas...

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  3. Même s'ils sont différents, de moi en tout cas, les socialos ont encore de vagues différends idéologiques. Personnellement, je dirais des "nuances" de gris. comme le titre du film.

    Demos

    Demos

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  4. @ Talisker

    Vos commentaires sont très justes, mais je ne vois pas en quoi le changement de système d’évaluation y changerait quoique ce soit malheureusement. Dictature du chiffre sur 20 ? La question, c’est : faut-il évaluer ou pas ? La réponse me semble oui et je pense que le système sur 20 est préférable, car il a une dimension culturelle et sa précision rend cette évaluation plus fine, plus juste et peut-être moins dure finalement.

    @ Bip

    Et j’ajouterais que le système fonctionne mal pour d’autres raisons. Très juste sur la sélection. Le risque, c’est le système US.

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  5. Dans le système de "castes" qui est en train de se mettre en place, plus besoin de noter les "epsilon". nde toutes façons, ils ne comptent pas plus que le bétail. Les notes permettaient de discerner parmi la masse ceux que la république allai "annoblir" en les mettant dans ses grandes écoles. Ce temps est révolu, le processus de sélection s'opère différement, probablement par la naissance ou le "copinage"

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