samedi 20 avril 2013

Que penser des 15 ans de pause dans le réchauffement climatique ?


The Economist est un avocat de la lutte contre le réchauffement climatique. Ses positions sont équilibrées et pragmatiques. Dans un récent dossier, il a montré que le réchauffement de la planète semble avoir atteint un plateau depuis 15 ans, en contradiction avec les modèles sur lesquels nous nous basons.

Quand le réchauffement fait une pause



Le graphique publié par l’hebdomadaire britannique est très clair : alors que la température moyenne de la planète s’était élevée de manière régulière dans les années 1980 et 1990, un plateau semble avoir été atteint depuis. Pourtant, la quantité de dioxyde de carbone émise par l’homme a augmenté de plus d’un tiers. Plus préoccupant pour les scientifiques qui travaillent sur la question, la température moyenne de la planète est en train de sortir de l’intervalle de confiance à 90% des modèles construits par le GIEC, et qui vont devoir logiquement être sérieusement remis en question.

Ces modèles, dont les prévisions seront revues pour le mois de septembre, prévoyaient un réchauffement de 3°C, un niveau susceptible de provoquer de grandes catastrophes (sècheresses, famines, cyclones, élévation du niveau de la mer). Mais depuis, des scientifiques de Norvège et du Japon ont fait des prévisions moins alarmistes, entre 1,6 et 2,3°C. La possibilité d’un réchauffement de 3°C devenant un scénario extrême (au lieu des 4,5°C du scénario officiel du GIEC).

The Economist décrit les hypothèses des scientifiques pour expliquer de tels écarts. Il évoque les effets de la suie, sujet à controverse, tout comme ceux des nuages, qui pourraient avoir été surévalués. D’autres évoquent le rôle de l’océan, qui pourrait avoir stocké une partie du réchauffement dans ses profondeurs. The Economist souligne que les modèles les plus simples semblent aujourd’hui avoir raison : ils anticipent un réchauffement de 2°C d’ici la fin du siècle.

Que faut-il faire, par conséquent ?

Le premier intérêt de ce débat est de montrer que les vérités scientifiques peuvent varier dans le temps. Mais comme le soutient The Economist, même si les hypothèses actuelles sont moins alarmantes, tant que nous n’avons pas pleinement compris ce qui se passe, il convient d’être prudent car les hypothèses hautes de réchauffement (de 3 à 4°C) n’en restent pas moins extrêmement inquiétantes pour l’humanité et la planète. Du coup, il convient d’agir sans tarder.

En outre, il ne faut pas oublier qu’il est probable que l’humanité relâche plus de carbone que prévu dans l’atmosphère à l’avenir étant donnée l’augmentation de la production d’hydrocarbures. En effet, la hausse de leur prix a permis de mettre en chantier de nouveaux gisements (schistes bitumeux et gaz de schistes aux Etats-Unis, sables bitumeux au Canada, mais aussi des gisements sous-marins très profonds), qui ont permis une envolée de la production étasunienne, au point que, contre toutes les prévisions, ils devraient reprendre leur place de premier producteur mondial dès 2017.



Bref, le contexte actuel est à un relâchement des efforts de maîtrise de la consommation des hydrocarbures. Et c’est une double erreur. Une erreur environnementale car tous les effets en restent mal connus et que la pollution générée provoque même des débats en Chine. Mais c’est aussi une erreur stratégique car ces ressources sont non renouvelables et il convient donc de préparer la transition énergétique qui aura lieu de toutes les façons, même si les progrès de la technique (attisés par les immenses profits dégagés dans l’énergie) nous donnent plus de temps.

Bonne nouvelle : le réchauffement climatique a des chances d’être moins sévère que prévu. Mais cela ne nous exonère pas d’un effort urgent pour préparer la transition énergétique, par l’instauration d’une taxe carbone progressive et universelle et l’investissement dans les énergies renouvelables.

21 commentaires:

  1. Je ne vois pas comment on peut faire des prévisions à long terme si l'on n'est pas capable d'expliquer l'évolution depuis 15 ans.

