lundi 27 juillet 2015

L’Allemagne, double bénéficaire de l’euro

Il y a près de 25 ans, la France a poussé l’adoption d’une monnaie unique européenne à son partenaire allemand, pensant le ligoter au projet européen. Mais en réalité, ce projet fou et artificiel s’est révélé être un effarant outil de domination économique de l’Allemagne sur ses partenaires.



Une dette souveraine moins chère

C’est Alterecoplus, d’Alternatives Economiques, qui a levé un aspect peu connu de la crise de la zone euro : le fait qu’elle a permis à l’Allemagne de faire des économies colossales sur le coût de sa dette souveraine, du fait de la divergence des taux d’intérêt entre les pays membres de la zone euro, après la convergence des premières années de la monnaie unique. Les chiffres sont stupéfiants : si les taux payés par l’Allemagne étaient restés stables depuis 2008, Berlin paierait 93 milliards d’intérêts en 2015. Cette année, notre voisin d’outre-Rhin n’en règlera que 48 milliards, soit près de deux fois moins, du fait du choix des investisseurs de privilégier la signature Allemande, la plus plus rassurante dans cette zone euro. Guillaume Duval a fait les comptes : l’Allemagne a économisé 193 milliards depuis 2008 !



Alors, bien sûr, la monnaie unique a aussi bénéficié aux pays aujourd’hui en difficulté car les taux de leurs dettes souveraines ont beaucoup baissé. Mais cette facilité accordée un peu rapidement par les marchés a également créé un fort effet d’aubaine qui camouflait les déséquilibres qui grandissaient, notamment au travers de la grande divergence des balances commerciales, relativement équilibrées au tournant du millénaire, et qui variaient entre -10 et +6% du PIB quand la crise s’est déclenchée. Et les gains colossaux réalisés par l’Allemagne (et les pays aujourd’hui privilégiés par les marchés) rendent d’autant plus insupportable les politiques austéritaires destructrices menées en Grèce car les différences entre les deux pays doivent beaucoup aux simples humeurs des marchés.

Outre un hold up commercial

Mais cette grande divergence des balances commerciales doit également beaucoup à l’unification monétaire européenne. En effet, avant l’euro, le deutsche mark était régulièrement réévalué et les monnaies du sud de l’Europe étaient dévaluées, reflétant ainsi des différences culturelles sur l’inflation. Ces réajustements ne posaient pas de problème et permettaient à chaque pays d’avoir une monnaie adaptée à son économie. Le projet fou d’unification monétaire européenne a cassé les mécanismes d’ajustement, ne permettant plus aux pays à plus forte inflation de compenser par une dévaluation de leur monnaie, que ceux qui avaient moins d’inflation n’avaient plus à subir, voyant progressivement leur compétitivité progresser, et donc les excédents commerciaux grimper, notamment au détriment de leurs partenaires.



C’est ce qu’a souvent souligné Jacques Sapir sur son blog. Non seulement l’euro n’a pas apporté le moindre bénéfice en matière de croissance ou de puissance, mais il a nourri, au contraire, bien des déséquilibres que certains pays européens paient cash aujourd’hui, quand d’autres, comme l’Allemagne, bénéficient d’une balance commerciale largement excédentaire, signe d’un enrichissement au détriment de ses partenaires, et d’une facture abaissée pour sa dette souveraine, tout en pouvant dicter ses conditions aux autres pays puisque Berlin est désormais le créancier de dernier ressort de la zone euro. L’euro s’est révélé être un outil impitoyable de domination des forts sur les moins forts, et encore, dans une compétition dont les dés sont largement pipés, outre le fait de ne clairement pas être justes.



Oui, l’euro a apporté croissance et puissance, mais uniquement pour l’Allemagne, et au détriment de ses partenaires, qui n’ont ni croissance, ni même libre-arbitre pour certains, obligés qu’ils sont d’accepter les règles venues de Berlin, comme la camisole budgétaire. Un destin malheureusement prévisible, d’autant plus que l’Allemagne s’est adaptée à la nouvelle donne.

39 commentaires:

  1. Avant l'Euro, le SME produisait des effets semblables, notamment en matière d'échanges. En fait, c'est depuis 35 ans que l'économie allemande est dopée par une devise sous-évaluée, alors que l'Italie et la France sont plombées par une devise sur-évaluée.

