mercredi 20 novembre 2013

Pourquoi le krach immobilier semble inévitable


Depuis l’effondrement des marchés immobiliers étasunien, espagnol et irlandais, plusieurs analystes, dont je fais partie, soutiennent qu’il y a un risque de krach du marché immobilier en France. Il est vrai que de nombreuses données indiquent que la situation est très dangereuse.

Des prix objectivement très élevés

Ici, il faut remercier Jacques Friggit, du CGEDD, qui a amassé et traité une quantité phénoménale de données, permettant d’analyser les prix de l’immobilier depuis 1200 ! Dans un dossier extrêmement complet, il fait un historique du marché immobilier dans notre pays qui donne une perspective de long terme aux prix de l’immobilier. Il est notamment connu pour ce que l’on appelle « Le tunnel de Friggit », une mesure du prix des logements, rapporté au revenu disponible par ménage. Avec cet indicateur, il montre qu’en France, depuis 1965, ce rapport a évolué dans un tunnel de plus ou moins 10% pendant près de 40 ans. Certes, Paris et l’Ile de France sont sorties de ce tunnel à la fin des années 1980, mais y sont revenus à la fin des années 1990.



La France est sortie du tunnel au début des années 2000. Alors que l’indice évoluait entre 0,9 et 1,1 (1 étant la base de 1965), il a atteint 1,8 en 2007. Et s’il a chuté pendant la crise, il est revenu à ces niveaux dès 2011. Il est aujourd’hui à 1,76. La situation est encore plus préoccupante au niveau de l’Ile de France, à 2,06, et à Paris, à 2,46. Au plus haut de la précédente bulle immobilière, au début des années 1990, l’Ile de France avait dépassé 1,4 et Paris 1,5. L’analyse du tunnel de Friggit implique que le marché français devrait baisser de 37,5% pour retrouver un niveau cohérent avec la tendance de long terme, de près de 47% en Ile de France et de 55% à Paris ! Il faut rappeler ici que dans les années 1990, les prix avaient baissé de 35% à Paris.

D’autres facteurs d’inquiétude

Pire, il y a d’autres facteurs d’inquiétudes. Comme je l’avais souligné dans mon papier de fin 2012, l’effondrement du nombre de transaction est un indicateur généralement assez sûr du retournement du marché immobilier. Or, en 2012, elles ont baissé de plus de 20%. Pire, Jacques Friggit montre que du fait de l’explosion des prix, on sous-estime la baisse du nombre de transactions, qui est aujourd’hui 40% sous sa moyenne historique, signe que les propriétaires font tout pour éviter de mettre leur bien sur le marché. Pour maintenir artificiellement les prix à un haut niveau ?



Autre motif d’inquiétude : les comparaisons internationales tendent toutes à indiquer que les prix sont particulièrement élevés en France. J’ai rapporté plusieurs fois les évaluations de The Economist, pour qui les prix de l’immobilier dans notre pays sont surévalués de 35 à 40%. Jacques Friggit a également appliqué l’analyse des prix par rapport aux revenus dans d’autres pays et il il semble que la France soit un des pays les plus cher. Les Etats-Unis sont revenus au point d’équilibre et progresse à nouveau après une chute sévère. L’Espagne, montée plus haut que nous, s’est bien ajustée. Et la Grande-Bretagne a également connu un ajustement important.



Du coup, toutes les conditions semblent remplies pour un krach sévère de l’immobilier, comparable à celui des années 1990. Cependant, ces analyses oublient de prendre en compte les conditions de crédit, pourtant cruciales pour financer un achat immobilier. Or, ces conditions se sont beaucoup améliorées depuis 20 ans. Au point de justifier les prix actuels ? Réponse demain.

11 commentaires:

  1. Vous dites que les conditions de crédit se sont beaucoup améliorés, or les banques prêtent moins il me semble, et si les taux nominaux sont bas, compte tenu de la désinflation, est-ce que les taux réels ne sont pas en hausse ?

