jeudi 16 avril 2015

L’effarante réforme du collège

On en découvre tous les jours davantage sur l’effarante réforme du collège pondu par le gouvernement. Il faut remercier Jean-Paul Brighelli pour son décryptage de ces mesures effarantes, qui, outre le fait de ne pas apporter de solutions aux problèmes actuels, semblent bien devoir les accentuer.



Tout déconstruire

Ce qui est impressionnant avec la tendance de ces dernières années, c’est l’ampleur de la déconstruction de l’éducation que nous connaissions. Déjà, les programmes ont été allégés au point d’oublier des pans entiers et fondamentaux de notre histoire, privant les enfants d’un savoir et d’une part de leur identité. Les notes ont été tellement assouplies qu’en vingt ans, le nombre de mentions très bien au baccaulauréat a dépassé celui des mentions bien. On laisse faire les élèves, qui n’apprennent qu’une forme extrêmement édulcorée et superficielle de discipline. Après tout, quand on passe lentement mais sûrement d’une société organisée à la loi de la jungle, pourquoi éduquer ?

La déconstruction se poursuit encore. On sait déjà que l’enseignement du latin et du grec, qui préfigurait pourtant les enseignements pluri-disciplinaires, en mélangeant linguistique, histoire et littérature, vont continuer à reculer. Dans une telle société, tout ce qui n’est pas directement utile peut être oublié, y compris la culture et l’identité, quand elles sont contraires à une certaine idéologie. Naturellement l’apprentissage de l’anglais continue à être développé, dès le primaire, comme une soumission volontaire à la colonisation linguistique de la lingua franca de notre époque. Aussi effarant, la fusion de la grammaire, dans un subsitut édulcoré. Et il n’y aura plus de liste d’auteurs à traiter.

Dis-moi quelle école tu construis

Il y a une logique dans cette réforme. Les communiquants des nouveaux programmes mettent en avant la plus grande autonomie des professeurs, qui pourront enseigner les auteurs qu’ils veulent aux enfants. Ils notent la liberté pédagogique apportée par « des documents d’accompagnement sans valeur réglementaire ni prescriptive ». Mais cette présentation habile peut être retournée. Cette autonomie ne revient-elle pas à un abandon des professeurs, qui devront eux-même construire leur programme pour atteindre les objectifs qui leur sont donnés, abandonnés par l’Etat qui ne leur donnera plus qu’un vague cadre plutôt qu’un guide précis de ce qui doit être enseigné, après les avoir privé d’autorité ?

Cette vision de l’éducation déconstruit lentement l’unicité fondatrice de notre République, où, pour tous les petits français, quelles que soient leurs origines, nos ancêtres étaient les gaulois et où nous apprenions tous la même chose, nous donnant des repères et un logiciel commun, participant au liant qui fait que nous sommes français, nous familiarisant avec tous nos concitoyens. Ce projet semble disparaître, au bénéfice d’une exaltation toute ultralibérale de l’individu isolé, jamais envisagé dans un ensemble autre que celui du monde entier, trop large pour s’identifier, y trouver des repères, et dont il faut bien souligner le caractère profondément anxiogène, entre terrorisme et compétition acharnée.


Le meilleur exemple de ces sornettes, c’est ce projet de mémoire en espagnol pour une ferme de fleurs du Zaïre… alors que personne n’y parle espagnol, dans un collège qui teste cette réforme en avant-première. Il est tout de même effarant de continuer à ce point dans cette impasse.

13 commentaires:

  1. Le problème est extrêmement complexe. Les pédagogistes n'ont pas toujours tort. Il me semble que la crise de l'éducation a deux facettes qu'il faut bien séparer :
    - idéologique par la transformation des programmes dans le but évident de façonner les enfants à la machine de production néolibérale mondialisée.
    - pédagogique sur la manière d'enseigner ces programmes, avec des pédagogistes qui pèchent par enthousiasme pour de nouvelles méthodes et par manque de prudence, les élèves se trouvant réduits à des cobayes d'expérimentation. "L'Histoire de monsieur Crépin" par Töpffer ou "Bouvard et Pécuchet" de Flaubert décrivaient parfaitement leurs défauts dès le milieu du XIXe siècle.

    Je vois cependant un mal d'aujourd'hui qu'on retrouve dans les deux facettes : l'instantanéisme, le refus de voir l'inscription dans la durée comme une richesse. Pourquoi faut-il en permanence réformer les programmes, réformer l'éducation ? Parce qu'on ne supporte plus ce qui nous rattache au passé et risquerait de donner aux enfants l'idée qu'il peut exister autre chose que le monde globalisé et soumis à l'économie et au productivisme dans lequel nous vivons.

