mardi 11 octobre 2011

Montebourg face au sempiternel dilemme de la gauche du PS


Avec 17% des suffrages dimanche, c’est bien le partisan de la démondialisation qui a créé la surprise et qui est au cœur de toutes les discussions. Mais que va-t-il faire de son capital ? Le vendre aux héritiers de Delors et Jospin ou rester fidèle à ses convictions ?

Merci Arnaud Montebourg !

Je n’ai jamais été un grand partisan du troisième homme de cette élection, même s’il a voté « non » au TCE en 2005. Il faut dire que faire de la Sixième République un point phare de son programme n’est pas pour plaire au gaulliste que je suis. Mais, malgré tout, il faut reconnaître que non seulement il a fait une bonne campagne, mais que, ce faisant, il a eu le courage de défendre beaucoup d’idées pour lesquelles je me bats également depuis longtemps.

Et il faut un certain panache et une bonne dose de courage pour refuser la globalisation et prôner la démondialisation, alors que Marine Le Pen essaie de faire une OPA sur ces idées. Et grâce à Arnaud Montebourg, ces idées ne sont plus aussi teintées qu’il y a six mois. Il a montré qu’il n’est pas nécessaire d’être d’extrême droite pour y souscrire. Ce faisant, il rend un fier service aux républicains qui défendront ces idées en 2012, au premier rang desquels NDA.

Le choix impossible

La question qui se pose maintenant est de savoir s’il va se prononcer en faveur d’un des deux finalistes. Hier, il a annoncé une lettre ouverte aux deux candidats et n’a pas exclu de prendre parti. Il a même qualifié les deux impétrants des « deux faces d’une même pièce ». Il faut dire que Martine Aubry et François Hollande ont les mêmes parrains en politique : Jacques Delors (père de la première, dont le second a présidé le club Témoins) et Lionel Jospin.

Bref, deux des pires socio traîtres qu’abrite le Parti Socialiste, des hommes qui ont libéralisé à tout va, accepté la circulation des biens, des personnes, des capitaux, privatisé et démantelé les services publics. A supposer qu’ils répondent positivement à sa lettre, quelle crédibilité pourrait-on accorder à un tel chiffon ? Toute la vie politique de Martine Aubry et de François Hollande démontre qu’ils appartiennent à un centre gauche bien trop complaisant avec le néolibéralisme.

Le piège européen

Pour l’instant, Arnaud Montebourg s’honore donc de ne pas choisir. Mais sa position démontre la difficulté qu’il y a à faire partie d’une petite minorité dans un grand parti, et notamment au PS. Car s’il a créé la surprise, le partisan de la démondialisation retrouve plus ou moins l’étiage traditionnel de la gauche du PS, quand elle était portée par Jean-Pierre Chevènement ou plus tard, par Jean-Luc Mélenchon. Mais à quoi sert-il de rassembler 15 à 20% du PS ?

En effet, comment peser réellement sur la ligne du parti avec un tel score ? En outre, que ferait Arnaud Montebourg si jamais nos partenaires européens envoyaient une fin de non recevoir à sa démondialisation ? Pour le coup, Jean-Pierre Chevènement est plus clair, puisqu’il prévoit un plan B (même si son plan B est pour moi le plan A). Bref, Arnaud Montebourg s’est avancé sur le Rubicon. Veut-t-il le franchir ou profiter des délices des palais nationaux dans quelques mois ?

Le fait qu’il ne refuse de choisir pour l’instant est un bon point. Un ralliement express au lendemain du premier tour aurait sans doute fait très mauvaise impression. Mais si Arnaud Montebourg a marqué un beau point dimanche, il n’est qu’au début d’une aventure dont il n’est pas évident qu’il connaisse la direction.

