jeudi 11 décembre 2014

Que penser du projet de loi Macron ?


C’est le sujet législatif de la semaine. Le projet de loi Macron a été présenté en conseil des ministres, puis à la presse hier. Il doit rester comme un marqueur du quinquennat, une des meilleures illustrations du cap libéral assumé par François Hollande, puisqu’il prolonge les travaux de la commission Attali.



Jacques Attali au pouvoir ?

Quand on prend un peu de recul, il y a de quoi être assez estomaqué par ce projet phare de la deuxième moitié du mandat de François Hollande. Bien sûr, il peut exister certaines rentes injustifiées et excessives et il est normal de s’y attaquer et certaines complexités de notre droit peuvent être contre-productives, mais ce projet va bien au-delà. De manière stupéfiante, il s’agit d’un projet néolibéral, qui, sous couvert initialement de redonner du pouvoir d’achat aux ménages, ce qu’avait défendu Montebourg cet été, est un projet global de déréglementation de l’économie française, visant à faire reculer le service public et poussant le détail jusqu’à prévoir quelques dérisoires milliards de session d’actifs.

Encore plus effarant, ce projet fourre-tout est un prolongement du rapport de Jacques Attali de « libération de la croissance », qu’avait en partie mis en place Nicolas Sarkozy. Il est tout de même incroyable de voir ce qu’on appelle la gauche déréglementer plus encore l’économie française deux ans et demi après avoir pris le pouvoir à la droite ! Ainsi, Hollande dépasse Sarkozy sur sa droite sur plusieurs questions économiques. Par exemple, il est assez effarant que ce soit le candidat du PS qui libéralise le travail du dimanche, que le président de l’UMP avait tant de fois appelé de ses vœux mais n’avait pas osé faire. Tout ceci démontre la faillite du débat politique actuel quand il se limite au PS et à l’UMP.

Courant d’air néolibéral

Mais le traitement de l’information est également accablant. Si ce n’est un éclariage des décodeurs très  descriptif, Le Monde couvre la loi comme pourraient le faire les éléments les plus libéraux et dogmatiques du Medef, accréditant l’idée que cette loi s’attaque aux « maladies de la France », qu’elle est censée doper la croissance et publiant naturellement une tribune qui défend l’ouverture du travail le dimanche, qui serait une « chance économique et sociale ». La couverture de cette loi ressemble plus à de la propagande, la seule question autorisée semblant être de dire qu’elle ne va sans doute pas assez loin puisque le gouvernement a renoncé à réformer les pharmacies, ou les taxis…

La présentation du débat sur le travail du dimanche est particulièrement choquante puisqu’elle se résume à de purs arguments mercantilistes, à savoir que les touristes chinois pourraient dépenser plus en France, et ne pas avoir à aller à Londres, sans jamais vraiment se poser la question de la vie familiale et son équilibre. En outre, parler de volontariat est un peu hypocrite quand 15% des Français recherchent un travail et il faut noter que la question de la rémunération supplémentaire est renvoyée à des accords, l’Etat n’imposant pas de cadre… Bref, sur cette question, encore une fois, de manière assez effarante, le Parti Socialiste semble vouloir dépasser l’ancienne majorité par sa droite.

Pour toutes ces raisons, la loi Macron, avec l’opposition de la France à la taxe Tobin européenne, démontre non seulement les reniements de François Hollande, mais aussi la dérive effarante d’une classe politique où ce qu’on appelle la gauche dépasse la droite par la droite sur certains sujets.

12 commentaires:

  1. C'était bien ce que je craignais. Il ne s'agissait pas d'autoriser l'ouvrier à travailler plus, seulement le patron à payer moins :

    https://fr.news.yahoo.com/la-double-paie-le-dimanche-pas-réaliste-estime-074928199.html

    Voilà le misérable secret qui se cachait derrière tout leur baratin sur la flexibilité et la libération de la croissance. Quelles crapules !

    Ivan

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  3. Là où il fallait réformer certains marchés, pharmacies, notariat... ils ont plié et s'en prennent aux salariés du commerce qui n'ont pas de lobby pour contester.

    Le travail le Dimanche n'aura pas d'impact économique. Les touristes chinois restent en moyenne 4 jours, donc ont le temps d'acheter hors Dimanche et une bonne partie de leurs achats de luxe se fait dans les duty free des aéroports. Macron fait de la gesticulation communicationnelle pour enfumer Bruxelles et Berlin, rien d'autre.

