lundi 13 avril 2015

Les analyses de David Graber sur la crise actuelle

Si « Dette : 5000 ans d’histoire » vaut (beaucoup) pour l’histoire de la monnaie, en notant son caractère profondément politique, et bien sûr, celle de la dette, ce livre a également l’intérêt de mettre en rapport notre histoire récente avec l’histoire passé, en offrant une lecture politique alternative.



L’austérité à deux vitesses

David Graeber commence le livre en citant le cas des hauts plateaux Madagascar où la suppression des programmes d’éradication des moustiques avait provoqué une épidémie de paludisme qui avait fait dix milles victimes en se demandant s’il « était justifié de perdre dix mille vies pour que la Citybank n’ait pas à reconnaître ses pertes sur un seul prêt irresponsable, d’ailleurs sans grande importance pour son bilan ». Il juge que certaines innovations financières étaient des « arnaques très élaborées », et que les banques spéculaient sur des paris assurés par « une compagnie d’assurance géante, qui, si elle coulait à pic sous le poids de la dette ainsi contractée (…) serait renflouée par le contribuable ».

Il rappelle qu’en 1980, le Congrès a abrogé la loi qui limitait les taux d’intérêt entre 7 et 10%, soit le retour de l’usure, et le développement des cartes de crédit, qui a permis « l’élimination de l’ensemble des législations restrictives qui plafonnaient les taux d’intérêt ». Pour lui, « le principe de l’honneur a été totalement retiré du marché », et, que, parallèlement, nous sommes tombés dans « l’autosacrifice ascétique ». Comme Paul Krugman, il dénonce le fait que les banques aient été aidées et non les ménages. En outre, depuis la fin des années 1970, les salaires stagnent alors que la productivité continue à monter. Il note que « la cause première de la faillite personnelle aux Etats-Unis est la longue maladie ». Il en va jusqu’à poser des questions sur les pratiques du micro-crédit de la Graamen Banck en soulignant que c’est la logique qui a poussé au surendettement des ménages aux Etats-Unis, leur donnant un pouvoir (de consommation) illusoire, une liberté qui a abouti à l’esclavage.

Une société violente, inhumaine, et bloquée

Pour David Graeber « on pourrait dire que les trente dernières années ont vu s’édifier un immense appareil bureaucratique ayant pour mission de créer et maintenir le désespoir, une gigantesque machine conçue, d’abord et avant tout, pour éliminer tout sentiment d’autres futurs possibles ». Tout ceci créé « un climat général de peur et de désespoir, dans lequel l’idée même de changer le monde paraitra un vain fantasme ». Il note le paradoxe selon lequel « quand la machine a implosé, nous nous sommes retrouvés dans l’étrange situation d’être incapables ne serait-ce que d’imaginer un autre mode d’organisation possible ». Pour lui, « tout système qui réduit le monde à des chiffres ne peut être maintenu que par les armes ». Il soutient que ce serait les riches qui useraient et abuseraient du levier alors qu’ils plaident pour « la démocratisation de la finance », alors que Smith et Ricardo étaient méfiants avec le crédit.

Il fait un lien entre guerre et dette en rappellant ce que le flottement du dollar doit à la guerre du Vietnam. Il fait aussi un parallèle entre la décision de l’Irak de passer du dollar à l’euro en 2000 et la guerre qui a suivi en 2003. Il rappelle aussi que « la Federal Reserve – malgré son nom – ne fait pas partie de l’Etat ; c’est un type particulier d’hybride public-privé, un consortium de banques privées dont le président est nommé par le président des Etats-Unis avec l’approbation du Congrès, mais qui, pour le reste, opère en dehors de toute supervision publique ».