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  2. Il semble normal que l'euro soit adapté à l'économie Allemande. Il a été fait pour cela essentiellement.Quand cesserons-nous de feindre la surprise et d'esquiver les vraies questions avec des faux fuyants. L'Europe est, depuis le début, organisée par les EtatsUnis, ce qui est vague, mais parler lu lobby financiaro-militaro-industriel, c'est du complotisme....
    L'euro a beaucoup aidé la réunification allemande, car l'Allemagne avait d'énormes besoins en capitaux et les USA voulaient surtout voir disparaître l'URSS. Une fois l'Allemagne réunifiée et l'URSS disparue, il fallait empêcher la création d'une "Europe-puissance"
    Avec l'économie européenne d'aujourd'hui (mise à part l'Allemagne et ses "cousins") aucune chance...
    Visiblement, les USA tablent aujourd'hui sur un retour au mark (et les Allemands aussi)

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  3. L'incroyable "plan B" de Varoufakis : « Varoufakis aurait eu un plan B pour le moins explosif. Il aurait en effet impliqué de pirater la plateforme de l'administration fiscale grecque dans le but de créer un système bancaire parallèle en cas de faillite ». Il y aurait eu un ou deux plan B (Celui de Varoufakis était celui qui prenait le mieux en compte la problématique technique de la parade à l’asphyxie économique et financière organisée par les créanciers et devait logiquement aboutir à la sortie de la Grèce de la zone euro). Ce plan aurait finalement été bloqué par Alexis Tsipras qui ne voulait sans doute pas entendre parler d’une sortie de la Grèce de la zone euro. L’article en entier :

    http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/pirater-l-administration-fiscale-grecque-l-incroyable-plan-b-de-varoufakis-494507.html

    Quant à l’Allemagne oui effectivement ce pays est le grand bénéficiaire de la zone euro. Depuis son entrée dans l’euro ses excédents commerciaux ont explosé à la hausse et son taux de chômage a explosé à la baisse alors qu’en moyenne dans la zone euro il a fortement augmenté depuis la création de celle-ci. Mais l’Allemagne se trouve dans la situation du « Gagnant » qui est confronté à des demandes de plus de solidarité de la part des perdants. Mais les perdants sont trop lourds, trop nombreux, c’est pourquoi l’Allemagne rejette cette requête et c’est pourquoi il y a eu le pacte budgétaire européen.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Pacte_budg%C3%A9taire_europ%C3%A9en

    Saul

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  4. Concernant les taux d'intérêts, l'Allemagne emprunte actuellement à 0,65% et la France à 0,98%. L'euro est actuellement à 1,10 dollar. Avec la baisse du prix du pétrole qui continue et les baisses de charges que chaque pays applique: politique de désinflation compétitive, il n'est pas sûr que le QE de Draghi se terminant fin Septembre 2016 suffise.

    Maintenant si on veut sortir de l'euro c'est le moment car la dévaluation est presque faite.

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    1. En quatre graphiques, une belle démonstration de la nocivité de l'euro! Il faudrait un vrai procès pour comprendre comment on a pu se lancer dans une telle folie et identifier les responsables. Il es impossible que ça dure encore longtemps. On est dans l'acharnement thérapeutique depuis 2010.

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  5. Avant l'Euro, bien sûr, le chômage était très bas...

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%B4mage_en_France#/media/File:Chomage-france-bit-t2-2009-taux.svg

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  6. Pour comprendre ce qui se joue actuellement, on peut croiser deux textes récent : l'analyse par l'équipe de Natixis regroupée autour de P. Artus, des trois scénarios possible d'évolution de la zone euro ; les déclarations récentes de Y. Varoufakis concernant les intentions allemandes.

    Selon le Flash-économie du 24 juillet dernier (http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=86299), trois solutions s'offent à la zone euro pour répondre au défi de l'hétérogénéité :

    « - la marche vers le fédéralisme, pour réduire l’hétérogénéité par des transferts entre pays ;
    - le rejet du fédéralisme, et l’acceptation de ce qu’il y a dans la zone euro des écarts croissants de niveau de revenu entre les pays. Dans ce scénario, il y a nécessairement réduction de la dette publique des pays les plus pauvres, car, avec la faiblesse de leur revenu et l’émigration qui en résulte, ils ne peuvent pas assurer leur solvabilité budgétaire. Il s’agit donc d’un scénario avec apparition de zones de pauvreté (relative) dans la zone euro et restructurations multiples des dettes publiques ;
    - le rejet du fédéralisme et le rejet des écarts croissants de revenu entre les pays, d’où l’explosion de la zone euro. ».

