samedi 1 février 2014

2014, 2015 : et si la croissance revenait ?



Vous pouvez lire un pronostic différent en lisant le papier de Max


C’est un débat qui anime les cercles alternatifs. Du fait du manque de réforme du système économique, il est bien évident que nous continuons à aller dans la mauvaise direction. Néanmoins, il ne faut pas sous-estimer la possibilité d’une reprise, certes illusoire, mais significative, de nos économies.



Pourquoi une reprise ?


Je partage absolument tous les arguments présentés par Max, pour son premier (très bon) billet invité sur le blog. Il tient un discours assez proche de celui de Jacques Sapir mais, malgré tout, je ne suis pas d’accord avec la conclusion sur le pronostic pour cette année. Dès janvier 2013, j’avais pronostiqué « une sortie illusoire de crise en 2014 », évoquant un rebond probable du marché automobile, le desserrement des politiques d’austérité et l’aide apportée par la croissance internationale. Bien sûr, je notais que cette reprise « serait aussi faible qu’illusoire pour la grande majorité de la population ».

Le scénario que je dessinais il y a un an semble se confirmer, avec un marché automobile en croissance sur la fin de l’année en Europe et en France. En effet, les politiques d’austérité se sont adoucies puisque les objectifs de réduction des déficits ont été repoussés. Tout ceci va soutenir la croissance pour 2014 et 2015. Il ne faut pas oublier qu’en 2013, le gouvernement avait mis en place un plan d’austérité de 30 milliards, soit 1,5% du PIB. On peut imaginer que cela a coûté à notre pays au moins 1,3 points de croissance, selon les nouvelles estimations du multiplicateur budgétaire du FMI.

L’autre facteur positif, ce sera la demande extérieure (malgré notre déficit, d’autant plus que l’euro reste cher, comme l’a souligné BlackRock). En effet, la croissance accélère dans bien des pays clients de la France : certains ont décidé d’augmenter sensiblement leur salaire minimum (Etats-Unis et Grande-Bretagne) et l’Allemagne d’en mettre un en place. Aux Etats-Unis, avec la fin du sequester, qui avait pesé sur la croissance, et la reprise immobilière, les indicateurs s’améliorent grandement. La Grande-Bretagne, avec la bulle immobilière et financière, affiche une forte reprise. Partout ailleurs en Europe, la croissance s’améliore. Le Japon est officiellement sorti de la déflation.

Quel avenir à moyen terme ?

Comme le souligne Max, la situation n’est pas tenable. Tous les facteurs qui nous ont mené à la crise de 2008 sont déjà à l’action et devraient nous mener à une nouvelle crise. Début 2009, je l’avais située fin 2016 / début 2017. Un tel calendrier reste assez pertinent. Les inégalités continuent à monter, nourrissant des bulles financières et potentiellement des crises politiques. Le secteur financier n’a pas du tout été mis en ordre et les premiers signes de bulles apparaissent à la bourse étasunienne et sur le marché immobilier britannique. En Chine, beaucoup d’observateurs parlent d’une bulle financière, et un certain nombre de pays émergents traversent actuellement une crise monétaire.

Malgré tout, cela ne signifie pas forcément qu’une nouvelle crise va arriver tout de suite. Les signes avant coureurs de celle de 2008 avaient été décelés bien avant. Je crois, au contraire, comme le soutient Olivier Passet, de Xerfi, que la croissance va s’accélérer, même si elle restera très inégale. En effet, il y a un effet auto-entraîneur dans les reprises économiques et les bulles laissent toujours quelques miettes à l’économie réelle. On peut anticiper une croissance de 1,5% au moins en 2015 en France, du fait des facteurs évoqués ci-avant (rebond mécanique, moindre austérité, croissance mondiale).

Je persiste à penser que l’économie européenne, malgré tous ses déséquilibres, va lentement sortir de la crise, un peu comme avant la crise de 2008. La question qui reste, c’est de savoir quand le château de cartes financier s’effondrera de nouveau. Je dirais entre 2016 et 2018.

13 commentaires:

  1. Les pays émergents plongent, donc...

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  2. La croissance ne reviendra pas.
    On est jamais sortit de la crise de 2008.
    Aucunes leçons n'en a été tirée.
    Rien n'a changé.
    Dans ces circonstances, au plus tot on se prendra la prochaine, mieux ce sera... et 2016/2018, c'est tres loin... trop ? On va avoir mal, très mal.

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  3. En fait, l'economie va alterner grosses descentes (comme 2008) et legers faux-plats montants (ce que vous annoncez pour 2014-2015). Mais en faisant la moyenne, ca plonge.

