lundi 27 avril 2015

Des migrants et du développement de l’Afrique

Le drame de la mort de centaines de migrants africains a suscité une grande émotion mais le débat qu’il a suscité est, comme trop souvent, bien superficiel. Alors que l’on ergote sur le traitement des conséquences des problèmes, on oublie largement de réfléchir à leurs causes.



Une exploitation largement inégale

Jean-Louis Borloo a bien raison d’insister sur la nécessité d’aider l’Afrique. Dans une très large mesure, je souscris à son idée d’un plan Marshall pour le continent, idée que nous aurions du appliquer à l’Europe de l’Est il y a un quart de siècles au lieu de la plonger dans les eaux froides et dangereuses du néolibéralisme. Cependant, son raisonnement n’est pas sans limite. Comment financer ce plan dans les conditions actuelles entre politiques de réduction des dépenses publiques et des déficits et avec une arme monétaire sortie du cadre politique ? L’intention est louable, mais aujourd’hui, il est difficile de ne pas voir qu’elle est bien vaine, d’autant plus que les montants en jeu seraient sans doute colossaux.

En outre, se pose aussi la question du bilan des politiques menées depuis des décennies. La croissance semble enfin accélérer quelque peu en Afrique, mais on peut y voir davantage l’effet de la hausse du prix des matières premières et du décalage grandissant des coûts salariaux avec l’Asie, qui a poussé H&M a délocalisé une partie de sa production en Afrique. Pire encore, ce regain de croissance profite d’abord à une minorité, puisque l’essentiel de la baisse de la pauvreté des dernières années a eu lieu en Chine, et pas en Afrique. La majeure partie des profits va à des intérêts étrangers ou à une petite minorité de la population et ignore la très grande majorité de la population, poussée à rêver d’ailleurs.

Permettre le développement de l’Afrique

Il ne faut pas voir ailleurs une des principales raisons des vagues migratoires, d’autant plus que les moyens modernes de communication permettent une plus large connaissance des écarts de développement. Mais ces migrants sont une perte pour les pays qu’ils quittent, perte humaine de personnes souvent éduquées, perte financière avec les sommes monstrueuses qui reviennent à ceux qui organisent leur transport dans des conditions inhumaines. C’est parce que les politiques que nous avons largement imposées à l’Afrique sont un échec qui retire tout espoir à une partie de la population locale que certains sont prêts à quitter famille et racines pour émigrer à des prix effarants.

Les potions amères néolibérales, entre pseudo-ouverture des marchés qui ne profitent qu’à des oligarques et des entreprises étrangères bien implantées et la priorité donnée aux créanciers sont un échec. C’est ce qu’a notamment dénoncé Joseph Stiglitz dans le remarquable livre « La grande désillusion », un bilan sévère mais remarquablement documenté de celui qui a vu les ravages provoqués par les politiques dites « du consensus de Washington ». La voie à suivre pour l’Afrique, outre sans doute une aide des autres pays, c’est davantage de suivre le modèle asiatique, qui assure une protection des agriculteurs et des jeunes pousses industrielles des requins de l’océan néolibéral.

Mais le plus effarant, ce sont tous ceux, comme Le Monde, Libération ou Daniel Cohn-Bendit, qui défendent le cadre néolibéral qui étouffe l’Afrique et les Africains, et réclament d’ouvrir grandes nos frontières. Ils ne font que (mal) traiter les conséquences des politiques qu’ils soutiennent. 

13 commentaires:

  1. On peut offrir un "plan Marshall" à l'Afrique à condition de ne pas leur passer d'argent qui partirait on ne sait où.
    La solution (amha) serait de répondre aux besoins d'équipement (tracteurs, pompes, outillages divers, formation des techniciens en France ) sous réserve que les fabricants soient en France et que disons 95% de la production (en VA) le soit. Les fabricants seraient payés directement par l'Etat, par un certain pourcentage de la monétisation centrale (ici aussi on voit combien il est important de passer à un système de monnaie pleine)

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  2. "Aider l'Afrique" est loin d'être une idée neuve. Je me rappelle qu'on proposait il y a quelques années d'annuler des dettes qui avaient déjà été plusieurs fois remboursées sous forme d'intérêts. Est-ce que cela a été fait ?
    Sinon, le "plan Marshall pour l'Afrique" ne pourra être à nouveau qu'une aide déguisée aux multinationales et aux banques et industries occidentales, sans profit réel pour l'Afrique.
    Il ne faut pas oublier que le plan Marshall a été une aide à l'industrie américaine (l'argent leur a été donné en échange de livraisons de matériels aux pays aidés) et une colonisation économique de l'Europe.