    "Les professeurs […] savent bien que pour fabriquer un radiateur éelctrique, pour lâcher une bombe du haut d'un avion, pour carotter le fisc et pour entendre les grandes idées du siècle, il n'y a pas besoin d'avoir Racine et Virgile sur la langue, ni les leçons de l'histoire dans la tête" explique dans Uranus, de Marcel Aymé, le professeur Didier. Celui-ci voulait supprimer dans l'éducation toute référence au passé, et aussi "L'idée de bonheur, qu'il considérait comme un ignoble suintement du passé, une fleur vénéneuse de nécropole, un abat-jour sordide et poisseux".

    Guadet

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  2. "Cette vision de l’éducation déconstruit lentement l’unicité fondatrice de notre République, où, pour tous les petits français, quelles que soient leurs origines, nos ancêtres étaient les gaulois et où nous apprenions tous la même chose, nous donnant des repères et un logiciel commun, participant au liant qui fait que nous sommes français, nous familiarisant avec tous nos concitoyens."

    C'est vrai.

    Mais pourquoi en est-on arrivé là ? Il y a les raisons idéologiques que vous mentionnez, liées à la mondialisation, et à un discours soit d'intérêts économiques, soit pseudo libertaire de gauche.

    Mais il y a aussi les évolutions démographiques. D'après Michèle Tribalat, dans son dernier livre, il y a eu en 2008 14% de naissances musulmanes en France, soit une sur sept.
    Si vous ajoutez les autres minorités, vous voyez que c'est d'ores et déjà assez élevé. Il y a de plus quelques dizaines de milliers de nouvelles arrivées par an de ces pays, donc cela va continuer à augmenter (130 000 arrivées de ces pays, mais certains semblent ne pas rester, les chiffres étant apparemment moyennement fiables).

    Il aurait fallu s'y prendre plus tôt, au lieu de jouer les vierges effarouchées vis-à-vis du FN (dont je ne pense pas non plus qu'il soit compétent).

    Vous reprenez le discours de diabolisation à son égard (et vous n'avez d'ailleurs pas répondu à ma question sous le billet du 11 avril : réflexion personnelle de votre part, ou réaction pavlovienne ?).

    Par conséquent, tous les sujets qu'il touche sont tabous, donc le sujet de l'immigration n'a pas été traité en temps utile (même s'il n'est jamais trop tard pour bien faire).
    Plus la proportion de minorités sera élevée, plus il sera difficile de revenir en arrière sur les sujets de type éducation mentionné dans le billet (d'autant qu'il y aurait aussi, naturellement, l'opposition des idéologues à l'origine du projet).

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  3. Je pensais voter pour la liste de NDA aux régionales d'Ile de France, vues les candidatures qui se profilent.

    L'article consternant de Brighelli vient de me remettre dans le droit chemin : ce parti sera toujours bien trop reac' pour moi.

    A l'heure où E&R est le site internet politique francophone le plus consulté de la toile, assimiler "identifier les ressources numériques utilisées et vérifier leur pertinence et leur crédibilité, trouver et sélectionner des informations dans des ressources numériques" à "savoir faire des copiés-collés sur Wikipédia", c'est au delà de l'affligeant.

    Je suis un souverainiste français, je voudrais que mon pays quitte l'Euro-zone et évite l’austérité... mais je me plais au 21me siècle, je suis pour une grosse décentralisation et ajouter "programmer" et "communiquer en Anglais" au socle de savoirs fondamentaux...
    Je suis représenté politiquement par qui dans ce pays ???

    Talisker.

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    1. Il est vrai que Brighelli emploie des formules choc et ne fait pas dans la demi-mesure.
      Il n'est cependant pas faux que, dans les faits, les belles paroles sur l'apprentissage d'une analyse critique d'internet se limite à peu près à du copier-coller. Tout simplement parce que "vérifier" et "sélectionner" des informations ne se fait pas sans un socle solide de connaissance, et sans une culture générale considérée aujourd'hui comme dépassée.
      Apprendre l'Anglais : pourquoi pas. Le problème est que cela se fait au détriment des heures de Français et en supprimant le latin qui est la racine de notre langue. Si vous êtes vraiment souverainiste français cela doit vous poser un problème.

      Guadet

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    2. Il n'y a pas besoin de changer le mode d'enseignement de l'anglais pour améliorer le niveau des français.
      Ce qui est nécessaire, c'est de changer l'état d'esprit des élèves, vers un travail personnel plus régulier. L'exact inverse de ce que recommandent les pédagogistes.

