jeudi 11 avril 2013

François Hollande refuse le débat sur l’austérité


Alors que les économistes (y compris au FMI) soulignent de plus en plus les dangers des politiques d’austérité menées en Europe, le débat a gagné le gouvernement avec l’interview Arnaud Montebourg dans le Monde et les doutes de Benoît Hamon, provoquant un recadrage sévère du président.

Le double langage du président

Depuis son élection à la présidence de la République, François Hollande tient un double discours. D’un côté, il a fait de la réduction des déficits l’objectif cardinal de sa politique économique. De l’autre, il dit vouloir faire plus de croissance. Mais les faits (croissance zéro en 2012 et en 2013) démontrent bien que rien n’a été fait pour stimuler la croissance de notre pays. Le plan européen négocié en juin était bien « un pistolet à eau contre un rhinocéros qui charge » pour reprendre Krugman.

Malgré tout, l’équipe au pouvoir continue à proclamer son double objectif contradictoire de réduction des déficits et de croissance. Et, comme l’avait annoncé Jacques Sapir à la rentrée 2012, en poursuivant le premier, le gouvernement ne peut atteindre le second, ce qui ne lui permet même pas d’atteindre le premier. Zéro pointé sur les deux tableaux. A moindre échelle, c’est la même logique qu’en Grèce, dénoncée il y a trois ans par Jacques Sapir ou Nicolas Dupont-Aignan.

La contestation au sein du pouvoir

Du coup, des voix se font entendre au sein de l’équipe gouvernementale pour remettre en cause la direction prise. Arnaud Montebourg a ainsi déclaré que « le sérieux budgétaire, s’il tue la croissance, n’est plus sérieux. Il est absurde et dangereux (…) Il est plus que temps d’ouvrir le débat sur cette politique qui conduit l’Union (Européenne) à la débâcle ». Benoît Hamon va dans le même sens : « aujourd’hui, l’austérité en Europe n’est plus soutenable, avec ses millions de chômeurs ».

Cependant, ces saillies seront sans doute sans lendemain. Tout d’abord, la grande majorité de l’équipe au pouvoir ne remet pas en cause les objectifs de réduction des déficits. Pierre Moscovici est le représentant de cette ligne jusque boutiste qui ignore les travaux de Jacques Sapir ou les avertissements de Paul Krugman et Joseph Stiglitz. Mais François Hollande a sévèrement recadré ses troupes mercredi : bref, il est illusoire d’attendre une inflexion de la part d’un président jospino-delorien… 

L’impasse européenne

En outre, on oublie le rôle délétère joué par l’UE et l’euro qui poussent à ces politiques détestables. Christian Noyer, gouverneur de la banque de France, expliquait avec la mauvaise foi du technocrate irresponsable et antisocial que nous ne menions pas de politiques d’austérité, même si le gouvernement cherche 40 milliards d’économie l’an prochain et a appelé à un gel des retraites et des prestations sociales ! En effet, tous les traités signés récemment nous imposent cette austérité.

Et l’austérité ne va pas s’arrêter car Paris ne reviendra pas sur l’objectif de 3% de déficit en 2014. Pourtant, cela prolonge une austérité budgétaire qui plombe la croissance. Ailleurs, avec le triple de déficit, le Japon vient de lancer un grand plan de relance, budgétaire et monétaire. Mais cela est possible car le pays dispose toujours de sa monnaie et contrôle sa banque centrale, ce que les traités européens nous interdisent. Bref, dans le cadre actuel, il n’y a pas grand chose à attendre.

Il est hallucinant qu’alors que même un organisme aussi orthodoxe que le FMI soit parvenu à remettre en cause les politiques d’austérité qu’un gouvernement « socialiste », englué dans des certitudes ridicules et des traités ubuesques qui ne lui donnent pas de marge de manœuvre, ne puisse pas faire de même… 

18 commentaires:

  1. Il ne s'agit pas de contestation au sein du pouvoir, il s'agit de marionnettes qui jouent leur partition pour que les gens de gauche ne perdent pas totalement espoir. Comme vous le soulignez, c'est sans lendemain. Si Hamon et Montebourg le voulaient, ils pourraient démissionner ensemble pour faire du bruit et retirer sa caution de gauche à l'équipe Hollande. Je ne sache pas qu'ils le fissent.

