mercredi 20 septembre 2017

Impôts des GAFA : l’initiative dérisoire des pays européens



Des conséquences et des causes

Bien sûr, il serait souhaitable que les GAFA paient une juste contribution aux sociétés qui les enrichissent. Une évaluation rapide permet d’estimer que Microsoft évite 85 à 90% de l’impôt sur les sociétés qu’il devrait payer en France en domiciliant son chiffre d’affaire en Irlande. Mais il ne faut pas espérer que cette nouvelle initiative permettra le moindre changement. D’abord, ce n’est pas la première : on peut se souvenir de Nicolas Sarkozy, annonçant la fin des parasites fiscaux en 2009. Plus récemment, c’est l’OCDE qui avait annoncé des mesures après deux ans de négociation, qui n’ont mené à rien. Le cas Microsoft montre que rien n’a changé, voir même que la situation a empiré depuis.

Alors bien sûr, les ministres se réunissent et font des déclarations martiales. Mais toutes les annonces sont dérisoires. D’abord, les parasites fiscaux (Irlande, Luxembourg et Pays-Bas notamment) n’y participent même pas. Comment changer quoique ce soit dans un espace où biens et capitaux circulent sans la moindre contrainte sans eux ? Bien sûr, les eurobéats en profiteront pour regretter le manque de transfert de souveraineté. Mais on voit bien à qui profite ces transferts. Pire encore, la mesure annoncée, une taxation sur le chiffre d’affaire, et non les bénéfices, est absolument dérisoire et montre bien que ceux qui nous gouvernent ne poussent que des solutions totalement superficielles.

Bien sûr, une partie du problème vient du fait que les multinationales, par des jeux comptables, domicilient une part plus importante de leurs bénéfices dans le pays le moins-disant fiscalement, ce qu’une taxation sur le chiffre d’affaire pourrait corriger. Malheureusement, ces jeux comptables peuvent également avoir cours sur le chiffre d’affaire. Les 572 millions d’euros déclarés par Microsoft semblent en effet bien petits par rapport au poids de notre pays. On peut estimer que la France génére plutôt 3 à 4,5 milliards d’euros. Une taxe sur son chiffre d’affaire officiel ne porterait pas à conséquence. Il faudrait sans doute imposer la domiciliation du CA dans le pays des clients pour se protéger.

Et comme l’avait remarquablement bien dit Joseph Stiglitz il y a un an, il faut mettre en quarantaine les parasites fiscaux, pour empêcher les manipulations comptables des multinationales. Ce faisant, il faut oublier mettre fin à l’anarchie économique promue par l’UE et rétablir de vraies frontières, qui sont les seuls moyens pour mettre fin à ce vol pseudo-légal où les plus riches, par le biais de la pression des actionnaires, prennent à tous les autres. Malheureusement, parce que cela remet trop en cause la doxa paresseusement acceptée par nos élites, rien d’important ne sera fait. Mieux, les quelques mesurettes et oboles fiscales que verseront les multinationales feront croire à la justice.


Les solutions sont simples : fin de la libre-circulation des capitaux, mise en quarantaine des parasites fiscaux, lois imposant la domiciliation des revenus et reprise en main des normes comptables, trop importantes pour les laisser aux mains des multinationales. Malheureusement, nos dirigeants se contentent de brasser du vent, préférant sans doute avoir abandonné les leviers de commande.

3 commentaires:

  1. @Laurent Herblay

    Si vous êtes en quête de bonne lectures, je ne saurais trop vous recommander l'ouvrage tout récent de William Mitchell (économiste néochartaliste) et Thomas Fazi (politiste), Reclaiming the State : A Progressive Vision of Sovereignty for a post-Liberal World (Pluto Press, 2017). Un puissant plaidoyer, d'un point de vue de gauche, en faveur de l'État-nation souverain, cadre nécessaire de la démocratie comme du progrès économique et social. Voir ici, par Thomas Fazi, un résumé des thèses des auteurs : https://www.greeneuropeanjournal.eu/what-is-needed-is-a-progressive-vision-of-national-sovereignty/

    YPB

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  2. William Mitchell tient aussi un excellent blog, très pédagogique (http://bilbo.economicoutlook.net/blog/) qui est devenu un de mes rendez-vous quotidiens. Il a procédé en particulier à une dissection de l'euro très éclairante.

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