samedi 11 mai 2013

Grèce, Irlande, Portugal, Italie, banques : vers le grand défaut ?


Comme le montre la crise que nous traversons depuis maintenant cinq ans, la zone euro est profondément dysfonctionnelle. Cela aboutira tôt ou tard par le démontage de la monnaie unique. Et il y a fort à parier que le facteur déclencheur sera le défaut désordonné d’un Etat ou d’une banque.



Le château de cartes grandit

Depuis plus de cinq ans avec Bear Sterns et trois ans avec la Grèce, les Etats conçoivent des plans dits de sauvetage des banques ou d’autres Etats. La Grande-Bretagne, les Etats-Unis et l’Irlande ont été contraints de nationaliser de grandes institutions financières pour éviter leur effondrement, même si cela représente un prix très élevé pour la collectivité. Mais, ce faisant, les dettes du passé n’ont pas disparues. Elles ont juste changé de mains et gonflé furieusement le passif de ces Etats…

Si la situaiton des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne est gérable, du faible d’une dette publique autour de 90% du PIB, et surtout de la monétisation d’une partie importante de la dette par leur banque centrale respective, la situation est tout autre pour l’Irlande. Voici un pays qui affichait une dette publique de moins de 40% du PIB en 2007 et qui atteint aujourd’hui 120% ! Certes, le pays a bénéficié d’une aide discrète, mais importante de la BCE (qui a monétisé près de 20% de sa monnaie), mais il est tout sauf évident que Dublin pourra honorer sa dette dans les conditions actuelles.

La situation est également très préoccupante au Portugal, qui affiche une dette publique supérieure à 100% du PIB, ou en Italie (130% du PIB de dette). En outre, les nouveaux mécanismes européens ont ajouté de la dette à la dette, comme le rapporte ce papier de BFM, qui rappelle que Paris est déjà engagé à hauteur de 69 milliards… Tout le problème dans la zone euro est qu’il n’y a pas la soupape de la monétisation par la banque centrale, qui permet d’alléger le fardeau des Etats.

Eviter un défaut désordonné

En fait, nous vivons depuis 5 ans dans un immense shéma de Ponzi, qui finira par exploser. Car l’addition de la récession et des déficits rend la situation intenable. La récession (et une inflation très faible) ne permet pas de réduire le poids de la dette par la croissance, tout en compliquant la réduction des déficits. Et les efforts de réductions des déficits accentuent la récession, n’améliorant que marginalement le niveau des déficits, comme même le FMI le reconnaît. Et pendant ce temps, le poids des dettes enfle, sans recours possible auprès de la BCE au niveau de la zone euro.

Mais parce que les dirigeants politiques et les eurocrates ne veulent pas reconnaître leurs erreurs, ils continuent à essayer de faire fonctionner le système en transférant les dettes des uns sur les autres, d’où les multiples « plans de sauvetage » aux états (Grèce, Irlande, Portugal, Espagne, Chypre) et aux banques (Irlande, Dexia en France, Italie, Espagne). Bien sûr, de temps en temps, le principe de réalité impose une restructuration, comme cela a déjà été fait par deux fois en Grèce, mais cela revient aussi à déplacer l’incendie comme on a pu le voir avec les banques grecques et Chypre.

La récession produit une explosion des créances douteuses, comme le rapporte ce papier des Echos sur les banques italiennes, ou comme l’avait noté The Economist pour les banques espagnoles. Bref, l’ensemble du système tient encore grâce aux faibles taux, à l’action des banques centrales et l’afflux des liquidités, qui facilite le financement de ces montagnes de dettes, mais tout ceci ne tient que grâce à une confiance dont on a vu depuis 2008 qu’elle peut être très friable.

La question n’est pas de savoir s’il y aura des défauts mais quand et qui sera touché. Le moindre grain de sable peut déclencher une nouvelle crise encore plus violente qu’en 2008. Les mauvais choix monétaires (monnaie unique, monétisation au seul service des banques) et l’austérité nous y mènent…

7 commentaires:

  1. Il n'est pas inutile de savoir comme je l'ai appris hier par le site en ligne "Atlantico.fr" que Mario Soarès, l'ancien président portugais, s'est prononcé le 12 avril dernier pour un défaut complet sur la dette souveraine de son pays. Avec la déclaration de l'ancien dirigeant allemand SPD Oscar Lafontaine le 30 avril pour un retour à un SME élargi donc fin de l'euro c'est donc 2 anciens partisans de l'euro et des oligarques éminents qui avouent l'échec du système euro et en préconisent plus ou moins implicitement sa fin. Nos idées avancent, peut-être trop lentement, mais je crains que cela ne se fasse dans les pires conditions.

