jeudi 30 juillet 2015

Pourquoi les théories du complot existent-elles ? - 1ère partie (billet invité)

Billet invité de Marc Rameaux, qui vient de publier « Portrait de l’homme moderne »


L’idée que le monde soit contrôlé par des forces cachées, que des oppressions occultes soient les « véritables » causes des faillites de notre société, en lieu et place d’oppressions et de manquements pourtant clairement visibles, n’est pas une idée neuve. Cependant, elle semble investie d’une très grande vigueur de nos jours.

Certains en rendent internet et les réseaux sociaux responsables. Ceux-ci font devenir réelles les aspirations de la démocratie directe, pour le meilleur et pour le pire. L’idée d’une sorte de vote en temps réel, instantané, de tous sur tous les sujets est une idée aussi dangereuse qu’elle est puissante. Elle a permis de mettre à bas des régimes dictatoriaux, de briser des lois du silence et des oppressions d’état en redonnant la parole à chacun et en démentant les mensonges officiels de certaines dictatures. Mais elle a aussi ouvert la porte à toutes les rumeurs, au règne de la calomnie et des sycophantes, à la démagogie et aux sources non vérifiées.

Les média sociaux ont rendu réel le vieux rêve des « fanzines » du mouvement punk, qui partait d’une intention initiale intéressante de vivifier la liberté et la pluralité d’opinions. De fait, à travers les éditeurs de blog et les pages de réseaux sociaux, un simple particulier bénéficie maintenant de moyens éditoriaux équivalents à ceux d’un organe de presse, au point que les bloggers les plus influents deviennent des canaux reconnus d’information. Les blogs et les pages Facebook sont les descendants de fanzines, passés à un stade industriel massif, qui a fait devenir leur rêve réalité.

L’idéal de la démocratie directe ainsi que ses très grands dangers ont été maintes fois débattus. Si elle doit être prise en compte dans l’explication des théories du complot, je précise dès à présent que je ne considère pas qu’elle en est la cause : elle n’a fait qu’amplifier le phénomène. La raison profonde de la prolifération des théories du complot n’est pas l’expansion du phénomène des media sociaux. Elle prend sa source dans des éléments de la psychologie humaine que le fonctionnement du monde moderne a exacerbés. Quant aux responsabilités de leur apparition, c’est là le fond du problème, beaucoup plus que leur condamnation qui est une évidence.

1.    Le tissage de réseaux relationnels : un fait du vivant

Il faut tout d’abord rappeler un fait biologique. L’une des caractéristiques du vivant, de tout le règne animal et végétal, est de tisser des réseaux de relations entre individus. La capacité à nous associer à nos semblables est le propre de toute organisation sociale, et nous tissons à chaque instant de nouveaux liens sans même nous en rendre compte, tant cette activité est naturelle.

La puissance de nos réseaux de relations est accentuée par les phénomènes dits « d’intelligence collective » ou « d’auto-organisation ». En quoi consistent-ils ? Il s’agit du fait qu’une population d’individus dont les règles d’association sont simples font émerger des réseaux de relation très complexes, beaucoup plus complexes que la simple somme des règles individuelles. L’exemple le plus connu est celui de la fourmilière, où des entités individuelles assez simples parviennent à mettre en place une organisation dont l’intelligence collective permet des réalisations extraordinaires, dépassant largement la somme des capacités individuelles de chaque fourmi.

Les phénomènes d’intelligence collective dans le monde du vivant ont été beaucoup mieux compris avec l’essor de l’informatique. Il est devenu possible de simuler le comportement de réseaux vivants et d’étudier leur formation et leur évolution. Les « réseaux neuronaux » ont tenté de simuler informatiquement la croissance des réseaux de neurones du vivant. Le chercheur finlandais Teuvo Kohonen a ainsi édicté des lois très simples de renforcement ou d’affaiblissement des liaisons dans une population de cellules, ces lois simples permettant au réseau cellulaire de s’adapter à de nombreuses situations pour résoudre des problèmes très complexes, alors que l’intelligence individuelle de renforcement des liaisons est elle-même très limitée.


Un dernier point est que le tissage de ces liens entre individus est largement inconscient. Il s’établit à partir de signes de reconnaissance subliminaux, de langages corporels tout autant que verbaux, qui nous font rentrer en résonnance avec un autre individu et nous inciter à renforcer ou affaiblir les liens avec lui. Là encore, ces signaux inconscients sont très simples et primaires : un signe de reconnaissance n’agira que sur une toute petite partie de nos goûts ou de nos aspirations, d’où parfois la déception que l’on peut ressentir vis-à-vis de quelqu’un avec qui l’on ressentait des affinités, lorsque nous découvrons ses signaux sur d’autres thèmes qui nous plaisent beaucoup moins. Chacun tisse ainsi de façon très inconsciente le réseau de ses affinités, qui conditionne le réseau de ses relations sociales, avec sa part de convictions, de réalités ou d’illusions.

36 commentaires:

  1. @MR,

    Je crois bien plus pour ma part à une chose vieille comme le monde mais que l'espace médiatique et politique libéral contemporain à soigneusement effacé, et qui s'appelle les intérêts de classe.

    Quelqu'un n'a-t-il pas dit qu'il existait : "bel et bien une guerre des classes mais c'est ma classe, la classe des riches qui fait la guerre et c'est nous qui gagnons".

