mardi 30 juin 2015

La sortie de l’euro, c’est possible, et pas difficile…

Des charlatans cherchent à faire peur en prévoyant une catastrophe pour la Grèce. Mais la catastrophe, c’était le maintien dans la zone euro depuis 5 ans, comme l’a souligné François Lenglet hier matin. Car l’histoire économique révèle que les sorties d’union monétaire sont courantes et profitent largement aux pays qui le font, comme l’a montré Jean-Pierre Robin dans un papier sur le FigaroVox, ou Jonathan Tepper dans une étude fouillée, dont j’avais fait le résumé en février 2012 :


C’est aujourd’hui la dernière ligne de défense des partisans de l’euro : la fin de la tour de Babel monétaire édifiée à Maastricht provoquerait un cataclysme économique. Pourtant, d’innombrables économistes, dont des prix Nobel, affirment le contraire, comme Jonathan Tepper dans une étude passionnante.

La peur, dernier rempart de défense de l’euro

Il est proprement incroyable d’écouter les éditorialistes ou les politiques évoquer une sortie de la monnaie unique. Au Grand Journal, Nicolas Dupont-Aignan a eu droit à une mise en scène scandaleuse où l’image passait en noir et blanc, histoire de bien signifier que cela serait « passéiste ». D’autres vous regardent comme si vous étiez à moitié fou et n’hésitent pas à prendre à témoin le monde des économistes, pour qui les conséquences seraient catastrophiques.

Pourtant, une étude sérieuse démontre que cela est faux. Si on ne peut nier que des économistes sont partisans de la monnaie unique, les critiques de l’euro présentent des rangs suffisamment prestigieux, divers et nombreux pour mériter un vrai débat de fond. Pas moins de quatre « prix Nobel » (Krugman, Stiglitz, Sen, Allais), des dizaines d’autres, de tous les bords (libéraux – Gréau - ou progressistes – Sapir, Lordon) dont quelques uns prophétiques (Lafay, Cotta, Rosa, Todd).

D’ailleurs les partisans de l’euro ont trouvé en Marine Le Pen l’avocate idéale de la sortie de l’euro. Ses approximations et son manque impressionnant de culture économique en font une adversaire facile à tourner en dérision tant il est facile de la mettre en difficulté. Tout ceci contribue malheureusement à la stagnation de l’idée de la sortie de l’euro malgré les carences toujours plus évidentes de la monnaie unique, qui pousse l’Europe dans la dépression.

Les unions monétaires finissent bien

Comme d’autres, j’ai déjà fait un dossier assez fouillé sur la fin de l’euro avec les exemples de l’Argentine ou de la Tchécoslovaquie. Mais j’ai reçu récemment une étude très fouillée de Jonathan Tepper, un économiste anglais. Il a étudié pas moins de soixante-neuf pays qui ont quitté une union monétaire au 20ème siècle, « avec un impact économique négatif limité », rendant la sortie de l’euro « faisable », et nous donnant un plan clair pour sa réalisation.

Bien sûr, une majorité de ces sorties correspondent à la décolonisation, mais d’autres cas se rapprochent davantage de la zone euro : la fin de l’Empire Austro-Hongrois en 1919, la séparation de l’Inde et du Pakistan en 1947, celle du Pakistan et du Bangladesh en 1971, la séparation de la Tchécoslovaquie ou de l’ancienne URSS en 1992, ou enfin l’Argentine en 2002. Mieux, dans le cas de la zone euro, il s’agit de revenir à une situation existante auparavant, ce qui est plus simple.

Pour l’auteur, l’histoire nous donne des réponses à toutes les questions relatives à la fin d’une union monétaire. Le processus pratique est bien connu : surimpression des anciens billets et remplacement par de nouveaux, contrôle des capitaux. Il souligne que « dans presque tous les cas, la transition a été douce », même s’il y a une restructuration des dettes. Pour lui « la sortie est l’outil le plus puissant pour rééquilibrer l’Europe et créer de la croissance ».

Selon l’auteur, les pays du Sud sont déjà condamnés du fait de leur endettement et de leur perte de compétitivité. Et il souligne que le défaut est une solution partielle : il faut corriger la surévaluation de la monnaie car l’euro fait peser l’ajustement sur les plus faibles. Et même s’il y a un défaut, l’expérience montre que « les inconvénients de la dévaluation sont brefs et qu’une croissance rapide suivrait » évoquant la crise des pays émergents en 1997-1998 ou l’Argentine.

De la banalité de la sortie d’une union monétaire

L’auteur cite également l’économiste Andrew Rose, professeur à Berkley, qui a étudié une base de données de 130 pays de 1946 à 2005 et pour « le plus frappant, c’est qu’il y a remarquablement peu de mouvements économiques au moment de la dissolution d’une union monétaire ». Selon Volker Nitsch, de l’université de Berlin, « historiquement, les dissolutions d’unions monétaires ne sont pas inhabituelles » et il chiffre le nombre d’unions dissoutes à 128 de 1948 à 1997.