    L'Allemagne ne veut ni être à l'origine d'une explosion de la zone euro, ni financer la survie de cette dernière par une union de transferts qui la vampiriserait au profit des pays périphériques en crise. Selon Varoufakis, W. Schäuble aurait donc opté pour un scénario mixte, associant la sortie des éléments les plus faibles (Grèce) à un système pseudo-fédéral, dans lequel les transferts allemands pourraient rester raisonnables, parce que les partenaires de l'Allemagne, France en tête, seraient eux-mêmes soumis à une discipline budgétaire de fer, après abandon du peu de souveraineté qui leur reste en la matière (http://www.ekathimerini.com/199945/article/ekathimerini/news/varoufakis-claims-had-approval-to-plan-parallel-banking-system) :

    « Schaeuble has a plan. The way he described it to me is very simple. He believes that the eurozone is not sustainable as it is. He believes there has to be some fiscal transfers, some degree of political union. He believes that for that political union to work without federation, without the legitimacy that a properly elected federal parliament can render, can bestow upon an executive, it will have to be done in a very disciplinary way. And he said explicitly to me that a Grexit is going to equip him with sufficient bargaining, sufficient terrorising power in order
    to impose upon the French that which Paris has been resisting. And what is that? A degree of transfer of budget making powers from Paris to Brussels. ».

    La tragédie de ces dernières décennies est l’obsession, partagée par les élites dirigeantes allemandes comme françaises, d’arrimer le partenaire privilégié à l’Europe en le contraignant par un système de règles impératives. Les Français ont d’abord cru que l’euro jouerait ce rôle vis-à-vis de l’Allemagne ; les Allemands tentent aujourd’hui d’utiliser l’euro pour mener la France à leur propre conception de ce que peut être l’Europe : une quasi-union de transferts où les transferts seraient en fait très limités, au plus grand soulagement du contribuable allemand, parce que la discipline fiscale y aurait totalement corseté les politiques nationales. Et cela peut se vendre auprès des dirigeants français, parce nombre d'entre eux sont des décadentistes et raisonnent comme les idéologues de Vichy en 1940. Ils ne croient pas que la France puisse être forte par ses propres moyens. L’Allemagne ne leur apparaît pas comme un concurrent ou adversaire à contrer ; aussi contraignantes que soient les demandes allemandes, elles sont perçues comme un moyen nécessaire et au fond désirable de discipliner la France pour son propre bien.

    YPB

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    1. Ca doit faire 40 ans que la France patine dans la semoule et on accuse l'Euro.

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    2. Cela fait effectivement plusieurs décennies que l'on fait des choix économiques désastreux. Il se trouve que l'euro en est un.

      YPB

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    3. @ Anonyme27 juillet 2015 16:49 ;

      Excellente rhétorique : refuser de voir la catastrophe qu'est l'€uro, et les torts de cette monnaie de rentiers...

      Au prétexte fallacieux que les problèmes ont commencé avant qu'on instaure l'€uro.

      C'est fallacieux, car beaucoup des décisions qui ont démarré la dégringolade de la France, sont des décisions ultra-libérales, et souvent des décisions qui visaient à mettre en place l'€uro (et "l'ouverture" des frontières, et tout ce qui nous plombent aujourd'hui encore plus qu'avant-hier).

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  7. ce n'est pas compliqué, dans les années 90 déjà, un gouvernement français avait arrimé le franc au mark, période qu'on a appelé le "franc fort" ou (franckfort ?). A l'époque, l'économie française avait plongé assez sérieusement pour ceux qui s'en souviennent..

    il semble que les types qui nous dirigent ne connaissent pas l'histoire ou n'apprennent pas....


    il faut aussi rappeler que la parité de l'euro a été si élevée pendant les années de crise 1.3 à 1.40 dollar, que le tissu industriel français s'est délité à grande vitesse. Pourquoi ? la fameuse compétitivité. Les donneurs d'ordres nationaux ont délaissé leurs sous traitants locaux ou simplement fait leurs achats ailleurs, ou encore demandé à ses fameux sous traitants d'ouvrir des filiales dans des pays à faible coût et hors zone euro...nos productions sont donc parties ailleurs...d'où les charrettes de ces dernières années..

    le modèle que nous avons suivi est celui de l'export, là où les allemands ont des industries très spécialisées, et là où nous ne possédons que quelques fleurons, le principal étant constitué de produits facilement concurrentiels...il était évident qu'avec une monnaie non compétitive, nous aurions du mal à suivre ce modèle en collant aux critères de l'allemagne...

    pour mémoire, le CICE et le pacte, c'est à dire 45 milliards qui devaient compenser le manque de compétitivité à l'export, malgré une une monnaie de nababs, à 1.3 - 1.4 dollar, est toujours en vigueur alors que l'euro est à 1.10 dollar aujourd'hui et qu'on nous applique dans le même temps des restrictions budgétaires du même ordre (50 milliards)

    ou comment dépenser moins en dépensant plus par des transferts inutiles du public vers le privé...