    Je ne crois pas pour ma part à la notion d'intelligence collective dans le champ humain. Vous prenez d'ailleurs l'exemple des fourmis, comme d'autres les abeilles pour illustrer ce phénomène. Les ordinateurs et les programmes renvoient encore à la notion de machine, que nous ne sommes pas, contrairement à ce que pensaient certains "philosophes" du XVIIIème, par ailleurs versés dans la révolution libérale et l'accumulation capitalistique au non d'un certain intérêt individuel.

    J'ai justement le sentiment qu'une intelligence dites collective n'est pas un élément de rationalité humaine, et que celle-ci est à rattacher à un schéma purement matérialiste du monde. Les fourmis sont assurément matérialistes.

    La délibération humaine annule pour moi le programme inéluctable de l'intelligence collective de la colonie de fourmis ou de la ruche pour les abeilles. Verbe et conscience humaine, voilà nos spécificités, non ? Marcel Mauss n'a t-il pas indiqué que les sociétés humaines étaient fondées sur le processus du don ?

    Je suis enfin étonné par l'évocation du "danger" de la démocratie directe. Je suis pour ma part et à tout le moins favorable à une démocratie référendaire, soit un point intermédiaire entre démocratie purement représentative - mon avis une fois tous les 5 ans et les représentants font ce qu'ils veulent le reste du temps - et la démocratie directe.

    Au final, il ne faut pas raisonner en terme de théorie du complot, mais en termes d'intérêts de classe. Marx a fait cela parfaitement.

    En tout état de cause, en démocratie, nous disposons sur notre destin par la voie de la rationalité politique exprimée, et donc de la délibération aussi souvent qu'il est possible. Cette dernière est toujours souhaitable. J'ajoute en incidente qu'il y a selon moi plusieurs sortes de rationalités, pas uniquement donc la rationalité mathématique, économique (pas une science), scientifique. Les mystiques (Pascal) par exemple, ne relèvent-ils pas d'une rationalité supérieure ?

    Le verbe, du commencement, nous rend à jamais distinct du règne strictement animal et des règles qui gouvernent - raison pour laquelle il n'a pas besoin de gouvernement, c'est la nature qui y pourvoi - les "sociétés" animales, lesquelles sont fondamentalement différentes des sociétés humaines pour simple raison d'Humanité ou d'absence d'humanité.

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    1. Croire aux intérêts de classe c'est déjà se mettre nous-mêmes la corde au cou!

      Premièrement, il n'y a pas de classe! Seulement dans notre imagination!

      Avec l'invention du concept "classe" ça va mieux pour nous diviser entre nous et nous contrôler!

      L'affaire des classes appartient au passé!

      Ceux qui ont inventé les classes sont ceux-là même qui avait intérêts à retourner les hommes les uns contre les autres pendant qu'eux se tenaient à l'écart engraissant leur capital et leur pouvoir sur le dos des peuples en les rendant esclave de la dette.

      On ne peut pas classifier l'homme; l'homme est inclassifiable. C'est pour cela que l'homme devra retourner un jour ou l'autre à ses origines spirituelles, et réaliser qu'il n'est pas ce pourquoi ces forces de prédation l'ont programmé.

      Nos egos sont dans la merde avec ce système, et jamais ceux-ci ne pourront mettre de l'ordre dedans, c'est une illusion; ils sont déjà en conflit d'intérêts.

      Donc, ils ne peuvent que s'effacer eux-mêmes de l'équation, arrêter d'intervenir aveuglément, et s'en remettre à ce qu'ils sont réellement au-delà de cette tragi-comédie qui n'a plus aucun sens aujourd'hui!

      Vaut mieux en rire qu'en pleurer! C'est une vrai farce ce monde!

      Lorsque la Lumière est là, l'ombre et les ténèbres ne peuvent que se retirer, et L'Homme qui à retrouver ce qu'il est vraiment, Est la Lumière qui mettra de l'Ordre dans cette falsification de ce monde par une race de prédateur.

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    2. Nous avons été réellement programmés dans la pensée comme dans l'émotion! Comment ne pas se rappeler des invectives aux styles: " Tu es né pour un p'tit pain!" ou encore: " Restes à ta place" comme si tout était déjà accompli dès la naissance! Et ces ego bouffies d'orgueil comme on en retrouvent actuellement à la tête de nos états nous font des remontrances et la morale sur ce que devrait être ce monde qui d'après eux est leur monde, et que nous les peuples de la terre nous n'avons pas droit aux regards; ceci est une aberration et elle ne pourra que s'effondrer sur elle-même. Vraiment nous vivons une époque merveilleuse, nous assistons aux premières loges à l'effondrement de l'ego-roi sur ce monde et le retour à ce que nous sommes réellement. Alors c'est une fête et non quelque chose à éviter, à fuir ou à décrier comme si c'était une mauvaise chose alors que c'est tout l'inverse!

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    3. @ Anonyme 30 juillet 9:01 :

      Il serait merveilleux que les sociétés humaines soient régies par tout ce qui est supérieur dans l'humanité : raison, conscience, état de droit, don, ..

      Malheureusement ce n'est pas le cas, et les mécaniques exposées n'ont effectivement rien d'humain, mais toute collectivité, humaine ou animale, en subit la pression.

      Les jeux de pouvoir, de territorialité, sont étendus à tout le règne animal. Et ces jeux de pouvoir obéissent à quelques règles simples, ne nécessitant effectivement d'employer que 1% des capacités humaines.