Deux économistes de Princeton, Peter Garber et Michael Spencer, qui ont étudié spécifiquement le cas austro-hongrois, soutiennent que « en conclusion, la plupart des sorties d’une union monétaire n’ont provoqué qu’une faible volatilité économique, que leurs dissolutions sont fréquentes et qu’elles peuvent être réalisées rapidement, contrairement à ce qui est avancé par certains ». Le Pakistan et le Bangladesh ont mis fin à leur union monétaire aisément en pleine guerre civile !


Il y a un an, les défenseurs de l’euro soutenaient qu’une sortie serait catastrophique, entrainant défaut et effondrement du pouvoir d’achat. La Grèce démontre que c’est le maintien dans cette prison monétaire qui provoque une catastrophe. Mieux, l’histoire montre que la sortie n’est pas si compliquée…

11 commentaires:

  1. @LH,

    "D’ailleurs les partisans de l’euro ont trouvé en Marine Le Pen l’avocate idéale de la sortie de l’euro. Ses approximations et son manque impressionnant de culture économique en font une adversaire facile à tourner en dérision tant il est facile de la mettre en difficulté."

    Sentiment tout à fait personnel. Elle me semble au contraire maîtriser parfaitement le sujet. Par suite, on ne lui demande pas une performance médiatique sur les théories économiques, comme un oral pour entrer en école de commerce, mais d'être un politique avec une vision et une capacité d'action. Je préfère un Pompidou citant Eluard et ne connaissait pas les subtilités techniques du quantitative easing, parfaitement maîtrisé par les économistes de Bercy, à un techno pur jus ayant appris par coeur tous les articles des accords bancaires de la zone euro. Je pense que votre définition du politique est encore technicienne, ce tel que cela était à la mode dans les années 80 et 90. L'avenir, c'est ce retour à la politique de plein exercice. Max Weber a expliqué dans le détail que le "savant", par ricochet son avatar mondialisé contemporain qu'est le technicien, j'entends l'expert économique, ne pouvait avoir par sa "science (pseudo science s'agissant de l'économie) de vision globale et donc authentiquement politique. Une agrégation de lettres classiques m'est toujours apparue plus pertinente pour tracer une voie humaine et politique, qu'un diplôme d'école de commerce. Platon a-t-il plaider autre chose dans la République, face aux experts ( La science du charpentier de marine utile pour faire des navires...) que la nécessaire maîtrise des humanités (le champ moral pour faire vite, la vertu...) au titre de la compétence de l'homme d'Etat ? De Gaulle lui-même n'était pas un technicien de l'économie ou du commerce, bien heureusement. L'ère des directeurs de Cabinet devenus ministres est révolue. En nous libérant du carcan européen nous revenons à la souveraineté et à la politique au sens le plus noble, soit la défense et la mise en oeuvre concrète de ce que c'est que l'Homme. Une agrégation d'économie ne me paraît pas utile à l'aune d'un tel travail de définition et d'action. Ce qui ne veut pas dire que l'homme d'Etat n'a pas besoin de ces technicien, bien au contraire. Elle me semble être la seule, MLP, à disposer à la fois de la Fortuna et de la Virtù comme disait Machiavel, afin de venir servir un peuple tout entier, déjà acquis à sa cause, lequel la portera au pouvoir dès 2017. Ce qui depuis 30 ans nous est fatal c'est l'approximation politique de tout ces spécialistes en économie, brillant à l'oral sur leur sujet et qui, en 2008, 48h avant la catastrophe, chantaient les louanges du capitalisme mondialisé.

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  2. Aux yeux de la majorité des braves gens, il suffit d'énoncer l'astuce rhétorique qui associe "sortie de l'euro" à "F.N." donc extrêmiste pour discréditer en moins d'un centième de quart de seconde l'idée de sortie de l'euro.

    L'idée n'a pas besoin d'être sophistiquée pour fonctionner... au contraire même.
    Les ultra-libéraux préfèrent justement énoncer des propos simples et brefs, et laisser à leurs contradicteurs le soin de se dépatouiller avec des exposés longs et argumentatifs... soporifiques !

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    1. le FN n'a jamais evoqué la sortie de l'€uro, comme tous les partis-leurres il reclame une ôtre-€urope, ce qui est une imbecilité sans nom. la Famille LePen mange et prospere depuis des années sur ses mandats €uropéens, pourquoi iraient-ils se tirer dans le pied?

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  3. Herblay ignore que le parti souverainiste Anel, un FN capitaliste version JMLP, est un boulet pour Syriza dans la mise en place des réformes nécessaires :

    "En fait, l’entrée immédiate d’ANEL au gouvernement signifiait que ni l’armée, client de Dassaut, ni l’Église orthodoxe, énorme budget public, ni les armateurs, rois de l’évasion fiscale avec la complicité active des “institutions” dites européennes et financières, ne seraient inquiétés."

    "L’entrée d’ANEL au gouvernement le lendemain de l’élection signifiait : nous ne formons pas un gouvernement populaire représentant les travailleurs, mais un gouvernement de salut national pour négocier avec l’impérialisme allemand et les institutions dites européennes. L’armée, l’Église et les armateurs peuvent dormir en paix."