      Avoir un regard critique face à un texte est nécessaire, que celui-ci soit sur internet, dans un journal ou dans un livre. C'est le rôle traditionnel des disciplines littéraires (français, histoire, philosophie). Donc il n'y a rien à changer, sauf revenir sur les réformes proposées depuis 40/50 ans par les illuminés que vous soutenez par votre discours.
      Là encore, le discours de ceux qui nous expliquent qu'il faut tout changer parce qu'ils savent cliquer sur une souris est ridicule, or c'est le fond de votre argumentaire. C'est gênant.

      Programmer : cela fait bien longtemps qu'il y a eu une option informatique au lycée, ce qui est bien suffisant. Elle a d'ailleurs connu quelques vicissitudes.

      Bref, vous devriez arrêter de parler de ce que vous ne connaissez par le tout petit bout de votre lorgnette, et admettre qu'il y a un petit problème d'état d'esprit à l'école en France qui se développe depuis 40/50 ans.

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  4. L'anglais a aussi besoin du latin: un quart de son vocabulaire est latin, ajoutez 1/4à 1/3 d'ancien français, vous voyez que l'opposition n'est pas pertinente, d'autant que l'anglais est une langue où le même son et la même orthographe peuvent signifier un verbe, un nom, un adjectif, un adverbe. Alors l'exercice intellectuel du latin est bien utile pour comprendre une phrase qui dépasse dix mots! Ce n'est pas de l'anglais qu'on enseigne c'est une novlangue. Non pour comprendre ce qui se passe, il faut lire Isaiah Berlin, la Liberté et ses traîtres, le chapitre sur Helvétius

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  5. Il y a de quoi éclater de rire ou pleurer. Au choix.
    De plus, ne plus apprendre l'histoire aux enfants, ni leur permettre d'acquérir une culture de base présentent l'avantage de ne pas avoir face à soi des citoyens exerçant leur esprit critique d'autant que cela ne sert à rien pour boire du Coca Cola ou acheter des Smartphones.

    Dans le même registre, vers midi, j'ai entendu à la radio un gars déclarer que la République devait défendre les religions. Ben, oui, pourquoi pas après tout ?

    Rien n'étonne, ni ne surprend, ou presque, dans ce monde où règnent la confusion et le relativisme.

    DemOs

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  6. @ Guadet

    Je suis bien d’accord. Il serait exagéré de voir les choses en noir et blanc, mais cette réforme est sans doute gris très très foncé. Bien d’accord sur la durée. C’est d’ailleurs un mal qui touche toute la société, les politiques, les entreprises…

    @ Anonyme

    J’ai peur que ce ne soit pas un grand dessein, mais plutôt le reflet d’une époque, cf l’analyse de Généreux.

    Il me semble que ce chiffre de naissance a des chances d’être excessif. A quoi correspond-il ? Qu’un des parents l’est ou même un des grand-parents seulement ? D’accord en revanche pour dire qu’il faut tendre vers un solde net à zéro aujourd’hui. Et je ne pense pas que le fait de fermer les yeux sur tous les problèmes que pose le FN contribue à freiner l’excès d’immigration. C’est sans doute l’inverse en fait. Je ne diabolise pas, je ne fais que rapporter (et interpréter). L’absence de complaisance à l’égard du FN permet au contraire de tenir un discours plus libre.

    @ Talisker

    Vous êtes dur avec Brighelli (même si je ne porte plus les couleurs de DLF). Mais je n’ai pas relevé d’extraits qui me posaient problème a priori

    @ Démos

    Une vraie décadence intellectuelle

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    1. Le chiffre correspond à ceux ayant un parent. Mais la différence est faible car le taux de mariage mixte est relativement faible (une partie des mariages AFN / non natif d'immigré vient en fait de mariages avec un descendant d'immigré).

      Le chiffre de naissance est cohérent avec les données par pays que l'on peut tirer de l'enquête TEO de l'INED/INSEE :

      http://teo.site.ined.fr/

      à partir du "document de travail 168", page 16 et précédentes, on a le nombre de descendants d'immigrés par pays, et le pourcentage par tranche d'âge un peu avant.

      A partir de ces données, si on calcule le pourcentage ayant un ascendant {AFN, Turquie, Afrique} sur le pourcentage {ces personnes + population majoritaire}, on obtient les pourcentages suivants :
      - personnes ayant de 18 à 25 ans en 2008 : 9,3%
      - personnes ayant de 26 à 35 ans en 2008 : 6,9%
      - personnes ayant de 36 à 45 ans en 2008 : 3,2%

      et l'immigration est repartie à la hausse au tournant des années 2000.

