mercredi 4 avril 2018

Le Brexit, 21 mois après, partie 3 : que dire en France ?



Du besoin d’une véritable rupture européenne

Pour beaucoup, l’élection de 2017 montrerait qu’il ne serait pas possible de convaincre les Français de sortir de l’UE, ou même de quitter la monnaie unique. Pour preuve, le score sans appel d’Emmanuel Macron au second tour face à Marine Le Pen. C’est d’ailleurs cette idée qui avait poussé la candidate du FN et son putatif Premier ministre à repousser aux calendes grecques la sortie de la monnaie unique européenne entre les deux tours… sans le moindre effet électoral. Subsiste chez beaucoup de souverainistes pourtant sincères la crainte qu’un discours jugé trop radical (sortie de l’UE, sortie de l’euro) rende impossible toute victoire électorale, les poussant à la discrétion sur le sujet.


Malgré tout, arguant de l’hostilité de l’opinion publique pour la sortie de l’UE et de l’euro, certains pensent qu’il ne faudrait pas avancer cartes sur table, faisant parfois un parallèle avec la question algérienne et le Général de Gaulle. Je pense que c’est une erreur. D’abord, le champ des possibles était beaucoup plus large en 1958, et il n’y avait pas besoin d’une rupture franche et rapide avec le passé pour dessiner un nouvel avenir. Le cas de l’UE et l’euro est différent. Pour le coup, si nous ne tranchons pas vite, il n’y aura aucun véritable changement : c’est le problème posé par l’article 50, qui, pleinement respecté, nous imposerait une forte continuité politique pour deux longues années.

L’option d’avancer masqué, sans appeler clairement à la sortie de l’UE et de l’euro, me semble doublement inenvisageable. D’abord, elle me semble profondément malhonnête sur un sujet aussi fondamental. Pour qui pense que rien ne pourra être fait de satisfaisant dans ce cadre, ce qui est mon cas, je crois qu’il faut être clair avec les Français. Car sans avoir annoncé une rupture forte et rapide pendant la campagne, elle ne serait pas légitime, ce qui conduirait à une longue période de transition, où peu pourrait changer pendant au moins deux ans. Et toute tentative de rupture immédiate peu après l’élection, parce qu’elle n’aurait pas été expliquée et justifiée en amont, serait très incertaine et délicate.

Le cas de la Grande-Bretagne montre au contraire qu’un peuple peut parfaitement être convaincu par un discours clair et cohérent. Beaucoup sous-estiment la capacité du peuple Français à soutenir l’idée d’une rupture franche et immédiate avec l’UE et l’euro. Maintenant que Marine Le Pen y a renoncé, cette rupture mal défendue sera moins polluée par cette avocate incompétente. Car sur le fond, pour une grande majorité, il n’y a plus qu’une forme de résignation vis-à-vis de cette organisation européenne, vu comme néfaste, mais dont beaucoup pensent qu’elle pourrait être la moins mauvaise des solutions dans le monde actuel. Bref, il n’y a pas de soutien fort et la situation n’est pas irréversible.



Vendredi, suite et conclusion

15 commentaires:

  1. Avocate incompétente mais...au deuxième tour. Elle.

    Alors qu'Herblay le foi jaune n'est même plus à DLF.

    L'onanisme herblayien continue, imperturbable.

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    1. Ségolène Royal aussi a été présente à un deuxième tour. Vous y voyez aussi sans doute une preuve irréfutable de sa supériorité intellectuelle ?

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    2. « Avocate incompétente mais...au deuxième tour. Elle. »

      C’est bien le problème : avoir au second tour, face au candidat pro-UE, une candidate incompétente, c’est le meilleur moyen d’assurer le triomphe et la pérennité du système.

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    3. Je comprends votre critique, mais elle n'épuise en rien l'argument auquel vous vous opposez.

      Le fait était là : en avril 2017, le choix était binaire, Macron ou Le Pen.

      Pour des raisons personnelles, il m'était très difficile de voter Le Pen, mais je comprends le geste de Nicolas Dupont-Aignan.

      Dans un litige judiciaire, si l'avocat a un rôle essentiel, il n'en reste pas moins que ce qui pour moi doit permettre de trancher la dispute, c'est le fond du dossier, et non l'avocat.

      Sinon, j'ai un peu l'impression que vous faites une petite allusion complotiste, sous-entendant que MLP aurait été choisie par le système. Franchement, je ne le crois pas : Macron aurait été élu de toute manière, puisqu'il aurait écrasé aussi bien Fillon que Jean-Luc Mélenchon.