    Vous situez la prochaine grosse descente entre 2016 et 2018. Sachant que l'election presidentielle est prevue en 2017, cette incertitude economique se transforme aussi en une tres grosse inecrtitude politique, puisque le climat de la campagne et donc le resultat des urnes seront sans doute radicalement differents qu'ils aient lieu au cours d'une illusoire reprise ou juste apres un nouvel effondrement.

    Talisker.

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  4. la croissance ne reviendra que si nous employons les moyens !!! NON PAS sur des IDEES THEORIQUES mais sur des idées pragmatiques...?.?
    Il y a entre le rêve et la réalité une immensité ...?.
    et aujourd'hui, les citoyens ne sont plus dupes !!!!

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  5. Dans sa dernière participation à BFM Business (28/01), Sapir attire l’attention sur le débat autour de l’inflation aux EU. Il considère que Bernanke, au moment de partir, a déjà choisi de faire passer l’objectif de limitation de l’inflation en tête des priorités de la FED, politique que Yellen devrait poursuivre. Si la FED engage une nouvelle politique plus axée sur la réduction de l’inflation, en vue de compenser le décrochage actuel entre l’inflation américaine et l’inflation européenne, l’Europe sera obligée de suivre, d’où le risque d’une surenchère dans la déflation, du fait de l’impossibilité d’agir sur les taux de change. Sapir peut bien sûr mal interpréter les signaux venus des EU. Yellen étant une spécialiste du travail, beaucoup d’observateurs s’attendent à ce qu’elle accorde un intérêt prioritaire à la baisse du chômage. Mais Yellen a fait savoir à plusieurs reprises qu’elle serait très attentive à ne pas laisser glisser l’inflation (http://www.realclearmarkets.com/articles/2013/08/28/the_myth_about_janet_yellen_being_soft_on_inflation__100579.html). L’évolution favorable du chômage américain milite dans le sens de la lecture de Sapir d’une possible inflexion de la politique de la FED. S’il a raison, il faut s’attendre, compte-tenu de l’impact des décisions américaines, à une dégradation de la conjoncture européenne pour la fin de 2014 ou dans le courant de l’année 2015.

    YPB

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  6. Attention aux chiffres :

    Sur l'ensemble de l'année 2013, les ventes de voitures neuves ont progressé de 11% au Royaume-ni alors qu’elles ont baissé de près de 6% en France.

    http://www.challenges.fr/entreprise/20140107.CHA8914/automobile-l-ecart-entre-les-marches-britanniques-et-francais-s-accroit.html

    Je suppose qu'on s'attend à ce que la France fasse moins mal en 2014 qu'en 2013. Sans doute il est plus facile possible de progresser à partir de niveaux très bas, bien que je ne suis pas convaincu qu'on pourra, pour ce cas précis, progresser à partir de niveau très bas en France.

    Saul

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  7. "la crise" est une période longue dont tout porte à croire que nous n'en avons connu que le prélude ; on peut même conjecturer sans trop de risque qu'elle sera entretenue par les classes dominantes tant qu'elles y verront le moyen de briser les solidarités nationales et de classes. La pression du chômage, la destruction de la protection sociale et des services publics, l'excitation des tensions communautaires... tout ceci relève évidemment d'une logique politique et sociale, mais celle-ci a d'autant plus de chance de se poursuivre et de s'approfondir que tel est l'intérêt de classe des élites dominantes.Ceci est une caractéristique d'une période longue - à distinguer des moments de paroxysme comme ceux de 2008 ou 2011 en Europe. mais même dans les moments de répit (plutôt que de reprise) "la crise" corrode en profondeur nos bases économiques, nos solidarités sociales et nos équilibres politiques. Donc même si 2014 et 2015 ne nous réservaient pas de krachs spectaculaires, rien n'indique que ces années soient moins propices à l'éclatement de crises politiques qui résulteraient de l'accumulation progressive des points de tension. Le discrédit des partis dominants et de la personne du président, l'inquiétante dérive du gouvernement en matière de libertés publiques, ou encore la multiplication de mobilisations atypiques comme les "Bonnets Rouges" ou les "Français en colère" participent d'une atmosphère de fin de règne qui pourrait nous réserver des surprises plus rapides que nous ne l'imaginons.

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    1. Sur la longueur de la crise je suis d'accord avec vous. Mais sur la conjecture que nous n'en avons encore vu que le prélude, vous me faites peur.

      Cette crise dure depuis 1974. C'est long pour un prélude. Sauf bien sûr s'il s'agit de la crise finale du capitalisme prédite par Marx, quand la rémunération du travail ne suffit plus à financer la conservation et la reproduction de la force de travail.

      Il y a des indices inquiétants. Allocations familiales, prime pour l'emploi, RSA-activité, minijobs allemands... Tout le monde a l'air de trouver normal que les travailleurs ne puissent pas s'en sortir avec leurs salaires et se retrouvent à la charge de la collectivité.

