vendredi 8 mai 2015

Vous avez dit « repli sur soi » ? partie 3 (billet invité)

Billet invité de Marc Rameaux, qui vient de publier « Portrait de l’homme moderne », suite de la 1ère partie et de la 2ème partie


1       L’usurpation politique

Les souverainistes d’aujourd’hui sont bien davantage les dignes descendants de Voltaire, de Montesquieu, de David Hume et de John Locke que ne le sont les néo-libéraux. Avant tout parce qu’ils sont attachés à leur indépendance et leur liberté de parole, préalables aux libertés économiques et non le contraire.

Les néo-libéraux s’approprient une lignée dont ils ne sont pas dignes, parce qu’ils n’ont plus aucun recul critique sur leurs propres agissements. Un Nigel Farage illustre bien de quel côté la défense de l’indépendance et de la liberté de ton sont passées : Farage est issu de cette pure tradition anglaise défendant farouchement son indépendance née avec John Locke et Hutcheson, incarnée pendant la guerre par un Churchill, retrouvée dans ce mélange d’humour et de ténacité que l’on apprécie chez nos voisins d’outre-manche.

Les néo-libéraux quant à eux ne font plus qu’ânonner les mots de « liberté individuelle » de façon mécanique comme un mantra, en en étant totalement dépourvus. Ils ne se reposent plus sur l’indépendance pugnace des créateurs de valeur, mais sur des monstres bureaucratiques tels que la commission de Bruxelles. Celle-ci réussit l’exploit d’additionner la bêtise écervelée de la dérégulation générale des marchés avec la lourdeur bureaucratique d’une institution stalinienne, en un mot de réunir ce que les deux camps politiques de la droite et de la gauche ont produit de pire en une seule institution.

Les profils des néo-libéraux en tant qu’hommes sont à l’avenant. Jamais dans cette société post-moderne qui prétend représenter l’indépendance et l’excellence n’a-t-on vu aux postes de décisions autant de personnalités médiocres, louvoyantes, manipulatrices, hommes d’appareils bien plus qu’hommes d’entreprise, pêchant en eau trouble au lieu d’affronter directement les difficultés, communicants bien plus que véritables dirigeants. Cherchez l’erreur : si la rêverie néo-libérale était vraie, nous devrions être dirigés par des hommes d’exception. Comparez les dirigeants politiques et économiques de maintenant à ceux d’il y a cinquante ans : c’est tout le contraire qui s’est produit. Pusillanimes, superficiels, narcissiques, instables, égocentriques, dissimulateurs, lâches … voilà le portrait de « l’indépendance » et de la « liberté individuelle » des néo-libéraux. Jusqu’à promouvoir à la tête de la commission européenne le chef de file de la corruption luxembourgeoise.

Face à eux, les souverainistes ont la bravoure, l’impertinence, la volonté de véritables mousquetaires, celle de ceux qui ont été de tous temps les forces vives d’une nation, qui ont bâti et construit les entreprises et les institutions qui la rendaient forte.

L’économie néo-libérale se veut « avancée », prétend incarner la modernité et l’ouverture d’esprit. Elle ressemble en réalité de plus en plus à l’archaïque économie de rente du XIXème siècle : le néo-libéralisme, est le règne des rentiers financiers, non des libres entrepreneurs. Cela vient en conséquence logique du modèle de « concurrence pure et parfaite ». Comme expliqué précédemment, un modèle de concurrence totale est destructeur de valeur : il ne valorise plus l’initiative individuelle, mais la capacité à copier et à trouver des versions dégradées à bas prix de l’invention initiale d’hommes meilleurs que soi. Un tel modèle économique ne fait pas émerger de libres entrepreneurs mais des faussaires, tricheurs, manœuvriers aux médiocres desseins, c’est-à-dire le portrait type des dirigeants néo-libéraux actuels. Du reste, il s’agit bien de l’image de la bourgeoisie rentière du XIXème siècle peinte au vitriol par Balzac : oisive, hypocrite, occupée à de mesquins intérêts personnels : la rente désapprend le véritable travail, et n’enseigne plus que les jeux de louvoiement et de manœuvre politique. Le dirigeant néo-libéral d’aujourd’hui n’a plus que deux compétences : la communication médiatique et la finance. Il ne possède plus la compétence du cœur de métier de l’entreprise qu’il dirige. Ainsi le règne de « l’excellence » a-t-il fait émerger des dirigeants falots, lâches, acharnés en revanche à la défense de leur petit pouvoir personnel.

