jeudi 9 avril 2015

Quand France 2 verse dans l’ultralibéralisme

Lundi soir, j’ai regardé le journal de 20 heures de France 2. Il me semblait que les journalistes étaient plutôt de gauche, mais deux reportages questionnent sérieusement ce postulat, sur les questions économiques au moins. Sans doute une nouvelle preuve de la dérive idéologique de notre époque.



L’effritement du droit du travail

Le premier reportage traitait des projets actuels sur le droit du travail. Ici aussi, la majorité « socialiste » semble vouloir dépasser l’UMP par sa droite en libéralisant des aspects de notre droit du travail que Nicolas Sarkozy n’avait pas remis en question au pouvoir… Voilà un angle qui aurait permis de singulièrement enrichir le reportage, à la tonaité bien neutre. Même s’il est vrai que les conditions de travail des journalistes sont souvent très difficiles, la neutralité dans le traitement de cette déconstruction de notre modèle social est assez effarante. Les indemnités de licenciement y étaient présentées comme un coût trop élevé pour les entreprises. Pour un peu, le Medef aurait pu faire la vidéo !

Bien sûr, le reportage se raccrochait au fait que les licenciés auraient une priorité en cas de rémbauches, mais ne s’agit-il pas d’un gadget destiné à faire passer cette réforme ? Car, en pratique, la plupart de ces licenciements sont probablement définitifs. Il s’agit donc d’un engagement qui ne coûtera pas grand chose et qui permettra peut-être de faire passer des mesures bien plus importantes. Il est tout de même incroyable que les journalistes ne soulignent pas l’immense paradoxe qu’il y a à ce qu’un gouvernement dit de gauche libéralise le marché du travail laissé par une majorité précédente de droite. Et il est dommage aussi de ne pas laisser la parole à ceux qui s’opposent à cette réforme.

Le romantisme des minis maisons

Le second reportage incriminé était consacré au « phénomène » des mini-maisons, des sortes de camping, sur roue ou pas. Dans un gloubi-boulga bien indigeste, France 2 mélangeait la cabane pour les enfants dans le jardin, la chambre d’hôte façon cabane et le sort d’une pauvre famille étasunienne, passée d’une maison de 180 mètres carrés à une mini maison de 19 mètres carrés après avoir perdue la première suite à un épisode de chômage. On aurait aimé que les journalistes parlent du contraste avec les banques protégées par des montagnes d’argent public et se demandent si notre société n’a pas tout simplement perdu tout sens moral avec ce révoltant deux poids deux mesures.

Mais non, le reportage relatait san filtre les avantages qu’y voyait le couple étasunien : moins de charges, et donc la possibilité de sortir. Quelle est la prochaine étape ? Dire à ceux qui ne joignent pas les deux bouts qu’ils ont toujours la solution d’opter pour une mini maison ? Il était proprement indécent de mélanger des choses qui n’auraient jamais dû être mélangées. A minima, les journalistes auraient pu souligner la dureté qu’il y a à devoir diviser par dix la taille de son logement après avoir souscrit un emprunt dans des conditions potentiellement douteuses et perdu son emploi suite à la crise déclenchée par la bulle financière, alors que le secteur financier est largement sauvé par l’Etat.


Bref, devant des reportages dignes de la pire propagande néolibérale, espérons que France 2 va reprendre sa mission de service public, en informant avec plus de nuance et de mise en perspective. Il est tout de même tristement ironique de voir un gaulliste reprocher au service public d’être trop à droite…

17 commentaires:

  1. "Lundi soir, j’ai regardé le journal de 20 heures de France 2. Il me semblait que les journalistes étaient plutôt de gauche"...

    Non ? Sans blague ? Vous pensiez vraiment que Pujadas est de gauche ? Ca fait 25 ans qu'il n'y a plus de journalistes de gauche à la télé, et le dernier (Michel Cardoze) avait fini sa carrière à la météo !

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    1. @moi,
      je crois que vous vous trompez de perspective, et en voici la preuve par...Zemmour!
      E.Zemmour a donné un sondage édifiant concernant le vote des journalistes du Figaro, journal dit de droite: 80% des journalistes votent socialiste!
      En fait, la propagande des journalistes français relève plutôt d'un discours de classe: celle d'une profession protégée des méfaits de la concurrence et de la mondialisation.
      Par conséquent, tout ce qui peut favoriser ses intérêts (en l'occurence des salaires plus bas, mais chez les autres, ou encore politique pro-UE) fera ses affaires.


      CVT

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    2. Anonyme9 avril 2015 08:46
      Valls aussi vote socialiste, et il n'est pas de gauche...

