jeudi 29 novembre 2012

L’UE dans une impasse


Vendredi, les dirigeants européens se sont séparés sur un constat de désaccord sur le budget. Ils devront donc se revoir début 2013 pour se mettre d’accord. Mais les désaccords ne s’arrêtent pas là : union bancaire, plan pour la Grèce, sur tous les sujets, l’UE piétine, comme l’a noté Jacques Sapir.

La discorde chez les européens

Les instances européennes ont un sacré culot. Alors qu’elles demandent à tous les pays européens de se serrer la ceinture, Barroso a proposé aux 27 un budget en hausse pour les prochaines années, déclenchant l’opposition de David Cameron, poussé par son opinion publique, UKIP et une partie des conservateurs. Résultat, il a été impossible de se mettre d’accord lors du sommet organisé la semaine dernière. Il n’est pas évident qu’un accord pourra être trouvé dans deux mois.

Parallèlement, les négociations sur l’union bancaire piétinent, comme le rapporte The Economist. Petit à petit, le projet se vide de sa substance. L’Allemagne veut le limiter aux grandes banques transnationales pour exclure ses banques régionales dont elle veut garder seule la supervision. Berlin s’oppose également à la constitution d’un nouveau fonds de résolution des banques ou à un partage supranational des garanties de dépôts qui en ferait in fine le créditeur de dernier ressort.

Mais les désaccords ne s’arrêtent pas là. Alors que la nouvelle tranche d’aide à la Grèce devait être versée en octobre, le FMI veut imposer aux pays européens une restructuration de la dette grecque. Mais Angela Merkel, qui rechigne déjà à rallonger l’aide à Athène d’une quarantaine de milliards d’euros, ne veut pas reconnaître les pertes à seulement dix mois des élections législatives, ce qui échauderait une opinion de plus en plus hostile au projet européenRésultat, les européens sont parvenus à un 3ème plan dont on se doute déjà qu’il en appellera un 4ème

Vers la désintégration de l’UE

Bien sûr, les partisans de l’Union Européenne peuvent se rassurer en pointant le passage du TSCG, la 3ème camisole budgétaire avec le six pack et le two pack, mais force est de constater que le projet européen apparaît de plus en plus grippé, que les décisions sont de plus en plus difficiles, malgré la violence de la crise, qui devrait plutôt imposer d’agir de manière plus décisive, radicale et rapide. Or, on assiste à l’exact inverse : le processus de décision semble grippé.

Bien sûr, les euro-béats en profitent pour essayer de faire avancer leur agenda fédéraliste, qu’ils présentent comme une solution à la lenteur de décision des sommets. Si l’Allemagne dit être favorable à des avancées politiques, il s’agit principalement de mises sous tutelle encore plus redoutables des budgets nationaux, pour assurer le remboursement des fonds avancés par le pays à travers le FESF. En revanche, Berlin est vent debout les euro obligations ou toute union de transfert.

Le problème est que la France dit être prête à avancer vers l’union politique uniquement si l’Allemagne accepte plus de solidarité (en clair, accepte d’augmenter sa contribution). Du coup, les discussions restent dans l’impasse et le fait que deux ans et demi d’une crise gravissime n’ait produit que le TSCG, qui n’est même pas un traité de plein exercice, montre une fatigue de l’intégration européenne, qui se renforce de plus en plus avec le temps. L’aventure fédérale est impossible.

Mieux, le château de carte européen est aujourd’hui à la merci d’une sortie d’un pays (la Grande-Bretagne et la Grèce sont les candidats les plus évidents) qui pourrait bien faire s’effondrer l’édifice patiemment construit depuis une soixantaine d’années. Pas sûr que beaucoup le regretteront…

14 commentaires:

  1. @ Laurent Pinsolle

    Si l'UE éclate :

    On pourra la regretté dans la mesure ou il est dommage qu'une coopération européenne ait en définitive ratée. Espérons qu'elle sera possible sous une autre forme (je renvois à vos papiers sur une autre Europe).
    Et on ne la regrettera pas justement parce que comme vous le rappelez régulièrement, sous sa forme actuelle on ne peut plus l'accepter. Elle affaiblie l'économie européenne en la livrant à une guerre interne et s'attaque aux Etats Nations notamment en les discréditant et en se mélant de leur affaires internes (je renvois à vos articles, ainsi qu'à une multitude d'autres tels que ceux de Jacques Sapir ou Coralie Delaume).

