lundi 18 mai 2015

L’anomie sociale érigée en norme (Les Nouveaux inquisiteurs) (billet invité)

Billet invité de l’œil de Brutus



Cet ostracisme de toute forme de dissonance à la pensée unique s’étend, de bien entendu, à tous les pores de la société.

Les débats autour de la création du « mariage gay » en furent une excellente illustration. Il fut en réalité impossible de débattre sereinement (et philosophiquement n’en parlons même pas ! [i]) du sujet[ii]. L’invective des quelques extrémistes qui avaient pris l’ensemble en otage en finit par décourager, voire dégouter, jusqu’aux partisans même de la mesure[iii].

Lieu stratégique pour l’avenir de la République s’il en est, l’école est aussi clairement prise en otage par quelques idéologues pédagogistes de ministère[iv]. Coupés des réalités mais certes pas des dogmes. Comme celui du raz-de-marée numérique à l’encontre duquel nul esprit critique ne doit s’opposer, sous peine, là aussi, d’ostracisme et de censure[v]. L’école, n’est-ce pas justement ce qui devait nous ouvrir à l’esprit critique ? Hors-là ! Le pédagogisme, dont on sent bien qu’il n’est que l’avatar éducatif de la (non-)pensée libérale-libertaire, se porte au même niveau de tolérance que l’ensemble de la soupe idéologique dont il est issu. Et ici aussi, on trouvera de zélés éditorialistes, bien mâtiné d’esprit de cour, se faire le relais de la pensée unique, comme celui du Point, pour qui  « l’abolition des notes » s’inscrit dans la longue suite du « progrès », « comme l'abolition des sacrifices humains, comme l'abolition de la peine de mort, comme l'abolition de l'esclavage, comme le droit de vote des femmes, comme l'abolition des châtiment corporels »[vi]. Une sortie qui se passe de commentaires, mais qui en dit long sur le niveau de nuance et de réflexion de son auteur.

Mais derrière ces débats sociétaux qui, au vu des circonstances actuelles, pourrait apparaître comme secondaires[vii], c’est une véritable entreprise de déconstruction, que dis-je de démolition, qui est entreprise à l’égard de tout ce qui représente, dans l’esprit de quelques idéologues de bazar – héritiers d’un Mai 68 qui, s’il a échoué à prendre le pouvoir, prétend tout de même régenter la société -, le passé, dussent-il pour ce faire revenir à des organisations sociales que, telle la féodalité[viii], l’on croyait révolues. Car c’est bien de cela dont il s’agit : construire « l’homme nouveau ». Maoïstes et autres trotskystes reconvertis en néolibéraux libertaires n’ont finalement pas tant changé. Sans aucune nuance, sans aucune analyse de ce qu’ils ont pu apporter de généreux comme de néfaste, sont jetés aux orties de l’histoire, religions (sauf celles des minorités)[ix], famille, Grands hommes[x], France[xi]. Surtout France. Tocqueville s’est finalement trompé : la démocratie postmoderne a accouché non pas d’une dictature de la majorité mais d’une tyrannie des minorités. Les minorités hurlantes. Revendicatives tant qu’il en rapporte.

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[i] Je fût pour ma part ciblé par de véritables attaques en règles sur les réseaux sociaux à la publication d’une simple recension d’un chapitre, évoquant la théorie du genre, de l’ouvrage philosophique de Dany-Robert Dufour : l’œil de Brutus, Approche philosophique de la théorie du genre à partir de la pensée de Dany-Robert Dufour, 03/02/2014.
[ii] Lire :
Homme, femme, une histoire ou une réalité ?, Philippe Bilger, Marianne, 08-sept-11 ;

Les sept chantages inacceptables des partisans du "mariage" unisexe, Roland Hureaux, Atlantico.fr, 18-nov-12 ;
[iv] Sur le sujet, suivre les blog Bonnet d’âne et La vie moderne.
[vi] La pégagogie “gauchisante”,  Loys Bonod, Marianne, 3 Décembre 2014.
[viii] Lire L’œil de Brutus, néolibéralisme et féodalisme, 12/02/2014.
[ix] « Critiquer le judaïsme, c’est risquer d’être accusé d’antisémitisme et « donc » de national-socialisme ; au Danemark, quelques caricatures du prophète mettent en ébullition le Monde arabe ; dire des religions tribales qu’elles sont « primitives », c’est risquer de se voir traiter d’impérialiste et de chauviniste. Mais face au christianisme, tout est permis. Plus les autorités religieuses chrétiennes se confondent en excuses (pour les croisades, l’Inquisition, le colonialisme, la collaboration avec le fascisme, les écarts de certains prêtres, etc.), et plus elles se discréditent au lieu de s’humaniser ; effet pervers de la bonne volonté … alors que d’autres religions gagnent de plus en plus en crédibilité spirituelle en Europe sans pour autant affronter leur passé » , David Engels, Le Déclin, La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine, Editions du Toucan 2012, page 114
[x] Lire L’œil de Brutus, Le Relativisme absolu et les grands hommes, 12/02/2012.
[xi] Lire :
Que fera Jason Bourne (les identités effacées, vue par Henri Hude), article d’Henri Hude repris sur l’œil de Brutus, 23/02/2015 ;

Leçon d’histoire pour les générations futures, Marc Rameaux, billet invité de l’œil de Brutus, 14/02/2015.

