lundi 7 septembre 2020

Le plan-plan de relance, entre postures et impasses

J’ai emprunté à Charlie Hebdo le terme « plan-plan », tant il qualifie bien le pot-pourri énarchique présenté jeudi. Au mieux, on peut y voir la copie passable d’étudiants besogneux et convenus. Mais derrière cet édifice qui additionne des mesures de secrétaires d’état, la communication est bien trop grossière et les impasses bien trop grandes pour que notre pays y gagne grand chose...

 


Copier-coller tout ce qui n’a pas marché

 

Tout ça pour ça ! Certes, la somme peut paraître relativement impressionnante. Encore que, pour qui prend un peu de recul, il ne l’est pas tant que cela. En étudiant les détails, Jacques Sapir pointe que le plan n’apporte que 62,7 milliards de nouveaux crédits. Sur deux ans, puisque les crédits ne concernent pas que 2021, cela représente à peine plus d’1% du PIB… En outre, le plan européen annoncé en juillet est encore en cours de négociation, mettant 40 milliards à risque,  et ils ne pourront pas arriver avant la mi-2021. Sachant que la crise économique a débuté début 2020, voici un nouvel exemple de l’inutilité et même de la nocivité d’une UE, dont la réponse à cette crise trouve le moyen d’être à la fois trop faible et trop tardive, outre le fait d’être extraordinairement compliquée à négocier…

 

Mais ce qui est assez impressionnant quand on prend un peu de recul sur ce plan, c’est à quel point il n’apporte aucune idée nouvelle. Ce sont les mêmes mécanismes à l’œuvre depuis parfois des décennies que l’on retrouve généralement dans toutes les mesures annoncées. Les aides à la transition énergétique, aussi bienvenues soient-elles, ont montré des limites qui ne sont pas abordées. Mais c’est tellement plus simple de faire du copier-coller… Le plan pour l’hydrogène peut être considéré comme une forme de réplique, tardive, au plan allemand, et on peut craindre que, derrière les chiffres, nous restions loin de l’ambition qui devrait être donnée. Les mesures pour la cohésion sociale et territoriale sont à nouveau une reprise d’idées du passé, pas forcément inutiles néanmoins.

 

Mais le plus effarant sont sans nulle doute les mesures pour la compétitivité, la prolongation, en plus petit, du CICE et du pacte de responsabilité Hollande-Macron... Comment peut-on persévérer dans la politique de l’offre par la baisse des impôts malgré le bilan désastreux des mesures d’il y a cinq ans ? Leur coût a été colossal, pour un effet dérisoire : le chômage n’a pas plus baissé en France qu’ailleurs et notre déficit ne s’est pas réduit. Bien sûr, cela était prévisible, la course à la compétitivité étant une course à jamais perdante pour un pays comme le nôtre, sans frontières économiques avec des pays où les salaires sont cinq fois plus bas. Ces milliards ne serviront à rien. Ils n’apporteront pas un point de croissance, ne créeront guère d’emplois et imposeront l’austérité à nos service publics.

 

Car fondamentalement, comme le note bien un article de Marianne, c’est le cadre actuel qu’il faudrait changer. Nous ne pouvons pas nous battre à armes égales dans un marché européen où le coût du travail peut être cinq fois plus bas que dans l’hexagone. Les améliorations de compétitivité sont totalement marginales par rapport à la production dans les pays de l’Est. Et nous ne privilégions même pas le fabriqué en France ! C’est ainsi que la police de Paris a choisi de rouler  en Volkswagen Golf et la gendarmerie pourrait bien remplacer des Renault Mégane, fabriquées en France, par des Seat Leon ! Comme trop souvent, le plan de la France risque de ne pas profiter aux français, mais bien plus à nos partenaires européens, si c’est à un patronat, décidément bien servi.