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    3. voter P.S. c'est pas voter à gauche...

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  2. Lolo, il faudra comprendre un jour que la gauche girondine est le moteur de la désintégration de notre pays. Je suppose que sa haine de la France et des Français lui permet tout. Elle est l'héritière de la contre-révolution.
    jard

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    1. @Jard,
      Comme vous avez bien raison!
      Je n'aurais jamais cru possible que la REACTION viendrait de la "gauche", du camps du "progrès"!
      Mais vous faites bien de préciser qu'il s'agit de la gauche GIRONDINE, qui est totalement hégémonique depuis l'éviction de JP Chevènement du gouvernement Jospin.
      Mais la droite n'est pas en reste: la soeur jumelle de cette gauche girondine, la droite orléaniste (i.e. libérale et chrétienne), a vaincu sa grande ennemie bonapartiste...
      En 2015, ces deux courants, au nom de la liberté individuelle ABSOLUE, sont en train de nous ramener au féodalisme...

      CVT

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    2. Lol ! la gauche "girondine" une querelle byzantine pour spécialistes! En vérité je vous le dis, il s'agit d'une gauche libérale-libertaire et internationaliste par haine de l'Etat et de la Nation qui sont censées être dépassées par une Europe heureuse comme la mondialisation selon Monsieur Minc.

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    3. @Anonyme,
      non, il ne s'agit pas d'une querelle byzantine, mais de projets de société différents! C'est le fruit d'une génération de politique pro-UE...
      Le grand problème de la gauche, comme vous le dites, c'est qu'elle est libérale-libertaire, et que la "gauche authentique" (que j'appelle jacobine) est inaudible, sauf quand elle se réfugie ...au FN!
      Marine Le Pen tient exactement les mêmes propos que Georges Marchais dans les années 80. Le PCF était, avec les socialistes chevenementistes, le fleuron de cette gauche populaire. Elle a été vaincue par le fameux tournant de la rigueur de 83, ce qui ne nous rajeunit pas, vous en conviendrez...


      CVT

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  3. Les journalistes penchent à gauche depuis longtemps mais ils penchent surtout du côté de ceux qui les paient et de l'idéologie dominante qui est celle du PS et de la plupart de la gauche comme de la droite: l'Europe à tout prix et le marché-roi. Il ne faut jamais oublier que ceux de France2 ont fait campagne, comme tous leurs confrères, pour le TCE il y a 10 ans.

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  4. Laurent Herblay vient enfin de découvrir une vérité qui crevait les yeux depuis longtemps! Bienvenu à lui et à sa nouvelle lucidité.
    Elève Herblay fait des progrès constant mais peut mieux faire, encore!

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  5. @ aux blogueurs
    Nous assistons à des controverses d’opinions et de comportement des journalistes ou sur les journalistes.
    Ce sont des peccadilles par rapport au fond du problème : le Droit au Travail.
    Pourquoi l’insignifiant prend le dessus ?
    C’est par incapacité à pouvoir parler du travail : par défaut ne pas savoir faire la différence entre les ‘’conditions du travail’’, le ‘’droit du travail’’, ‘’le droit des privés de travail’’ au même titre de ne pas faire de différenciation entre monétisation et monnaie dans les trois précédents blogs.
    Les ‘’conditions de travail’’ sont du ressort des entreprises.
    Le ‘’droit au travail’’ n’a aucun sens, celui qui a du travail : n’a que des problèmes de conditions de travail. Reste ‘’le droit des privés de travail’’ qui est du ressort de la collectivité qui doit organiser les conditions de création d’emplois dans les entreprises ou les collectivités, pour assurer la production des besoins REELS de tous les citoyens. Et pour ‘’les privés de travail’’ faire jouer la solidarité, la formation, la mobilité pour adapter le travailleur aux besoins de la collectivité.
    Hors aujourd’hui la collectivité, par ses mesures, notamment l’organisation du manque de compétitivité, organise les conditions de pertes d’emplois dans les entreprises parce que les besoins des citoyens variant : l’entreprise doit adapter ses postes de travail en conséquence, pour accueillir les demandeurs qualifiés pour ces besoins en manque.
    Unci TOÏ-YEN

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  6. Il y a quand même un truc effarant dans cette époque où nous parlons des conséquences au lieu d'analyser les causes. C'est le cas du journalisme : même si certains d'entre eux méritent notre colère et je ne suis pas le dernier à avoir la dent dure, il ne nous faut pas oublier qu'ils sont des salariés comme les autres pour leur survie économique et qu'ils dépendent du bon vouloir de ceux qui possèdent ou dirigent les médias. Sans grands patrons de presse, sans dirigeants politiques épris de liberté d'esprit, pas de grands journalistes ou de journalistes libres à l'exception de ceux qui ont la force de lancer leur propre organe de presse.
    Alors, condamnez le système, les structures, tout ce qui est construit par le pouvoir politico-économique et quand vous attaquez les journalistes, faites la différence entre les petits télégraphistes comme Pujadas et ceux qui sont déterminés et courageux comme Denis Robert ou Fabrice Nicolino.