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    1. Parce que les phénomènes mis en jeu au différentes échelles de temps ne sont pas les mêmes. C'est un peu compliqué à expliquer en quelques mots et sans avoir les équations et les ordres de grandeur sous les yeux.
      Pour faire simple, disons, que si vous vous intéressez au temps qu'il fera cet après midi, les éléments prédominants comprennent principalement le vent. Mais si vous vous intéressez à ce qui se passera dans un siècle le vent n'a aucune importance (il aura eu le temps de souffler dans toutes les directions d'ici là), le facteur dominant est le comportement de l'océan. A chaque échelle de temps correspond un phénomène dominant différent, mais ces phénomènes ne sont pas tous de même nature : certain sont chaotiques, d'autres très réguliers (comme l'océan, ou encore plus, le soleil). Du coup il est facile de faire des prévisions aux horizons temporels où la régularité prédomine et difficile d'en faire aux horizons temporels où le chaos prédomine.
      C'est pour ça qu'on peut faire des prédiction météo pour demain et des prédiction climatiques pour dans un siècle, mais pas à un horizon temporel entre les deux.
      En tout cas c'est l'explication qui me revient en repensant à mes cours de dynamique atmosphérique.

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  2. La taxe carbone et l'investissement dans les énergie renouvelable c'est un pistolet a eau contre un rhinocéros qui charge c'est vrai que celui ci a une fable vue nous pouvons essayer de faire un pas de côté

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  3. L'évaluation du réchauffement est assez embryonnaire et ses causes encore plus.

    En revanche l'acidification des océans due au CO2 est peut être le problème le plus imminent, même Allègre, pas un écolo forcené, le reconnait. Ce qui ne signifie pas forcément que les activités humaines en soient l'origine. Les variations naturelles du climat sont peut être bien plus importantes que l'influence anthropique. Beaucoup oublient que les rivages de la Charente-Maritime étaient très différents il y a peu de siècles.

    Mais là aussi, il faut investir massivement dans la recherche pour trouver des alternatives.
    Tant les métiers de la finance seront les plus valorisés au détriment de la recherche, les progrès nécessaires seront lents.

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  4. Les aléas du réchauffement climatique n'ôtent rien à la nécessite d'une transition énergétique, ne serait-ce qu'à cause des conséquences pour la santé des particules rejetées par leur combustion. C'est un problème peu médiatisé (sauf un peu quand le gouvernement cherche de l'argent de poche) mais considérablement plus immédiats que le "réchauffement". j'avais lu quelque part que la pollution urbaine était responsable de 15 000 morts par an.
    Le progrès technique est déjà bien avancé, comme le montre la réduction de consommation obtenue sur les voitures hybrides. En matière de construction aussi des techniques sont disponible pour renforcer l'isolation et l'inertie des bâtiments. La technologie progresse très rapidement en matière de panneaux solaires... Mais la diffusion de toutes ces technologies est ralenti par le niveau encore comparativement bas des hydrocarbures et l'inertie, au-delà des discours, des gouvernements. Une politique volontariste pourrait être engagée, mais il faudrait au préalable s'affranchir des blocages néolibéraux.Un exemple : le marché des quotas d'émission de carbone vient de s'effondrer. On a préféré simuler un marché artificiel - vite saisi par la spéculation. Des normes et des taxes locales, protégées si nécessaire par des droits de douanes, seraient beaucoup plus efficaces. Autre exemple :le gouvernement prétend réduire l'usage de diesel par un alignement de ses taxes sur celles (énormes) de l'essence. Or le parc automobile ne se renouvelle que lentement et le choix essence/diesel engage des anticipations sur l'état futur des prix que l'incohérence des politiques rend particulièrement difficile (il y a à peine trois ans les modèles diesel étaient massivement "bonusés" par le précédent gouvernement !). En réalité, l'inefficacité de cette taxation est connue du gouvernement : elle est conçue pour augmenter les prélèvements, pas pour réduire la consommation de diesel, avec l'aide de ses idiots utiles écolos. Si, en revanche, on voulait sérieusement s'attaquer au problème de la pollution automobile la solution est connue : des normes impératives et des bonus/malus sur les véhicules neufs - y compris les camions.

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    1. Comme je l'ai écrit plus bas, l'idée de sortir de l'euro n'est pas le plus mauvaise de ce point de vue là. Il y aurait un renchérissement des énergies fossiles importées de 20% au bas mot et une nécessité à s'adapter et donc une meilleure acceptation des normes impératives...

      En revanche, la récupération d'une indépendance monétaire permettrait d'investir massivement (et à bas prix) là où des gains de consommation important peuvent être assez facilement atteint : l'isolation des bâtiments par exemple, d'autant plus que le gisement d'emploi est énorme et local. On pourrait aussi financer les transports publiques, etc...