    Grosse foutache de gueule....

    Stan

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    1. " (c'est) pendant les années de crise 1.3 à 1.40 dollar, que le tissu industriel français s'est délité à grande vitesse".
      Le tissu industriel français s'est effiloché depuis bien plus longtemps, c-à-d. depuis la fermeture des mines en Lorraine, puis des usines sidérurgiques dans la même région, série qui s'est terminée avec la célèbre affaire de Florange et Mittal. Il faut y ajouter la destruction de la filière textile dans la Nord de la France, qui a permis, soit dit en passant, à Monsieur Bernard Arnault de commencer à bâtir sa fortune grâce aux socialistes, les mêmes qui ont aidé les industriels de la sidérurgie à se retirer de la sidérurgie sans y laisser de plumes. Comme quoi on retrouve toujours les mêmes ! Il n'y a que le décor qui change et les mémoires qui sont défaillantes ou ignorantes.

      DemOs

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    2. Sur la fin de l'industrie l'article intitulé, lire sur le site de Fakir : "Le mensonge originel : Boussac Saint-Frères " (1) par François Ruffin (14/03/2013).

      DemOs

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    3. @ Stan,

      L'économie française n'a pas à rougir face à l'Allemagne en terme d'exportation !

      Certes, les patrons français ont quasi totalement délocalisé tout ce qui était délocalisable ! et c'est là, la seule différence avec l'Allemagne : les patrons allemands ont demandé beaucoup de sacrifices aux travailleurs et sans emplois allemands, et ça a marché facilement.

      Les rentiers et patrons français n'espéraient pas parvenir à briser les acquis sociaux... ils ont donc délocaliser massivement, quand les patrons allemands délocalisaient beaucoup moins !

      Beaucoup d'entreprises française n'ont que leur siège sociale en France et toute la partie fabrication se déroule en chine ou en Corée... ce qui fait que même lorsque nous achetons français, en fait, ça devient une importation !

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    4. "Lorsque nous achetons français, en fait, ça devient une importation !". Une précision utile que nombre de Français ignorent.

      DemOs

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    5. DEMOS

      bien sûr que l'industrie s'effiloche depuis un moment, mais je suis parti du moment du parallèle entre France fort et euro, parce que ces deux moments sont des passages qui permettent de comprendre que nos politiques sont incompétents ou ignares de l'histoire économique pourtant récente.

      Nous avons aussi deux autre applications fiscales qui ont aidé, dont je ne sais si elles sont internationales

      1° la consolidation mondiale qui a beaucoup aidé les multinationales à monter des réseaux de filiales basées sur l'optimisation fiscale

      2° le report fiscal des pertes d'une année sur les années suivantes, qui permet lui aussi la constitution de ce fameux réseau délocalisé.

      ces deux facilités liées à la parité totalement folle de l'euro sur le marché mondial ont accéléré le délitement du parc industriel de la France.

      Quand une grosse boite ferme, les télés s'en emparent mais quand des milliers de sous traitants ou de PME ferment, c'est absolument indolore, sauf que les PME et TPE sont créatrices nettes d'emplois, et seulement elles...

      ce sont des montagnes de PME qui ont coulé depuis la crise

      Stan

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    6. abd salam

      les allemands aussi ont confié une bonne partie de la soustraitance aux pays de l'est mais l'allemagne qui se prévaut d'une compétitivité hors coût que n'a pas la France (hors un ou deux secteurs comme l'aeronautique par exemple) l'allemagne donc a pu gardé son personnel technique pendant la crise, quitte à mettre en place du chômage technique ou des solutions intermédiaires de ce type, pendant qu'en France, des charrettes sortaient en rafale..

      on en revient donc à ce qui ne se dit jamais : la France a suivi le modèle du tout export pour coller à l'allemagne alors que ce n'était pas la bonne solution du fait de son modèle économique différent, le tout sous euro, monnaie de rentier à parité hors compétition internationale..


