dimanche 19 mai 2013

Olivier Berruyer décrypte les raisons de la crise


Après avoir fourni une description extrêmement fouillée des caractéristiques de la crise, Olivier Berruyer poursuit son livre par une analyse des ressorts de cette crise du néolibéralisme, dénonçant le laisser-faire et les excès de la finance.

La dénonciation du « laisser-fairisme intégral »

Olivier Berruyer commence son livre en dénonçant la pensée laisser-fairiste, citant Alain Minc, qui affirmait en octobre 2008, que « la crise est grotesquement psychologique ». Même s’il est féru de chiffres, il souligne que l’économie est une science sociale. Il résume la crise actuelle d’une manière synthétique et juste : « nous avons transformé notre système économique en un système qui privilégie le court terme au détriment du long terme, l’intérêt individuel au détriment de l’intérêt collectif, la liberté absolue au détriment de l’égalité et de la fraternité ». Comme d’autres, il souligne que cette crise est une répétition de celle des années 1930 mais que nous n’avons pas, cette fois, l’excuse de la première fois…



Il rappelle le rôle des chocs pétroliers et de l’échec des expériences communistes en Russie et en Chine dans la la victoire idéologique des néolibéraux à la fin des années 1970, autour de deux croyances : le monétarisme et le libre-marché, par opposition à l’Etat et à la planification. Mais pour lui, c’est « le retour de Cro-Magnon et sa massue ». Il souligne que la période de forte régulation bancaire avait  permis d’éviter les crises, comme l’ont montré Reinhart et Rogoff. Il rappelle que selon l’indice de libéralisation financière du FMI, c’est le gouvernement Fabius, qui a, de très loin, le plus libéralisé notre pays. Il rappelle que selon un sondage Ifop, les électeurs de François Hollande étaient paradoxalement les moins enclins à réclamer plus de protection vis-à-vis de la mondialisation.

Il cite une lettre de 1941 de Maurice Allais : « si donc l’on considère que la liberté économique est le fondement essentiel du progrès, si l’on veut la conserver comme principe de base de l’organisation économique, il faut créer le cadre juridique dans lequel cette liberté ne puisse avoir que des effets bienfaisants et non mener au désordre comme l’on a trop souvent vu dans ces dernières années ». En 2002, notre « prix Nobel d’économie » soutenait que « une société libérale et humaniste ne saurait s’identifier à une société laxiste, laisser-fairiste, pervertie, manipulée ou aveugle. La confusion du socialisme et du collectivisme est tout aussi funeste ». Il cite Joseph Stiglitz, pour qui « l’une des raisons pour lesquelles la main invisible est invisible, c’est peut-être qu’elle n’existe pas ».

De manière très intéressante, il souligne que la situation de monopole du capitalisme (avec la chute du communisme) lui a été préjudiciable, le transformant en culte idolâtre qui ne doit pas être remis en cause. Il cite Keynes pour qui « le capitalisme est cette croyance stupéfiante que les pires des hommes feront les pires choses pour le plus grand bien de tout le monde ». Il dénonce la prétention scientifique des néolibéraux. Lucidement, il écrit : « ayant eu besoin d’abolir les frontières pour se libérer de la tutelle des Etats, l’ultralibéralisme a aussi repris à son compte dans le concept de mondialisation la vieille utopie internationaliste qui était si chère au mouvement ouvrier ». Il cite Maurice Allais, qui, en 1943, affirmait que « la concurrence est naturellement malfaisante. Elle devient bienfaisante lorsqu’elle s’exerce dans le cadre juridique qui la plie aux exigences de l’optimum du rendement social ».

Les excès de la finance et de la mondialisation

Il commence par rappeler que « les bulles spéculatives ont un énorme avantage : elles permettent de générer facilement du PIB, et donc de la croissance, le tout sans matière première ni énergie supplémentaire – cette croissance ayant malgré tout l’inconvénient d’être largement fictive ». Il dénonce la spéculation en citant Keynes : « lorsque dans un pays, le développement du capital devient le sous-produit de l’activité d’un casino, celui-ci risque de s’accomplir dans des conditions défectueuses ». Contrairement aux mythes libéraux, il montre que l’augmentation de la volatilité des marchés ne cesse de progresser (parallèlement à la hausse des liquidités). Reprenant des chiffres de la BRI et du FMI, il rappelle que les transactions de change quotidiennes sont 50 fois plus importantes que les exportations et que l’économie financière est près de 50 fois plus importante que l’économie réelle.

