mercredi 4 février 2015

Education : quelque chose de pourri au Royaume de Suède ?

C’est un excellent article de Slate, à lire pour tous ceux qui s’intéressent aux questions d’éducation. Si le titre  « la Suède est-elle en train de créer une génération de petits cons », est provoquant, il fournit une critique fouillée des carences du modèle éducatif suédois, y compris par des opposants de l’intérieur.



Derrière les statistiques

La Suède est souvent présentée comme un pays modèle, pour sa protection sociale, sa politique familiale, son système éducatif ou la condition féminine. Le pays fait aussi partie des références sur la qualité de vie, dans bien des classements. C’est le premier pays à voir instauré un congé parental en 1974 : « les parents disposent de plus de quinze mois de congé parental à répartir entre le père et la mère. Et il est rémunéré à hauteur de 80% du salaire pendant 390 jours ». La Suède est souvent en pointe sur les nouvelles idées comme la lutte contre les stéréotypes de genre et elle a poussé une vision de la société où les enfants sont choyés, écoutés et considérés comme des individus comme les adultes.

Une journaliste du Telegraph vient de descendre l’éducation à la suédoise, où les crises des enfants doivent être écoutées, où il faut négocier avec des enfants qui font un caprice. Pour elle, « on peut négocier avec un adulte, certainement pas avec un enfant. De la même manière que laisser des pré-ados fixer l’heure de leur coucher est totalement irresponsable ». Face à un enfant qui ferait un caprice en disant « tu n’es plus ma copine », elle suggère de dire « je n’ai jamais été ton amie. Les amis ne lavent pas tes chaussettes, ils ne t’achètent pas un manteau chaud pour l’hiver, pas plus qu’ils ne te forcent à te brosser les dents ». Et elle ne recule pas devant la menace si elle le juge nécessaire.

L’opposition de l’intérieur

Mais la critique existe aussi en Suède. Un psychiatre, père de 6 enfants, a écrit un livre à polémique « Comment les enfants ont pris le pouvoir ». Pour lui, « les petits suédois sont devenus ‘rois’ : ils ont tendance à tout décider dans les familles : quand se coucher, quoi manger, où partir en vacances, même le programme télé (…) Ils crient s’il y a des adultes qui parlent à table, ils vous interrompent sans arrêt. D’une certaine façon, les enfants en Suède sont mal élevés (…) parce qu’ils ont été élevés de cette manière, les enfants suédois tombent de haut à l’âge adulte. Leurs attentes sont trop élevées et ils découvrent que la vie est dure. Cela se manifeste par des troubles de l’anxiété et des tendances à comportements autodestructeurs qui ont augmenté de manière spectaculaire en Suède ».

Il rejoint les analyses de Didier Pieux, auteur de « De l’enfant roi à l’enfant tyran » pour qui « la frustration pose des limites, structure, et prépare l’enfant aux difficultés professionnelles, sentimentales qu’il rencontrera forcément dans sa vie d’adulte ». Le psychiatre suédois y voit la responsabilité de la loi anti-châtiments corporels, que le pays a été le premier à adopter, et qui a dégénéré en « interdiction tacite de gronder, punir ou contredire un enfant ». Les partisans de l’éducation à la suédoise semblent refuser toute punition, qui serait un manque de respect, même le fait d’être consigné vingt minutes dans sa chambre, une punition heureusement jugée gentillette dans la plupart des pays.

Merci à Slate et Nadia Daam pour ce papier qui remet justement les pendules à l’heure où les institutions européennes semblent tentées d’appliquer les méthodes suédoises à l’ensemble de l’UE. Outre le fait que cela ne devrait pas être de leur ressort, le bilan est loin d’être positif. 

13 commentaires:

  1. Dans le même ordre d'idée sur le modèle suédois : sa démocratie.

    Ceci est édifiant, le gouvernement actuel a été mis en minorité sur le vote de son budget en 2014. le premier ministre alors en place annonce comme le veut la constitution suédoise la tenue d'élections anticipées pour mars 2015 :

    Voir l'article relayé 'un peu' dans ce que l'on appelle la presse en France :

    http://www.liberation.fr/monde/2014/12/03/la-suede-tiendra-des-elections-legislatives-anticipees-en-mars_1156045

    Puis fin 2014, un compromis semble trouvé entre ce qui constituent l'UMP locale et le PS local... donc annulation de ces mêmes élections … et là bizarrement plus rien en langue française sur la toile… il faut aller vers l’anglais … et ça n’a pas fait les gros titres …

    http://www.thelocal.se/20141227/sweden-to-scrap-new-election-report

    Si ce n'est pas un déni de démocratie ce type de méthodes, qu'est-ce que c'est ? un coup d'état ? en plein milieu de l'Europe

    Beau modèle à suivre ... mais c'est bien ce que l'on vit dans nos démocraties depuis maintenant une bonne dizaine d'années (pour être gentil)...