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  2. La France, mauvaise élève de l’Europe ? (selon un certain Jacob Funk Kirkegaard qui reproche à la France de ne pas en faire assez en matière de réformes) :

    http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/0202755899316-la-france-mauvaise-eleve-de-l-europe-565431.php

    La Grèce, l’Espagne, l’Italie, le Portugal, en font beaucoup plus que la France en matière de réformes et on voit où ils en sont aujourd’hui. Ils sembleraient que ces experts n’aient pas compris la difficulté de réussir une politique d’ajustement dans le contexte institutionnel particulier de la zone euro. Le Royaume-Uni, un autre pays en crise économique grave, est lui aussi engagé dans une politique d’austérité, avec quelques résultats. Voir par exemple cette actualité en date du 9 Mai 2013 qui précise: « Hausse plus importante que prévu de la production industrielle au Royaume-Uni. La production industrielle du Royaume-Uni a enregistré une progression supérieure aux attentes en mars, a annoncé ce jeudi 9 mai l'Office des statistiques nationales (ONS). La production industrielle a progressé de 0,7% sur un mois alors que les économistes tablaient sur 0,4%, selon le consensus. La composante manufacturière a pour sa part augmenté de 1,1% alors que les économistes tablaient sur une hausse de 0,2%. Sur l'ensemble du premier trimestre, la production industrielle a progressé de 0,2% par rapport au trimestre précédent, ce qui a aidé le pays à éviter sa troisième récession depuis le début de la crise en 2008 ».

    http://www.bfmtv.com/economie/hausse-plus-importante-prevu-production-industrielle-royaume-uni-511018.html

    Si La production industrielle britannique est en hausse de 0,7% au mois de mars 2013, elle est en baisse de 0,9% en France durant la même période :

    http://www.rtl.fr/actualites/info/article/france-baisse-de-la-production-industrielle-7761161500

    Si ça se passe un peu mieux au Royaume-Uni, ce n’est pas pour rien. Le Royaume-Uni n’est pas dans la zone euro et a donc les moyens d’atténuer les effets négatifs d’une politique de l’offre pour les raisons détaillées par les liens suivants :

    1 - Royaume-Uni et zone euro : des modèles aujourd'hui complètement opposés : que va-t-il se passer ?

    http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=69662

    2 - ROYAUME-UNI:EN MEILLEURE FORME QUE LA ZONE EURO?

    http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=69746

    3 - L'assouplissement quantitatif dans les attributions de la BoE (actualité du 20 Mars 2013) :

    http://www.capital.fr/bourse/actualites/l-assouplissement-quantitatif-dans-les-attributions-de-la-boe-821168

    4 - La Banque d'Angleterre renforce son mécanisme de soutien aux PME (actualité du 24 avril 2013) :

    http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-europeenne/20130424trib000761477/la-banque-d-angleterre-renforce-son-mecanisme-de-soutien-aux-pme.html

    Cette effarante dette britannique dont se soucient peu les agences de notation (publication du 23 janvier 2012). Citation : « Surtout, le Royaume-Uni dispose d’une marge de manœuvre supérieure aux autres pays de la zone euro dans la mesure où il a conservé sa monnaie et a la haute main sur sa politique monétaire et fiscale. En outre, l’indépendance de la Banque d’Angleterre est un atout considérable pour le Royaume-Uni. »

    http://www.atlantico.fr/decryptage/dette-francaise-royaume-uni-deficits-sophie-loussouarn-272726.html?page=0,1

    5- Le pari de Cameron : politique de l'offre contre récession (publication du 21 mars 2013) :

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/03/21/le-pari-de-cameron-politique-de-l-offre-contre-recession_1851526_3232.html

    Mais la France est dans la zone euro. Une politique de l’offre prononcée aurait les mêmes effets dévastateurs qu’en Grèce, au Portugal, en Espagne, etc., surtout que chacun de ces pays de la zone euro doit faire une politique de l’offre en même temps que les autres. Une folie.

    Saul

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  3. L'attitude des dirigeants et des eurocrates ressemble au comportement du commandant d'un bateau, victime d'avaries graves et répétées, qui continuerait à faire route en pleine mer vers un eldorado mythique. Des risques avérés, des moyens insuffisants pour un résultat incertain. Esprit d'aventure ou insconscience pure et simple ?

