samedi 12 septembre 2020

Brexit : Londres prend l’ascendant sur Bruxelles

Le démarrage d’une nouvelle phase de négociation entre la Grande-Bretagne et l’UE a été ébouriffant. Boris Johnson a décidé de mettre une pression maximale sur Bruxelles en mettant en cause des éléments de l’accord de 2019 et en accélérant les préparatifs pour une absence d’accord. Les réactions outrées de certains européens visent à cacher l’ascendant pris par Londres dans la négociation

 


Bruxelles divisé, Londres offensif

 

Bien sûr, pour la plupart des média, Boris Johnson serait le méchant qui remettrait en cause des éléments de l’accord de 2019 et ses choix mettraient en danger l’économie de son pays qui aurait le plus à perdre à l’absence d’accord. Mais derrière l’histoire que racontent les partisans de l’UE, il y a une négociation, où le Premier ministre britannique prend l’avantage. Sa remise en cause d’éléments de l’accord de 2019 est un message adressé à ses partenaires européens : si vous refusez de signer un accord équilibré et persistez dans les demandes extravagantes, non seulement je suis prêt à une absence d’accord, mais je remettrai en cause des éléments de l’accord de l’an dernier. Ce faisant, il montre qu’il ne bluffe pas, qu’il a un plan B et que ce plan consiste en une rupture sèche avec cette UE.

 

Du temps de Theresa May, c’était Michel Barnier qui pouvait jouer le père fouettard des négociations. Partisane du maintien dans l’UE, elle n’était pas prête au no deal. Sans plan B dans les négociations, Londres était en position de faiblesse, alors même que bien des sinistres prévisions des partisans de l’UE ne s’étaient pas réalisées. L’arrivée de Boris Johnson a complètement bouleversé la négociation. Aujourd’hui, Londres est en position de force parce que l’équipe au pouvoir est prête à la rupture si l’UE persiste dans ses demandes illégitimes. C’est bien ce qui s’est passé cette semaine avec un Boris Johnson très offensif, mettant en cause une partie de l’accord passé fin 2019.

 

Les Echos se racontent et nous racontent des histoires quand ils soutiennent que « Londres ne peut se passer d’un accord commercial avec l’UE ». Ceci n’a aucun sens alors que la Grande-Bretagne exporte 172 milliards vers l’UE et en importe 265 milliards. En l’absence d’accord, c’est l’UE qui pâtira de la réduction des flux, et on peut imaginer que tout mauvais traitement des produits britanniques serait suivi d’un mauvais traitement des produits européens. L’Allemagne a plus de 30 milliards d’excédents sur la table… Bien sûr, Michel Barnier, qui semble atteint de la foi européiste, pourrait ignorer cela, mais gageons que la présidente de la commission, allemande, et Angela Merkel, qui préside le conseil européen, auront une vision bien plus conciliante de l’accord avec Londres que les technos de Bruxelles.

 

C’est sans doute pour cela que des rumeurs de mise à l’écart de Barnier ont circulé, les dénégations européens devant être prises avec toute la distance à la réalité que montrent les institutions de l’UE… Si une absence d’accord est possible, parce que mettre Bruxelles, Londres et les autres capitales d’accord ne sera pas une sinécure, un accord reste probable. Les demandes les plus extravagantes de l’UE, comme un droit de veto de l’UE sur les normes britanniques, malgré le Brexit, finiront probablement dans les poubelles de l’histoire des négociations. C’est le sens des déclarations offensives de Londres, qui a sommé Bruxelles de faire preuve de plus de réalisme dans les négociations tout en accélérant ses préparatifs pour une absence d’accord, de manière à bien montrer que Johnson n’est pas May.

 

Ces nouvelles négociations, tout comme celles sur le plan européen, qui sont loin d’avoir abouties malgré les annonces de juillet nous donnent deux leçons. D’abord, l’UE est bien une organisation beaucoup trop complexe et aux intérêts bien trop divergents pour bien fonctionner. Nous perdons notre temps à vouloir faire des choses dans ce cénacle complètement ubuesque, cette tour de Babel du 21ème siècle. Le plan de relance européen en est la meilleure preuve, avec des fonds qui arriveront plus de 15 mois après le début de la crise, qui porte sur des sommes insuffisantes et qui nécessitent des négociations interminables. L’UE est un monstre bureaucratique sans queue ni tête, incapable de servir les intérêts des pays qui la composent. En réalité, l’UE nous affaiblit au lieu de nous renforcer.