16 commentaires:

  1. Bonjour Laurent,

    Et bravo pour ton nouveau blog - "villepiniste", ça commençait à faire un peu bizarre :-)

    Personnellement, même s'il a été soutenu par Onfray :-(, et si ses "j'approuve ce message" faisaient un peu trop marketing, j'ai bien aimé la campagne de Montebourg qui, contrairement à ses concurrents, a mis en avant les idées qu'il défendait, et pas sa petite personne - ce que les sondeurs appellent la "posture présidentielle". De ce point de vue, quels que soient ses défauts, il s'est dépassé, et a parfaitement raison de reprocher aux autres d'être incapables de le faire.
    J''apprécie aussi le fait que, contre les ficelles habituelles d'une soi-disant "aile gauche" qui s'est un peu discréditée en choisissant Aubry, il refuse la farce du "plus à gauche" ou "plus au centre". Montebourg montre qu'il a compris que la crise économique, morale et intellectuelle (par ordre croissant d'importance) exigeait autre chose qu'un dosage plus ou moins habile de mesures destinées à telle ou telle clientèle. J'espère qu'il maintiendra ce cap, comme cela semble être le cas.

    Son principal problème sera le soutien d'un(e) candidat(e) qui ne comprend que la logique des sondages et de la communication, et dont tu soulignes très bien la complaisance envers le néolibéralisme et le faux sérieux.

    Archibald

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  2. Le simple fait que Montebourg, (ou plutôt son ébauche de projet) se soit hissé(e) au 3e rang de ce premier tour est remarquable, car beaucoup attendaient Hollande, Aubry et Royal (peu importe l'ordre). Il est clair que des électeurs de gauche extérieurs au PS y sont pour quelque chose (moi, par exemple !). Plus que pour le bonhomme, que je n'apprécie guère, j'ai voté pour des idées, que l'on crédite trop souvent à la seule Le Pen (et il y a beaucoup à dire et à redire sur ce point).
    La tournure que la situation économique a prise ajoutée à l'écho médiatique de la percée Montebourg me font croire, candidement peut-être, que l'élection de 2012 pourra peut-être aussi se jouer sur la remise en cause au moins partielle de la vulgate ambiante, et pas seulement sur le roman-photo Closer/Gala de Nike-Cola. Faisons un rêve...

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  3. Je suis moins enthousiaste que vous. Montebourg parle certes de démondialisation, mais il prend toujours soin de préciser qu'il ne conçoit qu'une démondialisation européenne, et il condamne toute forme de souverainisme. L'attitude d'Audrey Pulvar face à NDA chez Ruquier m'a paru clair de ce point de vue: elle a ouvertement raillé ses propositions, pourtant très modérées, en arguant du fait que la France ne peut rien à elle seule. Montebourg élu, il aurait donc été directement à Berlin demander gentiment à Angela Merkel de démondialiser l'Europe et de gouverner politiquement l'euro. Cela aurait sans doute bien fait rire Angela : l'Allemagne est non seulement un pays largement exportateur, mais, comme vous l'écrivez souvent, elle refuse tout pilotage politique d'une monnaie relativement bon marché pour ses propres produits. Bref, le PS n'est hélas toujours pas revenu de son illusion européenne. Ce constat vaut du reste pour toute la gauche (sauf Chevénement bien-sûr) puisque même Mélenchon ne conçoit de politique économique qu'à l'échelle de l'eurozone.

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  4. Montebourg n'a pas compris, ou ne veut pas voir, que l'UE a été crée pour imposer la mondialisation aux peuples européens de façon fort rusée.
    La demondialisation c'est forcement sans l'U.E.

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  5. @ Archibald

    Onfray soutenant Montebourg c'est une bonne nouvelle, un disciple de Jerphagnon ne peut pas être 100% mauvais!

    Il est intéressant de voir comment Montebourg est désormais au centre du jeu de la gauche et du jeu politique tout court lorsque l'on voit des stratégies « Possédées de Loudun » de la part de la droite et Sarkozy qui s'en prends à la démondialisation (Guaino a dû en avaler son chapeau).

    Montebourg est en train de faire ce que le PS n'a jamais pu faire: ringardiser les Le Pen.
    Chapeau aux républicains qui ont su croire au "moment" Montebourg lorsque d'autres cédaient aux tentations lepénistes car le score de Montebourg n'est pas égal au 15-17% du Che d'un simple congrès socialiste... c'est un score sur 2,5 millions de votants!