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  4. Les socialistes ont depuis mars 1983 plus libéralisé que la droite, il suffit de se souvenir de la déréglementation financière par Bérégovoy, du nombre record des privatisations avec Jospin et son gouvernement dit de gauche plurielle même si les 35 heures ont servi de mauvais alibi.

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  5. "Tout ceci démontre la faillite du débat politique actuel quand il se limite au PS et à l’UMP"

    +1 !

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  6. Autres aspects révélés là

    http://www.lecontrarien.com/2014/12/11

    En résumé, la loi faciliterait la mise à l'encan des derniers "bijoux de famille", qui n'ont pas été encore dilapidés, autoriserait la spoliation des entrepreneurs en difficulté. Tout pour permettre une "grécisation" de la France.

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  7. Hors Sujet mais pas totalement. La Grèce à nouveau inquiète. Une possible victoire de Syrisa à des prochaines élections législatives et le risque même minime d’une sortie de la Grèce de l’Euro ( Syrisa ne préconise pas la sortie de la Grèce de l’euro même s'il est contre l'austérité) fait chuter la bourse grecque de 20% en trois jours. Le pouvoir en place (En cas de victoire du Syriza, "il y aurait une nouvelle crise qui pourrait facilement contaminer l'Europe", a lancé jeudi M. Samaras), le système, l’union européenne, les marchés financiers vont tout faire pour terroriser la population grecque et l’inciter à s’écarter de Syrisa ou à contraindre ce parti à accepter un nouveau Président de la République ce qui retarderait les élections législatives à la mi-2016. Est-ce que Syrisa va tenir le coup car la pression va être forte, si jamais ce parti demeure le favori des sondages.

    http://www.lavoixdunord.fr/economie/grece-nouvelle-chute-de-la-bourse-sur-fond-de-tension-politique-ia0b0n2545731?xtor=RSS-2

    Saul

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  8. La loi Macron est une loi fourre-tout qui n'est bien évidemment pas à la hauteur de la situation.

    Pour autant, la plupart des mesures proposées relèvent du bon sens, que ce soit la révision des tarifs exorbitants des notaires, la suppression d'une postulation anachronique ou bien encore la libéralisation du travail du dimanche.

    Sur ce point, j'ai du mal à comprendre l'hypocrésie qui s'empare de toi, cher Laurent, ou bien encore de Nicolas Dupont-Aignan.

    Car le travail du dimanche existe déjà très largement, et pour des pans entiers de la population : personnels médicaux, fonctionnaires de police et agents de la sécurité publique en général, taxis puisque nous en parlons, personnels des sociétés de transport, quelques salariés d'industries fonctionnant en flux tendus, agriculteurs lorsque cela se justifie, salariés des supermarchés ouverts le dimanche matin... Je n'ai pas de chiffres, mais je suis sûr que l'ensemble des personnes amenées à travailler le dimanche se compte en millions.

    Qu'est ce que cela peut bien te foutre, Laurent, que ce nombre soit augmenté des salariés de la distribution (dont certains travaillent déjà)? D'autant que cela peut avoir un vrai intérêt, non pas pour augmenter la croissance (et sur ce point les arguments des promoteurs de la loi sont à pleurer), pour éviter la cohue du samedi dans les magasins d'ameublement par exemple (je ne crois pas être le seul à en avoir fait l'expérience).

    Bien sûr, tous ont droit à une vie familiale. Mais les travailleurs du dimanche récupèreront bien sûr leur congé et il n'est pas question de revenir sur le repos hebdomadaire. La seule chose qu'on demande, c'est un peu de pragmatisme, qu'on puisse choisir ce repos. Ceux qui n'ont pas d'enfants pourront choisir de travailler le dimanche par exemple.

    En tous les cas, il faut être cohérent: soit on réduit au maximum le travail le dimanche (et dans ce cas là on réduit l'offre de transport, on ferme les supermarchés le dimanche matin, en bref on fait shabat comme les juifs orhtodoxes), soit on accepte un peu de pragmatisme.

    Tu as beau jeu de dénoncer l'hypocrésie des promoteurs du travail du dimanche. Mais permets-moi de te dire, cher Laurent, que tu ne l'es pas moins!

    Tythan

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    1. Tous les arguments proposés ici s'appliquent aussi aux jours fériés. Ils peuvent aussi être appliqués à toutes les professions.
      A plus forte raison même puisqu'une personne travaillant par exemple du lundi au vendredi de 8h à 18h n'a accès à aucune administration. Ce qui relève pourtant du service public et qui donc devrait être accessible à tous les citoyens.