      Le document contient d'ailleurs d'autres informations intéressantes. Par exemple, page 44, on a le niveau d'études par pays et par sexe.
      On constate que les filles AFN et Sahel ont un taux de non diplômées assez proche de celui des majoritaires, alors que les garçons originaires de ces pays ont un taux de non diplômés beaucoup plus élevé.
      Cela permet donc de voir que le système scolaire n'est pas le principal responsable de l'échec de ces garçons, puisque leurs soeurs réussissent presque autant que les majoritaires.

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    2. Je pense au contraire que la diabolisation du FN contribue à verrouiller le débat public, sur beaucoup de sujet, y compris sur une connaissance plus nuancée de l'histoire de la France pendant la seconde guerre mondiale.

      Celle-ci n'est en réalité pas connue, l'est de moins en moins, et est vue de façon de plus en plus caricaturale.

      Il faut quand même se souvenir que la liberté d'expression est nécessaire pour que le débat public ne soit pas tronqué. Et la liberté d'expression implique de pouvoir entendre, et réfléchir à, des propos a priori offensants.

      Même si le dirigeant concerné n'est sans doute pas le meilleur exemple à en donner, ses propos récents avaient pour thème principal le fait de ne pas vouloir séparer, s'agissant de la France, les décès violents des déportés raciaux des autres décès violents ayant frappé la France pendant cette période.
      Plus de 200 000 soldats, 16 000 fusillés ou tués dans la résistance et 30 à 40 000 déportés politiques, par exemple.

      Et je pense que c'est un thème nécessaire dans le débat, (mais à présent largement étouffé) même si on peut par ailleurs réfléchir à la Shoah et au nazisme, et à leurs implications pour l'humanité.

      Rappelons que Pompidou, et semble-t-il de Gaulle lui-même, souhaitaient que la page soit tournée. Si elle ne l'est toujours pas, est-ce uniquement pour de bonnes raisons ? Pour un souci désintéressé de la connaissance, ou une réelle compassion envers les victimes ?

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  7. Le but de cette "déconstruction" est très clair. Il s'agit d'apprendre aux enfants le strict minimum pour qu'ils puissent avaler toutes les manipulations. Pour Najat et consorts, il s'agit bien sûr de l'endoctrinement socialiste, pour d'autres de celui de la société de consommation, mais ils ont tous le même but, la même méthode, et leurs intérêts.

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  8. Dans une France multi culturelle, est-il réellement logique d'apprendre à tous les enfants que nos ancêtres sont les gaulois ?

    L'apprentissage de plus en plus précoce de l'anglais n'est-il pas une bonne chose puisque ce sont les pays anglo-saxons qui mènent, et de loin, la barque planétaire (sans juger de la façon et de l'efficacité du pilotage) ?

    Je ne suis pas un ardant défenseur du projet mais il faut aussi accepter que la France, par ses renoncements successifs depuis plusieurs décennies, n'a plus réellement le rayonnement que vous semblez appeler implicitement de vos vœux au travers de votre article.

    Oui, la France est affaiblit face au modèle anglo-saxon libéral et se braquer dans une position de défiance vis-à-vis des modifications qu'engendre cet affaiblissement ne contribuera qu'à accentuer cet affaiblissement.

    Certains commentaires pointe un risque d'appauvrissement intellectuel de nos enfants qui permettrait de les transformer en consommateurs stupides et l'idée est très séduisante mais qu'avons nous fait, tous autant que nous sommes pour que cela n'arrive pas ?

    Certain diront peut être que eux sont de farouches défenseurs du modèle français,etc. mais au bout du compte, que peut-on constater ?
    Que la population française a cesser de se mobiliser alors que le chômage bat des records, que le FN bat des records, que l'indécence de certains personnages politiques bat des records, que les 4 derniers présidents ont été des menteurs élus et réélus sans problèmes (et là, ça représente quand même plus de trente ans, ça touche pas mal de générations) et que ça risque de continuer sans que personne ne bouge (sauf pour nous parler de Marine, merveilleux !), etc, etc, etc.

    On a la société qu'on mérite alors entre se donner l'illusion d'être encore une grande nation sombrant tel le Titanic, pourquoi ne pas accepter sa lâcheté, sa défaite et tenter de ne pas être largué en raz campagne par la caravane mondiale?

    Ou alors, reprendre le chemin de la rue et cesser d'accepter d'avaler les couleuvres qu'on nous fait avaler chaque jour à grands renforts de décolletés plongeants sur blondes décérébrées nous faisant avaler la soupe infâme d'une société qui haie ce qui la compose... Nous.

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  9. Bonjour à toutes et à tous,
    N'oubliez pas que l'Education nationale n'est pas une fonction régalienne et que l'Education est une marchandise comme une autre dans les traités de l'OMC signés par la France.
    On va donc vers la privatisation de l'accès au savoir et tous les gouvernements successifs n'ont rien fait pour dévier de cette trajectoire.

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