Il rappelle que nous avons vécu une première mondialisation de 1870 à 1914, grâce à la révolution des transports (rail, bateau) et des communications (télégraphe, téléphone). Cette mondialisation a également été financière. En 1910, Jaurès tenait un discours que ne renierait pas l’équipe au pouvoir aujourd’hui : « avec l’internationalisme croissant des affaires, les intérêts de tous les peuples sont à ce point enchevêtrés qu’un désastre pour l’un est un désastre pour tous ». Il cite Keynes pour qui « la pleine capacité de gestion d’une économie domestique implique d’être libre de choisir le taux d’intérêt approprié, sans référence à des taux en vigueur ailleurs dans le monde. Le contrôle des capitaux est un corollaire de tout cela » et pour qui « rien n’est plus sûr et certain que le fait que les mouvements de capitaux doivent être régulés » pour éviter l’instabilité produite par la spéculation.

Néanmoins, la seconde mondialisation va plus loin puisque 30% du PIB est échangé, contre 9% en 1929. Il dénonce l’intégrisme financiariste en rappelant que l’article 63 du TFUE affirme que « toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites ». Dans un écho prophétique de la crise de la zone euro, il rappelle que Keynes soutenait que « l’échec à résoudre ce problème (de l’équilibre des balances des paiements entre pays) a été une cause majeure de l’appauvrissement et du mécontentement social, voire de guerres et de révolutions ». Il dénonce une mondialisation inégale, d’où la Chine tire un profit démesuré.

Il souligne que le secteur financier représente encore un tiers des profits de l’ensemble des entreprises étasuniennes (après un pic de 40% en 2007) contre moins de 5% en France et dénonce les salaires des 10 000 traders français, qui gagnent plus de 15 000 euros par mois. Il critique « la folie des grandeurs bancaires », rappelant qu’en 2007, les 14 plus grandes banques européennes cumulaient un bilan de 28 000 milliards de dollars pour 870 milliards de capitaux propres (3% du bilan), avec 5 banques pesant 2 à 5 fois le PIB de leur pays (UBS, Crédit Suisse, Fortis, ING, Dexia). Il dénonce l’utilisation de l’effet de levier des banques européennes et propose de « découper ces mastodontes ».

Il dénonce les règles de comptabilité qui permettent de « distribuer des profits fictifs » et la prédation des actionnaires qui exigent une rentabilité toujours plus importante, quitte à sacrifier le futur pour le présent. Il rappelle que France Telecom a distribué 3,7 milliards de dividendes en 2009 pour 3 milliards de résultats ! Il cite Henry Ford pour qui « les profits appartiennent à trois catégories : ils appartiennent à l’entreprise pour assurer sa pérennité, son développement et sa solidité. Ils appartiennent aux hommes qui ont permis de les produire. Et ils appartiennent également, en partie, au public ». Il dénonce la spéculation, qui fait que les actions sont détenues pour un an en moyenne, contre 5 à 7 dans les Trente Glorieuses, soulignant le biais que cela introduit (on ne pousse pas les mêmes décisions quand on est propriétaire à court ou long terme, repoussant par exemple les investissements lourds pourtant nécessaires).

Mais pourquoi nos dirigeants persistent dans l’impasse ? Olivier Berruyer y voit une raison psychologique : « cette tendance que manifestent les gens à s’accorcher à une décision initiale même lorsqu’elle clairement remise en question par les faits (…) Les persévérations, même les plus dysfonctionnelles, s’expliqueraient par le souci ou le besoin qu’aurait l’individu d’affirmer le caractère rationnel de sa première décision », citant le « Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens ».

Demain, je reviendrai sur ses propositions.

Source : « Les faits sont têtus », Olivier Berruyer, Les Arènes

5 commentaires:

  1. Trois belles citations de Keynes, Jaurès et Allais.

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  2. Dans 1493, le journaliste Charles C. Mann raconte la première (?) mondialisation qui fit suite à la découverte, puis la conquête de l'Amérique par les Européens. Sa description fait apparaître des traits de caractère communs avec celle que nous connaissons aujourd'hui, notamment le lien qui s'établit entre le laisser faire et la prédation, la soumission des peuples et l'économie marchande, le rôle des territoires parasites (pirates hier, paradis fiscaux aujourd'hui), ...

    Si le livre ne fournit pas de clés d'analyse, il offre tout de même un ensemble de portraits (de lieux et de phénomènes) qui permettent de travailler sur l'idée de mondialisation et d'en repenser les concepts : la liberté et/ou l'éthique, la régulation, la fonction et la nature du droit, le court et le long terme, etc.



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  3. Un "incroyable cadeau fait (par la commission européenne) aux multinationales alimentaires" qui ne renoncent jamais.

    La Commission européenne a ainsi adopté le 6 mai une proposition de règlement sur les semences brevetées, qui est désormais entre les mains du Parlement et du Conseil Européens.

    Lisez l'article sur Reporterre.net.

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  4. @ Anonyme

    Oui, Olivier Berruyer a le don pour trouver de bonnes citations.

    @ Léonard

    Parallèle très intéressant

    @ Démos

    Merci pour l'info. Papier cette semaine sur le sujet.

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