Il note égalment que Wahington impose « un comportement diamétralement opposé au sien : elle leur impose d’appliquer des politiques monétaires restrictives et de rembourser scrupuleusement leurs dettes ». Il note aussi que le FMI protège moins les débiteurs qu’il n’impose les droits des créanciers. Pour lui « on peut voir grand krach de 2008 comme l’aboutissement de nombreuses années d’affrontements politiques entre créanciers et débiteurs, entre riches et pauvres. A un certain niveau, bien sûr, il était exactement ce qu’il semblait être à première vue : une arnaque, une pyramide de Ponzi incroyablement sophistiquée qui avait été conçue pour s’effondrer, car les arnaqueurs savaient pertinemment qu’ils pourraient forcer les victimes à les renflouer ».


Il conclut : « l’argent n’est pas sacré, payer ses dettes n’est pas l’essence de la morale, ces choses-là sont des arrangements humains, et, si la démocratie a un sens, c’est de nous permettre de nous mettre d’accord pour réagencer les choses autrement ». Le principe sacré de devoir payer ses dettes a été « démasqué comme un mensonge flagrant. En fait, nous n’avons pas ‘tous’ à payer nos dettes. Seulement certains d’entre nous. Rien ne serait plus bénéfique que d’effacer entièrement l’ardoise pour tout le monde, de rompre avec notre morale coutumière et de prendre un nouveau départ ».

Après avoir donné un court aperçu de la masse d’informations donnée par David Graeber, il est essentiel de faire comme l’auteur, à savoir tirer les leçons pour la période actuelle de cette longue histoire de la monnaie et de la dette. Un plaidoyer contre les austéritaires monétaristes.


Source : David Graeber, « Dette : 5000 ans d’histoire », Les Liens qui Libèrent

6 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  2. @ Laurent Herblay
    Vous penser que le livre de David GRAEBER a également l’intérêt de mettre en rapport notre histoire récente avec l’histoire passé. Voyons !
    Suite à une épidémie de paludisme l’auteur dit « était-il justifié de perdre dix mille vies pour que la Citybank n’ait pas à reconnaître ses pertes sur un seul prêt irresponsable, d’ailleurs sans grande importance pour son bilan ».
    Nous ne voyons pas le rapport entre ces deux faits du passés, ni où est l’innovation financières, qu’il qualifie d’« arnaques très élaborées », où il se spéculait sur des paris assurés par « une compagnie d’assurance géante, qui, si elle coulait à pic sous le poids de la dette ainsi contractée (…) serait renflouée par le contribuable », avec les moustiques. Il n’explique pas plus les liens de causalité entre la dette et le renflouement du contribuable.

    Graeber parle de « l’élimination de l’ensemble des législations restrictives qui plafonnaient les taux d’intérêt » sans prendre en considération que les taux d’inflation à cette époque n’étaient plus compatibles avec les taux d’intérêts pratiqués.
    Graeber l’ignorant nous dit « l’honneur a été totalement retiré du marché », nous sommes tombés dans « l’autosacrifice ascétique ». Comme Paul Krugman, il dénonce le fait que les banques aient été aidées et non les ménages.
    Il faut lui dire qu’en période d’inflation la masse monétaire déposée par les ménages ne permet plus d’avoir le même pouvoir d’achat et pour le rétablir il faut créer de la monnaie qui passe par les banques mais qu’en finalité les ménages utilisent, hélas pas forcement tous. En réfléchissant un peu est ce le remède à l’inflation qui doit être accusé où l’inflation qui est cause ?
    En plus de l’ignorance : Graeber démontre ses incapacités à comprendre et vous le suivez en ce sens en nous disant « depuis la fin des années 1970, les salaires stagnent alors que la productivité continue à monter » Imaginez que la productivité soit comme vous l’auriez voulu profitable au salariés et non aux consommateurs vous auriez alors deux catégories de salariés ceux qui sont dans des secteurs où la productivité est possible et ceux où elle ne l’est pas donc voir des salariés nantis et d’autres non ?
    Graeber est donc pour des privilèges ? Dites lui que la productivité qui n’est pas le fait de l’ouvrier, doit profiter à toute la société et pour cela c’est le consommateur qui doit en bénéficier. Dites lui aussi qu’augmenter des salaires sans que la quantité de biens et service ne change, cela ne s’appelle pas de la croissance mais de l’inflation qui demande des ajustements et là encore des ignorants vous diront qu’a cause de l’inflation il faut augmenter les salaires, augmenter les prix des consommations pour qu’elles soient moins compétitives et créer du chômage.
    Graeberl note que « la cause première de la faillite personnelle aux Etats-Unis est la longue maladie ». Il en va jusqu’à poser des questions sur les pratiques du micro-crédit de la Graamen Banck en soulignant que c’est la logique qui a poussé au surendettement des ménages aux Etats-Unis, leur donnant un pouvoir (de consommation) illusoire, une liberté qui a abouti à l’esclavage.
    Si c’est la logique qui a poussé au surendettement des ménages que pouvons nous faire ? D’autant que, nous dit Graeber ou Herblay, ce n’était donner qu’un pouvoir ILLUSOIRE de consommation. Nous avons là un exemple d’analyse qui interroge : comme dire, que vouloir consommer plus par l’emprunt devient à être l’esclave du prêteur qui vous à permis de consommer plus contre votre grès : c’est d’un niveau …
    Ces quelques analyses fantaisistes de la part de Graeber nous fait comprendre les raisons qui ont poussés les universités des ETAT UNIS à se passer des services de ce peu brillant économiste. Ce qui est encore plus évident avec ce qui suit dans ce blog.