      C'est la raison pour laquelle l'on voit, à la tête des grandes entreprises ou des états, des esprits extrêmement brillants, issus des meilleures écoles, se livrer à des querelles dignes de la maternelle, d'une bassesse intellectuelle et morale à peine imaginable.

      Lorsque l'on interroge chacune de ces personnes individuellement, elles vous diront toutes que ces guerres d'ego sont très regrettables, et qu'il faudrait effectivement en sortir. Mais dès que les enjeux de pouvoir reviennent, ils seront les premiers à y revenir, comme en état d'hypnose ou de transe. Car un élément très simple de la théorie des jeux intervient : l'anticipation et la crainte de ce que vont faire les autres. Ils n'en ont pas nécessairement la volonté au départ, mais se disent chacun que s'ils ne se livrent pas à ces basses manoeuvres, d'autres le feront avant eux : le célèbre "dilemme du prisonnier" en sociologie.

      Ces mécanismes fonctionnent aussi bien pour l'homme que pour l'animal. L'être humain mériterait mieux et est capable de mieux, mais la pression de ces jeux s'exerce sur la société des hommes. C'est un problème qui traverse toute la philosophie politique. Parfois l'on construit des édifices comme la cité platonicienne, le droit universel kantien, ou le véritable libéralisme politique de Tocqueville ou de Karl Popper. Et parfois l'on se dit que toutes ces oeuvres ne servent à rien, et que visionner "Games of thrones" suffit à dire l'alpha et l'oméga des relations humaines : jeux de pouvoir et de domination incessants, les oeuvres des grands esprits n'étant que des éléments décoratifs que la classe dominante apprend à reproduire pour l'apparat sans y croire une seule seconde. Auquel cas, n'importe quel manuel de cynisme suffirait à remplacer toute la philosophie politique.

      La vérité est entre les deux. L'être humain est une merveille d'intelligence et de conscience au niveau individuel, prise au piège de jeux collectifs qui ne sont ni humains ni animaux, mais simplement logiques, par application des calculs d'anticipation de la théorie des jeux. Les jeux sociaux ne représentent donc effectivement qu'une très faible partie de ce qu'est l'homme, mais ils pèsent néanmoins fortement sur son organisation collective.

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    4. @ Anonyme 30 juillet 9:01 (suite) :

      Par renforcement de ces jeux, des "cliques" se forment spontanément, obéissant à la loi de formation en réseau de cellules individuelles : les classes dominantes sont tout autant prisonnières de ces logiques que ne le sont les autres classes.

      Par la suite, de telles cliques peuvent effectivement faire fonctionner la mécanique enclenchée pour préserver ses intérêts propres. Comme les députés ayant fait voter récemment une augmentation de leurs indemnités en cas de défaite électorale.

      Mon article visait donc à expliquer la formation des oligarchies, qui extérieurement ressemblent à des complots, mais qui n'en sont pas. Cela ne retire rien à la responsabilité morale de ceux qui s'adonnent à ces jeux, et qui doivent être sanctionnés pénalement, car individuellement ils possèdent le bagage qui devrait les amener à comprendre leur propre fascination morbide, et sont censés montrer l'exemple. Les stratégies gagnantes présentes dans une société doivent être examinées soigneusement, car selon leur nature, elles favoriseront des hommes méritants ou au contraire des corrompus à la tête de la société.

      Je vous rejoins lorsque vous indiquez qu'il s'agit in fine d'intérêts de classe : ce sont eux qui alimentent les mécanismes d'intelligence collective. La question n'est donc pas de dénoncer les théories du complot, ce qui est une évidence, mais de condamner les comportements qui - chez les classes dirigeantes - en alimentent la croyance. Là où l'intelligence collective intervient, c'est précisément parce que la très primaire oppression de classe s'exerce aujourd'hui de façon moins voyante que la brutale économie de rente du XIXème siècle, même si elles sont identiques dans leurs principes fondamentaux.

      Le grand succès du néo-libéralisme est d'avoir fait croire qu'une très primaire exploitation des classes dominées résultait d'un choix libre de leur part, et qu'individuellement chacun en était responsable, ce qui permet de surcroît d'"atomiser" (au sens propre) la contestation. L'économie de rente du XIXème siècle entretenait l'oppression par des règlements et lois iniques et tyranniques. En faisant jouer à un jeu collectif, le néo-libéralisme entretient l'illusion de la liberté pour aboutir au même résultat, les contraintes réelles de ce jeu étant déjà prévues à l'avance. L'intelligence collective a permis aux toiles d'araignées des intérêts de classe de devenir discrètes.

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    5. Naturaliser la domination, et dire que c'est comme ça et pas autrement (T.I.N.A. n'est pas nouveau) ;

      Parvenir à faire en sorte que les dominé(e)s entretiennent eux mêmes la domination qui pèse sur eux n'est pas une invention de l'ultra-libéralisme... Rappelez la surprise de l'intellectuel qui a péroré sur la servitude volontaire, sans se rendre compte que la servitude n'est pas volontaire. Mais que la servitude est entretenu par ceux-là même qui en patissent, oui.

      Avec l'ultra-libéralisme, la domination de classe s'exerce justement avec la même violence qu'au XIXe, et on pourrait même dire que le résultat de la mise en oeuvre des politiques "ultra-libérale" permettra de restaurer la société de la fin 18e - début du 19e siècle !