    Le Gars Huzac

    RépondreSupprimer
  2. Comme Le Gars Huzac, je pense aussi qu'il s'agit de théâtre de la part des pseudo contestataires Hamon et Montebourg qui ne lâcheront pas le PS qui leur assure gite, couvert et retraites confortables.

    RépondreSupprimer
  3. Sinon, l'austérité c'est pas pour tous :

    http://www.agoravox.tv/culture-loisirs/etonnant/article/xavier-kemlin-porte-plainte-contre-38301

    RépondreSupprimer
  4. Une monnaie parallèle à l'euro pour les pays solvables comme les Pays-Bas et l'Allemagne doit voir le jour, a déclaré Frits Bolkestein, ancien leader des libéraux néerlandais du VVD et ancien commissaire européen au marché intérieur au début des années 2000. Bolkestein a lancé son appel sur une chaîne de télévision néerlandaise.

    http://www.rtbf.be/info/monde/detail_l-ex-commissaire-europeen-bolkestein-veut-une-monnaie-parallele-a-l-euro?id=7969366

    RépondreSupprimer
  5. Il y a des choses plus graves que ce gouvernement va mettre en place:
    http://www.lefigaro.fr/entrepreneur/2013/04/10/09007-20130410ARTFIG00989-sylvia-pinel-limite-dans-le-temps-le-regime-de-l-autoentrepreneur.php

    RépondreSupprimer
  6. Il se peut toujours que j'ai tort évidemment, mais il semble de plus en plus évident que le pouvoir n'a pas d'autre solution que de changer la barre radicalement sur le plan économique.

    Première étape (insuffisante) : changer d'objectif. La croissance avant le rétablissement des comptes.

    Deuxième étape (insuffisante encore) : Essayer d'influer sur l'UE en général et l'Allemagne en particulier pour obtenir un changement de cap.

    Troisième étape (nécessaire) : Devant la faiblesse (ou la nullité) des résultats obtenus, défaire l'euro.

    Le rôle de DLR n'est bien sûr pas d'anticiper cette évolution probable mais non certaine, mais d'imposer une pression raisonnée aussi fortement que possible qui aille dans ce sens, comme vous le faites d'ailleurs très bien.

    Penser que l'austéro-delorisme a encore un avenir me paraît cependant très invraisemblable. Il serait assez prudent d'anticiper un minimum la chute de la maison Cahuzac-Moscovici, déjà fort ébranlée. Et la recomposition politique qui s'ensuivra.

    Emmanuel B.

    RépondreSupprimer
  7. Pour pouvoir proposer autre chose que la logique de l'austérité, ou des solutions bâtardes à la Hollande/Moscovici, qui consistent à prôner la rigueur budgétaire sans oser la pousser à fond, tout en réclamant la croissance comme on attend le Messie, il ne suffit pas d'être en mesure de sortir de sa poche un « plan B » économique.

    Quelqu'un a dit un jour de Michel Rocard qu'il ne lui faudrait pas plus de 48h pour disposer d'un plan en vue de gouverner l'Allemagne si d'aventure il en devenait Chancelier… N'importe quel énarque est capable de ce genre d'exploit, puisqu'il suffit d'appliquer des recettes toutes faites qui traînent dans les manuels classiques d'économie ou de sciences politiques. Mais pour sortir la France du marasme dans lequel elle s'enfonce inexorablement, il faudrait tout autre chose : être capable d'une rupture épistémologique.

    Ce n'est donc pas simplement l'ignorance qui explique la formidable inertie apparente des austéritaires, par exemple leur lenteur à rectifier les erreurs dans les prévisions de croissance et le multiplicateur des dépenses budgétaires, mais bien une profonde réticence à sortir des sentiers battus, des fausses évidences et des habitudes de pensée sur lesquelles leur vision du monde s'est structurée.

    Paul Krugman vient d'apporter une preuve supplémentaire du poids de l'attachement à ces clichés en réfutant une fois de plus le mythe construit par Reinhart et Rogoff autour de la limite des 90 % de déficit public à ne pas dépasser sous peines d'entraver la croissance (cf. leur article de 2010 "Growth in a Time of Debt"). Partant de la critique développée dans un remarquable article de Dylan Matthews (http://www.washingtonpost.com/blogs/wonkblog/wp/2013/04/08/why-do-people-hate-deficits/), Krugman en apporte une démonstration empirique à partir de l'analyse de l'évolution de la dette britannique et de la croissance à dix ans dans la période 1950-1990 : celle-ci révèle en effet l'absence totale de corrélation négative entre un taux élevé d'endettement (de 180 % à 100 % dans les années 50) et le taux de croissance de la décennie suivante (http://krugman.blogs.nytimes.com/2013/04/09/deficit-derangement-syndrome).

