jeudi 3 décembre 2015

La nouvelle économie, ces coucous qui inventent les péages modernes

La nouvelle économie est parée des lauriers de nombreux qualificatifs, tous positifs : sociale, collaborative, de partage. En outre, elle est toujours présentée comme inéluctable, une forme d’évolution naturelle qui ne saurait être remise en question. Pourtant, à bien y regarder, tout n’est pas si positif.



Vrai service, au service d’une vraie rente

Bien sûr, on ne peut pas nier que le succès des géants d’Internet se fonde souvent sur un vrai service rendu aux utilisateurs. Facebook connecte plus d’un milliard de personnes. Google est tellement la référence de la recherche d’information qu’il est devenu un nom, comme Uber, dont on a tiré le terme « uberisation » pour caractériser la montée en puissance d’une nouvelle forme d’économie, reposant sur les actifs des autres pour fournir un service, créant des titans aux actifs légers. Mais il y a un côté obscur : beaucoup sont les Standard Oil de leur secteur, ayant souvent fait le vide d’un point de vue concurrentiel, même si le gagnant d’un jour peut être le perdant du lendemain. En outre, bien de ces entreprises pratiquent la désertion fiscale à grande échelle, comme le rappelait Marianne récemment.

Et on peut voir dans Microsoft un précurseur de ces modèles d’affaires où la clé de la réussite (qui demande beaucoup de travail, de talent et de réussite), consiste aussi à imposer un standard difficilement délogeable, qui créé alors une rente à la durée plus ou moins longue. C’est le principe de Windows, Word ou Excel. D’où les rentabilités volontiers indécentes de ces géants, d’autant plus qu’ils sont souvent spécialistes de toutes les astuces légales pour ne pas payer leurs impôts. Facebook en 2014, c’était près de 3 milliards de dollars de bénéfices pour 12,5 milliards de chiffre d’affaire. Google fait 14 milliards de bénéfices pour 66 de chiffres d’affaires. Une telle rentabilité indique de facto une rente, l’intelligence de ces entreprises étant d’identifier, créer puis dominer de nouveaux monopoles ou oligopoles naturels.

Le retour des péages du Moyen Age ?

Mais ce faisant, ces vainqueurs du 21ème siècle ne craignent pas de faire mal à ceux du passé. Les médias ont été bouleversé par la croissance d’Internet, qui a, de facto, pris une grande partie de leurs recettes, de manière plus ou moins légitime. Uber mène une concurrence fondamentalement déloyale contre les taxis. Pire, les nouveaux venus utilisent très souvent toutes les pratiques les plus ingénieuses pour éviter l’impôt et ainsi toujours donner plus aux actionnaires. Ceux-ci sont alors prêts à tout pour avoir des parts dans les stars de cette nouvelle économie, dont les situations de rente garantissent des retours sur investissements absolument extravagants. C’est ainsi que les jeunes pousses bénéficient de moyens absolument délirants mais justifiés par la perspective de trouver la nouvelle rente.

Ce faisant, certains libéraux, comme The Economist, en viennent à se demander ce qu’apportent vraiment toutes ces entreprises « à première vue, les sites de comparaison de prix sont un exemple du meilleur du capitalisme (…) mais ces sites additionnent une autre couche de coûts » et souligne que des études ont montré que leur apport est limité, pour ne pas dire nul. Certes, quelques géants d’Internet apportent de véritables services, mais quels ont élé les dégâts collatéraux que l’on a laissé faire, sur lesquels on a fermé les yeux, ou sans s’en rendre compte ? Ne sont-ils pas encore plus grands que leurs bénéfices ? Utiliser le travail des autres pour prendre 20% des recettes n’en fait-il pas une forme d’économie-coucou, ou d’une forme de retour aux péages du Moyen Age, remis à jour.

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