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    6. @MR,

      Je vous suis dans les grandes lignes, l'idée du grand complot ourdi est une une thèse très faible, bien que les complots existent certes, mais à des niveaux de petites échelles à mon avis, et sans commune mesure avec les mécanismes réels de domination et d'intérêt que vous relatez parfaitement. C'est la théorie du grand complot qui ne tient pas trente seconde, c'est bien évident. La multitude des paramètres en jeux est telle que cette idée de la grande main manipulatrice s'épuise d'elle-même face à la complexité des faits et de leur combinaison.

      Au fond, nous divergeons sur l'idée réelle de liberté, et je ne faisais pas référence à Pascal par hasard, ce génie mathématique grand initiateur du calcul de probabilité, ayant écarté la soif du savoir au profit - si j'ose dire...- des vérités de la grâce.

      C'est probablement l'emprunte chrétienne qui chez moi disqualifie - pour moi-même, je ne juge pas au-delà - l'idée d'une intelligence collective d'ici bas. Celle-ci pour moi est l'Un comme dirait l'autre, et n'intéresse pas la voie des hommes, mais les chemins du ciel qui ne nous autorisent au mieux que la "docte ignorance".

      Ce que vous appelez intelligence collective ne correspond pour moi à rien et je n'en vois pas - il suffit qu'on me montre, je peux changer d'avis - quelles sont ses réalisations concrètes hors le schéma de la pure nature et la part d'animalité en nous à laquelle nous ne sommes pas réductible.

      Il n'y a pas, pour moi, de liberté possible au sein de la machine, au sein des machines, fussent-elle biologiques ou informatiques, ou encore naturelle - la nature naturante ?

      Si cette intelligence collective peut certes s'activer par la part de nous même attachée au monde, à la matérialité, elle ne saurait définir notre identité profonde et la liberté réelle attachée à cette liberté réelle, j'entends proprement humaine.

      C'est en regardant la nature et son mécanisme, cet inéluctable, que nous découvrons que nous ne somme pas réductible à cela, et que si intelligence humaine il y a, elle se nomme conscience et faculté de détachement du monde, à mille lieux de cette intelligence purement technicienne qui permet de réussir les concours des grandes écoles.

      Je ne suis pas loin d'être d'accord avec vous quant vous dites :

      "Les jeux sociaux ne représentent donc effectivement qu'une très faible partie de ce qu'est l'homme, mais ils pèsent néanmoins fortement sur son organisation collective."

      L'Homme pour moi est justement, notamment, ce qui échappe à ces mécanismes. Mais j'accepte qu'il s'agisse-là d'une vision chrétienne de l'Homme, et je ne cherche pas à l'imposer à qui que ce soit bien évidemment.

      Pour moi nous sommes dans ce qui surnage au-dessus de l'inéluctable de cette grande mécanique du monde. Cela me rappelle ce mot de je ne sais plus qui : "ironie, sourire de la conscience".

      Cordialement.

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    7. @ Anonyme 30 juillet 2015 20:56

      Nous ne sommes pas en désaccord. La conscience humaine va très au-delà de l'intelligence collective qui émerge des jeux d'acteurs. Je dis simplement qu'il ne faut pas sous-estimer la puissance considérable de cette dernière, notamment l'oppression qu'elle peut exercer - précisément - sur la conscience.La condition humaine est d'autant plus tragique qu'elle enferme un être doté d'une conscience exceptionnelle dans des logiques bien plus basses. Mais ces logiques font partie de la loi du monde : la théorie des jeux a des conséquences implacables, qu'il faut connaître.

      En termes de production positive, l'intelligence collective intervient lorsque des réalisations extrêmement complexes impliquant des milliers de personnes et d'opérations sont à mettre en oeuvre. La construction d'un avion ou d'une chaîne de production de voiture par exemple. La présentation naïve serait de penser que le plan de l'avion existe, et qu'il suffit ensuite de l'appliquer pour le construire. Les variations entre le plan et la réalité sont tellement complexes qu'elles ne peuvent être ajustées que par des mécanismes d'intelligence collective. Dans la fourmillière, la complexité de l'ensemble obtenu dépasse très largement la somme des capacités individuelles de chaque fourmi, même très nombreuses.

      Dans "La République", Platon décrit très bien la très grande force des engouements collectifs, de leur implacable rapidité et détermination. Le meilleur des dialecticiens ne peut rien contre cela, et Platon recommande de fuir dans de tels cas.

      L'intelligence collective n'est pas nécessairement négative, il faut seulement veiller à ce que sa logique ne laisse pas en arrière plan la conscience humaine. On ne peut affronter l'intelligence collective facialement : elle aura toujours le dessus. La conscience humaine doit ruser avec elle, afin qu'elle serve de meilleurs buts que ceux que les jeux de pouvoir produisent spontanément.

      Cordialement,

      Marc.

      PS : je suis également chrétien, comme le suggère le nom sous lequel je signe mes articles, parmi les diverses significations qu'il renferme.

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    8. @MR,

      De mémoire :

      Platon pour disposer au christianisme (Pascal, Pensées).

      ;-)

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    9. Comment peut-on se réclamer du christianisme ? quand on voit toutes les horreurs et les vomissures qui constituent la bible ?

      Et quand on voit que toutes les valeurs modernes sont interdites, condamnées par la bible !