      Donc selon la logique des arguments de Tythan :
      - toutes les entreprises devraient pouvoir fonctionner 7j/7 24h/24 365j/an (dimanches et jours fériés inclus)
      - les administrations devraient être ouvertes 7j/7 24h/24 365j/an (dimanches et jours fériés inclus)


      Est-il d'accord? Sinon, pour quelles raisons?

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    2. @ Bip

      Ce que je dis justement, c'est qu'il faut être cohérent : soit le dimanche (et les jours fériés) sont des jours sacrés et intouchables, et dans ce cas personne (ou vraiment le minimum) ne travaille, soit on accepte un peu plus de pragmatisme.

      Que les administrations changent leurs horaires d'ouverture me paraîtrait une très bonne mesure : quand on travaille, il est difficile de s'y plier pour des actes simples, comme par exemple refaire son passeport, s'inscrire sur les listes électorales...

      Et bien sûr, il n'est pas question que toutes les entreprises travaillent 7j sur 7, seulement quand cela en a intérêt.

      Tythan

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    3. J'ai l'impression quand même que c'est pas loin du minimum pour ceux qui travaillent.
      La plupart de ceux que vous avez cités sont dans ce cas. Sauf les supermarchés (mais ils pourraient être fermés sans trop de problème) et les taxis, auxquels on peut ajouter boulangeries et fleuristes, qui ont pour la plupart le choix mais où ça relève aussi d'une véritable différence : si on a besoin d'un taxi le dimanche, le prendre le lundi n'est pas équivalent ; acheter du pain et des croissants le samedi pour le dimanche, c'est moins bon.
      Et ajouter les lieux d'activités de loisirs (cinémas, parcs, etc) mais eux c'est la viabilité de l'entreprise qui est directement en cause.


      Après hormis quelques exceptions, je vois pas ce qui pourrait être supprimé.


      "Et bien sûr, il n'est pas question que toutes les entreprises travaillent 7j sur 7, seulement quand cela en a intérêt."

      L'intérêt? Si l'intérêt d'ouvrir le dimanche se justifie par ne pas faire la queue, on arrive vite à vouloir ouvrir le dimanche n'importe quelle entreprise avec, par exemple, pour intérêt de diminuer le temps de circulation (moins de voitures et bus moins remplis).


      "soit le dimanche (et les jours fériés) sont des jours sacrés et intouchables, et dans ce cas personne (ou vraiment le minimum) ne travaille"

      Moi je suis d'accord avec ça. Et c'est à peu près la situation actuelle.



      Et aussi, il ne faut pas être dupe que l'ouverture des commerces le dimanche, malgré tout ce qu'on invente pour le justifier), est simplement une demande de la grande distribution et des grandes chaînes pour détruire les derniers commerces indépendants.
      Demande à laquelle nos focialistes, défenseurs des puissants avant tout (uniquement?), s'empressent d'accéder.

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  9. @ Ivan

    Pas faux.

    @ Anonymes

    Je ne vois pas ce que la dérèglementation des produits vendus en pharmacie apportera. En outre, petit détail que l’on oublie : beaucoup de touristes ne paient pas de TVA, donc la contribution de leurs achats est limitée.

    Très juste, depuis 30 ans, le PS a au moins autant libéralisé que ce qu’on appelle la droite

    @ Toutatis

    Merci pour l’information

    @ Saul

    Il faut que je fasse un papier sur le sujet

    @ Tythan

    Je ne connais pas assez la situation des notaires pour me prononcer. Mais son inspiration me semble néfaste. Pourquoi parler d’hypocrisie sur le travail du dimanche ? Tu as les réflexes de débat des politiciens… Je n’ai jamais caché que beaucoup de personnes travaillent le dimanche. J’ai publié les statistiques sur le blog : 13% habituellement, 15% occasionnellement.

    http://www.gaullistelibre.com/2014/08/leffarante-ouverture-de-hollande-au.html

    Ce que cela peut me faire, c’est que je crois pas qu’il ne faille faire de différence selon les jours de la semaine. Je pense qu’il est bon qu’une journée sur 7 soit préservée le plus possible du travail. Et je ne crois pas que reculer sur ce point apportera le moindre bénéfice, mais posera bien des problèmes. Et le pseudo argument du pragmatisme est un moyen de détourner le débat. Qui est hypocrite ici ?

    @ Bip

    Bien vu

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