    " La place de l'ANEL est minoritaire mais stratégique : à la Défense, avec ce que cela signifie en Grèce. Le "salut national" est donc entendu comme union nationale - avec ce que représente l'ANEL : Eglise, colonels, et dans un assez large mesure, armateur. De fait la recherche du "consensus national" ne se limite d'ores et déjà pas à l'ANEL. Le problème à partir de là, c'est que précisément pour assurer la souveraineté grecque, c'est difficile, car souveraineté et démocratie supposent que l'on n'affronte pas seulement Merkel, mais le capital chez soi."

    " A cet égard, le patriarcat orthodoxe, les néonazis d’Aube dorée, les staliniens du KKE, les colonels de l’armée et bien d’autres sont d’accord en Grèce. Nous avons là un axe de pénétration profond dans le mouvement ouvrier, dans Syriza, des intérêts capitalistes déguisés en intérêts nationaux. "

    http://blogs.mediapart.fr/blog/vincent-presumey/130615/grece-ukraine-leurope-des-peuples-contre-la-dette

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    1. Quand va-t-on cesser cette escroquerie intellectuelle qui consiste à amalgamer "souverainisme" et "fachisme" ?

      Toute action politique est l'expression d'une souveraineté... même le programme politique acharnée anti-souveraineté de l'U.E est encore du souverainisme !

      Certes le eurocrates essaient d'inventer l'Etat sans souveraineté... mais la souveraineté qui s'abstient d'agir, c'est encore de la souveraineté.

      Et pour info, le F.N. n'est pas anti-capitaliste, hein !

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  4. @Anonyme30 juin 2015 19:12

    Le gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple. La formule, constitutionnelle, en agace certains ; mais qui exactement et pourquoi ? Faut-il souhaiter le gouvernement de la Banque par la Banque pour la Banque.

    En dernier lieu, le caractère peu courtois de votre post nous rappel à quel point la régulation est une notion essentielle en démocratie. L'hubris libérale n'est-elle pas mère de toute les dérégulation, de toutes les dérives, de tous les débordements, de l'abolition de toutes formes de frontières, quel que soit le domaine envisagé ?

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  5. "Ce serait tellement plus agréable de pouvoir discuter sereinement."

    Discuter sereinement avec un bachibouzouk n'a aucun sens.

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    1. Faisons l'expérience du retranchement proposée :

      Vous dites :
      "Discuter sereinement avec un bachibouzouk n'a aucun sens"

      Je retranche :
      "Discuter sereinement n'a aucun sens."

      Je comprends mieux...

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    2. Vous êtes au moins deux à comprendre ! Ce qui serait mieux que de s'envoyer des tartes, ce serait de parler des événements importants. Pas un mot par exemple sur la séparation de Christophe Lambert et de Sophie Marceau alors qu'ils se sont séparés en 2014. Moi, je n'étais même pas au courant. Rien, pas une ligne sur la visite du Prince
      Albert à Granville, la Venise du nord.
      Par contre, il y en a que pour les Grecs et les Teutons. Là, pas de problème, on glose, on analyse, on interprète, on suppute. Et j'te sors de l'euro par ci, et je te fais un référendum par là. De quoi être dégoûté de la politique.

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  6. @ Anonyme 9h48

    Oui, sentiment personnel, mais qui est illustré par des exemples précis sur le blog… Non, elle maîtrise bien mal le sujet, a varié sur certaines questions (l’étalon-or, les fameux 200 milliards de dettes supplémentaires) et a souvent du mal à répondre aux questions. Entre maîtriser les subtilités techniques et ses prestations, il y a beaucoup de marge, qui révèle pour moi, soit un manque de travail, soit un manque de conviction.

    @ Abd_Salam

    Grâce à l’incompétence de sa chef… Bien d’accord pour le second commentaire

    @ Anonyme 19h12

    Il est ridicule de dire qu’ANEL est l’équivalent du FN. La question militaire est délicate en Grèce, du fait de la Turquie…

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  7. @LH,

    Qu'en était-il des connaissances de De Gaulle en matière économique ? Diriez-vous que la capacité politique de ce dernier était insuffisante ?

    La seule constante dans l'histoire des hauts personnages politiques, cela n'a jamais été une capacité technicienne dans un domaine donné, mais la vision d'ensemble et le sens de l'histoire.

    J'avoue, après nos nombreuses discussions, et vraiment sincèrement, que je ne comprends toujours pas vos prises de position s'agissant d'MPL.

    Ce qui est sûr c'est qu'une fragmentation du courant souverainiste reconduira au pouvoir les euro-mondialistes. Ce qui est sûr enfin, c'est que d'ici a 2017 elle restera avec son parti la première force souverainiste et républicaine du pays. Je ne vous rappelle pas ces chiffres de la répartition du vote souverainiste que vous connaissez par coeur - d'où mon incompréhension.

    Cordialement.

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