      Faudra qu'on m'explique en détails, un jour. Certes, j'ai déjà une idée assez précise à force de discuter avec des croyants qui se prétendent chrétiens, ils ré-inventent la bible à leur guise.

      Mais quand même, ça me dépasse !

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    10. @AS,

      Ca nous dépasse tous :

      http://www.info-bible.org/lsg/43.Jean.html

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    11. @AS,

      "Comment peut-on se réclamer du christianisme ? quand on voit toutes les horreurs et les vomissures qui constituent la bible ?"

      1. De quel passage parlez-vous exactement
      2. La parole du Christ vous la trouvez dans le nouveau testament (Cf. par exemple le sermon sur la montagne, Matthieu 5-7), ce qui ne veut pas dire que l'ancien est récusé, puisqu'Il vient accomplir la loi ancienne (les commandements).
      3. Je ne vois pas à quel moment l'enseignement chrétien, celui du Christ, fait état "d'horreurs" ou de "vomissures", vous voudrez bien bien préciser ce point.
      4. Les Chrétiens se réclament avant toute chose, enfin il me semble, du Christ, et de cet accomplissement ; l'ancien testament, qui n'est pas sa parole, est ce texte qui l'annonce.

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  2. Dans le cas humain, c'est surtout la bêtise collective qui l'emporte. Il n'y a qu'à lire la majorité des commentateurs ici qui ne raisonnent pas, mais se contentent d'aboyer comme une meute de clébards aveugles.

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    1. @Anonyme30 juillet 2015 13:31

      J'avoue ne pas arriver à rattacher votre post à l'article principal ou à une réponse à un commentaire sous cet article. Je ne vois pas plus d'argumentation dans votre post ci-dessus. Vous ne souhaitez pas débattre ?

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  3. je me méfie un peu de l'expression "théorie du complot". C'est de plus en plus utilisé pour stigmatiser ceux qui doutent des médias classiques dominants, au moment ou de plus en plus, grâce à internet en particulier, ces médias apparaissent non dignes de confiance. On a vu de manière analogue dans le discours politique, l'émergence du terme "populiste".

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    1. @Toutatis,

      Je suis d'accord avec vous sur l'intérêt qu'il faut porter à la langue et la vigilance qu'il convient d'avoir sur ses torsions. La modification, la disparition de la définition des mots, marque toujours la présence d'une idéologie au travail.

      Rappelons-nous LTI de Klemperer et 1984 d'Orwell.

      Pour ma part, il y a bien longtemps que je ne m'informe plus par les médias institutionnels.

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    2. @ Toutatis : oui, et c'est bien l'objet de l'article. La vraie problématique n'est pas de dénoncer le complotisme grossier et ridicule d'une poignée d'illuminés, mais ramener à leurs responsabilités des classes dirigeantes qui alimentent ces croyances par leur comportement.

      Le "populisme" ou "poujadisme" a ainsi fait l'objet d'un incroyable renversement des responsabilités : on en accuse le peuple, lorsque des classes dirigeantes devenues indignes de leur fonction font tout pour l'alimenter par leur comportement. Il en est de même des théories du complot, dont j'indique dans l'article qu'elle sont devenues le paravent favori pour justifier toutes les malversations et "petits arrangements entre amis".

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  4. Ceux qui ont fait du complot une théorie sont justement ceux qui complotent. Ce complot maçonnique, satanique et luciférien se révèle aujourd'hui au grand jour. Où que nous tournions les yeux l'évidence se fait jour, et la théorie suggérée devient la réalité et faits tangibles irréfutable, à moins d'être de connivence ou attachés aux médias à la solde de ces gens.

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    1. Ce ne sont pas des complots ourdis par je ne sais quels grand ordonnateurs démoniaques, mais l'éternel jeu des intérêts humains. Je rejoins en cela la remarque d'Anonyme 30/07 9:01. Là où je me démarque de sa réponse, c'est que la complexité accrue du monde dans lequel nous vivons a permis l'introduction de mécanismes plus subtils de jeux d'intérêts et d'oppression, fondés sur l'intelligence collective. Ils permettent d'entretenir une illusion de liberté alors que les choix sont très restreints : être dépouillés par une classe dirigeante usurpant leur mérite et récupérant le travail, la créativité et le leadership d'hommes bien meilleurs qu'eux (cf l'expérience de Didier Desor), ou passer du côté de cette classe dirigeante mais en jetant au passage toute morale à la déchetterie.

      L'alternative que je défends est celle de la troisième espèce décrite dans l'expérience de Didier Desor, "le troisième homme", qui regagne son indépendance et sa liberté véritable.

      http://le-troisieme-homme.blogspot.fr/2014/11/lorque.html

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    2. Je ne partage votre avis selon lequel il y a des mécanismes plus subtiles d'oppression !

      Quand on regarde bien, les ficelles des manipulations de la part des ultra-libéraux sont grosse comme le diamètre de la terre elle-même... mais l'important, c'est que ça marche.

      C'est un simple jeu de formulation, par ex : l'ouverture des frontières. Celui qui conteste est présenté comme le contraire. Quelqu'un qui veut fermer les frontières. Les ultra-capitalistes qui se prétendent libéraux enferment toujours les débats dans de faux choix binaires. Tout simplement.

      Les ultra-capitalistes dénoncent le gaspillage et les fraudes des pauvres... pour obtenir le soutien de la majorité des citoyens. MAIS la politique que les ultra-capitalistes mettent en oeuvre ne vise pas à lutter contre les gabègies et les fraudes, mais uniquement à diminuer sans cesse le budget même de l'Etat.