      à mon sens, le silence sur la parité déconnante de l'euro face aux principales autres monnaies mondiales pendant des années de crise , est liée directement au fait que NOUS (les citoyens, contribuables etc...) versons 45 milliards aux groupes français CICE, pacte, pour de la création d'emploi que nous ne verrons jamais.....le système a été acheté par nos représentants...



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  8. C'est vrai que la politique économique et sociale menée en France est catastrophique depuis 1974. Ce que l'Euro (et l'UE) ont changé c'est qu'elle est maintenant gravée dans le marbre des traités internationaux.

    Ivan

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  9. Le mal ne remonte pas à l’euro, mais aux idées qui ont inspiré la logique de l’euro. La grande rupture est celle de l’abandon, dans les années 70, des politiques d’inspiration keynésienne sous l’influence des doctrines monétaristes (ce qui ne signifie nullement qu'il faille faire du keynésianisme vulgaire à tort et à travers, évidemment). En fait, nous fustigeons le néolibéralisme à l’anglo-saxonne en oubliant que l'un des premiers gouvernernements européens a avoir communié dans la doxa monétariste était… français. Celui de Raymond Barre, en 1976. William Mitchell l’a opportunément rappelé il y a peu (http://bilbo.economicoutlook.net/blog/?p=31403) :

    « The surge in Monetarist thought within macroeconomics in the 1970s, first within the academy, then in policy making and central banking domains, quickly morphed into an insular Groupthink, which trapped policy makers in the thrall of the self regulating, free market myth.
    The accompanying ‘confirmation bias’, which arises when people or groups only accept information that ratifies their prior beliefs and reject contrary facts, overwhelmed the debate about monetary integration that was being conducted along ‘Keynesian’ lines at the time – that is, the recognition that there had to be a federal fiscal capacity in order for the union to be effective.
    The introduction of the Monetarist inspired Barre Plan in 1976, by French Prime Minister Raymond Barre, under President Valéry Giscard d’Estaing, showed how far the French had shifted from their Gaullist ‘Keynesian’ days.
    Across Europe, unemployment became a policy tool aimed at maintaining price stability rather than a policy target, as it had been during the Keynesian era up until the mid 1970s. Unemployment rose sharply as national governments, infested with Monetarist thought, began their long-lived love affair with austerity. ».

    Outre-Manche, on peut préciser que si le monétarisme a été placé au cœur de la doctrine économique britannique avec Margaret Thatcher, en 1979, ce sont les Travaillistes du gouvernement Callaghan (1976-1979) qui avaient initié le mouvement (http://www.theguardian.com/commentisfree/2007/jun/13/theladywasforturning).

    Et c'est cette même lecture de l'économie (notamment à travers l'interprétation friedmanienne de la crise de 1929, qui s'est imposée au détriment de la lecture de Keynes et Minsky : voir sur ce point le livre important de Barry Eichengreen, Hall of Mirrors) qui a empêché d'interpréter correctement, dans un premier temps, la récession actuelle.

    YPB

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    1. Faire du keynésianisme vulgaire ?

      ou faire du keynésianisme selon la caricature que les ultra-libéraux en font ?

      Keynes n'a jamais prôné ce que ses adversaires lui imputent. Keynes était pour que l'Etat intervienne dans l'économie, et que l'Etat contre-balance le privé (en résumé).

      Keynes n'a jamais dit qu'il fallait dépenser sans compter, ou que sais-je encore !

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  10. Dans les années Giscard, la filière des machines outil a été abandonnée en France quand l'Allemagne progressait dans ce domaine. 30 ans plus tard l'industrie allemande vendait les meilleures machines outil à l'industrie chinoise, voilà.

    Dans les années 70, Peugeot fabriquait des voitures qui rouillaient rapidement quand les voitures allemandes étaient traitées pour ne pas rouiller. Il a fallu 10 ans aux voituristes français pour comprendre qu'une voiture rouillée fait mauvais genre...

    Encore maintenant, je vois des boites françaises traiter de manière complètement fantaisiste la qualité de leurs produits quand les allemandes ou suisses restent hyper rigoureuses sur la qualité industrielle, c'est du vécu des 2 côtés du Rhin ou du Jura.

    La qualité c'est pas si compliqué, il suffit juste d'être un peu méthodique, logique et rigoureux. Les directions d'entreprises françaises actuelles restent trop dilettantes, alors que leurs salariés sont souvent de bonne qualité, même si parfois pas toujours.