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  4. Et encore, tout ça n'est rien en comparaison de la bulle bancaire allemande, qui est sans doute l'une des plus menaçantes d'Europe (avec celle de la France) : https://www.facebook.com/notes/les-chômeurs-ont-le-droit-de-grève/pourquoi-le-chômage-allemand-doit-rester-bas/520884961312625

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  5. Défaut de qui? Défaut de quoi?
    D’où vient l'argent qui nous est prété par les "marchés"? Il est créé de toutes pièces par la BCE et appartient donc aux peuples de la zône euro et à personne d'autre. Il est temps que cesse ce système mafieux qui nous oblige à verser un intérêt sur notre propre argent. Soit la BCE fait parvenir des liquidités directement aux états (et c'est ce qu'elle aurait toujours dû faire)soit on se retire de ce "machin".

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  6. Les banques européennes ont dans leurs livres 1500 milliards d'euros d'actifs pourris.

    Les banques européennes sont devenues des banques zombies.

    Comment dézombifier les banques européennes ?

    Réponse : en faisant subir des pertes énormes à tout le monde.

    Les banques vont subir des pertes énormes, les actionnaires aussi, les épargnants aussi, les Etats européens aussi.

    Lisez cet article :

    "La restructuration des banques d'après le modèle chypriote pourrait débuter dès septembre"

    La zone euro est en récession et elle doit encore s’attendre à deux ou 3 ans de récession suivie d’une relance molle, même si les politiciens de la zone euro prennent les bonnes décisions, estime Willem Buiter, l’Economiste en Chef de la Banque Citigroup dans le Financial Times.

    Il explique que c’est l’endettement excessif qui est à l’origine de la crise : celui des banques « zombies » qui ont abusé de l’effet de levier, et se sont trop endettées pour accorder des crédits sans veiller à détenir une proportion suffisante de dépôts en contrepartie, celui des Etats souverains qui ont abusé de l’endettement et des déficits dans la périphérie de la zone, et celui des ménages surendettés dans beaucoup de pays.

    Le retour à la croissance est conditionné par le désendettement de ces agents, mais il ne faut pas s’attendre à ce que la BCE accepte de générer de l’inflation pour le faciliter.

    Ce désendettement passera donc par des restructurations et la mutualisation des dettes, mais sans que celle-ci passe par des euro-bonds, qui nécessiteraient une intégration fiscale plus importante. Une partie sera réalisée par l’interruption du paiement d’intérêts sur la dette, une autre par la prise en charge par la BCE des pertes relatives à la faillite d’Etats et de banques insolvables, mais cela ne suffira pas.

    Le reste proviendra donc probablement d’une restructuration selon le modèle chypriote, d’après lequel les grands épargnants sont mis à contribution, plutôt que les contribuables de la zone euro. Dès la mise en place d’un mécanisme de supervision des banques de la zone euro, le MES pourrait être utilisé pour recapitaliser directement les banques. Les dirigeants européens pourraient décider d'initier ce programme juste après les élections allemandes en Septembre, pense Buiter.

    « La BCE va bientôt commencer un examen de la qualité des actifs (AQR pour Asset Quality Review) de la zone euro, qui sera réalisée par des experts indépendants, sans l’interférence excessive de superviseurs prisonniers de l’avis de leur pays. D’ici la fin de cette année, la boîte à outils institutionnelle et informationnelle pour « dézombifier » le système bancaire de la zone euro pourrait être en place », écrit Buiter.

    Les restructurations de dettes ne seront plus confinées à la Grèce, et l’on pourrait assister à la mise à contribution de créanciers privés à Chypre, au Portugal, en Espagne, mais également potentiellement en Italie, en raison de l’incapacité apparente de la classe politique à décider les réformes structurelles qui s’imposent.

    Des banques, des ménages et des Etats subiront donc des pertes, mais ces pertes seront inférieures à celles qui pourraient survenir en cas de procrastination, conclut Buiter.

    http://www.express.be/business/fr/economy/la-restructuration-des-banques-dapres-le-modle-chypriote-pourrait-debuter-ds-septembre/190199.htm

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  7. @ Cording

    Merci pour l’information. Je l’avais ratée. Très intéressant en effet.

    @ Saul

    Merci pour tous ces liens. Après, les statistiques mensuelles n’ont pas de sens important seules. Il faut regarder sur un an pour voir une vraie tendance. La situation de la GB est complexe puisqu’elle va à peu près aussi mal que la zone euro, mais en fait, c’est la politique globale d’assouplissement monétaire qui compense les conséquences de l’effondrement financier (-100 000 emplois dans la City).

    @ Anonymes

    Les deux (aventure et inconscience). Encore une bulle…

    @ Cliquet

    Très juste. Et pas seulement de la BCE, mais aussi des banques privées.

    @ BA

    Merci pour l’article.

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