 

Et la deuxième leçon, c’est me renforcer dans ma conviction, exprimée dès 2012, qu’une sortie de l’UE ne doit pas se négocier dans le cadre des traités. Il faut une sortie unilatérale et immédiate, avec au mieux quelques mois de transition (jusqu’à la fin de l’année sans doute), pour ne pas être englué dans des négociations sans fin. Et c’est ce mandat qu’il faudra obtenir des Français.

26 commentaires:

  1. "la Grande-Bretagne exporte 172 milliards vers l’UE et en importe 265 milliards"

    Divisé par 27 pays ça fait pas beaucoup. Pour le moment, il n'y aucune dissension entre les 27 face à la GB qui se moque du monde et va perdre gros.

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    1. L'économie est tellement florissante que 93 milliards d'Euros d'excédent commercial ce n'est pas grand chose. :-)
      Et puis tous les pays sont égaux mais certains ont plus égaux que d'autres. Un pays fait un bon tiers de l'excédent commercial de l'UE vis à vis du RU.

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  2. "mais gageons que la présidente de la commission, allemande, et Angela Merkel, qui préside le conseil européen, auront une vision bien plus conciliante de l’accord avec Londres que les technos de Bruxelles."

    C'est plutôt le contraire qui se passe, l'Allemagne en ras la casquette des caprices de la GB :

    "«En plus de trente ans comme diplomate, je n’ai jamais expérimenté la détérioration si rapide, intentionnelle et profonde d’une négociation.» Que ce message ait été écrit par un diplomate est en soi extraordinaire. Par un diplomate allemand qui plus est. Evidemment validé par la chancellerie allemande qui occupe la présidence tournante de l’UE, le signal est très précis : «Ça suffit, il est temps de redevenir sérieux», résume une source diplomatique. Jusqu’ici, les Britanniques ont toujours pensé qu’Angela Merkel était plus conciliante que les Français par exemple et serait toujours prête à arrondir les angles des négociations. Ce n’est plus forcément le cas."

    https://www.liberation.fr/planete/2020/09/11/la-fuite-en-avant-de-boris-johnson_1799200

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    1. Pourriez-vous m'indiquer quand l'Allemagne a t'elle sacrifiée un de ses intérêts pour la sainte construction UEpéenne?
      Entre les intérêts des pécheurs français et des industriels allemande, j'ai ma petite idée sur le secteur qui sera sacrifié.

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  3. @ Anonymes

    Aucune dissension ? Nous verrons bien. A plusieurs moments, Berlin a bien signifié à Bruxelles qu'il fallait être plus conciliant, comme l'indique l'autre commentaire. La GB n'a pas grand chose à perdre. Même si elle perd un tiers de ses exportations vers l'UE, en réduisant de la même proportion les importations de l'UE, elle sera gagnante...

    Beaucoup de conjectures sur la fin du second commentaire "ce n'est plus forcément le cas", ce n'est quand même pas très dur.

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    1. "La GB n'a pas grand chose à perdre."

      Ah ouais, on verra, même les USA n'en ont rien à foutre de la GB qui est très mal partie avec ses guignolades.

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    2. "Même si elle perd un tiers de ses exportations vers l'UE, en réduisant de la même proportion les importations de l'UE, elle sera gagnante..."

      Ah ouais, elle devra importer hors d'UE, en quoi sera t elle gagnante, vu qu'elle n'aura aucun accord commercial avec des pays hors UE ?

      Vous racontez vraiment n'importe quoi !

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    3. "Ah ouais, elle devra importer hors d'UE, en quoi sera t elle gagnante, vu qu'elle n'aura aucun accord commercial avec des pays hors UE ?"
      Vous avez du confondre le RU avec la Corée du Nord.

