mardi 17 mai 2016

Les efforts de The Economist pour défendre les terrains vagues commerciaux

Le « moment protectionniste » dont parle Paul Krugman, évoquant le succès des porteurs de ces idées lors des primaires étasuniennes, et les développements autour de Tata Steel en Grande-Bretagne, mettent en grande difficulté les tenants de l’anarchie commerciale, comme The Economist.


Un débat intellectuel de plus en plus inégal

Il faut bien reconnaître à la bible des élites globalisées le mérite d’évoquer les arguments du camp adverse, malgré un biais quasi religieux puisque l’hebdomadaire a été fondé au 19ème siècle par opposition aux lois protectionnistes. Pour lui, « le cas pour le libre-échange est accablant », citant une étude qui affirme que le salarié moyen perdrait 29% de son pouvoir d’achat si les Etats-Unis se fermaient à tout commerce (et 62% pour les plus pauvres). Mais, outre le côté caricatural de l’hypothèse l’autarcie, cela n’est pas recevable car le raisonnement est articiel : la protection assure des revenus plus élevés compensant des prix plus élevés, comme The Economist le montrait pour le riz. Et le fantasme des gains de pouvoir d’achat est contredit par la baisse des revenus d’une majorité de la population.


Du coup, l’hebdomadaire finit par reconnaître qu’il y a des perdants, et incrimine l’accesion à la propriété, qui fixerait les personnes dans des zones déclinantes, ne leur permettant pas d’accéder aux zones dynamiques. The Economist souligne notamment que le libre-échange « réduit la paie de ceux dont les savoir-faire sont courant », notant que les diplômés de l’université gagnent 50% de plus que la moyenne, contre 30% avant, des arguments à l’origine du changement d’opinion de Paul Krugman sur le libre-échange. Il cite même une étude selon laquelle le commerce avec la Chine aurait coûté 1 million d’emplois industriels aux Etats-Unis, une étude déjà évoquée précédemment. Mais il finit par se rassurer en notant que l’opinion publique, aux Etats-Unis, comme en Grande Bretagne, reste libre-échangiste.

Dans un dernier effort, The Economist se raccroche à un papier d’économistes sur la situation de la France et de la Grande-Bretagne des années 1890, en attribuant aux lois Méline protectionnistes hexagonales un retard dans la croissance de notre pays. Le raisonnement est que le protectionnisme augmente le revenu des agriculteurs, qui peuvent donc avoir plus d’enfants et donc investissent moins dans leur éducation, du fait du gain moindre de l’éducation. Un raisonnement un peu court du fait de nombreux autres facteurs (du rôle des Empires respectifs ou des transitions démographiques différentes). Et surtout, le protectionnisme agricole ne semble pas avoir ralenti le développement économique spectaculaire des pays asiatiques, du Japon à la Corée du Sud, en passant par la Chine.

Bref, tous ces papiers confirment surtout que l’anarchie commerciale a des effets dévastateurs pour une grande partie de la population, pesant sur l’emploi et le pouvoir d’achat, chose dont les pays asiatiques ont su se protéger. Seule la foi de The Economist ne leur permet pas de le reconnaître pleinement. 

4 commentaires:

  1. "Le raisonnement est que le protectionnisme augmente le revenu des agriculteurs, qui peuvent donc avoir plus d’enfants et donc investissent moins dans leur éducation, du fait du gain moindre de l’éducation."

    C'est complétement idiot :
    - jusqu'à la moitié du XXe, la France était au contraire en déclin démographique,
    - et la IIIe République a au contraire mis l'accent sur l'instruction publique (comme on disait alors).

    Sur un sujet lié, voici le film Brexit the movie, de la campagne du Non, qui met fortement l'accent sur le libre-échange. Et les Français sont les méchants...

    https://vimeo.com/166378572

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  2. Depuis quand les parents sacrifient-ils l'éducation de leurs enfants quand leurs revenus augmentent ?

    Ils va falloir expliquer cela aux fils-à-papa qui squattent les établissements les plus cotés.

    Je suis prêt à parier que l'éducation est ce que les économistes appellent un bien supérieur, auquel les riches consacrent un part plus grande de leurs revenus que les pauvres. Dès que les besoins vitaux à court terme sont enfin financés ce qui vient en plus est consacré au long terme, et l’éducation des enfants en fait partie au premier chef.

    Ivan

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  3. Remarquez, il y a le modèle vénézuélien...

    http://blog.francetvinfo.fr/classe-eco/2016/05/17/le-venezuela-et-leconomie-du-populisme.html

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  4. Le libre échange se traduit beaucoup dans la culture à un protectionnisme de droit impérial. Les É.U sont incapables de s'intéresser à des productions étrangères à leur culture. La culture cinématographique française a tout faite pour être découragée depuis 65 ans d'imperium culturel yankee. Les cinémas nationaux allemand et italien sont plutôt discrets en 2016. De nos jours, seule la culture classique littéraire française va solliciter les Américains.

    C'est l'impérialisme culturel anglophone qui nous a rendus en partie mentalement des Anglo-américains malgré que l'on soit de toutes nationalités en Occident. Dans le cinéma et la musique absolument, le libre échange américain à Paris, Lyon, Rome, Amsterdam, Prague se conjugue à un quasi monopole culturel des É.U.

    La réalité donc sa part de séduction comme jadis la Rome impériale a subjugué le monde d'alors avec ses thermes et ses amphithéâtres; notre réalité consiste à s'être fait séduire par les symboles et mythes américains, d'avoir laissé former les élites par de grandes écoles universitaires des É.U. L'Union Européenne est le produit en partie des agences de renseignement américaines pendant les années 50 après l'intrusion du plan Marshall pour
    -reconstruire l'Europe- de l'après guerre.

    Cela se sait plus qu'avant, les esprits avertis depuis longtemps. Le modèle impérial anglo-américain depuis 1945 a particulièrement façonné le monde.

    Là, le libre échange devient complet en tant que projet géopolitique davantage qu'économique. Avec la fin du projet concurrent soviétique, les É.U en profitent pour anéantir progressivement les défenses sociales construites par des décennies de luttes politiques et ouvrières au nom d'un robot humain qui ferait de l'économie sa raison de vivre essentielle faisant de l'entreprise un culte personnel puisque l'individu est partout dans l'hyper libéralisme américain.

    Et d'ailleurs, la première faute dans le libéralisme actuel consiste à être en déficit d'-autonomie- individuelle. En considérant le développement de la psychiatrie tentaculaire depuis longtemps, le libéralisme traque l'individu en déficit de réalisation et d'accomplissement depuis un bon bout de temps.

    Le libre échange n'est pas qu'une voie économique c'est une conception socioculturelle, anthropologique de l'humain.

    Que le libre échange connaisse des exceptions comme la consommation des productions culturelles étrangères aux États-Unis indique la vraie nature des É.U et la vraie nature de ce qu'est la globalisation. Une mythologie active, une pratique mythique qui apparaît vraie parce qu'elle est imposée par des pouvoirs.

    Et avec l'instrumentalisation du fascisme ici, par là, à gauche à droite, Hitler de retour à cet endroit, etc. On culpabilise les nations, les autres conceptions, on discrédite le libéralisme keynésien et le protectionnisme qui ne seraient que mauvais plis que parce qu'ils seraient -fermés au monde-.

    Le monde n'est jamais que la somme des territoires locaux. Le ciel n'est rien sans la terre qui porte les hommes.

    Impostures...

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