mercredi 14 novembre 2018

A tous ceux qui relativisent la hausse du prix de l’essence



Le prix de l’essence, vu depuis une bulle, déformée

Il n’est pas inintéressant de constater d’où viennent ces partages, un peu trop souvent de personnes aux revenus plutôt élevés et plutôt métropolitains, ne faisant pas forcément beaucoup de kilomètres par an, et pour lesquelles l’essence n’est pas un poids lourd dans les dépenses. Déjà, le choix des années est très contestable. En partant de 1973, on part d’un point bas historique, juste avant le premier choc pétrolier. Mais surtout, ce raisonnement de long terme est artificel. La réalité, c’est qu’en moins de 3 ans, le prix du gazole a pris 50%, passant d’un euro alors à 1,5 euro aujourd’hui, atteignant un nouveau record, dépassant le point atteint en 2008, quand le baril avait dépassé 140 dollars.


Si 50% d’augmentation du prix de l’essence ne dira pas grand chose à des habitants de centre ville, ou peut être relativisé par le fait que l’essence représente en moyenne 3% des dépenses des ménages, cela signifie tout de même une baisse de 1,5% du pouvoir d’achat en moyenne en trois ans. Mais surtout, ces moyennes sont très trompeuses car elles mélangent des situations complètement différentes. Car qu’en est-il pour une personne qui gagne le SMIC, qui vit loin de son travail et devait dépenser 150 à 200 euros par mois par an en gazole ? Son budget essence a augmenté de 75 à 100 euros en 3 ans, soit une perte de pouvoir d’achat de 6,3 à 8,4%, un terrible choc de pouvoir d’achat.


Qui plus est, pour une personne qui gagne le SMIC, toute dépense supplémentaire impose des arbitrages difficiles, car beaucoup de dépenses sont fixes et ne peuvent être réduites, ce qui signifie que l’impact sur les dépenses variables est probablement plus important. En supposant que 50% des dépenses sont fixes, c’est alors l’obligation de supprimer de 13 à 17% des dépenses variables en seulement trois ans, alors même qu’il n’y a probablement pas beaucoup de choses à couper. Bien sûr, certains rappelleront que si on compare au pic de 2012, la progression est moins brutale, mais cela rappelle aussi que ces variations sont très brutales pour des personnes qui n’y peuvent rien.


L’analyse des Décodeurs du Monde est bien faite, mais raisonner sur une moyenne est trompeur et ne permet pas de comprendre la colère et la révolte face à la hausse du prix des carburants. La réalité, c’est qu’une augmentation de 50% du prix du gazole pour de gros rouleurs contraints aux faibles revenus est très douloureuse. Il est incroyable que certains ne s’en rendent pas compte.

8 commentaires:

  1. « Nous n’annulerons pas les hausses des taxes sur les carburants », annonce Édouard Philippe.

    Le 1er janvier 2019, augmentation de 3 cents de l’essence, augmentation de 6 cents du gasole.

    Édouard Philippe a maintenu le cap du gouvernement sur la taxation des carburants qui a provoqué un mouvement de contestation important en France. Ces taxes ne seront pas annulées, a-t-il expliqué, déroulant un plan pour « accompagner les Français » dans cette transition.

    « Nous n’annulerons pas la taxe carbone, c’est un engagement de campagne du président de la République, c’était d’ailleurs un engagement partagé par tous les candidats à la présidence de la République » assumait, ce mercredi matin, le Premier ministre Édouard Philippe sur RTL.

    https://www.ouest-france.fr/economie/transports/carburants-essence-diesel/nous-n-annulerons-pas-les-hausses-des-taxes-sur-les-carburants-annonce-edouard-philippe-6069560

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  2. D'un autre côté, ça fera baisser le prix de l'immobilier des gens qui habitent loin.