    Léo Trax

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  6. @ Archibald

    Merci. Je me demande ce qu'il va faire. Le plus raisonnable serait de ne pas prendre parti mais c'est aussi une absence de choix (ce qui n'avait pas réussi à Bayrou.

    @ Nihil

    Je suis d'accord

    @ Julien M

    C'est exactement ce que je crois.

    @ TeoNeo

    D'accord.

    @ Léo Trax

    Après, il faut voir qu'il ne sera plus là pour la présidentielle. Le contexte changera et il faudra un nouveau porte-drapeau pour ces idées.

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  7. Je crois que c'est l'inverse, il légitime Le Pen. Le PS ne changera pas et la droite a trop d'avance.
    Jardidi.

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  8. @ Léo Trax

    Onfray, contrairement à Jerphagnon, m'inspire les plus grandes réserves. Mais électoralement, vous avez sans doute raison.

    Pour le reste, je suis assez d'accord avec vous.

    @ Laurent

    Je n'ai pour l'instant rien à redire. Montebourg dit exactement ce que je pense d'Aubry et Hollande. Personnellement, je crois que je préfère encore Hollande, car il ne fait pas semblant d'être plus "social". Mais j'avoue que je serais ravi de voir battu le candidat choisi par Alain Duhamel.

    Je pense que Montebourg donnera peut-être une préférence personnelle, mais certainement pas une consigne. Son approche est partie pour durer. Je me demande s'il soutiendra, comme il le dit, le candidat PS - je veux dire s'il fera vraiment campagne.

    Archibald

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  9. On s'aperçoit que le PS est un parti viscéralement européo-libéral, qu'il ne s'agit pas de quelques dirigeants politiques coupés du peuple, perdus dans un délire. Cette primaire permet également de parler de protectionnisme, de démondialisation, de contrôle des banques sans se faire insulter. Ces deux faits signifient que Le Pen et Dupont-Aignan sont les grands bénéficiaires de cette primaire. En confirmant son ancrage idéologique, le PS achève de se couper des pauvres.
    Jardidi.

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  10. Bonjour. Je m'invite dans votre débat. Je fais parti des milliers de volontaires mobilisés autour du projet de Montebourg. J'ai découvert Laurent Pinsolle et ses écrits. Nous ne sommes pas loin les uns des autres, sauf peut-être sur la question Européenne et de l'Euro, même si je pense que la solution finale qui sortira de cette crise sera entre nos deux positions. A ce jour, avec les maigres connaissances que j'aie, je crois à la solution européenne défendue par Montebourg. Elle ne sera pas suffisante, car elle obligera à la reconfiguration de la zone euro sur des pays qui connaissent le même niveau de vie. (allemagne, France, italie, ..)Le protectionnisme alors sera à établir entre cette nouvelle zone euro et le reste du monde, y compris européen...dans l'attente de meilleurs choix, qui selon moi, ne peuvent être uniquement nationaux.
    Bonne journée

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  11. de Géry:
    La lettre de Montebourg est décoiffante, en tout cas sur le protectionnisme et les banques. Cependant la dimension égotiste du personnage Montebourg, adepte des coups d'éclat médiatiques (merci Laurent pour ton lien vers ton billet de juin 2010!), son analyse insuffisamment radicale de la mondialisation et des déséquilibres intra-européens (qui ne le conduit pas au point de rupture), et la position de force des deux finalistes, laisse quand même penser que le Montebourg sera fongible dans une motion de consensus PS un peu gauchisée.

    Néanmoins il y a une bonne nouvelle, c'est qu'il sera moins facile d'assimiler les analyses de NDA à celles de MLP.

    Enfin le tir de barrage de l'UMP sur les deux voies de renversement de l'ordre économique tracées dans la lettre de Montebourg montre aussi que le PS n'est pas le seul parti irrécupérable. Un tel niveau de naïveté et d'aveuglement antipatriotique est sidérant de la part d'un parti de droite qui a vocation à être aux affaires. C'est à se demander si leur vulgate économique est produite ailleurs que dans une salle de réunion rassemblant les patrons du CAC 40.