      Les ultra-capitalistes n'ont pour objectif une meilleure gestion des fonds publics, mais qu'il ait le moins possible de fonds publics ; car si l'Etat n'a rien à financer, l'Etat n'a pas à lever d'impôt !

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    3. @ Abd_Salam : disons qu'ils deviennent très clairs maintenant, mais qu'ils ont fait illusion assez longtemps, parce qu'ils ont vécu de l'imposture commise sur la tradition authentique du libéralisme politique.

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    4. Je pense que beaucoup de gens ne savaient pas -et ne savent toujours pas- ce qu'est le libéralisme.

      Et sinon par rapport aux exemples de manipulations grossières que j'ai mises en exemple ?

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    5. @AS

      libéralisme$ : Dany-Robert Dufour : La Cité perverse, le Divin marché . J-C Michéa : Impasse Adam Smith, la double pensée... Lasch : la culture du narcissisme ; la révolte des élites et la trahison de la démocrate.

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    6. J'ai traité de la définition et des origines du libéralisme historique véritable, ainsi que de l'imposture que le néo-libéralisme représente vis-à-vis de lui. Le billet à été repris par Laurent également :

      http://le-troisieme-homme.blogspot.fr/2015/04/v-behaviorurldefaultvmlo.html

      Concernant les manipulations grossières, il y a effectivement une tendance depuis les dernières années à présenter dans les articles journalistiques une seule hypothèse, censée représenter le bien et de qu'il convient de penser, toute pensée adverse ne pouvant provenir que de dangereux extrémistes.

      A l'opposé, une véritable discussion critique consiste à présenter deux ou trois thèses adverses, sans jugement a priori entre "les bons" et "les méchants", mais en montrant que ces alternatives soulèvent des choix économiques ou des choix de société. Ce n'est pas l'une des thèses qui détient la vérité, mais la tension entre les trois qui crée la question qu'il est intéressant de soulever. Nous sommes actuellement très loin de ce niveau de réflexion..

      L'"emballage" a cependant été assez bien fait de mon point de vue, car présenté comme non oppressif et libérateur, et beaucoup de gens y ont cru.

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    7. @MR,

      Je ne crois pas à cette distinction entre libéralisme et néo-libéralisme. Il s'agit pour moi du même phénomène à deux stades de développement différents. Je suis d'accord avec Michéa quand il défend la thèse de l'unité du ou des libéralismes.

      S'il est vrai qu'au début le libéralisme a permis de "décorseter" les sociétés traditionnelles - enfin surtout pour la classe bourgeoise qui prend son essor avec le développement de la société marchande, laquelle aboutira aux grandes inégalités et luttes sociales du XIXème - il reste qu'il n'est qu'enté sur les bases de cette société traditionnelle. Dès lors que le libéralisme est lui-même sa propre base, cela donne la catastrophe que l'on sait.

      A mon sens et sur le plan globale des valeurs, la seule chose que l'on peut opposer au libéralisme dans les sociétés occidentales, c'est une vision chrétienne du monde. Sur le plan quotidien, ma manière de m'abstraire de la laideur quotidienne du capitalisme mondialisé, c'est de lire de la poésie.

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    8. Nous différons effectivement sur ce point, car je reste partisan de l'économie de marché et de l'esprit d'entreprise, qui ne sont pas nécessairement "laids", malgré ce que l'on en a fait de nos jours. Du reste, ceci n'est pas incompatible avec une vision chrétienne, ce sont deux dimensions indépendantes de mon point de vue.

      Le néo-libéralisme se distingue du libéralisme historique non pas sur une thèse économique, mais sur une attitude de pensée plus profonde qui touche à la philosophie de la connaissance et à la philosophie politique.

      Avec le néo-libéralisme est apparue la certitude de détenir la vérité absolue, et de considérer que le sens et la finalité de l'histoire iraient nécessairement dans leur direction.

      Karl Popper - un libéral authentique quant à lui - appelle cette attitude "historicisme", qui consiste à s'approprier la puissance du déterminisme historique pour en investir ses propres thèses.

      Popper a créé ce concept pour combattre le marxisme - qui se pensait lui aussi porté par une invincibilité historique - mais il précise que le schéma fonctionne avec n'importe quelle idéologie : qu'importe la conviction, même habillée des meilleurs intentions, dès lors que l'on possède la certitude absolue d'être porté par le sens de l'histoire l'on est en route vers le totalitarisme.

      Car l'on considérera toute opinion contraire ou toute critique comme une entrave à la marche triomphale de l’histoire et à la progression du Bien. L’ultra arrogance des instances de l’union européenne en est une parfaite illustration, ou encore celle des néo-conservateurs américains.

      Cette forme de messianisme totalitaire est parfaitement contraire aux fondements du libéralisme historique. Celui-ci est en effet né non pas d’un projet économique, mais d’un objectif politique de lutter contre toutes les formes d’arbitraire, à commencer par l’arbitraire monarchique.

      C’est ce qui unit des hommes tels que John Locke, David Hume, Adam Smith, Emmanuel Kant, Montesquieu ou Diderot, au-delà de leurs grandes divergences sur la philosophie de la connaissance : l’arbitraire se doit d’être refusé en politique.

