dimanche 12 octobre 2014

L’effarante campagne du Monde pour les plus riches


Décidémment, les Décodeurs du Monde se distinguent une autre fois par un manque de précisions et une absence de mise en perspective criante, alors qu’en général leurs éclairages sont de bonnes factures. Pour un peu, on croirait presque lire le Figaro Magazine en pleine révolte fiscale



Décoder les décodeurs

Le titre est sans doute ce qu’il y a de plus choquants dans ce papier : « les 20% de foyers les plus aisés ont absorbé 75% des hausses d’impôts ». Ce titre est un raccourci choquant puisque s’il s’agit d’une étude de la commission des finances de l’Assemblée, elle ne concerne que l’Impôt sur le Revenu, 67 milliards de recettes fiscales en 2013, soit un peu plus de 7% des prélèvements obligatoires. Il ne serait pas inutile de rappeler également que 50% des ménages ne paient pas l’IR, ce qui concentre mécaniquement les recettes de l’impôt sur le revenu sur les ménages aux plus forts revenus. En outre, si on se plonge dans les statistiques de Piketty, Landais et Saez, on déduit que les 20% les plus riches touchent environ 65% des revenus de ceux qui paient l’IR, ce qui relativise aussi grandement les 75%.

Et cela concerne seulement les 8 milliards de hausses de l’IR, sur 60 milliards de hausses d’impôts décidées depuis 2011 ou des 28 décidés par la nouvelle majorité, détaillées par le Monde il y a seulement un an. Bref, si on prend de recul, la véritable information, c’est qu’environ un tiers des hausses d’impôts décidées depuis 2012 portent sur l’impôt sur le revenu et que les 20% qui gagnent le plus, qui représentent environ 65% des revenus de ceux qui paient l’IR, en ont acquitté 75%. Pas de quoi aller s’exiler au Luxembourg. En outre, le Monde oublie de rappeler que le taux d’imposition global baisse en haut de l’échelle, comme l’ont révélé Piketty, Landais et Saez, et que les gains de revenus sont aussi très inégaux (aux Etats-Unis, 1% des ménages accaparent 95% de la hausse des revenus depuis 2009).

La mythique oppression fiscale des riches

Ce qui est intéressant ici, c’est qu’une présentation trop superficielle et parcellaire de l’information tend à en déformer complètement le sens. La lecture du titre de l’article donne l’impression que les plus riches sont mal traités, alors qu’une mise en perspective relativise grandement cette impression. Je serais curieux de savoir quelle part des revenus additionnels sont revenus aux 20% les plus riches depuis 2008 car même si nous ne sommes pas dans la situation des Etats-Unis, la direction est la même sur les inégalités. Il ne serait pas étonnant qu’ils aient obtenu 75% ou plus, ce qui relativiserait grandement le titre, qui contribue au climat de ras-le bol fiscal, la version française du Tea Party ?



En outre, cela est d’autant plus abusif que les études montrent que les inégalités ne cessent de progresser et que l’imposition des ménages aux plus forts revenus ne cesse de baisser. Certes, il y a eu la taxe à 75% pour les revenus supérieurs à 1 million, mais son rendement est faible, et elle sera remise au placard l’an prochain, comme l’a rappelé Manuel Valls à Londres. Et pendant ce temps, le taux marginal d’IR, qui était de 56,8% sous Giscard (et même à 65% sous Mitterrand), est tombé à 45%, un niveau proche des autres grands pays. On aurait aussi aimé que l’article rappelle que ce même taux marginal tournait à 70% aux Etats-Unis dans les années 1970, comme le rappelle Olivier Berruyer.

Bien sûr, la cible du Monde semble être les CSP+,  comme le montrent les idées de cadeaux des pages du magazine, mais il est difficile de se prétendre Décodeurs quand on se contente d’un descriptif biaisé et non mis en perspective qui alimente la thèse fausse de l’oppression fiscale des plus riches.

16 commentaires:

  1. Gilbert Perrin
    À l’instant ·

    Comment mettre DEBOUT la FRANCE sans les VALEURS de la REPUBLIQUE, commençons par mettre de la JUSTICE dans nos institutions et nos pratiques ?????
    Gilbert Perrin

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  2. En fait, les "20% les plus aisés" ne veut pas dire grand chose, car la césure entre les salariés aisés et les très riches s'opère au niveau des 5 % les plus riches, voire moins. Cette catégorie des 20% est extrêmement hétérogène et, malheureusement, c'est vers sa base (les 15% "moins" riches des plus riches, dont le revenu est dans l'assiette de l'impôt sur le revenu)) que se concentre vraisemblablement l'effort fiscal. Sans compter ceux qui faisaient beaucoup d'heures sup et qui ont été massivement ponctionnés !

    Le ras-le-bol fiscal se nourrit aussi de cette concentration sur ces 15% de classes moyennes supérieures, alors que les très hautes fortunes et les profits des grandes entreprises explosent...

    Enfin, pour ces catégories comme pour les autres, c'est une aberration d'augmenter les impôts en période de déflation. On déshabille Pierre pour ne même pas habiller Paul, alors que la question est de relancer la croissance.