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  2. Comme l'a déclaré Emmanuel Todd dans un long entretien à la gazette "arrêt sur image" l'Europe a cessé d'être une structure où tous les membres sont égaux en droits mais est devenue inégalitaire et hiérarchique où l'Allemagne domine de tout son poids et impose sa vision des choses notamment sur une classe dirigeante "française" névrosée par elle. De plus il faut avoir en tête les propos de l'ancien Chancelier Helmut Schmidt qui a déclaré que quand l'Allemagne se mêle de dicter sa loi sur le continent européen cela se termine toujours mal. C'est ce qui va se passer avec l'Euro et sa zone monétaire conçue selon le modèle allemand. Nous Français, et les autres de façon plus grave, en sortirons de la façon la pire. Déjà ce que l'UE impose à la Grèce est une honte qui discréditera longtemps l'Europe, pour ne pas parler de toutes ses autres victimes qui sont littéralement torturés économiquement et socialement pour des dogmes qui ne cessent d'échouer et donc de montrer leur profonde malfaisance.

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    1. Même discours d'Emmanuel Todd à Rennes, je l'ai trouvé encore plus grave que sur ASI, mais sans langue de bois et du coup ça décoiffe!

      http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=rRHp3cEPv-Q#!

      Par contre, quelles incompréhension de la situation de la part de ses contradicteurs et de certains dans le public, les cultures économiques et géopolitiques de nos concitoyens apparaissent de pmus en plus navrantes...

      red2

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    2. Merci beaucoup pour ce lien.
      La tenue de cette conférence est absolument ahurissante, pour l'effet de sidération que les arguments de Todd engendrent sur le public. Sortis de leur train train intellectuel mainstream, ce public qui gravite habituellement autour d'Alternatives Economiques connaît très peu d'alternative justement. La conclusion sur l'absence totale, chez nos élites nationales (et qui justement ne le sont plus depuis trente ans au moins), de réflexion de type géopolitique et stratégique y compris et surtout à l'intérieur de l'Europe est glaçante. Ce qui est plus terrible encore, c'est de constater que cette absence est largement validée par une intelligentsia au sens large, composée de professeurs, autres fonctionnaires, peut-être chefs d'entreprise, ceux qui probablement composaient le public averti de cette conférence : si nos dirigeants sont si minables et conduisent à la dislocation de notre nation, c'est qu'ils sont soutenus en ce sens par une classe intellectuelle amorphe et confite dans le sucre de la fin de l'histoire, dans la fin de notre pays à peser même sur notre destin national.
      Cette conférence était très riche en renseignements sur les maux qui frappent le pays.
      Francis Commarrieu.

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  3. Il devient de plus en plus évident que la construction européenne s'est faite sous un "faux nez". Présentée comme initiative de paix et d'amitié entre les peuples européens, elle était avant tout l'oeuvre du Département d'Etat américain et c'est la raison pour laquelle de Gaulle s'y est opposé avec une telle vigueur. Mitterrand, se trompant un peu de siècle, les y a aidés en échangeant la réunification allemande contre la monnaie unique. L'Allemagne restaurée dans sa puissance ramenait vers l'Europe centrale le centre de gravité de l'ensemble et l'OTAN est devenu l'antichambre de l'Europe, ce qui permettait aux Etats Unis de délimiter les frontières de l'Europe et les étendre progressivement au monde entier. Il faut souhaiter que l'UE se disloque avant 23015, date prévue pour l'entrer en vigueur du bloc euro-atlantique

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    1. j'espère bien qu'en 23015 cette chimère aura été abattue nous aurons de longues barbes blanches , plus sérieusement la main des usa dans cette affaire est évidente et son sous marin la Grande Bretagne qui n'a eu de cesse de transformer le continent en vaste zone de libre echange

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    2. Je ne suis pas convaincu par ce scénario d'une main mise des USA dans la construction européenne
      (même si c'est vrai ils se mêlent régulièrement de ce qui ne les regardent pas, comme lorsqu'en début de son 1er mandat Obama expliquait que l'UE devait intégrer la Turquie; lui pouvait l'accepter comme 51e Etat... ; et le Royaume-Uni surtout qui depuis le début de son intégration, c'est vrai, sape l'UE).