      Le libéralisme se mit par la suite à théoriser et défendre les libertés économiques, mais comme une retombée de la liberté politique, non comme son fondement même : c’est aussi une autre erreur que commettent les néo-libéraux, de faire de la défense de l’économie de marché le premier paradigme du libéralisme historique.

      Ainsi, une phrase telle que « le marché a toujours raison », est totalement contraire aux fondements du libéralisme historique, l’idée d’une force infaillible et non discutable étant une dénégation de ses principes mêmes.

      Rien n’interdit effectivement de se ressourcer ailleurs, lorsque la laideur que le néo-libéralisme a répandu dans notre monde nous envahit.

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    9. @RM,

      La liberté a existé avant le libéralisme, le philosophe Quentin Skinner a écrit un ouvrage sur le sujet. Les critiques de la monarchie absolue n'ont pas attendues les penseurs libéraux, il suffit de penser aux monarchomaques par exemple. Quant au libre examen, je vois Abélard, bien antérieur aux libéraux, permettant le développement de l'esprit scientifique (distinction du péché et du crime, seul Dieu pouvant sonder les coeurs et les reins...). Je n'ai rien contre l'esprit d'entreprise et les libertés économiques et contre toutes les autres libertés d'ailleurs, j'ai quand même tendance à faire passer l'Esprit avant l'entreprise et l'esprit d'entreprise, mais vous aussi certainement. On peut enfin parfaitement détacher les libertés du commerce du libéralisme. On a commercé bien avant Adam Smith. J'ai apprécié votre recension - il me semble que c'est vous - du livre de Dany-Robert Dufour "La Cité perverse" sur ce blog.

      Cordialement.

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    10. Je ne prétends pas que le véritable libéralisme politique a inventé la liberté de conscience, mais qu'il en a été un temps fort. Du reste, Abélard que vous citez ainsi que Saint-Thomas d'Aquin ou Gilbert de la Porée ont été un temps fort antérieur.

      Je fais seulement remarquer qu'il y a bien un libéralisme véritable puis une usurpation de celui-ci (néo-libéralisme), ce dernier rentrant dans le schéma historiciste des totalitarismes.

      Désolé, la recension du livre de Dany-Robert Dufour n'est pas de moi mais de "L'oeil de Brutus", dont je suis cependant très proche politiquement : mon article sur les théories du complot vient d'être publié in extenso ce soir sur son blog.

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    11. @MR,

      Nous avons donc un désaccord - c'est heureux un désaccord ça permet d'échanger et de trouver certains autres accords dans ce désaccord même - sur le libéralisme, dont je ne crois pas à un temps originel pur et idéal. Les "marxistes" ont par ailleurs beaucoup écrit sur le caractère formel des libertés du libéralisme.

      Au fond vous avez le souhait légitime d'une recherche d'égalité et de justice. Ces points sont pour moi issus des évangiles où il n'y a plus ni maître ni esclave, mais des hommes égaux en dignité sous le joug bon d'un seul Dieu.

      La liberté comprise comme non-domination ne m'apparaît pas comme étant au coeur du libéralisme, même originel, celui-ci lui préférant la liberté comprise comme non-entrave (inégalitaire par essence).

      Le monde technicien va de paire avec le libéralisme et son obsession du calcul, lequel n'est pas la raison. Je ne crois pas, par exemple,un instant aux développements de Locke sur la liberté et l'acquisition de la propriété - ça ne tient pas trente secondes. Quant à Smith, Michéa a vu cela en détail, et brillamment.

      Bernanos disait qu'il n'y avait eu qu'une révolution, et qu'elle avait eu lieu il y a 2000 ans un lundi de Pentecôte. Je suis parfaitement d'accord avec Bernanos. Le "messianisme" libéral, tel qu'il est aujourd'hui, est présent dans le code initial de ce libéralisme des premiers temps que vous revendiquez. L'un ne va pas sans l'autre, et une fois que ce libéralisme des origines devient sa propre base après avoir détruit les sociétés traditionnelles, il est ce qu'il a toujours été, et ce après avoir été passé au révélateur du temps.

      Le salut, pas plus que la liberté, ne viendront du libéralisme, qu'il soit d'hier ou d'aujourd'hui.

      Cordialement.

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    12. Je ne pense pas que nous soyons en désaccord sur le fond de ce qui est important sur le plan humain.

      Mais je suis étonné que vous opposiez ainsi christianisme et libéralisme, non pas que je les rejoigne, mais parce que je les considère comme totalement indépendants.

      Je vous rassure, je ne compte pas sur le libéralisme (ou sur toute autre organisation économique d'ailleurs) pour assurer mon salut.

      Mais je ne compte pas non plus sur les évangiles pour vivre matériellement : ce sont deux plans totalement étrangers. La séparation des domaines séculiers et sacrés fait d'ailleurs partie de Sa parole : "Rendez à César, ...". Les rôles du spirituel et du matériel économique sont nettement séparés, chacun devant jouer le sien. Les évangiles ne peuvent être un code d'organisation de la société temporelle, sauf à revenir à la collusion entre l'église et l'état.

      Nous restons en désaccord sur les intentions du libéralisme historique, désaccord que vous formulez d'ailleurs très bien : "La liberté comprise comme non-domination ne m'apparaît pas comme étant au coeur du libéralisme, même originel, celui-ci lui préférant la liberté comprise comme non-entrave (inégalitaire par essence)."