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  3. Je pense qu'il faut surtout arrêter d'utiliser le mot "riche" à tort et à travers. On est riche quand on a suffisamment d'actifs liquide pour ne pas avoir à travailler. A la louche, ça commence à 2-3 millions d'euros de fortune personnelle nette. Un parent cadre sup qui gagne 5000€/ mois n'est pas riche et pourtant se fait crucifier par le fisc pour boucher les trous des finances publiques et donc payer les erreurs des autres. Elle est là l'injustice, et la source de l'illegitimité grandissante de l'impôt.

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    1. Pas d'accord. Sans aller pleurer sur les châtelains, on peut avoir une fortune sur le papier de quelques millions d'euros constitués d'immobilisations peu rentables.. et qui ne font donc pas des rentiers.
      En revanche, des salaires supérieurs à 5000 € (soit le décile supérieur des salaires ?), dans des emplois qui profitent de la mondialisation (cadres sup, finance, juridique), avec peu de risque de perte d'emploi, doublé à des héritages conséquents propulse facilement dans la classe des possédants, pour utiliser une expression méchante :)

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  4. Traiter de la richesse en ne tenant compte que des revenus, sans même un seul instant prendre en compte le patrimoine mobilier et immobilier, c'est une vision complètement borgne du phénomène. Il est clair pourtant que l'hétérogénéité du groupe top 20, et même10, est gigantesque. Pourtant le mouvement "occupy" avait fondé ses récriminations sur le top 1%. Onubre Einz parle même des 0,1% qui concentrent richesses, pouvoirs de décisions économiques, juridiques et politiques.

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  5. Gilbert Perrin
    À l’instant ·

    Marine LE PEN a dit, avec SAGESSE, face au BOULEDOG..

    Il faut revenir à une GESTION vertueuse et sortir de cette VISION vicieuse et verreuse ...

    Ce que j'approuve en tièrement pour la FRANCE et que je répète à longueur de temps ....NUL ne peut le contester...

    ELBAKACH ;;; oh la la ... quel chien ???

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  6. Si on prend l'exemple d'un prof d'université en fin de carrière, ses revenus du travail seront dits confortables, mais ça se réalise que sur peu d'années. Pour peu qu'il n'ait pas hérité, son patrimoine sera assez modeste.

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  7. Le Monde encore une fois, vole au secours de l'oligarchie.
    D'accord avec les autres cette tranche de 20% est très large et ne compte qu'une petite minorité de riches qui ont réellement les moyens d'influencer le pouvoir.
    Un peu comme au MEDEF ou les gros actionnaires instrumentalisent les difficultés des petits entrepreneurs pour obtenir une politique paradoxalement anti travail.

    Ca me rappelle aussi cette manipulation tenace sur les "100% d'impots". Alors que cela ne concerne que les revenus de personnes ayant de gros patrimoines et qui ont effectués certaines operations qui ne se font pas tous les ans tout en ayant recu peu de revenus. Cas typique de certains artistes fortunés mais à la production très irrégulière.

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    1. Le Monde fait partie de l'oligarchie médiatique.

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  8. Ce n'est qu'une des nombreuses illustrations du consensus qui règne dans la classe médiatique en tant que relai de la classe politique et la classe dominante celle des riches et des banquiers comme notamment Macron.

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  9. Curieux de pas les entendre parler de l'optimisation fiscale.

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  10. Le Monde (enchanté) qui fustige régulièrement les assistés reçoit 16 à 18 millions de subvention publique annuelle . Si ses actionnaires (B.N.P.) "bienfaiteurs" consentent à perdre de l'argent, c'est pour faire triompher leurs idées ( = la fabrique du consentement )...Idem pour les autres médias dominants : les Échos, Le Figaro, Libé, Direct Matin, TF1,BFM, RMC, Europe 1 ...

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  11. Que c'est franchouillard cette jalousie à l'égard des "plus riches" ! Les plus riches, ce sont aussi les plus dynamiques, les créateurs de richesse et d'emploi. Laurent P. est donc passé chez Jean-Luc M. ?

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    1. Le voilà revenu, le champion des sentences/sanctions en deux phrases tout compris.
      Plus sérieusement, les mesures fiscales prises par ce gouvernement sont incohérentes et injustes. Il ne s'agit, là comme en économie, que de bricolage, de navigation à vue accompagné d'éléments de langage incongrus.

      Demos

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  12. Parole d'expert :
    "Le travail du journaliste consiste à détruire la vérité, à mentir sans réserve, à pervertir, à avilir, à ramper aux pieds de Mammon et à vendre son pays et sa race pour gagner son pain quotidien. Vous le savez comme je le sais, alors qui peut parler de presse indépendante? Nous sommes les pantins et les vassaux des hommes riches qui se cachent derrière la scène ….. Ils tirent les ficelles … ET NOUS DANSONS."
    John Swinton (Ancien chef du personnel du New York Times, dans un discours à ses collègues.)

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  13. @ J Halpern et anonyme

    C’est juste, mais je rebondissais sur l’article, d’où les 20%. Mais j’ai consacré beaucoup de papiers aux 1%

    Juste sur les patrimoines

    @ Red2

    Un grand merci pour ces rappels

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