dimanche 2 avril 2023

Truss, Macron : le naufrage des politiques oligarchistes

Papier publié dans Front Populaire N°11

 

Une première ministre britannique qui doit démissionner après quelques semaines pour avoir déclenché une crise financière. Un déficit commercial français qui pulvérise des records historiques, à 150 milliards d’euros sur les douze derniers mois, contre 85 en 2021. Cet automne a été celui de l’échec des potions amères oligarchistes (dérèglementation et baisse des impôts des plus riches et des multinationales), en pratique, et même par anticipation des marchés.

 


Le ruissellement n’est qu’une injustice inefficace

 

Si les marottes des années 1980 ont permis à Liz Truss de prendre la tête de son parti, son programme de baisse massive des impôts de l’oligarchie s’est révélé un fiasco qui a fait plonger les marchés, et imposer à la Banque d’Angleterre d’intervenir. Elle proposait ainsi de supprimer la dernière tranche marginale d’imposition, sur les revenus supérieurs à 150 000 livres par an, et de revenir sur le projet de hausse de 19 à 25% de l’impôt sur les sociétés, mis en place par Boris Johnson pour financer les services publics, le tout agrémenté de mesures de dérèglementation. Il y a quelques années, les marchés auraient sans doute applaudi un tel programme, dont ils sont les principaux bénéficiaires, comme avec Reagan, Thatcher, Bush, Trump ou Macron.

 

Mais en 2022, même les marchés comprennent qu’il n’y a pas de ruissellement, et que ces baisses d’impôt ne font que creuser les déficits, sans soutenir la croissance, l’argent ainsi distribué ne revenant qu’à une infime minorité qui l’épargne le plus souvent… D’où l’envolée des bons du Trésor britanniques, de 2 à 4,5% et la chute de la livre à un plus bas historique face au dollar. L’économie britannique a semblé au bord du gouffre, entre panique financière et alerte du FMI, rappelant les années 1970. Résultat de cette débâcle, Liz Truss a fini par complètement revenir sur son plan, en deux temps, avant de démissionner devant la fronde des députés et des ministres, qui ont bien compris qu’elle ne pourrait les mener qu’à un naufrage électoral avec une telle direction.

 

Si la France n’a pas connu de telle panique, c’est peut-être uniquement une question de temps. Macron, par sa position centrale sur l’échiquier politique, et le fractionnement de son agenda, n’a pas provoqué une telle réaction des marchés. Pourtant, mis bout à bout, ce qu’il a fait en dix ans est parfaitement comparable au plan de Liz Truss. Après les 50 milliards de baisses des impôts sous Hollande, il y a ajouté la suppression de l’ISF et sa flat tax pour les plus riches, ainsi qu’une baisse de l’impôt sur les sociétés, puis une première baisse des impôts de production. Son second mandat y ajoute déjà une nouvelle baisse des impôts de production. En cumul, c’est un coût de près de 100 milliards par an, qui manquent si cruellement à l’éducation ou à la santé…

 

Il y a ajouté trois vagues de déconstruction du droit du travail (loi Macron, loi El Khomri, ordonnances Macron) et une première réduction des droits au chômage, auquel devrait s’ajouter une seconde vague, ainsi qu’une baisse des droits à la retraite. Toutes ces réformes, justifiées par le rapport Gallois, dès 2012, avaient pour principal objectif d’améliorer notre compétitivité, et redresser un commerce extérieur alors déjà largement déficitaire (70 milliards). Leur échec était prévisible, tant cette course est illusoire dans une Union Européenne où le salaire minimum peut être 80% plus bas que chez nous, et alors que nos frontières sont ouvertes à tous les vents marchands et comptables. Dix ans après, le fiasco est complet, comme l’indique notre déficit commercial, qui a doublé.

 

Bien sûr, notre balance commerciale souffre de la hausse du prix des hydrocarbures. Mais le pétrole n’est pas beaucoup plus cher qu’il y a dix ans : notre déficit industriel continue de se creuser, tout comme notre déficit avec toutes les régions du monde ! Les baisses massives d’impôts et les vagues de déconstruction des droits sociaux n’ont pas empêché le doublement d’un déficit qu’elles devaient réduire. Quelle folie de poursuivre dans la même direction sans même faire le bilan du passé, tant il est clair que ces politiques produiront les mêmes effets : aucune amélioration de notre solde commercial, des déficits accrus et une austérité maladive pour les services publics.