Le système financier n’a plus qu’un seul rôle, celui de dérober la valeur produite par les véritables entrepreneurs pour la donner en rente à d’oisifs actionnaires qui ne sont plus bons qu’à tenir des discours d’initiative et de prise de risque, sans mettre en œuvre une seule seconde pour eux-mêmes de telles qualités : les néo-libéraux sont des professionnels de la défausse. Le néo-libéralisme est l’art de médiocres manipulateurs envoyant au front des hommes bien meilleurs qu’eux pour en récupérer le travail, et voir dans une telle fraude un esprit d’indépendance et de liberté individuelle. D’où également la multiplication à haut niveau de profils de « petite frappe », opportunistes, vulgaires et sans envergure. La différence de qualité humaine est abyssale entre les néo-libéraux et les pères fondateurs du libéralisme politique, de John Locke à Karl Popper, hommes dignes et libres.

Les souverainistes sont à ce titre les véritables héritiers du libéralisme politique, par leur sens véritable de l’indépendance qui n’est pas confondu avec l’intérêt personnel, par leur impertinence, leur courage, leur force généreuse qui ne se réfugie derrière aucune défausse. Il y a bien plus d’accents Lockiens dans un De Gaulle que dans les médiocres petits agités qui se réclament du libéralisme. Certains ont cru intelligent d’opposer l’attachement à la nation avec l’ouverture aux autres. Mais les truculents et généreux mousquetaires de Dumas sont d’autant plus ouverts aux autres qu’ils sont fiers et à l’aise dans leur propre culture.


Toute ouverture aux autres commence par le respect de soi-même, par le fait d’aimer soi-même, son itinéraire propre et la lignée dont on est issu. « Un peu d’internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup y ramène » disait Jaurès. Les hommes véritablement ouverts sur le monde et ouverts aux autres sont ceux qui puisent leur force dans leur nation et leur lignée historique : ils inviteront d’autant mieux à leur table les autres cultures et les autres nations. L’on ne fait pas une société ouverte par un brouillis impersonnel de petits hommes mus par leur seul intérêt égoïste. L’on fait une société ouverte par des hommes forts libres et indépendants chacun dans leur identité, afin de mieux saluer la force et l’indépendance de ceux qui ont une identité autre.

2 commentaires:

  1. Voir le libéralisme politique du XIXe siècle comme le fondement du souverainisme et non du néolibéralisme est tout de même un peu paradoxal. Les néolibéraux trouveraient facilement des arguments pour répliquer. Les fondements destructeurs et liberticide du néolibéralisme sont perceptibles dès le libéralisme des XVIIIe et XIXe siècle.

    Guadet

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  2. Je ne vais pas jusqu'à dire que le libéralisme politique est le fondement du souverainisme d'aujourd'hui, mais seulement qu'entre les souverainistes et les néo-libéraux d'aujourd'hui, les premiers sont bien plus fidèles à l'esprit d'indépendance et de lutte contre l'arbitraire que les seconds. J'y vois donc seulement une ressemblance sur des thèmes importants, mais pas une filiation directe.

    Je fais référence au libéralisme politique du XVIIIème siècle, non celui du XIXème siècle qui avec l'essor de la révolution industrielle a abouti à des abus préfigurant le néo-libéralisme de maintenant, inspirant les oeuvres d'un Hugo ou un Dickens. Le siècle d'écart est important, et nous ne parlons déjà plus du même type d'hommes.

    Vous soulignez avec raison que les abus commencent dès cette époque, non de maintenant, c'est pourquoi je démythifie le modernisme revendiqué du néo-libéralisme, pour montrer qu'il ressemble comme deux gouttes d'eau à la brutale économie de rente du XIXème siècle, avec simplement des moyens différents.

    Les souverainistes de nos jours défendent l'esprit d'indépendance, le refus de l'arbitraire et la capacité à se remettre en question bien plus que ne le font les néo-libéraux. Mon analogie n'a pas pour but de trouver une filiation philosophique complète, mais seulement de montrer que la liberté a changé de camp.

    Marc Rameaux

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