      Je ne pense pas que les USA soient derrière tout ça car l'UE a souvent été une épine dans son pied en terme de diplomatie :
      - les projets d'Europe de la Défense ont toujours été perçus avec méfiance par Washington qui y voit une concurrence vis-à-vis de l'OTAN.

      - en politique commerciale internationale, et en particulier au sein de l'OMC, les USA et l'UE sont souvent entré en confrontation.

      - ouvrons les yeux : l'échec de l'UE, il est inutile d'aller le chercher sur d'autres continents, se sont les européens qui en sont responsables.
      Parce que nous sommes incapables de nous mettre d'accord sur ce que doit être l'UE au sein d'un même pays puis entre pays (ce qui est un argument en soit d'après moi pour une UE aux facultés très limitées tel que Laurent Pinsolle l'imagine), et parce que nous en avons délégué la construction à des bureaucrates technocrates de la libéralisation décomplexée.

      Le problème avec l'UE c'est c'est une grosse machine à libéraliser à tout va n'importe comment sur le plan économique et à détruire les Etats-Nations sur les plans politique et culturel, notamment en prônant le fédéralisme et le régionalisme.

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  4. Philippe de Bordeaux29 novembre 2012 à 14:56

    Cathon disait à propos de Carthage: Delenda Cartago, Il faut détruire Carthage. Comme un citoyen romain sensé il savait que Rome ne survivrait pas tant que Carthage resterait une menace pour elle. Aujourd'hui l'Europe est une menace mortelle pour notre pays, pour sa survie en tant que nation, pour sa cohérence interne, pour son avenir en tant que puissance. Si nous ne détruisons pas ce monstre qu'est devenu l'entité Européenne nous disparaîtrons ainsi que notre culture et 2000 ans d'Histoire de France. Ce que les rois de France, les républicains de tous bords ont bâti en 2000 ans disparaîtra. Ce que les guerres n'ont pas réussi à faire, l'Europe est en passe de le faire, notre nation est en péril mortel et personne ne s'en rend compte! Pauvre Général De Gaulle sa vision pour la grandeur de la France s'est évanouie, piétinée par des nains de tous bords. Il y a des moments ou aurait envie d'en pleurer!

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    1. On disait et on dit Caton "Carthago delenda est"! C'est l'UE qui non seulement doit mourir mais aussi mourra victime de ses contradictions. La France ne mourra pas mais sera comme la Grèce, l'Espagne, le Portugal et l'Italie torturée économiquement et socialement. Nous serons désindustrialisés pour le seul profit de l'Allemagne.

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  5. "Une construction à caractère fasciste …

    Où trouve-t-on une telle réglementation: tous les employés du MES [Mécanisme européen de stabilité, ndt.] bénéficient de l’immunité juridique, personne ne peut déposer plainte contre le MES ou ses employés. Mais par contre le MES peut déposer plainte contre tout un chacun et possède des droits incroyables: il peut exiger de la part de tous les Etats signataires et en tout temps autant d’argent qu’il lui plaît. Et tout ceci sans devoir donner de raisons. Les membres doivent obtempérer dans les sept jours sans opposition possible. Si un Etat ne peut satisfaire ces exigences (la Grèce, l’Irlande, le Portugal, l’Espagne, l’Italie, la Slovénie, Chypre) ce sont les autres Etats membres qui doivent reprendre automatiquement le montant de la dette qu’ils doivent eux aussi payer dans les sept jours. Il est prévu que les populations des Etats membres soient tenues de se plier à cette exigence avec leurs biens propres pour supporter les dettes de leur Etat. Le MES représente la prise de pouvoir de la haute finance internationale avec l’accord de nos représentants politiques."

    La suite sur :
    http://www.horizons-et-debats.ch/index.php?id=3695

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  6. @ RomainC

    Je ne regretterai pas l’UE : je crois qu’il faut qu’il faudra la balayer pour permettre de construire une autre Europe, une Europe des Etats et des coopérations.

    Bien d’accord sur les USA.