      >> http://www.negawatt.org/

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  5. @Joël
    Globalement d'accord. Mais en ce qui concerne les normes impératives et les bonus malus, les constructeurs ont besoin de savoir où ils vont. Il vaut donc mieux me semble t-il partir de ce qui existe et "normaliser" une réduction de 5% (ou X%) chaque 5 années sur le seuil atteint au terme de chaque période.

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  6. Il ne faut pas oublier non plus qu'avec les énergies renouvelables, la France peut retrouver une partie de son indépendance énergétique ( marée motrice, éolien, solaire, biomasse, etc...). Alors que nous sommes nécessairement dépendants quand on utilise de l'énergie fossile ou du nucléaire ( si nous n'avions pas besoin d'uranium nigérien, nous ne serions jamais allé faire la guerre au Mali). Or, pour une nation l'indépendance énergétique ainsi que l'indépendance alimentaire sont absolument essentielles.

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  7. Très marrant l’éolien allez voir au Danemark cela sert surtout a produire du co2 ; entre le renouvelable et le fossile nous ne sommes pas a la même échelle de production il faut absolument arrêter de faire rêver nos concitoyens avec cela .Si nous voulons nous en sortir sur le long terme il n'y a pas d'autres solutions que la sobriété et la réduction de la marée humaine

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    1. Mythe tenace de la surpopulation

      La transition démographique est bien plus amorcée que la transition énergétique
      http://www.monde-diplomatique.fr/2011/06/DUMONT/20659

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  8. Entièrement d'accord avec vous Mr Lamy. La surpopulation, combinée avec une trop grosse consommation d'énergie et de matière non recyclée, dont une partie infime produit la nourriture pour les autres, le tout me semble former une équation insolvable.

    L'ennui, c'est que le modèle économique actuel nous pousse dans cette direction. En général, ça finit par une diminution drastique de la population. (Voir l'île de St Matthew et ses rennes). Les mathématiciens dans les systèmes non-linéaires aiment bien modéliser ce phénomène car c'est un bon exemple d'application du cours :D

    Quand au GIEC, il a été supposé (en 2010 je crois) par Vincent Courtillot que son modèle était simplement mauvais. Je vous donne le lien: http://www.dailymotion.com/video/xdklsb_vincent-courtillot-les-erreurs-du-g_news#.UXKp_sqmf5N.

    Bien évidemment, avec le peu de mesures dont nous disposons et la difficulté du problème posé (le réchauffement climatique), il est impossible de savoir quel modèle est bon ou pas.

    GB

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    1. On arrete de convoquer Courtillot et Allègre pour nier le réchauffement climatique c le comble du ridicule

      L'article par contre donne des sources intéressantes

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  9. bonjour,
    juste une question, quand vous dites que la chaleur du réchauffement climatique se trouverait dans le fond des océans,
    comment la chaleur est passée de l'air ambiant au dessus de l'ocean pour passé de la surface de l'eau jusqu'au fond?
    curieux que personne n'est rien mesuré, non?

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    1. @Anonyme
      Je suppose que c'est dû à la loi de Fourier. La chaleur diffuse des corps chauds vers les corps froids. L'océan qui est froid reçoit donc de la chaleur de l'atmosphère, ce qui fait augmenter sa température. L'atmosphère ayant envoyé de la chaleur vers l'océan, sa température est moins élevée que prévu.

      Il y a sans doute d'autres phénomènes en jeu, du genre absorption du rayonnement solaire par l'eau, etc...

      Quant aux mesures, il faut regarder les relevés de température pris dans l'océan.

      Notez qu'en physique, chaleur et température sont des termes bien distincts. La chaleur est une énergie, la température est une différence de potentiel. Souvent, c'est en mesurant la différence de température entre deux instants qu'on en déduit le transfert de chaleur d'un corps à un autre.

      Dans le cas présent, c'est extrêmement compliqué car l'océan est un fluide en contact avec l'atmosphère et la terre, qui "bouge" à cause des courants marins et dont la concentration en certains éléments varie dans l'espace et le temps. Un vrai casse-tête.