    Dévaluer sa monnaie, ses salaires, ses investissements, sa qualité, ses prix... est la voie du dernier recours descendant qui ne remplacera jamais une sortie ascendante par le haut de gamme et la qualification.

    Les allemands ou suisses ont misé sur le haut de gamme et ils en tirent les profits mérités.

    Un pays qui croit s'en sortir par la fuite en avant vers plus de médiocrité monétaire qui facilite la médiocrité productive est condamné au déclassement.

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    1. Pour résumer, la dévaluation monétaire est un avachissement, une forme d'addiction vers l'inefficacité dont on paye un jour très cher le prix.

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    2. @ Anonyme 22:37

      Je suis d'accord avec vous sur la relation de cause à effet, sauf que je pense qu'elle marche dans l'autre sens.

      Ce n'est pas parce que la banque centrale dévalue la monnaie que les industriels négligent la qualité, c'est l'inverse. C'est parce que les industriels négligent la qualité que la banque centrale est ensuite obligée de dévaluer la monnaie. Et si jamais elle ne peut pas parce que les règles monétaristes le lui interdisent, alors le résultat est encore pire.

      Ivan

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    3. La banque centrale n'a tout simplement pas le pouvoir d'obliger une classe patronale cupide et incompétente comme la notre à faire du bon travail. Elle peut seulement limiter les dégâts en dévaluant la monnaie.

      Inversement la Bundesbank n'avait aucune envie de réévaluer régulièrement le DM, les industriels allemands la suppliaient de ne pas le faire car cela revenait à augmenter le salaire des ouvriers, mais elle n'avait pas le choix.

      Ivan

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    4. "La banque centrale n'a tout simplement pas le pouvoir d'obliger une classe patronale cupide et incompétente comme la notre à faire du bon travail. Elle peut seulement limiter les dégâts en dévaluant la monnaie."

      On est d'accord, le remède n'est pas la dévaluation monétaire qui n'est qu'un palliatif.

      Pour éliminer les incompétents dirigeants français, une purge de faillites schumpeteriennes est la seule solution. C'est comme les dettes, arrivé un moment il faut tailler dans le vif plutôt que de laisser la gangrène perdurer. C'est une forme de révolution nécessaire pour purger l’abcès du furoncle des oligarques nullisimes qui dirigent la France.

      L'Euro fort imposé est bien plus révolutionnaire qu'un retour au franc faible qui ne fait qu'entretenir une élite oligarchique franchouillarde incompétente qui mène le pays à la décrépitude. L'Euro fort est leur guillotine.

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    5. Ce qui me gêne avec votre faillite "schumpeterienne" c'est que le patron incompétent et/ou malhonnête prend une retraite paisible et anticipée de millionnaire à 50 ans alors qu'il avait prévu de finir milliardaire à 70 ans : la belle affaire ! S'il n'était pas aussi bête, il comprendrait qu'il est gagnant.

      Tandis que ses ouvriers se retrouvent au chômage (mal) indemnisé, et leurs enfants au chômage non indemnisé.

      Ivan

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    6. @ Anonyme27 juillet 2015 22:37 ;

      C'est pas bientôt fini ce déclinisme ? cette haine de soi bien franco-français ?

      Les Peugeot avait une réputation d'increvabilité en Afrique ! ça doit vouloir dire que c'était certainement pas les déchets que vous prétendez.

      Et d'autre part, dans les années 80, BMW et Renault (ou Peugeot) avait le même fournisseur en acier pour les carrosserie...

      Bref, y'en a marre des gens qui ont la haine de la France, et qui sont impatients de punir notre pays !

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    7. c bien connu qu'il pleut énormément en Afrique :/ ce n'est pas le moteur qui pose problème, c tout le reste, tant que le moteur "vit" la voiture "vit"...

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  11. Merci YPB !

    Je me souviens très bien de Raymond Barre et de sa politique désastreuse qui n' a ensuite plus jamais été remise en question.

    Ce qu'on oublie c'est qu'il était un véritable gourou pour ses étudiants. J'en ai connu plusieurs qui l'avaient eu comme prof de fac avant qu'il devienne premier ministre et qui était catastrophés, effondrés, désemparés : sa politique ne marchait pas ! Or elle ne pouvait pas ne pas marcher, sa pensée limpide et sa logique imparable ne pouvaient tout simplement pas être fausses.