      Je m'attendais à ce que Marine Le Pen ne domine pas le débat, mais franchement j'ai été le premier surpris de ce naufrage. A mon avis, si Macron a sauté sur l'aubaine, il n'en attendait pas tant et a lui aussi été surpris (et d'ailleurs, soit dit en passant, sa prestation personnelle n'a pas non plus été mémorable, ce qui est d'autant plus rageant)

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  2. « Maintenant que Marine Le Pen y a renoncé, cette rupture mal défendue sera moins polluée par cette avocate incompétente. » Sauf qu’on n’est pas à l’abri d’un nouveau revirement du FN et de DLF pour peu qu’il y ait une nouvelle crise de l’euro et que le sujet redevienne payant électoralement.

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    1. Ce point est inopérant parce que, qu'on le veuille ou non, le Front National reste encore la principale force d'opposition à l'UE actuelle, quelle que soit sa position sur l'euro.

      Je conteste également le terme de "revirement". Pour moi, le changement adopté par DLF (je connais moins le FN) n'est pas un virement, c'est une évolution qui est plus de présentation qu'autre chose par rapport au contexte politique.

      L'hostilité de NDA à l'euro ne fait aucun doute (le début de son engagement politique remonte à Maastricht), je trouve donc malhonnête de qualifier ses évolutions dans l'approche de revirements.

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  3. Il faut une bonne dose de mauvaise foi pour prétendre que Marine Le Pen a perdu parce qu’elle proposait une sortie de l’euro, puisqu’en fait elle avait déjà changé d’avis avant le fameux débat calamiteux : elle ne proposait plus une sortie unilatérale mais la transformation de l’euro en une monnaie commune, sujet qu’elle ne maîtrisait absolument pas par ailleurs.

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    1. Si on est d'accord sur la non-maîtrise par Marine Le Pen de ce sujet éminemment complexe de la monnaie commune, en revanche dans l'opinion, les choses étaient claires : Marine Le Pen était identifiée comme anti-euro et l'ensemble de la classe politique et médiatique étaient à l'unisson de cette thèse.

      MLP proposait déjà cette transformation, mais elle n'a pas imprimer cette idée dans l'opinion.

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    2. Au niveau de l'élection présidentielle de 2017, il est bon de rappeler certains chiffres (après, je laisse les interprétations et les analyses à tout un chacun) :

      -> 1er tour :
      - Emmanuel Macron : 8,6M de voix / 24% des exprimés (~-1/4)
      - Marine Lepen : 7,6M de voix / 21,3% des exprimés (~+1/5)
      -> 1M de voix entre les deux

      -> Si on rajoute Fillon avec 7,2M de voix - 20% des voix (1/5) facilement grillé avec qqs articles bien ciblés de notre néanmoins bien aimé palmipède. Ça se joue à ~400.000 pour le second tour.
      ~550.000 pour Méluche.

      -> 2ème tour :
      - Emmanuel Macron : 20,7M de voix / 66,1% des exprimés (2/3) / + 12,1M par rapport au 1er tour
      - Marine Lepen : 10,6M de voix / 33,9% des exprimés (1/3) / + 3M par rapport au 1er tour
      -> 10M de voix entre les deux

      - Chacun peut faire ses calculs et ses fines analyses ( je n'ai même pas parlé des autres candidats et des temps de parole respectifs), mais que ceux qui me disent que le système n'est pas pas archi-ultra-méga vérouillé me jettent la première pierre...

      Et je n'ai pas parlé non plus du système soi disant "médiatique" (peut-être dans le sens de courroi de tranmission et de passe-plat, media en somme) trusté par les Lapix, Bouleau, Cohen, Apathie, Pro, Bourdin, Elkabbach... La fierté du 4ème pouvoir !
      Je n'ai pas parlé non plus de la stratégie marketing/web/réseaux sociaux copiée sur celle d'Obama du Mac.

      - Pour ma part, je dirais intuitivement que tout cela participe d'une vaste blague.
      Et on nous en remet une couche pour 5 ans...

      ***Jacko***

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  4. @ Anonyme

    Au second tour, pour le plus grand profit de Macron, dont elle était l’adversaire idéale

    @ Moi

    Bien d’accord. Elle ne pourra pas changer d’opinion tous les quatre matins

    @ Tythan

    Ce qui me semble incompréhensible (pour ne pas dire autre chose), c’est le revirement sur l’euro, et là, c’est un revirement : avant, une condition sine qua non, après, une simple option, un point devenu secondaire.

    Maintenant, la FI n’est pas beaucoup moins opposante à l’UE que le FN.

    Aucun risque qu’elle ait imprimé l’idée dans l’opinion tant elle la maitrisait et la défendait mal.

    @ Jacko

    Plus un mauvais casting qu’un verrouillage je pense

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  5. En Grande-Bretagne justement, s’il y a eu un référendum c’est à l’initiative d’un pro-européen parce que l’UKIP était trop clivant pour espérer prendre le pouvoir à lui seul. Ça devrait vous faire réfléchir Laurent.