      Pour le reste d'accord avec vous.

      Ivan

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    2. " vous me faites peur" - je suis moi-même très inquiet. Et ce n'est pas une figure de style. Depuis 1974 en effet nous assistons à une longue glissade vers le pire, avec le déclin des élites nationales et industrialistes de l'après-guerre, et l'avènement d'une classe dominante décomplexée, totalement détachée de la nation et avide des profits multiformes de la mondialisation. Le mouvement s'est accéléré dans les années 80 avec la disparition du communisme - dont la crainte leur inspirait un peu de retenue. Et une nouvelle accélération en 2008 (en fait c'est à cette date que je faisais remonter "la crise" dans mon message précédent).
      le problème est de savoir jusqu'où peut se prolonger ce démantèlement des structures aussi bien économiques que morales de la société sans déboucher sur des bouleversements politiques aux conséquences incontrôlables.
      Non, je ne crois pas à la crise finale du capitalisme... mais à quelque chose comme les événements des années 30, avec des acteurs différents, oui.

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  8. @Laurent Pinsolle,
    Il y a un an, dans votre billet "Vers une sortie illusoire de crise en 2014 ?" vous prévoyiez 1.5% à 2% de croissance en 2014. Aujourd'hui, le consensus est plutôt autour de 0.6% en 2014. Ne vous montrez-vous pas trop optimiste encore une fois ?
    http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2014/01/16/97002-20140116FILWWW00545-france-croissance-de-06-en-2014.php

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    1. L'OFCE, sur la base des informations disponibles en septembre, évaluait dans son rapport d'octobre 2013 à 1,3 % le potentiel de croissance en moyenne annuelle pour 2014 (http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/documents/prev/prev1013/france231013.pdf). Le chiffre de 0,6 % cité par Le Figaro ne correspond pas à un consensus, mais à la médiane des estimations, qui vont de +0,4% à +1,4%. Pour 2015, la fourchette va de +0,7% à +1,8%. À titre personnel, j'aurais tendance à privilégier les hypothèses basses ou moyennes, mais il faut reconnaître qu'on trouve plus optimiste que Laurent Pinsolle.

      YPB

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    2. +1.4% en 2014, c'est fantaisiste.Même le gouvernement ne table que sur +0.9%.

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  9. @ Anonyme

    Déjà, ce ne sont pas tous les pays émergents. Et ensuite, nous n’en sommes pas encore à un plongeon. La Chine ou l’Inde vont mieux.

    @ Alain34

    Pas faux. Une nouvelle crise devrait permettre une prise de conscience

    @ Talisker

    Très bien vu. Si cela est dans la 2ème moitié de 2017, en fin de bulle, avec probablement une accélération légère de la croissance, alors, cela pourrait favoriser les partis en place, comme en 2007. A moins que leur discours soit trop déconnecté avec la réalité du chômage et du pouvoir d’achat.

    Si cela explose en 2016, alors, PS et UMP seront nus.

    @ YPB

    Je suis circonspect sur cette interprétation. Quand même, la politique de la Fed depuis 6 ans est plutôt au service de l’emploi. Et Yelen a un profil encore plus keynésien que Bernanke. Après, je ne suis pas un spécialiste. Mais il est clair que la remontée des taux devrait approcher avec l’amélioration de la conjoncture. Cela sera une étape compliquée tant nos économies se sont habituées aux taux nuls.

    @ Saul

    Oui, mais le marché français était en hausse au 4ème trimestre, ce qui permet d’anticiper une hausse cette année. Très juste sur le raisonnement du rebond. J’en parlais début 2009 au sujet des Etats-Unis et de l’Espagne.

    @ J Halpern

    Je ne pense pas que les classes dominantes l’entretiennent consciemment. Elles mènent la seule politique qu’elles pensent possibles, sans penser que l’on puisse faire différemment de manière profitable pour la collectivité. Après, de facto, la déconstruction de notre modèle continue, mais de manière un peu sournoise, très progressive. Sur les tensions politiques, c’est juste, cela devrait continuer.

    D’accord sur les années 30. Elles sont à nouveau devant nous. Il est clair que la disparition du communisme a supprimé toute retenue, notamment de la part de personnes de gauche converties au néolibéralisme (Barroso).

    @ Ivan

    C’est juste, nous sommes dans une longue crise de notre modèle depuis 1974 avec des moments de répit et d’autres d’amplification. D’accord sur la France, mais paradoxalement, trois grands pays vont remonter la rémunération des travailleurs les plus pauvres…

    @ Anonyme

    Non, je prévoyais autour de 1%.

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