lundi 8 décembre 2014

L’épuisement professionnel, symbole d’une époque cannibale


C’est un sujet qui s’impose, notamment depuis l’affaire des suicides dans une grande entreprise française. De plus en plus de salariés subissent de telles pressions au travail qu’ils finissent par en souffrir durement. Comment ne pas y voir un symptôme logique de notre société néolibérale.



Souffrance au travail



Ce que cela dit de nos sociétés

D’autres enquêtes montrent également une forte augmentation de ces cas d’épuisements depuis quelques années, dans toutes les sphères, mais aussi, particulièrement, auprès des cadres supérieurs. Ceci montre bien sûr qu’un fort taux de chômage et l’atonie économique dégradent les conditions de travail, sans laisser de voie d’issue pour les travailleurs, quelque soient leur rang dans la société, y compris les plus hauts. Il est bien évident qu’un faible taux de chômage imposerait de davantage se soucier des conditions de travail car les salariés insatisfaits pourraient partir du jour au lendemain. Là, il semble que nous soyons dans un cercle vicieux où chaque problème nourrit les causes de ce problème.

Dans un monde si dur pour tous, les individus sont poussés à des comportements égoïstes, à sauver leur peau, fût-ce au détriment des collègues ou de la société de manière générale. Le niveau préoccupant du stress des agriculteurs démontre les ravages que la loi de la jungle (que l’on appelle l’ouverture par un de ces traverstissements sémantiques de la novlangue néolibérale) marque douloureusement la chair humaine. Et le stress très fort des cadres supérieurs, cette contribution que prend cette société cannibale à ceux qui en tirent un profit matériel disproportionnel, explique sans doute pourquoi, parmi bien d’autres raisons, ils ne parviennent pas à saisir la monstruosité de ce qui se passe.

Car s’il est une chose de faire des efforts, de ne pas oublier les devoirs que l’on a en ne pensant qu’aux droits que l’on a ou aurait, et de défendre la méritocratie, il est en est une autre de créer une société qui dévore ses membres. Nous avons oublié que la seule querelle qui vaille, c’est l’homme.

6 commentaires:

  1. La seule chose importante est l'argent. L'indifférence aux souffrances des autres est également une valeur très répandue. Selon Todd, la mutation d'une société ne peut se produire que lorsqu'une partie de l'élite se range du côté des classes populaires. Nous risquons donc de devoir attendre encore longtemps.
    Bizarre, ces cadres supérieurs qui souffriraient mais qui sont probablement quasiment tous des suppôts du système.
    jard

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  2. Les causes ne sont pas les mêmes selon les catégories envisagées. Les artisans, commerçants ou chefs de petites entreprises sont surtout ensevelis sous la complexité croissante administrative, des contrôles URSSAF et condamnations pas toujours justifiées...

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  3. On ne dénoncera jamais assez la carence de l'indeminsation du chômage, qui est pour beaucoup dans la terreur inspirée par le chômage, avec toutes ces conséquences dramatiques.

    Dans une société civilisée tous les chômeurs auraient droit à une indemnisation permettant de vivre décemment, ce qui empêcherait le patronat de se servir de la peur du chômage pour faire accepter l'inacceptable aux salariés.

    Avec le démantèlement de l'assurance vieillesse les choses sont maintenant pires qu'elles ont jamais été. A la terreur du chômage s'ajoute désormais celle de vielllir dans la misère et de ne pouvoir rien faire pour secourir ses enfants, condamnés jusqu'à 25 ans à l'enfer du chômage non indemnisé.

    Ivan

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  4. Il y a effectivement beaucoup à dire sur la brutalité de cette société cannibale, qui met les individus en concurrence d'une manière aussi effrénée et qu'hypocrite. Les choses ne sont bien entendu pas dites dans l'entreprise, mais chacun sait très bien à quoi s'en tenir : "je coûte tant par an à mon entreprise, j'ai tel âge, je sais donc ce que j'ai à faire si je veux garder mon poste et, si quelqu'un tombe à côté de moi, au mieux, j'en suis triste, au pire, je me dis dans mon for intérieur : mieux vaut lui que moi". Le processus amène à se poser nombre de questions : quelles sont les causes de cette situation ? que devons-nous faire, que dois-je faire pour que cela change ? mais, d'abord, pourquoi est-ce que j'accepte sans sourciller de laisser le rouleau compresseur écrabouiller les autres avant que notre tour arrive ?
    La perte du sens collectif, le mépris de l'intérêt général, la substitution du consommateur interchangeable au citoyen aggravées par la destruction systématique des systèmes de solidarité par le pouvoir politique isolent chaque individu, qui devient taillable et corvéable à merci. Voilà qui explique pourquoi le système pervers actuel, qui s'appuie sur une propagande insupportable, fait tant souffrir les individus qu'ils privent de lien et de sens. Des individus seuls et désorientés face à une société monstrueuse. J'exagère ! Vraiment ?

    Demos

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    1. C'est que les mailles du filet sont bien serrées :

      http://www.monde-diplomatique.fr/2014/09/LORDON/50752

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  5. @ Jard

    Très juste. Mais cette souffrance grandissante des élites peut justement leur permettre d’ouvrir les yeux, même si elle a aussi pour effet de leur laisser moins de temps pour y penser.

    @ Anonyme

    Pas faux sur les causes qui sont différentes. En revanche, s’il y a des complexités inutiles, ce n’est pas l’essentiel du problème

    @ Ivan

    Très juste, avec le niveau du chômage également. La peur du vide a un rôle majeur.

    @ Démos

    Bien d’accord avec la description sur la tendance. Voilà ce qui arrive quand on pense que la somme des égoïsmes produirait de l’intérêt général sans doute… Cela rappelle le livre de Généreux, la Dissociété, un des meilleurs que j’ai lu au final.

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