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    1. Cette notion de parti "clivant" c'est finalement le fond du problème. Ceux qui décrivent exactement la situation et proposent des mesures forcément désagréables pour s'en sortir sont qualifiées de "clivants". Ils n'ont aucune chance de l'emporter étant donné la lacheté ambiante, et le sentiment que finalement tout finira par s'arranger.
      Un exemple célèbre ce sont évidemment ceux qui proposaient de partir en guerre avant 1939 (quoi de plus "clivant" et désagréable
      que la guerre, surtout après avoir subi la boucherie de 14-18, allons, tout va finir par s'arranger...).
      Un autre exemple contemporain est celui de la Grèce. L'immense majorité des Grecs possédant quelques euros a voulu préserver son bien et a accepté de subir tout que que la sujétion à Bruxelles impose. On leur a finalement piqué ces précieux euros et bien plus (le pays est en ce moment mis à 'encan).
      Un autre exemple est l'immigrationnisme, qui conduit peu à peu le pays en une mosaïque de territoires antagonistes au bord de la guerre civile.
      Sauf dans le cas exceptionnel que vous mentionnez (l'initiative d'un pro-européen), la seule solution est donc de subir jusqu'à l'extrème les conséquences désastreuses des politiques qu'on ne veut pas combattre et parfois même qu'on refuse de voir. Jusqu'où faudra-t'il descendre pour que ces attitudes changent ? L'avenir le dira.

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    2. L'UKIP ne voulait pas le pouvoir, mais le Brexit, et elle a gagné.

      Quant au Bremainer Cameron, se croyant plus malin que Chirac, il a organisé le référendum en croyant qu'il allait le gagner.

      Ivan

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  6. @ Gérard

    C’est exactement cela : les eurobéats ne se méfient pas de la force d’idées plus radicales sur les questions européennes. Je crois que le cas britannique montre justement que les idées de rupture ont d’autant plus de potentiel qu’elles sont sous-estimées. Nos voisins ont montré que des idées cohérentes et fortes pouvaient l’emporter.

    @ Toutatis

    La Grèce souffrait d’un contexte psychologique compliqué (peur de la Turquie, volonté de ne pas mordre la main qui les a aidés pendant si longtemps) et sans doute du manque de radicalité de Tsipras, qui, en voulant ménager la chèvre et le chou, a fini par continuer ce qu’il dénonçait. Un discours plus clair et tranchant ne lui aurait pas permis de faire cela et lui aurait imposé d’aller jusqu’au bout. Ma conclusion est qu’un parti clair et droit sur ces questions peut l’emporter.

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  7. Le FN et Debout la France ne veulent plus sortir de l’EURO et de l’UE mais les modifier de l’intérieur tout en appliquant leur programme. Modifier les traités européens n’est pas chose facile puisqu’il faut l’unanimité des États membres qui, on le sait, ont des intérêts divergents,c’est pourquoi NDA avait par exemple l’idée que la France pourrait prendre des décisions unilatérales, telle que refuser les travailleurs détachés sur son territoire, en violation d’un traité européen que la France a signé. On pourrait multiplier les exemples de violation possibles de traités, que la France pourrait avoir intérêt à réaliser, par exemple favoriser les entreprises françaises ou les entreprises implantées localement dans les marchés publics, ce qui est interdit, tout comme le non respect des dispositions de l’Espace Schengen, tout comme un éventuel refus de la mise en concurrence de la SNCF, etc.

    Mais que ce passe-t-il si la France se met à faire de la violation de traités européens  de façon unilatérale? Peut-on croire qu’il n’y aura aucune mesure de rétorsion de la part de l’Union Européenne dans son ensemble? Peut-on croire qu’il n’y aura pas une situation de crise qui fera que les marchés s’inquiètent et fassent augmenter le spread de taux sur les obligations de l’État français? La BCE pourrait alors intervenir en achetant la dette souveraine française mais pour un pays qui se met à violer un traité européen ce n’est plus possible, et même elle doit interrompre un QE sur la dette souveraine de ce pays, s’il y en a un, comme c’est le cas depuis 2015. Si la crise évolue au point que les banques françaises aient besoin de financement, la BCE peut aussi leur restreindre le financement, ce qu’elle a fait pour la Grèce en 2015. Et donc In fine que se passe-t-il pour ces idiots de Marine Lepen et NDA qui se seraient mis à faire de la violation de traités et qui refusent de sortir de l’Euro et de l’UE ? Et bien ils doivent capituler comme Tsipras en 2015, ils devraient pourtant l'avoir à l'esprit. En fait s’ils ne sont pas totalement idiots ils ne prendront pas le risque de faire de la violation de traité s’ils n’ont pas un plan B de Frexit qui ne s’improvise pas et se prépare minutieusement et longtemps à l’avance. Donc, en cas de refus de Frexit ou de sortie de l’Euro, ils ne peuvent faire que des promesses électorales qui n’ont pas pour vocation à être tenue une fois qu’il arriveraient au pouvoir (s’ils y arrivent).

    Saul

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