    @ Cording

    Totalement d’accord.

    @ Red2

    Merci pour le lien

    @ Cliquet

    Je suppose qu’il s’agit de 2015. Je pense que les ferments de la dissolution de l’UE sont là, qu’ils se renforcent de plus en plus. Malheureusement, il faut que la situation soit très mauvaise pour que les peuples n’aient pas peur de perdre grand chose en abandonnant cette UE.

    En revanche, je pense qu’il ne faut pas surestimer le rôle des USA. Qu’ils aient été favorables à la construction de la CEE puis de l’UE, cela se comprend, mais les pays européens pouvaient également y trouver leur intérêt… Je crois que les carences actuelles de l’UE sont suffisantes pour provoquer son démontage. Compliquer le débat avec la question modérément crédible de l’influence des Etats-Unis risque de nous faire perdre le débat public.

    @ Philippe

    J’aime beaucoup cette référence à Caton.

    @ Anonyme

    Je pense que les pays peuvent toujours se reconstruire.

    @ A-J H

    Bien d’accord.

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  7. et vous croyez vraiement que la "Declaration Schumann" du collabo du même nom a été écrite par icelui ?
    ce n'est pas plutôt Dean Acheson qui pilotait ce coup la ?

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  8. Vendredi 30 novembre 2012 :

    Zone euro : le chômage grimpe à 11,7% en octobre, un niveau record.

    Le taux de chômage de la zone euro s'est établi à 11,7% de la population active en octobre, contre 11,6% le mois précédent, a indiqué vendredi l'office européen de statistiques Eurostat.

    Il s'agit d'un niveau record, qui se traduit par 18,70 millions de personnes au chômage en octobre, dans les 17 pays de l'Union monétaire.

    http://www.romandie.com/news/n/_ALERTE___Zone_euro_le_chomage_grimpe_a_117_en_octobre_un_niveau_record15301120121105.asp

    Vous vous rappelez toutes les belles promesses au moment du référendum sur le traité de Maastricht ?

    Vous vous rappelez toutes les belles promesses pour nous convaincre de voter « oui » à la création de l’euro ?

    - « Si le traité était en application, finalement la Communauté européenne connaîtrait une croissance économique plus forte, donc un emploi amélioré. » (Valéry Giscard d’Estaing, 30 juillet 1992, RTL)

    - « L’Europe est la réponse d’avenir à la question du chômage. En s’appuyant sur un marché de 340 millions de consommateurs, le plus grand du monde ; sur une monnaie unique, la plus forte du monde ; sur un système de sécurité sociale, le plus protecteur du monde, les entreprises pourront se développer et créer des emplois. » (Michel Sapin, 2 août 1992, Le Journal du Dimanche)

    - « Maastricht constitue les trois clefs de l’avenir : la monnaie unique, ce sera moins de chômeurs et plus de prospérité ; la politique étrangère commune, ce sera moins d’impuissance et plus de sécurité ; et la citoyenneté, ce sera moins de bureaucratie et plus de démocratie. » (Michel Rocard, 27 août 1992, Ouest-France)

    - « Les droits sociaux resteront les mêmes – on conservera la Sécurité sociale –, l’Europe va tirer le progrès vers le haut. » (Pierre Bérégovoy, 30 août 1992, Antenne 2)

    - « Pour la France, l’Union Economique et Monétaire, c’est la voie royale pour lutter contre le chômage. » (Michel Sapin, 11 septembre 1992, France Inter)

    - « C’est principalement peut-être sur l’Europe sociale qu’on entend un certain nombre de contrevérités. Et ceux qui ont le plus à gagner de l’Europe sociale, notamment les ouvriers et les employés, sont peut-être les plus inquiets sur ces contrevérités. Comment peut-on dire que l’Europe sera moins sociale demain qu’aujourd’hui ? Alors que ce sera plus d’emplois, plus de protection sociale et moins d’exclusion. » (Martine Aubry, 12 septembre 1992, discours à Béthune)

    - « Si aujourd’hui la banque centrale européenne existait, il est clair que les taux d’intérêt seraient moins élevés en Europe et donc que le chômage y serait moins grave. » (Jean Boissonnat, 15 septembre 1992, La Croix)

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