dimanche 12 mai 2013

Le scandale du poisson transgénique


Fin avril, la FDA a ouvert une consultation publique pour la commercialisation d’un saumon doublement modifié génétiquement. Cela a déclenché une énorme polémique et une forte opposition des citoyens. Encore une fois, l’appât du gain amène à prendre des décisions plus que contestables.

Le saumon Frankenstein ?



La consultation ouverte par l’agence de régulation de l’alimentation aux Etats-Unis concerne un poisson qui a subi deux modifications génétiques. La société AquaBounty Technologies lui a adjoint un « premier code pour une hormone de croissance normalement présente chez le saumon royal de l’océan Pacifique ; le second, issu d’une anguille, doit faire grandir le saumon tout au long de l’année, même lors de la saison froide alors que la croissance se met d’ordinaire en pause ». En clair, ils « deviennent adultes en deux fois moins de temps (…), dix-huit mois au lieu de trois ans ».

C’est bien la quête de profit qui anime Aquabounty. En soit, ce n’est pas forcément un mal. C’est aussi un des moteurs qui a permis bien des progrès. Néanmoins, il ne faut jamais oublier que cette quête de profits peut aussi faire oublier la plus élémentaire prudence, comme on a pu voir avec les farines animales (à nouveau autorisées par l’UE) ou les OGM. Deuxième problème : les consommateurs ne seront pas informés de l’origine du poisson, à savoir qu’il ne sera pas obligatoire d’indiquer si les saumons vendus sont modifiés génétiquement ou pas, ce qui est totalement anormal.

Ensuite, pour éviter d’affecter les populations sauvages, il ne doit être élevé que dans des bassins sur terre et ne comporter que des femelles stériles. Mais « la FDA indique que seulement 95% des saumons pourraient être stériles, le reste étant fertile », créant un risque de dissémination. Et, comme le rapporte le Monde, « les tests ont conclu à des taux d’hormones de croissance 40% supérieurs et un potentiel allergénique 20 à 50% plus importants que les saumons normaux ». Enfin, la plupart des tests évoqués semblent bien trop courts pour assurer l’innocuité à moyen terme.

Du besoin d’un débat public

Il est vraiment malheureux que nos gouvernements ne s’emparent pas assez du sujet, se contentant de sous-traiter à des agences des décisions éminemment politiques et qui devraient nécessiter une très large concertation et une bien plus grande transparence qu’aujourd’hui, où l’on a l’impression que seul le profit et les lobbys mènent la danse. Nous devrions débattre des méthodes de tests pour assurer une innocuité à long terme de ces innovations technologiques. Certaines sont peut-être intéressantes, mais aujourd’hui, avec Monsanto, le profit semble la seule boussole qui compte.

A ce titre, la couverture de ce débat pose aussi problème. Il est assez effarant de voir la différence de traitement de l’information entre le Monde et les Echos. Alors que le quotidien vespéral donne un compte-rendu équilibré, qui donne la parole aux deux partis, soulignant les précautions prises et rappelant que cette variété de saumon a presque 20 ans, les Echos font un compte-rendu moins complet et un peu biaisé en ne parlant que d’une modification génétique au lieu de deux, en disant qu’il faut deux ans à un saumon pour devenir adulte et non trois et en taisant une partie de la critique.

Aujourd’hui, le manque de transparence du débat, qui s’effectue entre experts, dont certains peuvent être sous l’influence des lobbys, et le manque d’intérêt des gouvernements poussent légitimement les citoyens à la méfiance. Et cela est bien logique après les graves dérapages des farines animales ou des pesticides tueurs d’abeille qui viennent enfin d’être interdits. Pire, des cochons et des poulets modifiés sont aujourd’hui dans les tuyaux des scientifiques et les OGM ont envahi les cultures à une vitesse bien trop rapide pour s’assurer de leur innocuité à long terme, ce qui devrait être le seul juge.

L’innovation technologique a beaucoup apporté à l’humanité. Mais en de trop nombreuses occasions, les risques avaient été sous-estimés. Et quand il s’agit d’alimentation, nous devrions redoubler d’attention. Il est à craindre que les sommes en jeu ne poussent pas à cela….

4 commentaires:

  1. Le comportement du journal Les Echos n'est pas étonnant pour un media de Bernard Arnaud...

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  2. A quand des poissons carrés avec des yeux sur les côtés qu'il suffira de pêcher et de mettre en boîte ?

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  3. Moi qui ne m'étais jamais intéressé aux OGM, naturellement contre, j'ai été étonné des arguments pro-OGM. Tout n'est pas si noir ou si blanc quand on s'y intéresse.

    Sur les animaux je suis contre, résolument. Mais sur les cultures, je n'ai plus de certitudes (et il faut séparer le débat sur la science, nature, intérêt, avantages ou dangers... du débat sur la commercialisation, l’étiquetage, les monopoles des firmes etc)

    OGM ou pas OGM, chaque produit devrait avoir une étiquette ultra-complète sur son origine, ses composants etc, pour que le consommateur choisisse en toute connaissance de cause.

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  4. @ JP

    En effet, je pense qu’il faut de la transparence. L’opacité actuelle tend à accréditer la méfiance naturelle (et globalement légitime) des peuples.

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