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    4. Dommage, Londres vient de signer un accord avec le Japon. C'est vous qui racontez n'importe quoi. Comme si les pays (européens compris) n'allaient pas vouloir vendre au Royaume-Uni...

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    5. Nawak, le Japon n'a rien à fiche de la GB qui vendra en UE au prix taxé des hors UE. Vous êtes débile. Les consommateurs de GB vont payer plein pot leurs importations de l'UE.

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    6. "Vous êtes débile"
      Argument imparable, merci de faire progresser le débat!
      L'UE est libre échangiste avec la terre entière donc pourquoi refuserait-elle un accord de libre échange avec son voisin?
      Ou alors il s'agit d'une idéologie sectaire où il faut punir celui qui part, mais sans avoir réellement ce pouvoir vu que le client est britannique (cf la balance commerciale).

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    7. "L'UE est libre échangiste avec la terre entière donc pourquoi refuserait-elle un accord de libre échange avec son voisin?"

      Vous racontez des conneries, l'UE a des accords privilégiés avec ses membre, ce que voudrait BoJo en sortant de l'UE.

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    8. "Vous racontez des conneries"
      Merci pour qualité de vos arguments

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    9. Voilà :
      https://www.latribune.fr/economie/international/droits-de-douanes-le-royaume-uni-conclut-son-premier-accord-commercial-majeur-post-brexit-avec-le-japon-856943.html

      Je laisse ceux qui auront lu ces échanges juger la qualité de l'argumentation des deux côtés...

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  4. @Laurent Herblay
    « C'est à la fin de la foire qu'on compte les bouses » dit le proverbe.
    Il est prématuré de dire que le RU a pris l'ascendant dans les négociations. Attendons la fin desdites négociations pour en faire le bilan.
    Vous semblez penser que le projet de loi présenté par le gouvernement de Boris Johnson, qui remet en cause des éléments de l'accord de retrait, a pour objet de mettre la pression sur l'UE. Ce qui revient à dire que le RU pourrait abandonner ce projet de loi en cas d'accord avec l'UE. Or je n'ai pas l'impression que ce soit le cas.
    Le RU se voit accuser de ne pas respecter sa signature ni le droit international. Qu'en pensez-vous sur le fond ?

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  5. @ Moi

    Je n'ai pas étudié tout le détail de cette remise en cause. Néanmoins, ce que je crois, c'est qu'un pays ne doit pas se considérer enchainé à jamais à un traité, qu'il est normal de pouvoir le remettre en cause. Après, ici, le délai est très court, mais les circonstances de l'accord de fin 2019 étaient particulières et BoJo est arrivé en fin de parcours de la négociation. Libre à lui de vouloir prendre le risque de remettre en cause des choses signées récemment et d'en assumer les conséquences. Après, il me semble que ce sont des aspects assez légitimes d'un point de vue de la souveraineté de son pays.

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    1. A force de tortiller du cul depuis 4 ans, la GB se retrouve complètement incrédible, plus personne ne signera un quelconque accord sérieux avec un tel canard sans tête.

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    2. L'accord sur l'Irlande du Nord remis en cause qui va faire une poudrière, vous êtes stupide.

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    3. "vous êtes stupide."
      Prenez une carte au mépris en marche si ne n'est pas déjà fait.

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    4. Boris Johnson a négocié l'accord de retrait de l'UE en 2019, l'a signé et s'en est vanté pendant sa campagne électorale; Quelque mois plus tard, il "découvre" que cet accord serait inacceptable pour le Royaume Uni. Je ne vois que deux possibilités : soit il savait depuis le départ que le problème existait et il a signé l'accord en mauvaise foi ; soit il ne le savait pas et alors il est incompétent. Voyez-vous une troisième possibilité d'explication?

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    5. "Boris Johnson a négocié l'accord de retrait de l'UE en 2019, l'a signé et s'en est vanté pendant sa campagne électorale; Quelque mois plus tard, il "découvre" que cet accord serait inacceptable pour le Royaume Uni. Je ne vois que deux possibilités : soit il savait depuis le départ que le problème existait et il a signé l'accord en mauvaise foi ; soit il ne le savait pas et alors il est incompétent. Voyez-vous une troisième possibilité d'explication?"