    Unci TOÏ-YEN

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  3. @ Laurent Herblay
    Vous tomber dans le niveau zéro de l’économie avec cet auteur et 10/10 dans la faculté affirmer sans argument quand vous vous faite son assistant. Pour le prouver il suffit de vous lire.
    Pour David Graeber « on pourrait dire que les trente dernières années ont vu s’édifier un immense appareil bureaucratique ayant pour mission de créer et maintenir le désespoir, une gigantesque machine conçue, d’abord et avant tout, pour éliminer tout sentiment d’autres futurs possibles ».
    Tout ceci créé « un climat général de peur et de désespoir, dans lequel l’idée même de changer le monde paraitra un vain fantasme ». Il note le paradoxe selon lequel « quand la machine a implosé, nous nous sommes retrouvés dans l’étrange situation d’être incapables ne serait-ce que d’imaginer un autre mode d’organisation possible ». Pour lui, « tout système qui réduit le monde à des chiffres ne peut être maintenu que par les armes ». Il soutient que ce serait les riches qui useraient et abuseraient du levier alors qu’ils plaident pour « la démocratisation de la finance »,

    Pour lui « on peut voir grand krach de 2008 comme l’aboutissement de nombreuses années d’affrontements politiques entre créanciers et débiteurs, entre riches et pauvres. A un certain niveau, bien sûr, il était exactement ce qu’il semblait être à première vue : une arnaque, une pyramide de Ponzi incroyablement sophistiquée qui avait été conçue pour s’effondrer, car les arnaqueurs savaient pertinemment qu’ils pourraient forcer les victimes à les renflouer ».
    Le sommet de l’idiotie : « les arnaqueurs savaient pertinemment qu’ils pourraient forcer les victimes à les renflouer ». On se demande alors pourquoi il y a eux ce Krach.
    Il n’y a pas eu d’affrontement mais conscience que vivre au dessus de ses moyens ne se pouvait pas indéfiniment et quand les emprunteurs ne sont pas capable de rembourser les prêteur perdent.

    Unci TOÏ YEN

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  4. @ Laurent Herblay
    Continuons dans le niveau zéro de cet auteur qui conclut : « l’argent n’est pas sacré, payer ses dettes n’est pas l’essence de la morale, ces choses-là sont des arrangements humains, et, si la démocratie a un sens, c’est de nous permettre de nous mettre d’accord pour réagencer les choses autrement ». Le principe sacré de devoir payer ses dettes a été « démasqué comme un mensonge flagrant. En fait, nous n’avons pas ‘tous’ à payer nos dettes. Seulement certains d’entre nous. Rien ne serait plus bénéfique que d’effacer entièrement l’ardoise pour tout le monde, de rompre avec notre morale coutumière et de prendre un nouveau départ ».
    C’est déconcertant ce qui peut être dit quand ont ne sait pas que nous vivons dans une société où chaque citoyen recherche à satisfaire ses besoins qui sont produit par les autres ce qui impose à chaque citoyen de produire les besoins des autres.