    A méditer

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  2. Anonyme4 février 2015 10:04

    Encore une cabale lancée en France par Contrepoint puis relayée par l'extrême droite et Soral, grand démocrate devant l'éternel :

    " il n’annule bien entendu pas la tenue des élections de 2019 ni n’empêche un éventuel changement de gouvernement, contrairement à ce qu’affirment certains médias de droite et d’extrême droite français qui voient dans cet accord « un coup d’État », voire « une dictature qui ne dit pas son nom »."

    http://confusionnisme.info/2015/02/02/en-suede-une-alliance-des-partis-de-gouvernement-contre-lextreme-droite/#fn6-1634

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  3. Moi j'aime bien les faits ...

    Cet accord, qui concerne les deux prochaines législatures (jusqu’en 2022 donc), stipule que la plus petite des constellations de partis élue (centre gauche auquel s’ajoute de fait le Parti de Gauche d’un côté, Alliance de l’autre) laisserait l’autre gouverner en votant le budget proposé par le nouveau gouvernement, même si la coalition la plus forte n’est pas majoritaire et quelque soit le contenu de ce budget.

    Un accord sur les 2 prochaines législatures qui stipule la première c'est à moi et la deuxième c'est à toi, quoi qu'il arrive...

    Cela me fait doucement marrer ... et désolé mais je ne suis pas extrémiste !

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    1. Deux films intéressants :
      Le premier est la conférence d'une pédiatre expliquant les dernières découvertes scientifiques sur le cerveau des enfants (punitions, cris, menaces... entrainent la destruction de neurones et la modifications de gènes...). Si le monde est si violent depuis des millénaires, c'est peut-être bien parce que la violence et l'intolérance est enseignée dès le berceau.
      https://www.youtube.com/watch?v=3H5f7pakW8Y

      Second film : un documentaire réalisé en 2013 en Suède, 35 ans après l'interdiction des châtiments coporels. La génération de parents actuels n'a rien de petits cons dégénérés et tyrans. Leurs enfants ont un cadre et des limites, ils sont respectueux par mimétisme car leurs parents et toute la société les respectent en tant qu'individus dignes de droits. Le taux d'enfants morts par maltraitance a chuté à près de zéro, en France nous sommes à 2 enfants morts chaque jour sous les coups de leurs parents.
      http://www.oveo.org/si-jaurais-su-je-serais-ne-en-suede/

      Bonne projection.

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  4. Le titre de l'article original en anglais me pose un problème, aussi bien que celui de Slate France : "Have Sweden’s permissive parents given birth to a generation of monsters ?"

    En effet ce style d'éducation est en vigueur non seulement en Suède, mais aussi au Danemark par exemple, depuis au moins 40 ans ! Autrement dit, en toute rigueur, on en serait déjà à la 2ème génération de "monstres" ou de "petits cons", et la 3ème serait en train de grandir...

    Donc je ne suis pas du tout convaincu. Je précise que j'ai fait du baby-sitting au Danemark au début des années 1980, et que cela ne m'arrangeait pas du tout que les enfants aient tous les droits. Mais si cela devait produire une catastrophe à long terme elle serait déjà consommée. Et largement.

    Ivan

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    1. "Mais si cela devait produire une catastrophe à long terme elle serait déjà consommée. Et largement."

      Ivan, je vais être provoc' exprès : Anders Breivik.

      Je ne connais pas ces pays, je ne suis allé qu'au Danemark dans un célèbre parc à thème. Je n'y ai pas constaté les excès décrit par l'article. Mais néanmoins, le DK n'est pas la Suède. Et même s'ils se revendiquent scandinaves, j'ai appris par ailleurs qu'ils avaient entre eux (norvégiens et islandais compris) certaines divergences culturelles importantes.


      Olivier

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    2. Les différences culturelles sont réelles même si les scandinaves ont tendance à les exagérer. Le DK était surnommé le pays de l'enfant roi, donc pas de différence avec la Suède sur ce point, et je n'ai jamais entendu les danois, qui avaient la dent dure avec leurs voisins, critiquer la manière dont les suédois élèvent leurs enfants.

      Ivan

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  5. Aucune étude épidémiologique basée sur les critères du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, juste des racontards au doigt mouillé. L'éducation anglaise vantée alors qu'elle a été l'une des plus adepte des châtiments corporels violents très longtemps. Ca sent son petit retour à l'ordre moral et réactionnaire, un peu Dupongnangnan qui veut envoyer les gus revenus de Syrie à Cayenne. Ces souverainistes sont tellement arriérés du chapeau que c'en est rigolo.

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  6. Il me semble que si l'Europe prône une éducation "à la suédoise", c'est en parfaite contradiction avec ses tendances autoritaires et technocratiques. Donc à terme, c'est une position intenable.

    Vous ne pouvez pas habituer une génération à la discussion, au compromis voire céder aux caprices des enfants pour ensuite, à 18 ans, leur imposer l'austérité, le néolibéralisme, le contrôle technique annuel (avec flics et amendes si en retard), l'interdiction d'utiliser de l'eau de source pour son élevage, l'obligation de passer par une multinationale si on a le malheur d'inventer quelque chose.