    Il est malheureusement à craindre que des mythes économiques comme celui construit par Reinhart et Rogoff continueront à surdéterminer la lecture de la crise actuelle tant que celle-ci n'aura pas pris la forme d'un effondrement complet de l'économie européenne. À moins que des pionniers n'engagent auparavant des ruptures radicales susceptibles de mettre en évidence leur inanité complète.

    YPB

    RépondreSupprimer
  8. L'austérité est bien vue des marchés financiers et ils sont au pouvoir. Ils le sont car c'est chez eux que l'argent des états est levé. Ils le sont car ils sont totalement indépendants de la volonté des états tandis que les états doivent se soumettre aux diktats des marchés. L'austérité rassure les maîtres de l'Europe.

    La théorie défendue par les financiers et que si la marché financier va, toute l'économie va. Si les marchés sont haussiers, alors l'économie va bien. L'austérité donne la confiance aux marchés dans les états. Cela doit donc mécaniquement et obligatoirement relancer les investissements des marchés donc la croissance.

    Cette logique est totalement assimilée par le jospino-delorsien de service. Il peut donc tuer le pays pour la croissance. La blague du patient mort en bonne santé prend une nouvelle saveur. Il peut y croire et même être sincère. C'est un échec abominable.

    Après plusieurs années, des gens remarquent, même tout en haut de l'échelle, que ça ne marche pas. La dernière théorie de ces gens est que cette catastrophe est due aux emprunts faits par les états et qu'ils sont totalement innocents de cette catastrophe. Pour résoudre le problème, ils n'ont que l'idée de réduire la taille de l'état. C'est l'appel aux réformes structurelles courageuses et aux hommes d'état d'envergure. Il y a des voix pour déplorer l'absence des seconds et l'impossibilité de mettre les premières en action. Pour ces gens, tout ce que les Grecs, Irlandais, Lettons, Portugais, Chypriotes, Italiens, Espagnols subissent, ce n'est rien. Ils en veulent pour preuve que ça ne marche pas. Il faut donc en exiger plus.

    Ce sera un échec. Il y a et aura des morts à la clé. Je suis épouvanté par l'énormité de l'échec. Hollande est juste un de ces personnages qui vit selon cette logique. Il ne peut pas se dédire (demandez à Cameron de le faire pour voir) sans renier tout ce en quoi il croit.

    Vous croyez en quoi ? Vous ?

    RépondreSupprimer
  9. Si nous sommes réalistes cela est plutôt bon pour nous , laissons faire de toute façon l'inertie est telle que nous n'y pouvons rien et positionnons nous pour la suite des événements c'est la ou il va falloir être subtil pour ramasser la mise , me comprenez vous ?

    RépondreSupprimer
  10. @Laurent Pinsolle,
    Comme d'habitude, Hollande est duplice: il parle toujours de protection sociale et des plus faibles pour mieux les achever. Il sait que son codicille ajouté au TSCG en juin dernier est sans effet, et comme il faut sauver l'euro, en bon bébé-Delors, il va sacrifier notre pays...
    J'espère vraiment (ou plutôt je rêve...) que Todd a raison à propos de Hollande: en clair qu'il va changer radicalement de cap après avoir tout essayé dans le cadre de l'UE: en gros, un anti-1983! Qui de mieux qu'un héritier Delors pour flinguer son oeuvre?

    Autre chose qui risque de menacer les plans d'austérité, et qui démontre pourquoi la mondialisation est nuisible: vous évoquez l'utilisation par le Japon de la planche à billet. Je crois que bien des gens ne saisissent pas vraiment encore l'impact de cette mauvaise nouvelle: le Japon, c'est en terme d'activités économique et industrielle, le frère jumeau de l'Allemagne! Alors, que croyez vous qu'il va arriver lorsque les produits japonais seront massivement exportés dans le monde grâce à un yen pas cher? Ca va être la fin des haricots pour les Allemands, qui vont voir leur part de marché diminuer. En effet, contrairement à la France ou à l'Italie, le "made in Japan" vaut largement le "hergestellt in Deutschland" (sauf pour le luxe, où les deux cousines latines tirent leur épingle du jeu). Bref, la chute du yen est un mauvais coup pour l'Allemagne, et donc pour l'UE car elle va accentuer la récession...