      Oui, la troisième possibilité s'appelle faire de la politique, soit une activité qui a peu de rapport avec la bonne foi. Juger l'action d'un responsable politique sur les conceptions juridiques du monde des affaires ("votre signature vous engage, etc.) est pour le moins naïf. Et d'ailleurs, à une certaine échelle, même dans le monde des affaires, une signature n'engage plus personne, dès lors que des rapports de force géopolitiques sont en jeu : vous ne pouvez pas prétendre sanctionner la Chine pour dumping commercial et concurrence déloyale comme vous le feriez avec une puissance de second ordre.

      Quant à postuler que plus personne ne voudra signer d'accord avec des gens capables de revenir sur leur signature, c'est une absurdité cocasse constamment démentie par l'histoire. Machiavel reprochait aux Français, à la charnière du Moyen-Âge et de l'époque moderne, d'avoir constamment trahi leurs alliés dans le cadre de leurs interventions en Italie. Devinez quoi ? Cela n'a en rien empêché la France d'être un acteur essentiel des relations internationales dans les siècles qui ont suivi, de participer à de multiples coalitions, comme de multiplier les accords internationaux. Au même titre que d'autres puissances tout aussi peu respectueuses de leur parole. En définitive, ce sont les rapports de force internationaux qui détermineront le poids de la signature britannique, pas des normes de moralité absolument étrangères au monde réel.

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  6. Voici comment Boris Johnson justifie qu'il ne va pas respecter sa signature :

    « À moins que nous n'acceptions les conditions de l'UE, l'UE utilisera une interprétation extrême du protocole de l'Irlande du Nord pour imposer une frontière commerciale complète le long de la mer d'Irlande », qui sépare la province du reste du royaume. On nous dit que l'UE n'imposera pas seulement des droits de douane sur les marchandises transitant de la Grande-Bretagne vers l'Irlande du Nord, mais qu'elle pourrait en fait arrêter le transport de produits alimentaires de la Grande-Bretagne vers l'Irlande du Nord. »

    Selon un rapport publié samedi matin par le Financial Times, plusieurs fonctionnaires britanniques avaient mis en garde Boris Johnson en janvier que l'accord du Brexit qu'il s'apprêtait à signer comportait ce type de risques.

    https://www.lepoint.fr/monde/brexit-johnson-agite-la-menace-d-un-blocus-alimentaire-en-ulster-12-09-2020-2391565_24.php

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    1. Autrement dit, c'est parce qu'il a signé inconsidérément un traité qui le rend otage de l'UE qu'il en est arrivé à ne pas respecter sa signature. On n'est pas dans l'ascendant pris par Boris Johnson sur l'UE mais dans une manœuvre désespérée pour rattraper une grave bévue.

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  7. La Grande-Bretagne se prépare à se retirer de parties importantes des lois européennes relatives aux droits de l'homme, risquant une nouvelle dispute explosive avec l'UE.

    https://www.telegraph.co.uk/politics/2020/09/12/boris-johnson-set-opt-human-rights-laws/

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  8. @ Moi

    Je me méfie de la partialité potentielle des "sources" de ces fuites... On peut aussi imaginer que ce sont les discussions sur l'accord post-Brexit qui ont fait ressortir un nouveau risque issu de l'accord signé en 2019. Et dans ce cas, il ne me semble pas illégitime de le remettre en cause alors même qu'il y a une nouvelle négociation. Il y a plein d'exemples dans l'histoire de l'UE où ce qui avait été gravé dans le marbre à un moment a été modifié peu de temps après. On peut penser au Pacte de Stabilité ou aux critères de Maastricht. Veillons à ne pas trop sanctifier des bouts de papiers.

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  9. Finalement, Boris Johnson revient sur son projet de loi qui était en infraction avec l'accord de retrait qu'il avait signé, et dont il disait il y a quelques semaines que cette loi était indispensable pour sauvegarder la souveraineté de la Grande-Bretagne... Que de zigzags et de contradictions dans les discours du Premier ministre anglais. Et il est revenu sur sa décision alors même qu'il n'a rien obtenu pour l'instant de l'UE...

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