      Michéa n'est pas le seul à avoir écrit sur le sujet, et nombre d'écrits de Karl Popper par exemple, placent le rejet des gouvernements arbitraires comme l'intention originelle du libéralisme. Popper avait en horreur toutes les formes de messianisme, ce qui l'a conduit à forger le concept "d'historicisme" qu'il a défendu tout aussi brillamment que ne le fait Michéa pour ses thèses.

      Enfin, pour votre information, je ne suis pas libéral en économie. Je ne retiens du libéralisme que les avancées qu'il a permises concernant le rationalisme critique, ainsi que certains mécanismes économiques, dont la célèbre main invisible, mais remise à sa place c'est à dire celle d'un mécanisme secondaire de redistribution.

      Je place au centre de l'économie un autre moteur : l'antinomie entre concurrence et création de valeur, thème sur lequel j'ai écrit plus d'un billet ici, et qui mène à des conclusions très opposées à celles du libéralisme, notamment parce qu'un vigoureux interventionnisme en découle.

      Je défends en économie un système hybride - à ma connaissance inédit - conjuguant l'économie de marché classique (avec un fort interventionisme) et un autre circuit indépendant formé de communautés inspirées du socialisme auto-gestionnaire (phalanstères, kibboutzim, etc.).

      On ne peut tabler sur les évangiles pour proposer des alternatives économiques : il faut une organisation concrète et une description des mécanismes de création de valeur et d'échange dans la société.

      Marc

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    13. @MR,

      On peut illustrer le problème de l'action dans le monde par le passage suivant de la Gîtâ :

      « Sache-le ô Arjuna aux-bras-puissants, celui qui n’abhorre ni ne convoite les fruits de ses actes connaît un renoncement immuable ; affranchi de la dualité, il dénoue facilement les liens qui le retiennent à la matière." (5.3)

      Je suis de moins en moins persuadé de la nécessité d'agir en politique, voire même dans le monde hors le cadre défini ci-dessus. Je me rappelle encore ceci, constituant peut-être ma seule limite à l'idée du "non-agir" :

      “L’action doit avoir un but précis, sinon elle se divise, elle se brouille, elle tourne mal et cause à la fin des dégâts irréparables. Les sages d’autrefois gardaient en eux le ressort de l’action, ils ne le laissaient pas à d’autres. Tant que tu n’es pas sûr de le détenir, ne te mêle pas de mettre fin aux méfaits d’un tyran !“ (Tchouang-tseu).

      Cordialement.

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  5. A tous : une grande partie de vos remarques trouve aussi des réponses dans la suite de l'article, Laurent ne pouvant le publier que par parties (je m'en excuse, je fais rarement dans le court).

    Vous pouvez donc soit attendre la suite de la publication pour poursuivre la discussion, soit aller directement à l'article complet sur mon blog si vous ne pouvez attendre ! :

    http://le-troisieme-homme.blogspot.fr/2015/07/pourquoi-les-theories-du-complot.html

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  6. "L'alternative que je défends est celle de la troisième espèce décrite dans l'expérience de Didier Desor, "le troisième homme", qui regagne son indépendance et sa liberté véritable."

    Alors là, vous avez écrit les 2 mots qui valent tous les anathèmes ici, liberté et indépendance.

    Ceci dit, vous pointez un réel problème, le savoir faire astucieux de types assez médiocres et pathétiques qui pompent littéralement l'effort et le travail de gens brillants et peu cupides.

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    1. @Anonyme 30 juillet 2015 21:49.

      Je n'ai pas noté que les mots de liberté et d'indépendance déclenchaient ici des anathèmes : ce n'est pas la première fois que je les emploie. En revanche, ce sont les mots qui ont été les plus détournés de leur sens depuis les 50 dernières années, au point d'accompagner nombre d'escroqueries intellectuelles.

      Concernant le "réel problème", c'est en réalité une véritable industrie, ainsi que le fonctionnement standard de n'importe quelle grande société aujourd'hui. Les petites sont un peu plus épargnées, ne pouvant se permettre de jouer à ces jeux stupides.

      Le mécanisme du "réel problème" est tout l'objet de mon livre "L'orque", dans lequel il fait l'objet d'une analyse très détaillée :

      http://www.amazon.fr/dp/1500687499

      Le vol du travail et des compétence d'autrui a atteint un stade industriel par le détournement de l'organisation matricielle, une bonne idée initialement qui a en revanche ouvert une brèche à des personnalités médiocres mais rouées. Une stratégie gagnante permet d'atteindre ainsi les plus hautes responsabilités sans que cela n'ait plus rien à voir avec les compétences ni l'esprit d'entreprise.

      Je ne compte plus les articles dans les revues de management anglo-saxonnes qui traitent de ce sujet : celles-ci étant très attachées au bon fonctionnement du capitalisme, elles s'inquiètent bien avant nous d'une véritable perversion de celui-ci qui en sape tous les fondements. L'excellent "Snakes in Suits", paru en 2006, avait déjà bien identifié le problème.

      Le sujet n'est donc pas nouveau. L'originalité de "L'orque" est d'offrir une vision de l'intérieur, moi-même étant homme d'entreprise. Pour cette raison, et sans prétention excessive, je pense avoir démonté le mécanisme d'usurpation du mérite avec une précision jamais atteinte, clinique.

      Marc


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  7. Oui, ça correspond à ce que moi même et d'autres collègues avons observé.

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