      GB

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    2. Les échanges de température à grande échelle dans les océans se font au niveau de la circulation thermohaline :

      http://fr.wikipedia.org/wiki/Circulation_thermohaline

      Vous pouvez aussi regarder du côté de phénomènes complexes comme El niño ou La niña

      >> http://fr.wikipedia.org/wiki/El_Ni%C3%B1o
      >> http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Ni%C3%B1a_%28m%C3%A9t%C3%A9orologie%29

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  10. Pour se faire une idée de la situation, il est intéressant de regarder le temps long et là, les concentration en dioxyde de carbone n'ont jamais été aussi élevées et les températures rarement aussi hautes. Ceci dit, bonne nouvelle, après chaque phase de réchauffement, généralement assez courte, suit toujours une phase de glaciation, généralement beaucoup plus longue....

    >> http://www.les-crises.fr/climat-8-analyse-rechauffement/

    Seulement, à cette date, on sera tous morts !

    Donc en ce qui nous concerne, si vous souhaitez être écologiquement et économiquement cohérent jusqu'au bout, sortir de l'euro va nous aider à la transition énergétique en relevant mécaniquement les prix des énergies fossiles importées. Sortir de l'euro, c'est une taxe carbone de 20% minimum avec cet avantage : cela donnera un signal de long terme aux entreprises qui devront faire en sorte de s'adapter, idem pour les ménages. Politiquement, en revanche, ce n'est pas si simple à gérer... Mal préparée, la sortie risque de creuser le déficit commercial à court terme et tuer dans l’œuf toute tentative de réindustrialisation...

    >> http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/04/18/le-deficit-commercial-du-japon-explose_3161623_3234.html

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    1. C là que je ne comprends pas

      Le mois de mai a été le plus chaud de l'histoire à l'échelle globale et pourtant The Economist sort ces données

      http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/06/21/mai-2013-une-france-glaciale-dans-un-monde-chaud_3434403_3244.html

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  11. Très drôle également la taxe carbone cela me fait penser aux frontières qui arrêtent les rayonnements ionisants

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  12. @ Anonyme

    On peut quand même dire des choses car d’autres modèles étaient dans le vrai (des modèles dits « top down », plus globaux, et non « bottom up », plus détaillés)

    @ Anonyme

    Merci pour ces précisions

    @ Olaf

    Très juste

    @ J Halpern

    Bien d’accord. Le marché des droits à polluer était une erreur.

    @ A-J H

    Très juste. Il faut mettre en place des normes en précisant leur évolution sur 10 à 20 ans de manière à permettre aux industriels d’investir.

    @ Sylvène

    Bien d’accord sur l’indépendance nationale

    @ Patrice

    Je ne suis pas spécialiste, mais il est clair que l’éolien et le solaire ne sont pas sans poser de problèmes (production non continue, qui impose d’avoir d’autres capacités de production quand il n’y a pas de soleil ou de vent).

    La taxe carbone (qui ne doit pas pénaliser le pouvoir d’achat des classes populaires, et doit donc faire partie d’une réforme globale), si elle est appliquée dans un espace économique assez important (l’Europe) peut pousser les industriels de la planète à produire plus écologique.

    @ Anonyme

    Je ne suis pas spécialiste. The Economist ne précise pas pourquoi, ils parlent juste de la chaleur sous les 700 m de profondeur.

    @ GB

    Merci pour ces précisions.

    @ Ovide

    Merci pour ces précisions.

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  13. La grosse arnaque du réchauffement climatique dû à l'activité humaine devient impossible à maquiller. Il est bon d'écouter les conférences de Vincent Courtillot (Institut du Globe) qui pose le problème dans l'autre sens: c'est l'activité solaire qui détermine la température globale et la température globale détermine la concentration de CO2 relargué par les océans. Le tout assez bien étayé et beaucoup moins alambiqué que les conjectures giecquesques. Bien évidemment, cela lui a valu d'être traité de négationniste.

    Concernant la transition énergétique, encore faut-il avoir de quoi changer. Le débat sur le nucléaire pourrait avoir lieu en allant au fond des choses et en mettant tout sur la table. Mais il est à noter que la plupart des gens qui sont contre n'y connaissent rien du tout et défendent comme par hasard des projets dont l'aboutissement va toujours dans le même sens: déclasser la France.

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  14. Considérer la démographie mondiale surtout. Seul le développement en écartant les intérêts particuliers pourront y pourvoir. La coopération est une composante importante, culturelle aussi qui diminuera ce cycle infernal. Ressources, temps mieux réparti et lutte contre l'oisiveté. Quant à la taxe carbone, je doute des taxes et privilégie une économie mieux réfléchit et adaptée. E Roux à Laurent et les participants.

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