 

« Ce plan, c’est globalement ce qu’on avait demandé » : voilà ce que le patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux,  a déclaré le 3 septembre. En fait, cette majorité est en pilotage automatique avec une boussole qui n’indique que les intérêts d’une petite minorité, avant les crises, pendant les crises et après. Tout le reste n’est qu’un effort de communication grossier pour vendre le plan à tous les autres…

16 commentaires:

  1. Et puis le plan de relance s'adresse-t-il à toutes les entreprises, à tous les entrepreneurs et leurs salarié.es ?
    Moi je suis à la tête d'une entreprise de plus de vingt personnes. Avec la crise du coronavirus j'ai crée 2 emplois : un poste d’ergothérapeute et un poste et d'employée administrative. Sans compter que je n'ai licencié personne et j'ai même gardé mes 3 contrats en apprentissage (du bac' pro' au master 2ème année).
    Mais je ne pense pas que je toucherai un petit quelque chose de ce plan. Et pourtant j'ai des idées d'investissement.
    Pas grave ! je vais voir et demander.
    Franck

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    1. Merci Franck pour ce message. Moi je suis dans la même situation que vous. Je suis cheffe d'entreprise j'ai 3 salons de coiffure en zone périurbaine dans la très grande banlieue parisienne. J'ai choisi de monter mon affaire dans le coin où je suis née et où j'ai grandi.

      J'ai 11 salariées que je paie environ 17% net de plus que le salaire normal d'une coiffeuse. Je ne fais des horaires à la centre commercial sauf le samedi. Pendant le confinement j'ai demandé le bénéfice du chômage partiel mon entreprise que j'ai respecté scrupuleusement. J'ai d'ailleurs été contrôlé. Rien trouvé par l'administration.

      Le 11 mai mes équipes sont revenues. J'ai investi pour la sécurité et l'hygiène. J'ai repris mes apprentis (2) et j'ai même pris un apprenti de plus.

      J'aurai pas une aide issue de ce plan. J'en suis convaincu. J'ai déjà bénéficié du chômage partiel. Donc...

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  2. Je vous signale que les Volkswagen Golf sont assemblées dans divers pays dont la Belgique, et leurs composants viennent de partout. C'est idem pour une Renault, vous n'avez toujours pas compris ce qu'est une chaîne de valeur. Etes vous capable de définir la part française dans une bagnole assemblée en France ?

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  3. @ Franck

    Merci pour ce témoignage. On peut malheureusement imaginer que les plus gros seront les premiers à en bénéficier

    @ Anonyme

    La Belgique, cela fait une belle jambe au français que je suis. Une plus grande part de la valeur vient presque toujours du pays d’assemblage. Et je n’imagine pas les administrations allemandes acheter des voitures françaises ou simplement étrangères. Pourquoi persistons-nous à acheter allemand ou étranger ?

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    1. " Une plus grande part de la valeur vient presque toujours du pays d’assemblage."

      Vos sources ?

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    2. Je vous laisse essayer de démontrer qu'il y aurait plus de valeur ajoutée française dans une Volkswagen, même fabriquée en Belgique, que dans une voiture de marque française, fabriquée en France.

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    3. Trop facile, à vous de le démontrer puisque c'est vous qui l'affirmez.

      "Renault Twingo : 30% made in France
      Au départ fabriquée à Flins, dans les Yvelines, cette voiture est assemblée en Slovénie depuis 2007. La direction insiste sur le faible poids de l’assemblage dans sa valeur ajoutée totale (15%), mais ne donne aucun chiffre pour ce modèle. D’après le CCFA, la part tricolore ne dépasse pas 30%."
      https://www.capital.fr/economie-politique/le-label-made-in-france-cache-bien-des-surprises-712126

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  4. Juste pour info :

    Le code des douanes de l'Union qui s’applique à tous les états membres de l'UE permet des facilitations douanières qui impactent directement la production industrielle. Donc une voiture peut être montée en Slovénie pour la production française et inversement.
    Par ailleurs, les règles d'origine toujours issues du code des douanes de l'UE présentent beaucoup de souplesse. Ainsi un produit même juste assemblé à 30% en France pourra se voir attribué le made in France.