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  12. Dans les diverses analyses produites - la votre, cher Laurent et celles de vos commentateurs - il y a beaucoup de choses que je partage mais aussi un point de désaccord important, ou plutôt ce que j'appellerai un angle mort de la réflexion. Tout se passe comme si tout le monde raisonnait avec une analyse fixiste où la position de chaque parti était destinée à se perpétuer éternellement identique à elle-même (définie par une supposée essence social-libérale ici dans le cas du PS). Or la séquence historique en cours me parait au contraire marquée par les basculements idéologiques eux-mêmes basés sur une perception de la situation par l'opinion publique radicalement bouleversée. Les classes moyennes (notamment celles liées au service public) qui forment le gros de l'électorat socialiste ont ainsi été bousculées comme jamais par ces 5 années de gestion sarkozyste de la phase terminale de l'époque néo-libérale. Cela ne pouvait pas ne pas se traduire politiquement d'une manière ou d'une autre. C'est dans ce cadre que l'option de Montebourg de rester au sein du PS prend tout son sens.

    D'autre part, il ne faut pas négliger le côté boite à outils efficaces (pas nécessairement à usage immédiat même si le temps presse) des idées de Montebourg pour les dirigeants encore orthodoxes du PS. Dans les bouleversements à venir (la prochaine crise par exemple), avant ou après la présidentielles, ils pourront toujours s'y référer au moment d'endosser une nouvelle option. Le tir de barrage stupide de l'UMP devrait d'ailleurs les pousser naturellement dans cette direction.

    Tout à fait d'accord sur l'effet de désenclavement de la candidature de Dupont-Aignan.

    Quelles que soient les limites du personnage Montebourg, sa percée n'a pas fini de produire des effets positifs.

    Emmanuel B

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  13. Arnaud Montebourg, par ses propositions radicalement différentes de F. Hollande et M. Aubry, travaille à l'émergence d'une alternative.

    Ce besoin d'alternative de l'électorat s'est exprimée largement au sein de l'alternance PS, ébauchant et renforçant dans sa
    démondialisation deux blocs diamétralement opposés.
    Dans ces deux blocs en recomposition du paysage politique français, de nouvelles alternatives vint émerger. Patience.
    Peu importe pour l'instant les nuances qui nous animent dans la démondialisation.

    AM consolide la brèche ouvert par d'autres.

    Sarkozy a d'ailleurs très bien compris, en attaquant la démondialisation d'AM, le potentiel et danger qu'il peut représenter dans la volatilité des voix.

    Ca se complique pour lui. .....
    Laissons le temps au temps, les blocs se
    renforcent.

    Merci Arnaud Montebourg.

    GAIA

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  14. @ Gaia

    Je suis d'accord.

    @ Emmanuel

    J'ai peut-être tort. Mais je crois que le PS ne peut pas changer. Montebourg n'est qu'au niveau habituel de la gauche du parti (Hamon, Mélenchon, Chevènement encore avant).

    Le débat de ce soir me confirme dans cette idée.

    @ Géry

    Complètement d'accord.

    @ Garnier

    Si on reste sur l'échelon européen comme un pré-requis, que fait-on si cela ne marche pas. Je suis d'accord pour dire qu'il serait souhaitable de le faire à ce niveau mais je n'y crois pas.

    @ Jardidi

    D'accord

    @ Archibald

    Il me tarde de voir ce qu'il va faire

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  15. Rectif.

    Mauvaise expression.

    Laissons le temps au temps. Les blocs se démarquent et le bloc démondialisation se renforce.

    GAIA

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  16. "[..]c'est Nicolas Sarkozy, lui même qui, si nous n'avons pas le courage de l'assumer, le proposerait alors aux Français, dans une ultime contorsion politique". Voila la phrase qui a retenu mon attention dans la lettre aux impétrants.

    Début 2012, après approfondissement de la crise, candidature Sarkozy sur un positionnement protectionnisme ou définanciarisation de l'économie, campagne courte, PS tétanisé, verrouillage des médias aux alternatifs pour empécher de faire la différence entre les promesses de campagne et un vrai projet politique, "je serai le président qui ...", ré-élection, oubli des promesses.

    Devons nous croire à ce scénario double-catastrophe (ré-élection de Sarkozy et récupération des buzzwords d'une politique alternative) ?

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