    De plus, plus les revenus sont bas, moins est grande la distance travail-domicile :
    https://scontent-cdt1-1.xx.fbcdn.net/v/t1.0-9/46133191_1968586343234976_3839537815859757056_n.jpg?_nc_cat=105&_nc_ht=scontent-cdt1-1.xx&oh=b29047fbed4366640fab2cecfd166707&oe=5C6A33FE

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  3. @ Anonymes

    L’essence peut parfois être plus pénalisante que l’immobilier. Cela dépend des circonstances. Les loyers, cela ne bouge pas de la sorte du jour au lendemain… Et la démographie explique en grande partie l’écart entre la France et l’Allemagne. Ce qui ne signifie pas non plus qu’il ne faille rien faire.

    Merci pour le lien concernant les revenus et la distance travail-domicile, intéressant. En revanche, il faudrait aussi prendre en compte l’existence d’un réseau de transport en commun

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  4. Tatanka,

    Il ne faut pas refuser le dialogue, comment sans cela voudriez-vous aboutir à quoi que ce soit ?

    Sur l'immobilier, bien sûr qu'il y a une viscosité. Mais pensez-y : un type au Smic, d'un côté doit se loger avec 400 €, de l'autre avec 200 €.

    Où est-il le plus facile de contenir la hausse du coût du travail ?

    De plus, j'ai trouvé sur internet une étude d'huissiers comparant la protection des locataires
    dans les deux pays : en gros, c'est pareil (y compris délais d'expulsions).

    Mais, en Allemagne vous pouvez vous loger sans garant, alors qu'en France, réforme ou pas...

    Il semble que les électeurs de LR (qui se recouvrent assez bien avec les propriétaires bailleurs) n'ont pas plus le goût du risque que leurs concitoyens, lorsque cela les concerne en tout cas.

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    1. y compris délais réels d'expulsion, c'est à dire en tenant compte des délais de justice.

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    2. Sur la prétendue nécessité de lutter contre la hausse du coût du travail, je ne suis pas d'accord avec vous, je trouve au contraire que le salaire de la majorité de la population est beaucoup trop bas.

      Mais de toute façon la pénurie de logements est un problème bien plus grave que vous croyez car elle ne fait pas monter les salaires, elle les fait baisser.

      En effet tout ce qui fait augmenter le chômage fait baisser les salaires, et la pénurie de logements fait augmenter le chômage : quand vous vous saignez aux quatre veines pour payer un loyer monstrueux il ne vous reste presque plus rien pour aller au restaurant, au cinéma, honorer comme ils le méritent les petits paysans et artisans français qui défendent la tradition de la qualité, etc.

      Bien d'accord avec vous que ceux qui nous racontent qu'une protection excessive des locataires serait la cause du problème nous racontent des sornettes.

      Pas d'accord avec LH pour accepter la démographie comme excuse de la pénurie de logements car la démographie est la seule science humaine exacte, au sens que les responsables savaient depuis 18 ans combien de logements il faudrait construire en 2018 pour ceux qui auront 18 ans en 2018.

      Il est clair que le rapport de force entre les deux lobbies qui existent aussi outre-Rhin, les propriétaires en place qui ont intérêt à ce que la situation s'aggrave sans cesse parce que cela apprécie leur patrimoine et ceux qui sont chargés de mettre en œuvre le droit au logement n'est pas le même que chez nous.

      Ivan

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    3. Ce que je veux dire, c'est que les Allemands ont un niveau de vie supérieur à salaire égal compte-tenu de l'évolution de l'immobilier, et que la pression à la hausse sur les salaires y est donc, sans doute, plus faible qu'en France.

      Comme nous sommes en compétition avec eux, ainsi qu'avec d'autres pays, sur le coût du travail parmi d'autres, cela les avantage.

      Il y a aussi sans doute, comme vous le dites, un effet sur les artisans etc.

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  5. Modèle républicain, suite :

    http://www.lefigaro.fr/culture/2018/11/16/03004-20181116ARTFIG00219-yassine-belattar-et-djamil-le-schlag-bafouent-la-memoire-des-poilus-de-la-grande-guerre.php

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