    Les Italiens avaient voulu, tout comme actuellement en France avec le made in france, avoir ses propres règles d'origine qui augmentaient fortement le pourcentage des produits italiens utilisés dans la production made in Italie. Ils ont abandonné car les entreprises préféraient appliquer les règles d'origine issues du code des douanes de l'UE, plus souples, moins contraignantes.

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  5. @ Troll

    Il n'y a pas besoin de démontrer qu'il y a plus de valeur ajoutée française dans un véhicule de marque française assemblé en France (qui compte de grands équipementiers, Valéo, Faurecia) que dans un véhicule de marque allemande, d'autant plus que l'Allemagne est un pays très protectionniste.

    @ Anonyme 15h21

    C'est bien évident malheureusement. C'est comme le bio européen qui peut comporter une infime proportion d'OGM (pour permettre le transport des matières premières bio dans des moyens de transport également utilisés pour les OGM...).

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    1. Troll Herblay qui ne comprend rien.

      L'Allemagne est tellement protectionniste que ses entreprises fabriquent partout dans le monde, y compris en France. Vous êtes grotesque ! Nul...

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    2. Plus de 40% de PIB d'importations et à peine plus de 30% de PIB d'importations pour la France. Vous racontez des balivernes en prétendant que l'Allemagne est protectionniste.

      https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/tend/DEU/fr/NE.IMP.GNFS.ZS.html

      https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays?codeTheme=7&codeStat=NE.IMP.GNFS.ZS&codePays=FRA&optionsPeriodes=Aucune&codeTheme2=7&codeStat2=x&codePays2=FRA&optionsDetPeriodes=avecNomP&langue=fr

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    3. Le problème posé par l'Allemagne est son modèle mercantiliste : https://www.socialeurope.eu/germany-sticks-to-its-mercantilist-model

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    4. Pauvre troll incapable de comprendre qu'il y a des nuances entre l'autarcie et un laisser-passer sans la moindre limite. Un pays peut parfaitement mener un protectionnisme ciblé. C'est le modèle de développement des pays asiatiques (Japon, Corée, Chine) et c'est aussi ce que pratique l'Allemagne, de manière plus subtile et plus limitée, en jouant à la fois sur les normes (DIN) et sur le patriotisme économique des allemands.

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  6. Bonjour,

    Je vis en Allemagne. L'Allemagne n'est pas protectionniste. L'Allemagne a fait des choix d'orientations socio-économiques et industriels autres que la France.Avec du bien et du mauvais. Pour le bien : alors que la France a fait le choix d'un marché du travail tourné vers les services et un consommation intérieure régulière et soutenue sur certains secteurs, l'Allemagne a fait le choix de maintenir des activités du secteur secondaire notamment dans le secteur de l'assemblage. Ainsi le made in Germany est devenu le assembled in Germany. Conséquence ? L'Allemagne a su renouvelé son industrie sur des taches d'assemblage de très simples à pointues. Entraînant ainsi un soutien et un redéploiement à son secteur logistique et d'entreposage. On pourrait trouver d'autres exemples mais l'exemple de l'assemblage et des impacts sur la logistique est très parlant et "étudié" en Allemagne. En revanche, elle n'a pas fait le choix poussé comme en France du secteur tertiaire. Ce qui est dommage pour des secteurs comme le tourisme. On est d'accord l'Allemagne n'a pas un potentiel égal à celui de la France, de l'Italie, de la Grèce, de l'Espagne, du Portugal ou même de l'Angleterre (particulièrement avec Londres et l'Ecosse). Mais elle a du potentiel. Le plus célèbre étant la Bavière, ou encore la Forêt noire. Mais aussi Berlin "pour le poids de l'Histoire". Et c'est bien dommage car elle pourrait développer ce secteur. D'ailleurs les Allemand.es sont partagées sur le sujet. ils ont peur d'un tourisme avec des touristes se comportant mal ou ouvrant encore plus la brèche à de l'immigration illégale (visas touristiques qui exploseraient). Et dans le même temps, ils aimeraient se lancer avec succès comme sait le faire la France ou l'Italie dans un tourisme non pas de masse mais de culture, urbain (Berlin, Munich etc...), ou de séjours courts (comme on fait un WE à Londres).

