lundi 16 juin 2025

Shein, Temu : le commerce politique qui révèle aussi le refus du politique

Shein et Temu sont des phénomènes du eCommerce. Le premier aurait conquis la bagatelle de 23 millions de clients en France en 2024. Le second est moins sous le feu des projecteurs, mais son impact n’est peut-être pas moins fort, du fait de l’ampleur de son catalogue. Pour qui prend du recul, la logique puissante de politique économique qu’il y a derrière les deux plateformes est redoutable. A contrario, les autres pays, au nom du laisser-faire et du laisser passer, finissent surtout par se faire avoir.

 


Vraie politique industrielle et vrai renoncement

 

Même si Shein et Temu ne l’expliciteront sans doute pas, l’émergence de ces deux plate-formes pourrait avoir une logique de politique industrielle. Il est tout de même frappant que la Chine se lance dans l’aventure du e-commerce en occident au moment où la hausse de ses coûts la rend moins compétitive pour approvisionner Amazon, qui peut aller chercher moins cher ailleurs. En effet, la Chine a plutôt construit sa puissance industrielle sans vendre directement aux consommateurs occidentaux. Elle se contentait essentiellement, à quelques exceptions près, de produire à bas coûts pour des multinationales souvent étrangères (type Apple), qui vendaient ensuite en direct aux consommateurs. Mais cette logique a une limite quand les coûts montent : les multinationales peuvent changer de base de production…

 

La Chine a déjà développé de multiples stratégies pour se protéger, notamment la logique de terre brûlée, qui consiste à casser les prix sur des marchés stratégiques pour sortir les concurrents et acquérir une position ultra-dominante. C’est ce qui s’est passé sur les panneaux solaires, industrie dominée par les industriels européens il y a 20 ans, largement subventionnée par les pouvoirs publics, qui n’ont pas vu de problème à se laisser dépecer industriellement par la Chine tout en payant les panneaux solaires chinois… On peut voir dans Shein et Temu une nouvelle étape, qui consiste à sécuriser directement l’accès aux consommateurs en amont pour ne plus dépendre du moindre intermédiaire. Ce faisant, l’industrie chinoise n’enrichit plus Zara ou H&M, récupère toute la marge, et sécurise sa demande finale.

 

Cette stratégie est très habile car elle renforce la position de la Chine, de moins en moins dépendante de tiers occidentaux et qui peut ajuster ses choix en fonction de ses besoins. Si le marché chinois manque d’emplois, alors, elle privilégiera l’approvisionnement local. Si, ou quand, le marché du travail sera plus équilibré, elle pourra alors s’approvisionner davantage à l’étranger, en étant le décideur final. Comme pour les panneaux solaires, on peut penser que Shein et Temu achètent, dans un premier temps leur clientèle, par des prix cassés pour tuer la concurrence et séduisent les consommateurs, et par des actions marketing, les applications du duo étant sans cesse mis en avant… Mieux, les chinois utilisent les failles de nos règles, comme l’absence de taxes pour des colis unitaires à moins de 150 euros

 

Mais a contrario, ce que révèlent Shein et Temu, s’est à quel point l’UE (mais aussi les USA), se laissent faire, et finalement, se font avoir. L’UE laisse encore et toujours rentrer une concurrence complètement déloyale qui aboutit à une destruction de notre tissus économique (comme le montrent les innombrables faillites dans l’habillement ou l’ameublement depuis l’émergence de ces deux titans). Les réponses envisagées sont dérisoires : les 2 euros de taxe par colis seraient indolores et totalement sans effet. Et en France, Shein déploie un lobbying intense, en employant d’anciens ministres, dont un macroniste sans scrupule qui cumule avec des postes payés par nos impôts, pour freiner les efforts législatifs de nos législateurs, en affirmant « défendre le pouvoir d’achat », comme le décrit en détail le Figaro.

 

Au final, comme avec Amazon, Uber ou Airbnb, nos politiques ont été beaucoup trop lents. Bien sûr, le cadre de l’UE n’aide pas, mais il est beaucoup plus facile d’agir au début. En tardant, ces empires prennent une place auprès des Français qui peut rendre leur traitement discriminatoire pourtant justifié plus difficile. S’il est déjà tard pour Shein et Temu, il est encore temps, mais il ne faut pas tarder.

1 commentaire:

  1. Si le SMIC français serait au même niveau que le SMIC chinois, la France serait compétitive et aurait un fort secteur industriel.

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