    CVT

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ouaip!
      Il faut commencer à prendre conscience de la cacastrophe qui nous attend. L'Allemagne va souffrir (Bien fait!) énormément dans quelques années et réagira mal, selon Todd et si j'ai bien compris (Voir sa récente intervention sur Médiapart).
      Les élites françaises vont se coucher.
      Le racisme allemand + l'islamophobie ou la lâcheté française = gros problèmes.
      jard

      Supprimer
    2. Todd et dans une moindre mesure Steigler ne sont plus dans le réel c'est le gros problème de ces intellectuels ; et quand Todd insulte les dirigeant du FN tout son système s'effondre redevient un gamin hargneux .

      Supprimer
  11. jard

    Bruno de La Palme : Toutes les conversations que j'ai pu avoir dans tous les secteurs de l'économie française donnent des signes d'alerte. Les jeunes diplômés fuient en masse. Nous perdons des cerveaux, une génération entière s’en va et nous risquons de ne jamais la revoir. C’est une véritable hémorragie.

    En savoir plus sur http://www.atlantico.fr/decryptage/handicapes-reel-quand-gauche-comprendra-t-elle-que-faire-morale-sans-se-soucier-efficacite-jamais-tenu-lieu-programme-politique-694306.html#s2s793hHYvGKjmbu.99

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Et ca ne derange pas vraiment nos "pères la rigueur" de voir nos dépenses d’éducation gaspillées de cette façon.

      Supprimer
  12. Si par arrêter l'austérité on veut dire stopper la pression fiscale, je dis oui !

    Si par stopper l'austérité on veut dire stopper les baisses de dépenses publiques et relancer justement avec de la dépenses publique (voir rajouter à ça de la dévaluation), je dis NON !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Et qu'on ne me dise pas que l'UE et l'euro poussent à cette politique d'austérité + hausse des impôts. Ils (principalement l'Allemagne, garant) veulent seulement le ménage dans les comptes publics pour retrouver un équilibre, ils ne demandent en aucun cas de le faire en étouffant les citoyens sous des tonnes d'impôts. C'est le manque de courage de nos élus qui les poussent à retarder les réformes, c'est plus simple d'augmenter la fiscalité que de réformer structurellement (surtout pour un élu de gauche d'ailleurs). Qu'on se le dise !

      Supprimer
    2. Reforme c'est un magnifique mot valise nos ancêtres socialistes les gaulois en parlaient déjà avant 1914 ; nous nous promenons sur une boucle de Möbius

      Supprimer
  13. @ Le Gars Huzac & Olaf

    Bien d’accord

    Sur l’euro, cela craque de partout : pays créditeurs ou débiteurs. Qui partira le premier ?

    @ Fiorino

    Plus grave ? Pas sûr.

    @ Emmanuel B

    Le hollandisme révolutionnaire pourrait-il apparaître. Je n’y crois toujours pas. Cette séquence me le confirme. Et je ne crois pas qu’ils laisseront tomber les 3% pour 2014, ce qui leur fera un nouveau budget d’austérité. Pour l’instant certes, cela se passe comme Todd le prévoyait, mais je ne crois pas une seconde à un retournement.

    Sur la 1ère étape et la 2ème étape, vous êtes gentil. Il s’agit juste d’agitation verbale…

    @ YPB

    Merci pour cette très bonne étude.

    @ Anonyme

    100% d’accord.

    @ CVT

    Très juste. Cela va un peu affaiblir l’Allemagne, mais les ventes des BMW, Mercedes et Audi continueront à progresser partout ailleurs dans le monde…

    @ Jard

    Difficile de dire ce que cela va produire.

    @ JeanP

    Mais les deux sont suicidaires dans le contexte actuel. Il faut réserver les économies aux phases de croissance, sinon on entre dans la dépression. Je ne critique pas l’Allemagne qui joue sa partition dans un cadre que nous avons largement contribué à construire (euro et UE)

    RépondreSupprimer