    Ils étaient en deuil, véritablement. C'était vraiment comme s'il avait annoncé le retour du Christ et que le Christ n'était pas revenu.

    Ivan

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    1. @ Anonyme 27 juillet 2015 22:37

      Je l'ai indiqué plus haut, il n'y a pas que "la filière des machines outil (qui) a été abandonnée en France" dans les années Giscard. C'est toute l'industrie française qui a été abandonnée par les dirigeants français. Je dois également rappeler ici le rôle nocif joué par Giscard tant dans cette affaire que dans la construction de l'UE. Nous payons aujourd'hui les choix aussi stupides que dangereux de ce "génie" et le fait que les socialos lui aient emboîté le pas ne retire rien à la responsabilité, qui a le culot de donner aujourd'hui encore des conseils sur la Grèce.

      DemOs

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    2. ne retire rien à la responsabilité de CELUI qui a ....

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  12. " Tandis que ses ouvriers se retrouvent au chômage (mal) indemnisé, et leurs enfants au chômage non indemnisé."

    Dans un cas comme dans l'autre c'est ce qui arrive, avec la différence qu'en cas de faillite, c'est toute la chaine hiérarchique qui est détruite, ce qui est souvent nécessaire.

    "Les Peugeot avait une réputation d'increvabilité en Afrique ! ça doit vouloir dire que c'était certainement pas les déchets que vous prétendez.

    Et d'autre part, dans les années 80, BMW et Renault (ou Peugeot) avait le même fournisseur en acier pour les carrosserie...

    Bref, y'en a marre des gens qui ont la haine de la France, et qui sont impatients de punir notre pays !"

    Toyota a supplanté Peugeot qui n'était là qu'en vertu de la Francafrique, pas de la solidité des voitures et de la chaine logistique qu'a apporté Toyota.

    Peugeot s'est faite virée en raison de son insuffisance technique et organisationnelle, c'est aussi simple que cela.

    La qualité des aciers ne suffit pas, c'est le traitement des couches anticorrosion et peinture qui importe. La production française était médiocre sur ce point. Tes remarques montrent ton incompétence technique qui n'est que l'échantillon de la crasse française sur le plan industriel, de l'a peu près noyé dans du flou pseudo artistique, de la merde en vrac qui s'excite, mais est incapable de travailler patiemment un sujet technique sans éructer des conneries sans queue ni tête. Et un jour ça se paye au prix fort.

    Moi, j'analyse les problèmes, toi tu dégueules de la sentimentalité haineuse et pathétique. A la fin je gagne, toi tu perds.

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    1. Vomir ces convictions, sensées ou délirantes, n'amène chez les lecteurs que dégoût et désintérêt, ce qui est le contraire dy but recherché, non ? Si tu es si fin et si intelligent que tu le prétends, tu devrais l'avoir compris, mais ce n'est pas le cas. Alors ...

      DemOs

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    2. Pas d'accord sur l'histoire de Peugeot en Afrique.

      Les clients étaient fidèles et satisfaits, mais pas très riches et ils achetaient surtout des pick-up, modèle qui ne se vendait pas en France où on préfère les camionnettes tôlées à cause de la pluie qui est trop fréquente et toujours froide. Sans compter qu'on n'a pas le droit de transporter des passagers, même pas les membres de sa propre famille, sur le plateau sans siège et sans ceinture.

      Et si le traitement antirouille laissait à désirer ce n'était pas grave car la main-d’œuvre nécessaire pour repeindre avec le bon produit qui va durer longtemps coûte infiniment moins cher qu'en France. Sans compter que dans la moitié sahélienne de l'Afrique ex-française il ne pleut pas beaucoup, en tout cas pas assez.

      Plutôt que de préparer le remplaçant du 504 pick-up, ou sa nouvelle version, Peugeot a préféré le laisser s'éteindre doucement comme Citroën a fait avec la 2 CV. Il a été battu par forfait par Toyota qui doit encore se demander pourquoi Peugeot lui a fait cadeau de cette clientèle sans combattre.

      Pour le marché des cyclomoteurs, très important en Afrique, la défi aurait été plus difficile à relever. Impossible de rivaliser avec la vraie petite moto chinoise qui a remplacé au même tarif le P50 (notre Peugeot 102, voire 103) comme standard du marché, où alors il fallait fabriquer sur place. Ce n'était pas une raison pour ne pas le faire d'ailleurs.