    Guadet

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  3. Il ne faut pas oublier la question démographique. Elle est au coeur du problème africain. Aucun pays ne peut se développer avec des croissances de la population naturelle à 2 ou 3% par an. D'ailleurs le développement de la Chine et de l'Asie de l'Est correspond au passage de la transition démographique. Si une natalité trop faible est dangereuse à long terme, une natalité trop forte l'est tout autant. Car il n'y a pas assez de ressource locale pour éduquer correctement ou fournir l'investissement suffisant pour permettre l'emploi de toutes forces productives. Et je ne parle même pas de la pression sur les ressources naturelles qui elles ne s’accroissent pas. Paul Baroch avait finement analysé dans son livre « Le tiers monde dans l'impasse » qu'une croissance démographique naturelle de plus de 1 % par an nuisait au développement humain. Il faut donc réduire la natalité avant de songer à réussir un développement économique.

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  4. Entièrement d'accord avec Yann. Le problème essentiel est demographique. La régulation des naissances est indispensable. Il faut encourager par des offres d'argent, la ligature de trompes et la vasectomie. C'est une question de survie. Tout d'abord pour les populations locales, et par extension pour le reste du monde. Faute de quoi des guerres exterminatrices de régulation de populations, éclateront. Donc freiner la démographie c'est préserver la paix pour tous.

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    1. L'expérience montre qu'à long terme c'est surtout l'éducation des femmes qui fait baisser la natalité. D'ailleurs la transition démographique a déjà commencé dans certains pays d'Afrique noire. Je ne parle pas du Maghreb qui arrive déjà à la fin de la transition. Je pense que cela va se faire, mais l'Afrique est probablement le continent ou la violence de la variation démographique a été la plus forte dans toute l'histoire humaine.

      Sinon je rappellerai ici que la natalité n'a jamais augmenté en Afrique, c'est surtout la vitesse de la baisse de la mortalité infantile non accompagnée d'une baisse aussi rapide de la natalité qui a créé l'explosion démographique actuelle. Le tiers monde a dû faire en quelques décennies ce que nous avions progressivement fait en plusieurs siècles.

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  5. La meilleure aide à fournir à l'Afrique serait peut-être de se couper au maximum d'elle.

    Laisser les conflits redessiner des frontières qui ont un sens. Et alors des États et des industries émergeront à l'intérieur de ces frontières.

    Ne pas aider les populations à s'alimenter ou à se soigner. Ne pas laisser ces populations émigrer chez nous. Et alors la transition démographique se fera.

    Certainement que ça engendrera beaucoup de souffrances (plus ou moins que maintenant ?), mais je crois qu'aucun continent ne s'est développé autrement.
    C'est sans doute un mal nécessaire.

    Mais un monde guidé par les intérêts des multinationales y a-t-il intérêt ?

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    1. Ajout au 2ème paragraphe : "Les industries émergeront si on laisse ces États mener des politiques protectionnistes."

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  6. Une petite idée dans l'air du temps (libéral) : l'UE, qui est si prompte à apporter son soutien aux choix de l'OMC et à préparer dans les plus grand secret des traités (TAFTA, TISA) avec les USA, pourrait mettre en chantier un projet avec des pays africains ou avec certaines organisations qui les représentent. Chacun pourrait y trouver son compte, certainement plus qu'avec les USA devant lesquels nos dirigeants s'aplatissent. Comme d'habitude depuis plus de quarante ans.

    DemOs

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  7. @ Laurent

    "Il ne faut pas voir ailleurs une des principales raisons des vagues migratoires, d’autant plus que les moyens modernes de communication permettent une plus large connaissance des écarts de développement"

    C'est pire.

    Ceux qui n'ont jamais mis un pied en France et ne la connaissent que par sa télévision croient au premier degré la propagande distillée par nos médias. Et la liberté de circulation entre la France et l'Afrique ex-française a été supprimée à la fin des années 1970.

    Ils croient que chez nous les chômeurs ne veulent pas travailler parce qu'ils ont droit à un arsenal scandaleux de mesures d'assistanat, que les pauvres patrons sont désespérés parce qu'ils ne trouvent aucun candidat pour pourvoir les centaines de milliers d’emplois vacants indispensables pour redémarrer la croissance, etc

    Ils risquent leur vies pour venir postuler à des emplois qui n'ont jamais existé ailleurs que dans la propagande abjecte des médias français pour justifier la manière dont notre pays traite ses chômeurs et ses travailleurs.

    "Mais ces migrants sont une perte pour les pays qu’ils quittent"

    Même pas puisqu'il n'y avait pas de travail pour eux dans leur pays, pareil pour les jeunes français qui ont la chance de pouvoir s'expatrier.

    D'accord sur le fait que la politique économique qui a réussi en Asie serait la bonne pour l'Afrique, mais ce sera plus difficile car les frontières n'y dessinent pas de nations, elles ont été tracées n'importe comment.

    Ivan

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  9. Un plan marshall ? On revient à la colonisation là. Nous savons que l'aide à l'échelle des Etats ne marche pas , mais que c'est plutôt une forme de marchandage et de domination économique. Or les africains (remarquez que je différencie l'Afrique des africains) n'ont pas besoin de cela. Il sont besoin qu'on laisse leur élite mettre en place les systèmes de développements idoines

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  10. On parlons de l'économie, mettons à côté l'aide, le soutien, il n y aura place qu'à la dictature.

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  11. http://www.debouchagecanalisationwc.net/

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