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  2. Les garanties prises par les banques française lors de l'octroi d'un crédit étaient étaient nettement plus fortes que dans nombre d'autres pays comme l'Espagne.

    Apport initial, ratio échéances-revenu net, contrat CDI, prêts à taux fixe souvent, montant des échéances modulable en cas de baisse de revenu par perte d'emploi...

    C'est surtout le risque d'une augmentation du chômage de longue durée qui pourrait fissurer le système, quand l'emprunteur se retrouve au RMI et ne peut plus payer les échéances.

    Une chose est certaine, c'est que l'immobilier français est l'un des plus gros boulets de l'économie et des ménages français depuis 10 ans et la loi ALUR ne va pas arranger la situation.

    Sujet nettement plus important que la taxe écolo, qui aurait du être au cœur de la politique économique du gouvernement, au lieu que celui ci se disperse
    dans une myriade de bricolages de taxes.

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  3. Il y a une étude de ce même Jacques Friggit qui montre que les changements sur les conditions de crédit (allongement des durées d'endettement, taux beaucoup plus bas qu'avant) n'explique qu'une faible partie de l'augmentation du ratio "prix/revenus" (de mémoire pas plus de 30 %).

    Cela fait environ 2 ans que la baisse a repris (après un rebond de 2 ans qui s'explique par différents facteurs comme la chute des taux et l'interventionnisme massif) et cela commence à apporter de sérieuses corrections sur les prix des logements comme c'est expliqué ici http://www.immobilier-danger.com/L-immobilier-ca-baisse-comment-677.html

    Pour le moment, Paris et les grandes agglomérations dynamiques voient les prix de l'immobilier restaient à des niveaux très élevés, mais partout ailleurs on assiste à un ajustement plus ou moins important par rapport au pic de 2007-2008.

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  4. Pourquoi pas imaginer un ajustement inégal qui verrait les prix des logements mal placés (=rurbanisation) ou mal isolés (datant surtout d'avant 1975, mais aussi du plus récent) s'effondrer, tandis que les autres logements se maintiendraient quasiment. Dans ce cas là, si les transactions de la première catégorie s'arrêtaient et celles de la seconde continuaient, on aurait l'impression d'un marché qui se maintient presque alors que l'effondrement concernerait une large majorité des biens.

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  5. David Lelong

    La solidité des prix vient des conditions de crédit, mais la montée des prix est la conséquence des lois d'urbanisme et de la fiscalité qui oriente les ménages vers le placement en capital immobilier plutôt qu'en épargne :

    "Il faut rappeler que les « loyers implicites » sont bien comptabilisés dans le PIB et le revenu national, et ce, dans tous les pays du monde. Surtout, ces revenus font l'objet dans de nombreux pays d'une fiscalité nettement plus forte qu'en France : les Etats-Unis et le Royaume-Uni, par exemple, ont des impôts sur la propriété considérablement plus lourds que la taxe foncière française ; la Suisse, autre pays peu réputé pour son anticapitalisme brutal, impose les loyers implicites directement, comme le faisait la France après-guerre sous le général de Gaulle. Dans ces pays, le fait d'imposer au moins aussi fortement la propriété foncière que l'investissement productif semble une évidence."

    http://www.lesechos.fr/opinions/points_vue/0203096714389-mieux-vaut-taxer-la-rente-immobiliere-que-la-production-625490.php

    Rieux

    Je pense aussi que la baisse sera hétérogène selon la géographie, l'âge des bâtiments, l'éloignement du centre ville, isolation thermique...

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  6. @ Anonyme

    Très juste, on pourrait étudier les taux en taux réels, mais cela ne changerait rien, car l’inflation est tombée à 2-3% dès le milieu des années 1980 et au début des années 1990, les taux nominaux étaient encore au-delà de 8%, soit des taux réels bien plus élevés qu’aujourd’hui.

    @ Olaf

    Très juste. Les banques font beaucoup plus attention. Résultat, les ménages français sont 3 fois moins endettés que les ménages néerlandais. Plus que le chômage, le danger, ce sont les taux, même si ce danger me semble limité à date.