 

Pour l’instant, la France de Macron persiste dans son impasse sans provoquer de panique financière : si les taux auxquels nous empruntons ont fortement augmenté cette année, nous continuons à être mieux traités que Londres, Rome ou Madrid, malgré un déficit budgétaire et une dette assez similaires (à l’exception de la dette italienne), et tout en menant des politiques assez proches. Mais la montée de nos déficits extérieurs change la donne alors que les budgets restent largement dans le rouge. En effet, c’est la concomitance des deux déficits, associée à une hausse des taux et l’austérité, comme actuellement, qui avait précipité la zone euro dans la crise du début des années 2010. Alors, la France n’avait pas été visée car nos déficits n’étaient pas les plus importants.

 

Le fiasco de la politique de l’offre Hollande-Macron nous a doublement affaibli, creusant nos déficits budgétaire et commercial au point que la France affiche les plus mauvais résultats des grands pays de la zone euro, seulement devancé par la Grèce… La France de Macron pourrait bien être une des premières cibles d’un nouvel accès de panique des marchés financiers à l’égard de la zone euro, et alors, peut-être connaître le sort de la Grande-Bretagne de Liz Truss.

10 commentaires:

  1. HERBLAY
    Après vos difficultés avec l'inflation et le prix du gaz, je constate d'autres erreurs avec le budget de l'état français.
    "En cumul, c’est un coût de près de 100 milliards par an, qui manquent si cruellement à l’éducation ou à la santé…Les baisses massives d'impôt..."
    Non, les difficultés de notre budget ne sont pas liées à une baisse des recettes qui n'existe que dans votre imagination. Vous pouvez constater vous même que les recettes de l'état français campent depuis 2016 autour du même niveau (très élevé) de 300 milliards d'euro soit 12% du PIB.
    Les baisses dont vous parlez ont été plus que compensé par la monstrueuse hausse de 25% de la CSG, que tout le monde paie, tout premier acte de la calamiteuse présidence Macron.

    Par contre, ce sont les dépenses nettes qui se sont envolées depuis 2020, de 400milliards à 500milliards. L'argent distribué sans compter lors de la grippe Covid (le "quoi qu'il en coûte"...), le nombre de ministres et vice- le plus important de l'histoire, le financement d'une guerre insensée contre la Russie, les opérations néocoloniales en Afrique... : la France 11ème économie mondiale par PIB/PPA est loin d'avoir les moyens des ambitions illimitées de son président, et comme vous le dites fort justement, la hausse des taux d'intérêt risque de faire très mal.

    Mais non pas à cause d'une baisse des impôts qui n'existe pas, plutôt à cause d'une conception de grandeur et d'état fort qui rêve d'un rôle de primauté internationale pour un état qui ne réussit même plus à accomplir ses tâches régaliennes d'ordre public, santé, instruction de base.

    Encore une fois les chiffres nous aident à comprendre:
    la France avait en 2020 le gouvernement au monde qui dépense le plus en pourcentage du PIB/PPA: un astronomique 63%, face au 47% des USA, 37% en Russie, 36% en Chine et 26% en Corée. Et malgré le taux niveau total de prélèvements obligatoires le plus haut au monde, elle arrive à 200 milliards de déficit.

    La seule direction possible est donc celle d'une drastique réduction des dépenses étatiques, qui devraient être réduites de la moitié ou presque. Et il est malheureux qu'aucune des forces politiques ne propose un tel programme...

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    1. Laurent Herblay4 avril 2023 à 08:49

      @ Anonyme

      « Des baisses de recettes qui n’existent que dans votre imagination » ! C’est votre imagination qui semble tellement débordait qu’elle en oublie le CICE, le Pacte de compétitivité, la suppression de l’ISF, la « flat tax » sur les revenus du capital, la baisse de l’IS, l’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires et les deux baisses des impôts de production…

      Justement, une partie de ces baisses sont compensées par l’Etat, et deviennent donc des dépenses publiques, notamment autour de la baisse des cotisations sociales. C’est aujourd’hui le premier poste de dépense. En effet, il conviendrait de réduire fortement ces dépenses pour mieux financer l’éducation ou la santé.

      Si votre « solution » n’est pas proposée, même par les plus anti-étatistes, c’est juste que cela n’a aucun sens.