      Ivan

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  13. je signale à MR HERBLAY, s'il lit, que nous assistons actuellement et depuis quelques mois, à une requalification massive des catégories de chômeurs, non pas à cause de prétendues couacs internet ou je ne sais quoi, mais de manière parfaitement méthodique


    si vous voulez suivre ça, je parie que dans peu de mois, nous entendrons à haut niveau (haut quand on parle de Rebsamen...mais bon) un COCORICO sonore d'inversion de courbe du chômage...

    alors qu'en réalité il ne s'agira que de truandage des stats du chômage, évidemment sous prétexte de nécessité de "réforme" ou de "nettoyage" du système


    quand on ne peut pas changer le réel, il faut changer les chiffres qui le montre. Il faut toutefois reconnaitre que d'autres pays mettent déjà les poussières de chômeurs sous le tapis, faut bien être compétitif aussi à ce niveau.


    Stan

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    1. Hier soir aux infos france2 :
      "le chomage presque stabilisé , 1800 demandeurs de plus.
      Avec l' ancienne méthode, ça aurait été 10.000 de plus"

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    2. Ayant participé à l'accompagnement de personnes en grande difficulté économique - notamment chômage - pendant quelques années il y à plus de 10 ans de cela notre association a dû financer l'expédition de LRAR à destination des Assedics: trop de courriers "perdus" conduisant à des radiations...
      Et nous savons tous que le système des 6 ou 7 catégories de chômeurs n'en prenait en compte qu'une seule pour les stats officielles.
      Sécurité sociale, chômage, retraites... Dans quelques pays.
      Il aura fallu 2 guerres mondiales, plus de 100 millions de morts - avec ou sans les dommages collatéraux à terme - la pression de 2 méga dictatures étrangères, la crainte d'une 3ème der de der, la découverte par des résistants "bourgeois" des conditions de vie de ceux de leur compagnons qui n'appartenaient pas à cette catégorie sociale après guerre... Si j'en oublie, allez y.
      La nature humaine... La nôtre qui parvient à transformer les Béatitudes en Inquisition. Et le reste, tout le reste, à l'avenant.
      L'inventivité de notre espèce est sans borne.
      Et même cette P... de constatation peut être utilisée pour tout justifier. Puisque notre espèce est telle, n'est-ce pas...
      Et cependant il a fallu tant de souffrance et de mort pour qu'un âne devant son clavier puisse taper ces quelques constatations sommaires.

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  14. @ JL Porry

    Les déséquilibres se sont largement amplifiés depuis l’arrivée anticipée de l’euro, qui a figé les parités

    @ Cliquet

    Pas d’accord sur l’origine de la CEE et de l’UE. Je pense que cela est davantage le fruit d’une hallucination collective. Je manque de temps pour répondre plus en détail. J’essaierai une fois prochaine

    @ Saul

    Merci pour le lien. J’avais propagé sur les réseaux sociaux

    @ Cyril

    C’est juste, comme les QE des autres pays en même temps…

    @ YPB

    Artus se trompe doublement sur l’issue fédéraliste :
    - d’abord, elle est inacceptable pour l’Allemagne
    - ensuite, vouloir réduire les hétérogénéités à coup d’argent est sans doute vain. De cette manière, cela revient à du dopage, qui pourrait même les accentuer

    Merci pour le lien suivant, très intéressant

    @ Anonyme

    L’euro n’est qu’une des causes de nos maux. Et la France ne se porte pas la plus mal.

    @ Abd_Salam

    Merci pour vos réponses. Pas sûr que les entreprises françaises aient davantage délocalisé que les autres (même l’Allemagne a largement délocalisé en Europe de l’Est pour gagner en compétitivité)

    Bien d’accord sur Keynes et votre commentaire suivant

    @ Stan

    Avec l’application d’un libre-échange façon bisounours : j’ouvre mes frontières sans que les autres ne fassent de même. Et en effet, le tissus industriel a commencé à s’affaiblir depuis les années 1970 (voir Maurice Allais), du fait du libre-échange

    @ Anonyme 22h37

    Attention aux caricatures : et toute la filière viticole, la filière cosmétique, haut de gamme en général, l’aviation, le TGV, Essilor. Il ne faut pas caricaturer : nous produisons beaucoup de belles choses en France

    @ Ivan

    Attention aux caricatures sur les patrons. Les nôtres ne fonctionnent pas plus mal que les autres étant données les règles du jeu qui leur sont données

    Merci pour les précisions sur le marché africain

    @ Stan

    Merci. Il faut que j’étudie la question

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