    Ne mélangeons pas tout, s'il vous plaît.
    Je le demande et je n'ai évidemment rien à voir avec le journalisme, j'essaie simplement d'observer ce qui se passe dans notre époque délirante de relativisme ou de confusion où tout se vaut, où le pire est égal au meilleur, où tout se justifie au nom d'une prétendue liberté.

    DemOs

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  7. @ Moi

    J’ai pris beaucoup de recul lors de la campagne sur le référendum de Maastricht, mais, même si je ne me faisais pas beaucoup d’illusions, je ne pensais pas que le service public pouvait aller aussi loin

    @ CVT

    Ceux qui sont « protégés » dans cette profession sont peu nombreux. La grande majorité des journalistes gagne bien peu sa vie par rapport à son travail et ses études, et souffre d’un grand manque de sécurité du travail depuis la révolution numérique

    Bien d’accord sur vos autres commentaires

    @ Jard

    Pas faux. Mais là, je pense que cela est plus complexe

    @ Anonyme

    Je ne pensais pas que cela irait aussi loin…

    @ Démos

    Bien sûr, il y a des journalistes courageux. La majorité l’est car ce n’est pas une profession facile. Mais de tels reportages sont effarants

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    1. Les "journaux" télévisés sont le degré zéro de l'information.
      En terme de manipulation et de vidage de cerveau, il n'y a aucune différence entre les télés commerciales qui vendent du "temps de cerveau disponible" aux multinationales et servent les privilégiés et les télés publiques au service du pouvoir. De plus, quel rapport peut-il y avoir entre les journalistes intègres qui se confrontent au système et ceux qui squattent les plateaux comme Joffrin, Pujadas et compagnie ?

      DemOs

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    2. Sur un grand nombre de sujet, la presse mainstream soit-disant "libre" fait preuve d'une stupéfiante pensée unique complètement formatée (économie, Europe, Russie-Ukraine, pseudo-sécurité routière, manipulation par la peur du "terrorisme", tentative d'imposer à la population l'habitat urbain et collectif au détriment de l'individuel et rural...), un silence voulu sur des faits et des thèmes qui nous touchent au quotidien, en politique des discours chargés de maintenir le clivage gauche-droite et de taire tout nouveau clivage et toute nouvelle donnée paradigmatique. Et quiconque réfute les canons de cette sous-pensée en boîte de faux-intelllectuels est désormais taxé, c'est la nouvelle mode, de "conspirationnisme".

      S'y ajoute la propagande qui répand les bidouillages des escrocs de l'INSEE sur le coût de la vie et ceux du pôle emploi sur les véritables chiffres du chômage. Un travail évident, aussi, d'amnésie, par exemple sur les libertés que nous avions encore dans les années 1970-80 (avant les normes débiles et la lobotomie néolibérale) et sur le coût de la vie, en particulier de l'immobilier, à cette époque. L'amnésie est telle que l'on rencontre désormais des personnes âgés dont la mémoire ne dépasse pas 10 ans, c'est effrayant.

      La question que je me pose va donc plus loin que la vague idéologie ambiante. Ces journalopes reçoivent-ils des ordres ? L'amnésie et l'habituation à la dégradation du coût de la vie, des libertés et de l'environnement social (mort des villages, mort des petits commerces...) me semble minutieusement organisé par des psychologues spécialisés en psychagogie et en manipulation des masses. Je sais, je suis complotiste, c'est pôô bien mais avouez que ça ressemble trop à une propagande bien rodée.

      J'espère, en tout cas, que quand ce sera la Révolution, on commencera par les journalistes...

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  8. @ Démos

    Il n’y a pas de tel dessein, ce qui est peut-être pire.

    @ Rodolphe

    Très juste. Mais pas d’ordre. Je renvoie, encore, comme souvent, à « La dissociété » de Généreux, qui explique pourquoi les victimes du système néolibéral en viennent à défendre le système dont ils sont pourtant les victimes. Les journalistes basculeront en même temps que le reste de la population, sans doute même un peu avant car beaucoup souffrent.

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    1. D'accord... Je n'avais pas vu cette réponse avant de faire mon commentaire d'aujourd'hui sur l'Islande.

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