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    2. HERBLAY
      je vous invite alors à QUANTIFIER en EURO le montant de ces baisses, et à le comparer à la hausse de 25% de la CSG décidée par Macron au début de son mandat.
      Vous pourrez alors comprendre pourquoi les recettes fiscales de la France n'ont quasiment pas bougé pendant les deux mandats de Macron d'un ordre de grandeur de 300milliards.
      Alors que le déficit que Macron a trouvé à 67milliards en 2017, a été gonflé à 223 milliards en 2020

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  2. Mon père m'en avait déjà parlé quand j'étais gamin, les patrons et directeurs de boites en France sont des cons, incompétents, bien avant l'UE. J'ai l'ai constaté par moi-même, ces abrutis nuls sont parachutés à la tête de boites dont ils ne connaissent rien des marchés, technos, ils ont une forme de comportement mafieux, vivent souvent des subventions nationales et de l'UE, traitent comme de la merde leurs salariés qui ont mille fois plus de compétences.

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  3. Laurent Herblay9 avril 2023 à 18:20

    @ Anonyme

    Je vous parle d’une baisse des taxes d’environ 100 milliards pour les entreprises et les plus riches et vous me parlez d’une augmentation de la CSG qui n’a rapporté qu’un peu plus de 20 milliards. Et encore, ces recettes en plus étaient essentiellement une compensation de la baisse des cotisations sociales salariés : il n’y a eu que quelques milliards de gagnés par l’Etat…

    https://www.lesechos.fr/economie-france/social/bascule-cotisations-csg-la-reforme-qui-doit-augmenter-les-salaires-nets-140488

    Votre analyse de la fiscalité est très partielle : les prélèvements obligatoires dépassent 1000 milliards au total. En outre, ce que vous oubliez, c’est que certaines exonérations fiscales (notamment pour les cotisations sociales des entreprises) deviennent ensuite des dépenses pour l’Etat, qui doit compenser auprès de la Sécu (même si cette compensation peut être rognée dans le temps). Il faut regarder l’ensemble des recettes et des dépenses pour avoir une vue complète. 2020, c’était une année un peu exceptionnelle non ?

    @ Anonyme du 2 avril

    Les généralisations aussi excessives ont un intérêt limité.

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    1. LAURENT HERBLAY
      Encore une fois (comme déjà fait sur l'énergie petrole et gaz) vous changez de discours: on parlait de recettes fiscales, maintenant vous voulez parler de prélèvements obligatoires.

      Soit. D'après l'INSEE, en 2017 à l'arrivée de Macron les prélèvements obligatoires étaient 45.1% du PIB. En 2022, 5 ans de macronisme plus tard, ils sont montés à 45.3% du PIB

      Donc encore une fois, Macron n'a pas réduit les prélèvements obligatoires (pas plus que les recettes fiscales, toujours à 300 milliards), mais au contraire, il les a légèrement augmentées.

      Macron a été en tout et pour tout un président étatiste et colbertiste, partisan d'un état fort, et s'inscrit dans la lignée de cette pensée économique qui ruine la France

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    2. Laurent Herblay11 avril 2023 à 23:06

      Je n'ai jamais dit que Macron a réduit les P.O. (et soit dit en passant, c'est vous qui avez commencé à parler des recettes). Ce que je dis, c'est qu'il a fortement baissé les prélèvements sur les entreprises.

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    3. herblay
      il me semble que vous avez écrit en gras "En cumul, c’est un coût de près de 100 milliards par an, qui manquent si cruellement à l’éducation ou à la santé…"
      Or, si en 2017 à l'arrivée de Macron les prélèvements obligatoires étaient 45.1% du PIB. et en 2022, 5 ans de macronisme plus tard, ils sont montés à 45.3% du PIB, où est-il ce manque ?

      Les raisons de la dégradation de la santé et de l'école ne sont pas liées à une fantomatique baisse des prélèvements, mais à une mauvaise utilisation des recettes étatiques, utilisées pour distribuer des fonds aux entreprises, aux associations, pour faire une politique décalée et obsolète de grande puissance, pour faire la guerre à la Russie, pour entretenir une armée de fonctionnaires, enseignants et d'élus locaux etc etc

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    4. "Les généralisations aussi excessives" Quel ton péremptoire ! Elles ne sont pas du tout excessives, j'ai bossé dans pas mal de boites en France, mon père, des ex-collègues... tous dans l'industrie. Vous n'avez jamais bossé dans l'industrie, les lignes de production, les graves problèmes de qualité, les labos. Vous parlez de choses auxquelles vous ne connaissez rien de rien avec votre mantra sur l'industrialisation en France. Je vous répète que nombre de boites tiennent coups de subventions françaises et aussi de l'UE, donc les impôts des contribuables, tout ça est dilapidé par les bons à rien de directeurs et sous directeurs d'un grand nombre de boites françaises.

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