    Sur le plan social ! là il y a une véritable scission entre la France et l'Allemagne. La France vise une protection large et un soutien sur tous les fronts. Avec une politique de l'impôt forte mais un effet redistributif qui est réel. Du coup, dans des crises comme en 2008 ou même là l'amortissement fonctionne (même si le tapage de cul parterre se fait de plus en plus ressentir). D'un autre côté : on a des trappes à assistanat, on préfère gérer socialement le chômage que réellement l'endiguer. En Allemagne vision inverse. Donc chômage bas, moins d'impôts etc...Mais augmentation de la pauvreté, lois Hartz V qui fait qu'un cadre supérieur licencié à 45-50 ans a très peu de chance de retrouver un emploi à la hauteur de sa formation et de son ancienne position sociale. Et donc il est obligé d'accepter des emplois sous-qualifiés dont il aura des grandes difficultés à s'en sortir. Mais le truc c'est : il a du boulot.

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  7. Excusez-moi je reprends la fin de mon post....

    Dernier exemple l'école ! l'école en crise en France notamment car la filière professionnelle et technologique est à l'abandon et mal gérée depuis des lustres. Aller en pro' ou entechno' en France ce n'est pas le rêve de la majorité des parents. Ces filières servent à camoufler l'échec scolaire. A part des secteurs bien précis comme l'hôtellerie- restauration- tourisme, l'esthétique-cosmétique, le dessin industriel (pour ne citer que ces 3 secteurs), le reste cela ne va pas.

    En Allemagne, l'apprentissage et l'enseignement pro' sont vus comme une réussite hors norme de France. Oui cela a été mais plus maintenant. Aujourd'hui, l'Allemagne est entrée dans une logique de filtrage, d'écrémage des élèves. Ainsi pour que ce qui correspond à la filière générale en France ne sature pas et ne périclite pas, le système allemand n'hésite plus à envoyer de bons élèves ou des élèves avec des projets pro' direct en apprentissage sans tenir compte de leurs résultats ou capacités. Ce qui n'était pas le cas jusque dans les années 90's début 2000. Sans compter le fait que l'Allemagne a un système totalement décentralisé. Moi j'ai le cas dans ma belle-famille dont une partie est francophone (moi aussi d'ailleurs). 2 mômes ont été envoyées (des filles) en ....France pour finir leurs études (équivalentes lycée) : passer le bac et s'inscrire en fac' et en institut universitaire professionnel. Car en Allemagne elles étaient destinées à l'apprentissage alors qu'une n'y avait rien à faire et l'autre était envoyée dans une voie de garage.
    Donc là pour le coup les 2 pays se rejoignent !
    Bonne journée
    Ludo

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  8. @ Ludovic

    Merci pour ce témoignage, très enrichissant. En revanche, je persiste sur le protectionnisme. Bien sûr, ce n'est pas à la mode Trump ou asiatique, avec des droits de douane. Mais j'ai vu sur certains marchés l'utilisation de normes spécifiques (DIN), qui différencient le marché allemand des autres marchés européens, permettant aux industriels allemands de dominer le marché intérieur.

    En outre, je doute qu'en Allemagne, les administrations achètent des véhicules qui ne sont pas allemands, malgré les règles de la concurrence européennes, à la différence de la France. N'hésitez pas à compléter sur ces points.

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