    Les eurocrates ont donc besoin de produire des générations formatées et obéissantes, acceptant comme des veaux tant les injonctions austéritaires, les lois faites pour les gros contre les petits, que les délires délires normatifs. Les eurocrates évolueront donc graduellement, comme les 68tards, d'abord en mettant de l'eau dans leur vin et en faisant passer leur retournement pour du "réalisme". Puis ils parleront de réhabiliter l'autorité, du besoin de "repères", de l'urgence de "refonder" "l'autorité" comme on le lit chez les anciens gauchistes en retour d'âge sur les forums.

    Enfin, comme nos socialistes, ils finiront par devenir, sans fard et sans emballage rose-bonbon vaguement progressiste, de vrais vieux cons à l'ancienne. Ils seront pour coller 7 ans de ferme à un humoriste, pour 6 mois ferme pour un mot de trop sur twitter, 1 an à celui qui fait un geste à la flicaille. Et même ils convoqueront les enfants de 8 ans au commissariat, le tout au nom de la "Républiqueuheu" et des vâââêleurrrheu". Les mêmes, il y a encore 6 mois, pleurnichaient pour défendre l'ordonnance de 45, cherchez l'erreur. Voilà où en sont les 200.000 crétins qui ont encore leur carte au PS et qui adulent leur caudillo Valls .

    Brel le chantait : les bourgeois, c'est comme les cochons... Nos gauchistes séniles en sont là.

    La résistance, dans 10 ou 20 ans, ce sera donc de défendre les idées éducatives anti-autoritaires. Ainsi va le balancier de l'Histoire.

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    1. @ Rodolphe

      "Il me semble que si l'Europe prône une éducation "à la suédoise", c'est en parfaite contradiction avec ses tendances autoritaires et technocratiques. Donc à terme, c'est une position intenable"

      Il se pourrait que certains scandinaves en aient été parfaitement conscients dès le début des années 1980. Il y avait au DK un parti anti-CEE très actif :

      http://da.wikipedia.org/wiki/Folkebev%C3%A6gelsen_mod_EU

      (je n'ai pas trouvé s'ils ont un site en anglais)

      A l'époque j'étais sidéré, je n'imaginais même pas qu'on pouvait être contre la CEE (encore moins dans le camp progressiste), je trouvais leur discours outrancier, même si j'étais conscient du fait que dans le cas du Danemark tout alignement sur la norme ou la moyenne européenne ne pouvait se faire que par le bas, contrairement à la France pour laquelle j'espérais naïvement l'inverse.

      J'ai changé d'avis.

      Ivan

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  7. @ Anonymes

    J’ai vu passer l’histoire des élections, mais je n’ai pas pu creuser pour savoir à quel point ce serait choquant. Merci pour ces précisions. Ces éléments ne semblent pas choquants, après tout, les électeurs peuvent mettre les deux coalitions qui dominent en minorité en votant pour un nouveau parti, comme cela s’est passé en Grèce.

    @ Ivan

    On peut imaginer que les changements se font de manière très progressive, qu’il n’y a pas de big bang du jour au lendemain, mais que ces décisions poussent à un changement progressif qui devient important au bout de quelques décennies.

    @ Anonyme

    Entre la Suède et la cravache, il y a de la marge. La réalité n’est pas toujours en noir et blanc…

    @ Rodolphe

    Intéressant. Mais la contradiction est partout : elle existe aujourd’hui entre une école de plus en plus douce pour les enfants et une arrivée dans le monde adulte de plus en plus dur… Parce qu’ils ne réfléchissent plus, nos dirigeants ne se rendent même pas compte de leurs contradictions.

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  8. "Entre la Suède et la cravache, il y a de la marge. La réalité n’est pas toujours en noir et blanc…"

    En attendant, aucune étude sérieuse montre que les jeunes suédois sont devenus des barbares psychotiques. Où sont les données statistiques ?

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  9. Il est tellement facile de revenir à une éducation punitive, les parents / adultes ayant tous les droits!!
    Les enfants sont des êtres vivants qu'il faut respecter et leur fragilité est si souvent utilisée contre eux par des tortionnaires de toute sorte ...
    Vive un pays qui prône leur respect en n'en déplaise à ceux qui entendent trop de cris et voix d'enfant.
    Généralement, les critiques se contente de soulever quelques mauvaise statistiques et voilà le pavé jeté dans la marre au dépend d'être plus fragile...
    Adultes, prenez vos responsabilité et regarder l'histoire et l'évolution de l'éducation.
    Comparez les différents pays, les châtiments, les sévices, l'impact sur le développement de ces futurs adultes... Il est malheureusement plus souvent rapporté qu'un enfant brutalisé devient un adulte violent que l'inverse - doit-on se plaindre d'adulte respectueux des être qui sont sous leur autorité...
    C'est tellement facile de réagir de cette façon, d'accuser ceux qui subissent nos lois et notre éducation.
    Ce sont les adultes qui prennent les décisions qui impacteront la vie de nos enfants et pas l'inverse.
    Il peut donc sembler plus approprier de se demander si on frappe ou pas?

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