9 commentaires:

  1. Le pouvoir socialiste est le pire des gouvernements que la France a connu depuis plusieurs dizaines d'années : mépris de la démocratie, manipulations de l'opinion, trahisons des engagements,
    dé(con)struction systématique des valeurs, du système de pensée, mise à bas des solidarités, accroissement de la pauvreté, de la précarité ... etc ... etc ...
    Je pensais, comme d'autres, que nous avions touché le fond avec Sarkozy, mais reconnaissons que les socialauds ouvrent de nouveaux horizons. Une nouvelle frontière en quelque sorte. Merci les socialauds.

    DemOs

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    1. Je ne pense pas que les "ultra-libéraux" socialauds soient différents des "ultra-libéraux" de l'ump...

      Ils partagent exactement les mêmes conceptions sur la plupart des sujets...
      (sauf quelques éléments de détails comme le mariage des homosexuels)

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    2. Certainement et là est le problème. En même temps, nous avions probablement, c'est mon cas, oublié les exploits des socialauds au XXème siècle. Nous avons la mémoire courte.

      DemOs

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  2. La question que je me pose est :

    qui a-t-il donc à débattre sur le mariage des homosexuels ?

    Intransigeances homophobes contre intransigeances des "bien-pensants" ?... ouais.

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    1. Justement entre les deux extrêmes, il y a plein de choses qui méritent de faire débat : la conception de la famille, de la filiation (liée ou pas à la famille), de l'adoption, d'un statut des beaux-parents (du coup complètement éludé alors que c'est un sujet qui touche bien plus de personnes que le mariage gay), du fait que le mariage gay ouvre (ou pas) une voie vers la GPA (et donc des conséquences potentielles de celles-ci), etc. etc. etc.

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    2. La GPA n'est pas nécessairement absolument lié au mariage homo... pas plus qu'il n'est absolument nécessairement lié ou entrainé par l'existence de couple hétéro stériles.

      Et non, il n'y a aucune alternatives techniques -ou en terme de choix de société- qu'entre les homophobes assumés et homophobes inconscients et les progressistes souvent condescendants.

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    3. Personne n'a apporté d'objections réelles contre la mariage homo fondées sur autre chose qu'attachement viscérale à la tradition (pour dire les choses de manière diplomatique).

      On peut être traditionaliste, hein ! je dis pas. Mais le tout, c'est de ne point parer ce qui est au mieux un attachement forcené à la tradition d'un masque de rationalité magnifiquement objective et majestueusement neutre.

      Etre conservateur n'est pas un crime... c'est de prétendre vouloir maintenir les traditions pour des raisons progressistes qui est une escroquerie intellectuelle.

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    4. Quand on est conservateur, on l'assume. Et on se sent pas insulté quand on s'entend faire la remarque.

      Un individu peut être réellement progressiste sur certains points, et conservateurs sur d'autres questions.

      Le progrès n'est pas toujours bon - et les traditions ne sont pas toujours le mal.

      Juste que l'on cesse de brouiller les lignes... tout le monde y perd son latin.

      On a (presque) tous compris que l'homophobie, c'est "méchant".

      Du coup, les homophobes veulent rester homophobes, mais ne veulent plus être qualifiés d'homophobes !

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  3. "La GPA n'est pas nécessairement absolument lié au mariage homo... " : votre "nécessairement" est d'importance. Cela prouve justement que la réponse ne va pas de soi et donc que la question mérite d'être posée ...

    Je ne comprends pas votre refus d'alternative "technique" (???) : les choses sont rarement binaires. Or, tout le problème du débat sur le mariage gay est que le débat a été réquisitionné par les extrêmes et que justement les avis nuancés ont eu peu (voire pas) de place pour s'exprimer.

    Et il y a bien des objections "réelles" (??? là aussi) au mariage gay sauf que là aussi, elles ont été peu entendues (ne serait-ce que sur la question de la filiation ou encore sur l'impact à long terme pour l'enfant adopté). Autre constat : il n'y a que 18 pays au monde à avoir légalisé le mariage gay. Les 172 autres (dont un nombre non négligeable de démocraties ...) sont-ils donc tous des ramassis d'homophobes ?

    Enfin vous ne pouvez pas réduire le monde à simple alternative binaire (et forcément manichéenne, même si vous refusez de l'admettre) entre conservateurs et progressistes. Pour ma part je me sens conservateur sur les choses que nous avons héritées du passé et qui selon moi méritent d'être préservées et progressistes sur d'autres choses qui méritent d'être changée dans le sens d'un meilleur bien commun. Encore faut-il définir ce qu'est le progrès ....

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