    Mais il faudrait agir contre cette montée des prix qui pénalise le pouvoir d’achat et les coûts des entreprises, aidée par toutes les mesures d’incitation fiscale.

    Merci pour la précision.

    @ David

    Je ne vais pas anticiper sur mon papier de demain, mais justement, en partant des chiffres de Jacques Friggit, je n’aboutis pas vraiment à cette conclusion.

    @ Rieux

    Très possible. C’est déjà ce qui se passe quand Paris résiste mieux que le reste de la France en un sens, même si je pense qu’à conditions de crédit stables, nous n’aurons pas de krach, sauf grave crise économique.

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    1. Si vous comparez par rapport aux années 90, effectivement les taux réels ont baissé, mais à l'époque il y avait davantage de croissance; je pense qu'il faudrait comparer par rapport à la période récente.

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  7. Pas de lien avec le sujet abordé par Laurent aujourd'hui, si ce n'est qu'il est d'actualité. Il concerne les taxes et impôts dans notre beau pays, où les gouvernants ne manquent jamais d'imagination. En effet, les socialistes contre-attaquent avec le projet de fusion de la CSG et l'impôt sur le revenu, une des promesses du candidat Hollande. Ils ressortent l'idée des cartons peut-être pour rendre l'imposition plus équitable, voire pour faire diversion, occuper le terrain, mais plus sûrement pour une raison moins avouable : la fusion pourrait bien servir de cheval de Troie pour les charges patronales en en faisant une partie vers les ménages. Autrement dit, cette mesure imposerait à nouveau un très gros sacrifice pour les ménages au nom de l'alibi de la compétitivité sans aucun engagement des intéressés, ni garantie de résultat. Un nouveau zéro pointé dans le carnet des socio-libéraux. Cela commence à faire beaucoup.

    Sur ce thème, Jacques Sapir a publié sur son blog le 5 octobre 2012 un article intitulé "le projet gouvernemental d’aide à la compétitivité par transfert des charges patronales".

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  8. @ Anonyme

    Il n'y a eu de forte croissance qu'à la fin des années 90, au début, il y a eu une crise suivie d'une très faible croissance.

    @ Démos

    Sur le principe, je ne suis pas contre cette simplification. Mais si c'est l'occasion d'une réforme encore injuste, alors c'est différent.

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  9. Cher Laurent,

    Nous avions eu cette discussion il y a quelques mois déjà !

    1/Il n'y a pas en France, un marché de l'immobilier mais plusieurs.
    2/Il manque des logements dans notre pays du fait de la structure des familles, du taux de natalité et de l'attractivité de notre territoire (résidences secondaires liées au tourisme, immigration etc...).
    3/De nombreux ménages français rêvent de devenir propriétaires, notre attrait pour la pierre est lié à nos origines rurales.
    4/L'augmentation des prix dans certaines zones est à mettre en relation avec le prix des terrains (la lourde fiscalité sur les plus-values de cessions a accentué cette tendance à la hausse) et aux normes de construction en vigueur (labels BBC, BEPOS etc...).
    5/Le prix des matériaux et de la main d'oeuvre dans le BTP est à la hausse.
    6/Les comparaisons internationales n'ont pas de sens. Berlin sera toujours moins chères au m2 que Paris, l'immobilier à Londres, Luxembourg ou bien à Amsterdam sera toujours plus soutenu que dans des zones moins denses en population ou économiquement moins attractive.

    Laurent, vos qualités d'économistes sont reconnues, en revanche, sur ce sujet de prévisions, il y a un risque : imaginez une crise économique majeure en Europe, la pierre n'est-elle pas une valeur plus sûre que des valeurs mobilières ? Je n'ai aucune certitude pour m'opposer à votre analyses, je viens vous dire amicalement que vous prévoyez un krach immobilier depuis des mois, il peut finir par arriver, mais peut-être pas. Cdlt, Laurent GUIBERT.

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  10. Je regarde toujours les taux là maintenant : http://reassurez-moi.fr/simulation-pret-immobilier

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