    De tel ignorant vous disent alors que vous pouvez vivre égoïstement des productions des autres sans produire l’équivalant de ce que les autres ont produit pour vous.
    Tout cela par l’expérience du passé où des illusionnistes, avec la publication de leurs livres, qui n’apporte rien à l’humanité, peuvent vivre de la crédulité de ceux qui les lissent et les écoutent.
    Votre conclusion démontre votre sympathie à la masse d’information si possible idéologique, par rapport à la qualité réaliste de ces dernières.
    Après avoir donné un court aperçu de la masse d’informations donnée par David Graeber, il est essentiel de faire comme l’auteur, à savoir tirer les leçons pour la période actuelle de cette longue histoire de la monnaie et de la dette. Un plaidoyer contre les austéritaires monétaristes.
    Votre plaidoyer est t-il contre les austéritaires ? ou les monétariste ? Soyez précis !
    Avez-vous un plaidoyer pour quelque chose ?
    Ah oui ! Contre l’EURO, Contre L’EUROPE, contre les finances….
    Ah non ! C’est encore contre.

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  5. Il y a une grosse différence entre le libéralisme du XIXe siècle et le néolibéralisme d'aujourd'hui du fait de la déchristianisation. À la suite de saint Paul, les occidentaux considéraient toute loi imposée extérieurement comme un esclavage et lui préférait une intériorisation de la loi. La conscience étant supérieure à tout code, même d'origine religieuse, c'est elle qui devait être l'objet du plus de soin. Chaque personne prenait une grande importance et gagnait en liberté sans perdre de vue le bien commun, ce qui a permis longtemps une grande inventivité et un grand dynamisme de l'Europe.
    Au XXe siècle, cette intériorisation de la loi n'a cessée d'être combattue. Faiblesse freinant l'action pour les fascistes, les nazis et les communistes, elle constituait surtout un obstacle à leur main-mise idéologique sur les consciences. Au crépuscule de ces mouvements, cette main-mise restant nécessaire aux plus riches et à la machine technologique de production, on a modifié l'acte accusation : la conscience chrétienne devenait une culpabilisation empêchant la pleine jouissance de soi-même. Le succès de cette dernière lutte est presque totale : on présente ça comme une libération de l'individu, en oubliant un système de surveillance de la population de plus en plus serré, s'insinuant dans la vie de chacun, et des lois de plus en plus tatillonnes, pléthoriques, compliquées et répressives.
    On en arrive au système actuel où les banques et les multinationales, comme les individus, sont censées tout se permettre tant qu'elles échappent à la loi. La libération de l'individu a conduit à l'asservissement de la personne.

    Guadet

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  6. Mercredi 15 avril 2015 :

    La Grèce « a de l’argent pour deux semaines. »

    Le temps presse pour la Grèce : le gouvernement a jusqu'au 20 avril pour présenter aux autres membres de la zone euro la liste des réformes qu'il entend mener, un dossier sur lequel Grecs et Européens ont déjà étalé leurs désaccords à trois reprises. Mais où en est le pays à moins d'une semaine de cette échéance décisive ? Kostas Botopoulos, président de l'autorité grecque des marchés financiers, était l'invité d'Europe 1 mercredi matin. Et il n'a pas caché la situation difficile du pays.

    Des caisses vides dans « deux semaines ».

    « Le gouvernement lui-même a admis qu’il y a de l’argent dans les caisses pour deux semaines, jusque début mai. Après, il y aura des problèmes pour honorer nos obligations intérieures et extérieures », a reconnu le président de l'autorité grecque des marchés financiers.

    http://www.europe1.fr/economie/la-grece-a-de-l-argent-pour-deux-semaines-2428349

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